552 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Convention, et même de le supprimer s’il leur semblait dangereux) (l). L’assemblée jugerait mal les événements et la position dans laquelle elle se trouve, si elle se dissimulait qu’elle est entre deux égorgements. Elle périra si elle est faible. (Non, non ! s’écrient tous les membres en se levant à la fois et agitant leurs chapeaux. Les spectateurs répondent par des applaudissements et des cris de vive la Convention ! vive le comité de salut public /). Lebas demande la parole; on lui observe qu’elle appartient à Billaud-Varenne; il insisté et cause du trouble. DELMAS : Je demande que Lebas soit rappellé à l’ordre. Cette proposition est décrétée. Lebas insiste de nouveau. Tous les membres : Qu’il obéisse au décret, ou à l’Abbaye. BILLAUD : Je demande moi-même que tous les hommes s’expliquent dans cette assemblée. On est bien fort quand on a pour soi la justice, la probité et les droits du peuple. Vous frémirez d’horreur quand vous saurez la situation où vous êtes, quand vous saurez que la force armée est confiée à des mains parricides ; quand vous saurez que le chef de la garde nationale a été dénoncé au comité de salut public par le tribunal révolutionnaire comme un complice d’Hébert et un conspirateur infâme. Vous frémirez d’horreur quand vous saurez que ceux qui accusent le gouvernement de placer à la tête de la force armée des conspirateurs et des nobles, sont ceux qui nous ont forcé la main pour y mettre les seuls nobles qui y existent; et Lavallette, conspirateur à Lille, en est une preuve. Vous frémirez quand vous saurez qu’il est un homme qui, lorsqu’il fut question d’envoyer des représentants du peuple dans les départements, ne trouva pas sur la liste qui lui fut présentée vingt membres de la Convention qui fussent dignes de cette mission. (L’assemblée murmure d’indignation). Je dirai plus, on s’est plaint que les patriotes étaient opprimés. Certes, vous aurez une bien étrange idée de la dénonciation quand vous saurez que celui de qui elle part a fait arrêter le meilleur comité révolutionnaire de Paris, celui de la section de l’Indivisibilité, quoiqu’il n’y eût que deux de ses membres qui fussent dénoncés. (Nouveaux murmures). Quand Robespierre vous dit qu’il s’est éloigné du comité parce qu’il y était opprimé, il a soin de ne pas vous faire tout connaître ; il ne vous dit pas que c’est parce qu’ayant fait dans le comité sa volonté pendant six mois, il y a trouvé de la résistance au moment où, seul, il a voulu faire rendre le décret du 22 prairial; ce décret qui dans les mains impures qu’il avait choisies, pouvait être si funeste aux patriotes. (Les murmures d’indignation continuent). Sachez, citoyens, qu’hier, le président du tribunal révolutionnaire a proposé ouvertement aux Jacobins de chasser de la Convention tous les hommes impurs, c’est-à-dire tous ceux qu’on veut sacrifier; mais le peuple est là, et les patriotes sauront mourir pour sauver la liberté (Oui, oui ! s’écrient tous les membres. - Vifs applaudissements). (l) Selon Mess. Soir (n° 707), Ann. patr., (n° DLXXIV) et J. Lois (n° 667), des cris de « C’est un traître ! c’est un traître ! » furent proférés à l’adresse de St-Just à ce passage du discours. Je le répète, nous mourrons tous avec honneur, car je ne crois pas qu’il y ait ici un seul représentant qui voulût exister sous un tyran. (Non, non ! s’écrie-t-on de toutes parts ; périssent les tyrans ! - Les applaudissements se prolongent). Les hommes qui parlent sans cesse de justice et de vertu à la Convention ou aux Jacobins, sont ceux qui la foulent aux