11 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 décembre 1789.] royaume, par une question qui nous a été faite par quelques honorables membres, Un témoin est domicilié hors le ressort du juge, le lieu de son domicile est très-éloigné, il est hors d’état de pouvoir se transporter; enfin, il est même domicilié en pays étranger. Dans tous ces cas, l’usage était de donner une commission rogatoire au juge du domicile, ou une commission in partibus , quand le témoin était domicilié hors du royaume, pour faire le récolement, afin de se dispenser de l’obligation de transférer l’accusé. On demande comment on procédera aujourd’hui, dans ce cas, au récolement qui doit être fait en présence de l’accusé. La même question s’applique à la confrontation et aux additions d’information, procès-verbaux de' visites, et autres actes de l’instruction qui peuvent suivre ce décret. Votre comité a pensé que vous pourriez permettre au juge de l’instruction, suivant les circonstances, ou de faire transporter l’accusé dans les prisons du juge auquel il adressera la commission rogatoire, ou de donner à ce juge commission pour entendre ou récoler le témoin, auquel cas la déposition et le récolement se feront publiquement et en présence d’un fondé de procuration de l’accusé, s’il l’a requis. Cette seconde forme serait la seule praticable dans le cas où le témoin, domicilié en pays étranger, ne pourrait pas se transporter. Dans le cas où le témoin serait domicilié en France, le juge aurait le choix des deux formes, suivant la gravité du délit, et l’importance de la déposition. La règle générale serait toujours conservée, puisque l’instruction sera toujours publique et contradictoire avec l’accusé, au moins par un fondé de procuration. PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport du mémoire qui lui a été remis de la part, de M. le garde des sceaux, considérant combien il est important de ne laisser aucun doute, quelque peu fondé qu’il soit, sur les formes d’une procédure qui peut compromettre l’honneur et la vie des citoyens, a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. Les adjoints ne doivent point être appelés au rapport des jugements sur lesquels interviendront les décrets, ni aucun autre jugement quelconque. Art. 2. L’assistance des adjoints aux actes d’instruction cessera aussitôt qu’il y aura un décret prononcé contre un accusé, ou des accusés, soit que l’accusé ou les accusés aient comparu sur le décret ou non, soit qu’il y ait une partie des accusés qui aient comparu, ou que tous soient contumax, soit qu’après avoir comparu, l’accusé ou l’un d’eux, ou tous se soient évadés, soit enfin qu’incidemment à un procès commencé contre des accusés présents, il y ait lieu à recevoir incidemment une plainte, et à informer contre un tiers dénoncé comme complice : dans tous ces cas, l’instruction continuera d’être faite, ou sera faite publiquement après le premier décret ; et au surplus, la procédure de contumace, jusqu’à ce qu’il ait été autrement ordonné, sera instruite en la forme prescrite par l’article 17 de l’ordonnance de 1670. Art. 3. Aussitôt que la liste des adjoints aura été déposée au gretfe du tribunal, le greffier avertira les notables qui y seront compris. Chacun d’eux sera tenu dans les 24 heures de l’avertissement de venir au greffe accepter sa nomination. Faute par l’adjoint d’avoir fait son acceptation dans ledit délai, il en sera sommé par un huissier à la requête du ministère public. Art. 4. L’adjoint, qui aura accepté sa nomination ne pourra refuser son ministère, lorsqu’il en sera requis par le plaignant ou par le jugé. Art. 5. Aucun citoyen actif ne pourra refuser d’accepter sa nomination, encore qu’il eût été déjà compris dans une liste précédente ; mais les corps municipaux auront l'attention de ne pas nommer trop souvent les mêmes personnes sans nécessité. Art. 6. L’adjoint requis par le juge, qui aura commencé d’assister à un acte, ou à quelques actes d’instruction, ne pourra refuser de continuer son ministère à l’acte commencé, ou aux actes relatifs à la même instruction, à moins qu’il ne propose un exoine légitime pour les actes subséquents. Art. 7. Si le refus, fait par l’adjoint de continuer son ministère était accompagné d’actes de violence, de scandales, ou d’autres circonstances capables de produire une offense à la justice, ou une émeute publique, l’adjoint pourra être poursuivi