pieds quand ils le peuvent; en voici la preuve. Un secrétaire du comité de salut public avait volé 114,000 liv. J’ai demandé son arrestation, et Robespierre, qui parle sans cesse de justice et de vertu, est le seul qui l’ait empêché d’être arrêté. (Nouveau mouvement d’indignation). Il est, citoyens, mille autres faits que je pourrais citer; et c’est nous qu’il accuse ! Quoi ! des hommes qui sont isolés, qui ne connaissent personne, qui passent les nuits et les jours au comité de salut public, qui organisent les victoires, ces hommes seraient des conspirateurs ! et ceux qui n’ont abandonné Hébert que quand il ne leur a plus été possible de le favoriser seront des hommes vertueux ! La première fois que je dénonçai Danton au comité, Robespierre se leva comme un furieux, en disant qu’il voyait mes intentions, que je voulais perdre les meilleurs patriotes. Tout cela m’a fait voir l’abîme creusé sous nos pas. Il ne faut point hésiter à le combler de nos cadavres ou à triompher des traîtres. On voulait détruire, mutiler la Convention, et cette intention était si réelle qu’on avait organisé un espionnage des représentants du peuple qu’on voulait égorger. Il est infâme de parler de justice et de vertu quand on les brave et quand on ne s’exhale que lorsqu’on est arrêté ou contrarié. Robespierre s’élance à la tribune. Un grand nombre de voix : A bas, à bas le tyran ! (l) B BILLAUD-VARENNE : Les hommes que la Convention vient de frapper ne sont pas ceux qui méritent le plus son indignation. Il est un nommé Boulanger, conspirateur avec Hébert, qui s’est ouvertement prononcé, à l’époque de la conspiration de celui-ci, aux Cordeliers. Cet homme a aussi conspiré avec Dumouriez; il était l’ami de Danton; et c’est Dumas qui l’avait jeté hier au milieu des Jacobins pour empêcher Collot d’Herbois de parler. C’est ce Dumas qui, après avoir ameuté des contre-révolutionnaires, voulait faire regarder Collot comme un conspirateur, afin qu’il ne pût déchirer le voile; ce Dumas, dont toute la famille est émigrée, qui est accusé d’avoir soupé avec son frère la veille de son émigration, et contre lequel il y a aux Jacobins des preuves de la perfidie la plus atroce ! Je demande donc l’arrestation de Dumas, de Boulanger, de Du-frenne. L’arrestation est décrétée. (On applaudit). DELMAS : D’après les faits qui viennent d’être dénoncés, il est impossible de ne pas croire qu’Han-riot ait eu l’adresse de s’entourer de conspirateurs. Ses adjudants et ses aides-de-camp doivent être infiniment suspects. J’en demande l’arrestation. (l) Moniteur (réimpr.), XXI, 332; Débats, 165-167; J. Mont., n° 93. Voir P.V., nos 1, 2, 3 et 4. 552 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Convention, et même de le supprimer s’il leur semblait dangereux) (l). L’assemblée jugerait mal les événements et la position dans laquelle elle se trouve, si elle se dissimulait qu’elle est entre deux égorgements. Elle périra si elle est faible. (Non, non ! s’écrient tous les membres en se levant à la fois et agitant leurs chapeaux. Les spectateurs répondent par des applaudissements et des cris de vive la Convention ! vive le comité de salut public /). Lebas demande la parole; on lui observe qu’elle appartient à Billaud-Varenne; il insisté et cause du trouble. DELMAS : Je demande que Lebas soit rappellé à l’ordre. Cette proposition est décrétée. Lebas insiste de nouveau. Tous les membres : Qu’il obéisse au décret, ou à l’Abbaye. BILLAUD : Je demande moi-même que tous les hommes s’expliquent dans cette assemblée. On est bien fort quand on a pour soi la justice, la probité et les droits du peuple. Vous frémirez d’horreur quand vous saurez la situation où vous êtes, quand vous saurez que la force armée est confiée à des mains parricides ; quand vous saurez que le chef de la garde nationale a été dénoncé au comité de salut public par le tribunal révolutionnaire comme un complice d’Hébert et un conspirateur infâme. Vous frémirez d’horreur quand vous saurez que ceux qui accusent le gouvernement de placer à la tête de la force armée des conspirateurs et des nobles, sont ceux qui nous ont forcé la main pour y mettre les seuls nobles qui y existent; et Lavallette, conspirateur à Lille, en est une preuve. Vous frémirez quand vous saurez qu’il est un homme qui, lorsqu’il fut question d’envoyer des représentants du peuple dans les départements, ne trouva pas sur la liste qui lui fut présentée vingt membres de la Convention qui fussent dignes de cette mission. (L’assemblée murmure d’indignation). Je dirai plus, on s’est plaint que les patriotes étaient opprimés. Certes, vous aurez une bien étrange idée de la dénonciation quand vous saurez que celui de qui elle part a fait arrêter le meilleur comité révolutionnaire de Paris, celui de la section de l’Indivisibilité, quoiqu’il n’y eût que deux de ses membres qui fussent dénoncés. (Nouveaux murmures). Quand Robespierre vous dit qu’il s’est éloigné du comité parce qu’il y était opprimé, il a soin de ne pas vous faire tout connaître ; il ne vous dit pas que c’est parce qu’ayant fait dans le comité sa volonté pendant six mois, il y a trouvé de la résistance au moment où, seul, il a voulu faire rendre le décret du 22 prairial; ce décret qui dans les mains impures qu’il avait choisies, pouvait être si funeste aux patriotes. (Les murmures d’indignation continuent). Sachez, citoyens, qu’hier, le président du tribunal révolutionnaire a proposé ouvertement aux Jacobins de chasser de la Convention tous les hommes impurs, c’est-à-dire tous ceux qu’on veut sacrifier; mais le peuple est là, et les patriotes sauront mourir pour sauver la liberté (Oui, oui ! s’écrient tous les membres. - Vifs applaudissements). (l) Selon Mess. Soir (n° 707), Ann. patr., (n° DLXXIV) et J. Lois (n° 667), des cris de « C’est un traître ! c’est un traître ! » furent proférés à l’adresse de St-Just à ce passage du discours. Je le répète, nous mourrons tous avec honneur, car je ne crois pas qu’il y ait ici un seul représentant qui voulût exister sous un tyran. (Non, non ! s’écrie-t-on de toutes parts ; périssent les tyrans ! - Les applaudissements se prolongent). Les hommes qui parlent sans cesse de justice et de vertu à la Convention ou aux Jacobins, sont ceux qui la foulent aux pieds quand ils le peuvent; en voici la preuve. Un secrétaire du comité de salut public avait volé 114,000 liv. J’ai demandé son arrestation, et Robespierre, qui parle sans cesse de justice et de vertu, est le seul qui l’ait empêché d’être arrêté. (Nouveau mouvement d’indignation). Il est, citoyens, mille autres faits que je pourrais citer; et c’est nous qu’il accuse ! Quoi ! des hommes qui sont isolés, qui ne connaissent personne, qui passent les nuits et les jours au comité de salut public, qui organisent les victoires, ces hommes seraient des conspirateurs ! et ceux qui n’ont abandonné Hébert que quand il ne leur a plus été possible de le favoriser seront des hommes vertueux ! La première fois que je dénonçai Danton au comité, Robespierre se leva comme un furieux, en disant qu’il voyait mes intentions, que je voulais perdre les meilleurs patriotes. Tout cela m’a fait voir l’abîme creusé sous nos pas. Il ne faut point hésiter à le combler de nos