extraordinairement à la requête du ministère public. ” Art. 8. Le citoyen actif, qui aura refusé d’accepter sa nomination, sera rayé de la liste civique pour un an. Celui qui aura refusé de prêter son ministère, après avoir accepté sa nomination, sera rayé delà liste civique pour deux ans. Celui qui refusera de continuer son ministère à un acte commencé, ou aux actes relatifs à l’instruction du même procès, sera rayé de la liste civique pour trois ans; il pourra même en être rayé pour toujours, si le refus est accompagné d’actes de violence, ou qui aient produit un scandale ou une émeute publique. Art. 9. La radiation de la liste civique, dans tous les cas où elle sera encourue, pourra être ordonnée par le juge au greffe duquel la liste aura été déposée, ou par le juge saisi de l’instruction. L’ordonnance sera signifiée à l’adjoint et au corps municipal, et affichée à la porte de l’auditoire. Art. 10. L’adjoint, requis par le plaignant, sera averti verbalement par celui-ci; l’adjoint, requis par le juge, sera averti verbalement, par l’un des huissiers du siège, du lieu, jour et heure à laquelle il devra se rendre. En cas de non-comparution de l’adjoint, il lui sera fait une sommation par huissier, à la requête du plaignant, ou du ministère public, s'il a été requis par le juge, de comparaître à tel lieu, jour et heure; à défaut de la part de l’adjoint de se rendre aux lieu, jour et heure indiqués par la sommation, le juge pourra prononcer la peine encourue, selon les cas ci-dessus indiqués, sur le simple vu de la sommation et du certificat du greffier, de non-comparution, ou du procès-verbal qui aura donné défaut contre l’adjoint, d’après le rapport de l’huissier qui aura été chargé de l’avertir. Art. 11. A l’ouverture du procès-verbal du premier acte de l’instruction auquel comparaîtront des adjoints, le juge sera tenu : 1° De leur déclarer les noms, surnoms et qualités du plaignant ou des plaignants, ainsi que les noms, surnoms de l’accusé, ou des accusés, s’ils se trouvent dénommés dans la plainte; 2° De les avertir qu’ils doivent s’abstenir et se récuser eux-mêmes, s’il sont parents de l’une ou de l’autre des parties, au degré du père et du fils, beau-père, gendre ou bru, frèrey oncle ou ne- 12 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 décembre 1789.1 veu, même s’ils se reconnaissaient dans quel» ques-uns des cas qui pourraient les rendre suspects à l’une ou l’autre des parties. Art. 12. Si l’accusé, ou les accusés, ne se trouvent point dénommés dans la plainte, le juge avertira les adjoints qu’ils doivent s’abstenir et se récuser eux-mêmes, aussitôt que les actes de l’instruction leur auront fait connaître les noms de l’accusé ou des accusés, s’ils se trouvent à leur égard dans l’un des cas indiqués en l’article précédent. Art. 13. Les adjoints seront tenus de donner sur les avertissements qui leur auront été faits, leur réponse affirmative ou négative; et il sera fait mention spéciale au procès-verbal de l’avertissement du juge, à peine de nullité. Art. 14. Sur la déclaration de l’adjoint et la réponse des adjoints, le juge prononcera, sans qu’il soit besoin des conclusions du ministère public, s’il y a lieu de retenir ou d’excuser les adjoints. Art. 15. L’adjoint qui, sur l’avertissement du juge, aura fait une fausse déclaration, sera tenu des dommages et intérêts, ainsi, et envers qui il appartiendra, si l’acte ou les actes d’instruction auxquels il aura assisté viennent à être rejetés du procès sur une des causes qui auraient dû le faire abstenir ; mais l’acte, ou les actes auxquels il aura assisté ne pourront être déclarés nuis, ainsi que ce qui s’en sera suivi, sur le seul fondement que les adjoints ou l’un d’eux n’auront pas déclaré la cause qui aurait dû les porter à se récuser. Il est laissé à la prudence des juges d’avoir à ces actes tel égard que de raison. Art. 16. Lorsqu’un acte d’instruction ne se fera que par le juge seul accompagné du greffier, les adjoints qui y assisteront prendront séance aux deux côtés du juge au même bureau ; si l’acte se fait en la chambre, le tribunal assemblé, les adjoints prendront séance au banc du ministère public et après lui. Art. 17. Le ministère des adjoints ne sera point nécessaire pour les plaintes que le ministère public rendra incidemment à une cause, ou à un procès civil ou criminel, par requête, ou par des conclusions verbales ou écrites. Art. 