cadavres ou à triompher des traîtres. On voulait détruire, mutiler la Convention, et cette intention était si réelle qu’on avait organisé un espionnage des représentants du peuple qu’on voulait égorger. Il est infâme de parler de justice et de vertu quand on les brave et quand on ne s’exhale que lorsqu’on est arrêté ou contrarié. Robespierre s’élance à la tribune. Un grand nombre de voix : A bas, à bas le tyran ! (l) B BILLAUD-VARENNE : Les hommes que la Convention vient de frapper ne sont pas ceux qui méritent le plus son indignation. Il est un nommé Boulanger, conspirateur avec Hébert, qui s’est ouvertement prononcé, à l’époque de la conspiration de celui-ci, aux Cordeliers. Cet homme a aussi conspiré avec Dumouriez; il était l’ami de Danton; et c’est Dumas qui l’avait jeté hier au milieu des Jacobins pour empêcher Collot d’Herbois de parler. C’est ce Dumas qui, après avoir ameuté des contre-révolutionnaires, voulait faire regarder Collot comme un conspirateur, afin qu’il ne pût déchirer le voile; ce Dumas, dont toute la famille est émigrée, qui est accusé d’avoir soupé avec son frère la veille de son émigration, et contre lequel il y a aux Jacobins des preuves de la perfidie la plus atroce ! Je demande donc l’arrestation de Dumas, de Boulanger, de Du-frenne. L’arrestation est décrétée. (On applaudit). DELMAS : D’après les faits qui viennent d’être dénoncés, il est impossible de ne pas croire qu’Han-riot ait eu l’adresse de s’entourer de conspirateurs. Ses adjudants et ses aides-de-camp doivent être infiniment suspects. J’en demande l’arrestation. (l) Moniteur (réimpr.), XXI, 332; Débats, 165-167; J. Mont., n° 93. Voir P.V., nos 1, 2, 3 et 4. SÉANCE DU 9 THERMIDOR AN II (MATIN) (27 JUILLET 1794) - C 553 Cette proposition est décrétée. (On applaudit). Robespierre insiste pour avoir la parole. A bas, à bas le tyran ! lui crient de nouveau tous les membres. Plusieurs voix : Barère ! Barère ! ROBESPIERRE : Je demande la parole. Les mêmes membres : Non, à bas le tyran ! (l). C On reprend la discussion. VADIER : Jusqu’au 22 prairial je n’avais pas ouvert les yeux sur ce personnage astucieux qui a su prendre tous les masques, et qui, lorsqu’il n’a pas su sauver ses créatures, les a envoyées lui-même à la guillotine. Personne n’ignore qu’il a défendu ouvertement Bazire, Chabot et Camille Desmoulins, et qu’il a déversé l’ignominie sur le rapport du comité de sûreté générale. Le 22 prairial, le tyran (pour moi, c’est le nom que je lui donne) (vifs applaudissements) a rendu lui-même une loi qui institue le tribunal révolutionnaire : il l’a composé de sa main; il a chargé le vigilant Couthon d’apporter ce décret à la Convention et de le faire passer, même sans l’avoir lu. Il se plaint de ce qu’on opprime les patriotes. C’est à lui, au contraire, que s’applique ce reproche, lui qui a fait incarcérer le comité révolutionnaire le plus pur de Paris; lui qui, pour opérer les arrestations qu’il désirait, a institué sa police générale. Le comité de gouvernement qui dirige les armées a fait son devoir, et les victoires que la république remporte sont aussi le fruit de la compression des ennemis de l’intérieur, et cette compression est l’ouvrage du comité de sûreté générale. Savez-vous pourquoi il l’a calomnié ? c’était pour diviser les deux comités, pour étouffer l’opinion, pour empêcher qu’aucun patriote ne parlât et ne s’élevât contre la tyrannie. Si ce tyran s’adresse particulièrement à moi, c’est parce que j’ai fait sur le fanatisme un rapport qui ne lui a pas plu : en voici la raison. Il y avait sous les matelas de la mère de Dieu une lettre adressée à Robespierre. Cette lettre lui annonçait que sa mission était prédite dans Ezé-chiel; que c’était à lui qu’on devrait le rétablissement de la religion qu’il débarrassait des prêtres. On lui faisait l’honneur d’un culte nouveau. Dans les documents que j’ai reçus depuis se trouve une lettre d’un nommé Chénon, notaire à Genève, qui est à la tête des illuminés. Il propose à Robespierre une constitution surnaturelle. (On rit). (l ) Moniteur (réimpr.), XXI, 333; Débats, 168; J. Mont., n° 93. Trois gazettes introduisent, à ce moment-là, un court débat sur la défense : « Couturier : « il faut nommer un commandant provisoire ; il ne faut pas abandonner la force armée à elle-même ». Vadier demande que Here-mard soit fait commandant des forces à cheval. - Robespierre veut parler. - A bas le tyran » (Ann. patr. , n° DLXXIV) ; dans J. Sablier (n° 1463), la première proposition est attribuée à Battellier. Hérart est proposé pour le commandement ; pour Rép. (Suppl1 au n° 220), l’auteur de la proposition est Fréron. Selon les deux dernières gazettes, Billaud-Varenne aurait répondu en demandant une alternance dans le commandement. Voir P.V., n° 3. Croiriez-vous qu’après le décret que vous avez rendu à la suite de mon rapport, il a plu à Robespierre, de sa pleine puissance et autorité, de dire à l’accusateur public : « Vous ne jugerez pas cette drogue ». Il m’est revenu avec les pièces du procès un dossier d’autres pièces qui disent que cette femme est une vieille folle qui a été renfermée à la Salpétrière pour avoir toujours fait la même chose : cependant cette femme, qu’on regardait comme un mannequin, était toujours chez la ci-devant duchesse de Bourbon; et pour vous prouver combien cet homme tyrannisait l’accusateur public, il suffit de vous apprendre que celui-ci vint chez moi me dire qu’il ne pouvait parvenir à faire juger cette affaire. BOURDON (de l’Oise) : Robespierre a empêché depuis le 20 frimaire, l’exécution du décret d’accusation contre La Valette, et il a sacrifié six patriotes de Lille (l). VADIER : A entendre Robespierre, il est le défenseur unique de la liberté; il en désespère, il va tout quitter; il est d’une modestie rare (on rit), et il a pour refrein perpétuel : « Je suis opprimé, on m’interdit la parole; et il n’y a que lui qui parle utilement, car sa volonté est toujours faite. Il dit : « Un tel conspire contre moi, qui suis l’ami par excellence de la République ; donc il conspire contre la République ». Cette logique est neuve. Il avait encore un autre moyen de vexer les patriotes. Il donnait à plusieurs députés un espion. pour mon compte, il m’avait attaché un nommé Taschereau, qui était pour moi d’une attention et d’une complaisance rares. Il me suivait partout, même jusqu’aux tables où j’étais invité, sans qu’on l’y appelât. Ce Taschereau savait par cœur et me répétait sans cesse tous les discours de Robespierre. Lorsque je sus que les parents des détenus tenaient chez lui anti-chambre, je lui défendis de venir chez moi; pour s’en venger, il dénonça et fit arrêter un homme qui me voulait du bien. Voilà comme s’arrangent ces bons patriotes. (On rit) (2). [Robespierre demande la parole. Plusieurs voix : on n’entend pas les conspirateurs. Robespierre : je réclame ! - A bas le tyran (3)]. TALLIEN : Je demande la parole pour ramener la discussion à son vrai point. (l) Dans une lettre du 12 therm. au Moniteur, Lesage-Senault fait la mise au point suivante : « Il importe peu sans doute, citoyen, à la chose publique que ce soit tel ou tel membre qui ait émis son opinion ou rapporté des faits à la Convention; mais ce qu’il importe