18. Tout citoyen actif, qui aura été nommé d’office par le juge, 'pour conseil d’un accusé, ou des accusés, ne pourra refuser de remplir cette fonction, s’il n’a une cause d’exoine légitime, et il sera tenu, dans les 24 heures de la signification qui lui aura été faite, de venir déclarer au greffe son acceptation, ou les motifs de son exoine. Art. 19. Le citoyen actif, nommé conseil, pourra proposer comme exoine valable et légitime, que l’état ou la profession qu’il a embrassée ne lui a pas permis d’acquérir les connaissances requises pour remplir efficacement cette fonction. Art. 20. Celui qui aura accepté la qualité de conseil, qui lui aura été déférée par le juge, ne pourra s’en démettre sans le consentement de l’accusé ou sans cause légitime. Il sera tenu d’en remplir fidèlement les fonctions, et notamment d’assister au jugement du procès, et d’y proposer les moyens de défense de l’accusé; mais il lui sera permis de déclarer qu’il n’en a trouvé aucun, si sa conscience et sa conviction personnelle le lui persuadent. Art. 21. Le citoyen, qui n’aura point accepté dans le délai ci-dessus prescrit la qualité de conseil à lui déférée par le juge, ou qui n’aura point proposé son exoine, pourra être rayé pour un an de la liste civique, et cette radiation sera prononcée par le juge, signifiée et affichée en la forme ci-dessus prescrite à l’égard des adjoints. Art. 22. Celui qui, après avoir accepté la qualité de conseil, en aura négligé les fonctions, et notamment d’assister au rapport et au jugement, sans avoir justifié d’un exoine légitime, sera rayé pour 2 ans de la liste civique; cette radiation pourra être prononcée par le juge sur le simple vu du procès-verbal qui constatera son absence, et l’ordonnance sera signifiée et affichée ainsi qu’il a été dit à l’égard des adjoints. Art. 23. L’accusé, ou les accusés, qui auront requis le juge de leur nommer un conseil, ne pourront refuser celui ou ceux qui leur auront été désignés. Art. 24. Il ne sera donné aucun conseil à l’accusé ou aux accusés coutumax ou absents. Art. 25. Le rapport des procès, instruits par coutumace, sera fait publiquement, et le jugement sera aussi prononcé publiquement. Art. 26. Lorsqu’il y aura plusieurs co-accusés qui auront requis que la copie des pièces de la procédure leur soit délivrée sans frais, il ne sera délivré par le greffier qu’une seule copie pour tous, laquelle sera remise au conseil, ou à l’un des conseil des accusés. Art. 27. Lorsqu’il y aura plusieurs accusés, chacun d’eux sera interrogé séparément, et il ne sera point donné copie des interrogatoires subis par les autresà ceuxqui seront interrogés les derniers, si ce n’est après qu’ils auront eux-mêmes subi leur interrogatoire. Art. 28. Le premier interrogatoire que subira celui qui aura été arrêté à la clameur publique, ne sera point fait publiquement ; il en sera de même de l’information qui précédera le décret, laquelle, ainsi que ledit interrogatoire, sera faite en présence de deux adjoints ou de deux principaux habitants, dans le cas indiqué en l’article 8 du décret des 8 et 9 octobre; pourront néanmoins les procédures qui auront été commencées publiquement, dans le cas du présent article, être continuées en la même forme. Art. 29. L’article 21 du décret des 8 et 9 octobre sera exécuté selon sa forme et teneur; en conséquence le conseil de l’accusé, ou des accusés, aura toujours la parole après les conclusions données par le ministère public, et le dernier interrogatoire prêté. Art. 30. L’article 12 du susdit décret sera pareillement exécuté selon sa forme et teneur; en conséquence il ne sera exigé aucun serment de l’accusé lors de son interrogatoire, encore que ses réponses contiennent charges contre ses prétendus complices, sans préjudice de l’effet que ces réponses peuvent produire de droit, et suivant leur nature , et les autres preuves existantes au procès. Art. 31. Les procédures, antérieures au présent décret, qui ne contiendront aucune contrava-vention aux dispositions de celui des 8 et 9 octobre, ou à celles non abrogées de l’édit de 1670, et des autres édits, déclarations et règlements relatifs à la procédure criminelle, ne pourront être attaquées de nullité, sous le seul prétexte qu’ils ne se trouveraient point conformes aux dispositions du présent décret. M. le Président lève la séance après avoir indiqué celle de samedi, 26 décembre, pour l’heure ordinaire.