le plus, c’est qu’ils soient rapportés fidèlement. J’ai dit, et non pas Bourdon (de l’Oise), dans la séance du 9 thermidor, que Robespierre avait de son autorité privée, paralysé le décret du 28 frimaire, qui traduisait Lavallette, Dufraisse et ses complices au tribunal révolutionnaire ; qu’il avait voulu sacrifier cinq patriotes de Lille, présidents de sections, au même tribunal, et qu’il était le plus scélérat des hommes. Voilà, citoyen, ce que je te prie de restituer dans ton prochain numéro ». Lesage-Senault (2) Mon., XXI, 334-335; Débats, nos 675, 676, p. 173- 174; J. Mont., n° 93 bis; J. Fr., nos 671, 672; C. Eg., nos 708, 709; J. Sablier, nos 1463, 1464; F.S.P., n° 388; J. S.- Culottes, nos 528, 529; J. Lois, n°668; M.U., XLII, 151- 152; C. Univ., n°939; J. Paris, n° 574. (3) C. Eg., n° 709; Ann. pair., n° DLXXIV. SÉANCE DU 9 THERMIDOR AN II (MATIN) (27 JUILLET 1794) - C 553 Cette proposition est décrétée. (On applaudit). Robespierre insiste pour avoir la parole. A bas, à bas le tyran ! lui crient de nouveau tous les membres. Plusieurs voix : Barère ! Barère ! ROBESPIERRE : Je demande la parole. Les mêmes membres : Non, à bas le tyran ! (l). C On reprend la discussion. VADIER : Jusqu’au 22 prairial je n’avais pas ouvert les yeux sur ce personnage astucieux qui a su prendre tous les masques, et qui, lorsqu’il n’a pas su sauver ses créatures, les a envoyées lui-même à la guillotine. Personne n’ignore qu’il a défendu ouvertement Bazire, Chabot et Camille Desmoulins, et qu’il a déversé l’ignominie sur le rapport du comité de sûreté générale. Le 22 prairial, le tyran (pour moi, c’est le nom que je lui donne) (vifs applaudissements) a rendu lui-même une loi qui institue le tribunal révolutionnaire : il l’a composé de sa main; il a chargé le vigilant Couthon d’apporter ce décret à la Convention et de le faire passer, même sans l’avoir lu. Il se plaint de ce qu’on opprime les patriotes. C’est à lui, au contraire, que s’applique ce reproche, lui qui a fait incarcérer le comité révolutionnaire le plus pur de Paris; lui qui, pour opérer les arrestations qu’il désirait, a institué sa police générale. Le comité de gouvernement qui dirige les armées a fait son devoir, et les victoires que la république remporte sont aussi le fruit de la compression des ennemis de l’intérieur, et cette compression est l’ouvrage du comité de sûreté générale. Savez-vous pourquoi il l’a calomnié ? c’était pour diviser les deux comités, pour étouffer l’opinion, pour empêcher qu’aucun patriote ne parlât et ne s’élevât contre la tyrannie. Si ce tyran s’adresse particulièrement à moi, c’est parce que j’ai fait sur le fanatisme un rapport qui ne lui a pas plu : en voici la raison. Il y avait sous les matelas de la mère de Dieu une lettre adressée à Robespierre. Cette lettre lui annonçait que sa mission était prédite dans Ezé-chiel; que c’était à lui qu’on devrait le rétablissement de la religion qu’il débarrassait des prêtres. On lui faisait l’honneur d’un culte nouveau. Dans les documents que j’ai reçus depuis se trouve une lettre d’un nommé Chénon, notaire à Genève, qui est à la tête des illuminés. Il propose à Robespierre une constitution surnaturelle. (On rit). (l ) Moniteur (réimpr.), XXI, 333; Débats, 168; J. Mont., n° 93. Trois gazettes introduisent, à ce moment-là, un court débat sur la défense : « Couturier : « il faut nommer un commandant provisoire ; il ne faut pas abandonner la force armée à elle-même ». Vadier demande que Here-mard soit fait commandant des forces à cheval. - Robespierre veut parler. - A bas le tyran » (Ann. patr. , n° DLXXIV) ; dans J. Sablier (n° 1463), la première proposition est attribuée à Battellier. Hérart est proposé pour le commandement ; pour Rép. (Suppl1 au n° 220), l’auteur de la proposition est Fréron. Selon les deux dernières gazettes, Billaud-Varenne aurait répondu en demandant une alternance dans le commandement. Voir P.V., n° 3. Croiriez-vous qu’après le décret que vous avez rendu à la suite de mon rapport, il a plu à Robespierre, de sa pleine puissance et autorité, de dire à l’accusateur public : « Vous ne jugerez pas cette drogue ». Il m’est revenu avec les pièces du procès un dossier d’autres pièces qui disent que cette femme est une vieille folle qui a été renfermée à la Salpétrière pour avoir toujours fait la même chose : cependant cette femme, qu’on regardait comme un mannequin, était toujours chez la ci-devant duchesse de Bourbon; et pour vous prouver combien cet homme tyrannisait l’accusateur public, il suffit de vous apprendre que celui-ci vint chez moi me dire qu’il ne pouvait parvenir à faire juger cette affaire. BOURDON (de l’Oise) : Robespierre a empêché depuis le 20 frimaire, l’exécution du décret d’accusation contre La Valette, et il a sacrifié six patriotes de Lille (l). VADIER : A entendre Robespierre, il est le défenseur unique de la liberté; il en désespère, il va tout quitter; il est d’une modestie rare (on rit), et il a pour refrein perpétuel : « Je suis opprimé, on m’interdit la parole; et il n’y a que lui qui parle utilement, car sa volonté est toujours faite. Il dit : « Un tel conspire contre moi, qui suis l’ami par excellence de la République ; donc il conspire contre la République ». Cette logique est neuve. Il avait encore un autre moyen de vexer les patriotes. Il donnait à plusieurs députés un espion. pour mon compte, il m’avait attaché un nommé Taschereau, qui était pour moi d’une attention et d’une complaisance rares. Il me suivait partout, même jusqu’aux tables où j’étais invité, sans qu’on l’y appelât. Ce Taschereau savait par cœur et me répétait sans cesse tous les discours de Robespierre. Lorsque je sus que les parents des détenus tenaient chez lui anti-chambre, je lui défendis de venir chez moi; pour s’en venger, il dénonça et fit arrêter un homme qui me voulait du bien. Voilà comme s’arrangent ces bons patriotes. (On rit) (2). [Robespierre demande la parole. Plusieurs voix : on n’entend pas les conspirateurs. Robespierre : je réclame ! - A bas le tyran (3)]. TALLIEN : Je demande la parole pour ramener la discussion à son vrai point. (l) Dans une lettre du 12 therm. au Moniteur, Lesage-Senault fait la mise au point suivante : « Il importe peu sans doute, citoyen, à la chose publique que ce soit tel ou tel membre qui ait émis son opinion ou rapporté des faits à la Convention; mais ce qu’il importe le plus, c’est qu’ils soient rapportés fidèlement. J’ai dit, et non pas Bourdon (de l’Oise), dans la séance du 9 thermidor, que Robespierre avait de son autorité privée, paralysé le décret du 28 frimaire, qui traduisait Lavallette, Dufraisse et ses complices au tribunal révolutionnaire ; qu’il avait voulu sacrifier cinq patriotes de Lille, présidents de sections, au même tribunal, et qu’il était le plus scélérat des hommes. Voilà, citoyen, ce que je te prie de restituer dans ton prochain numéro ». Lesage-Senault (2) Mon., XXI, 334-335; Débats, nos 675, 676, p. 173- 174; J. Mont., n° 93 bis; J. Fr., nos 671, 672; C. Eg., nos 708, 709; J. Sablier, nos 1463, 1464; F.S.P., n° 388; J. S.- Culottes, nos 528, 529; J. Lois, n°668; M.U., XLII, 151- 152; C. Univ., n°939; J. Paris, n° 574. (3) C. Eg., n° 709; Ann. pair., n° DLXXIV.