572 [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 avril 1790. observations adressées par le premier ministre - des finances au comité des pensions, ordonne que ladite suspension n’aura lieu qu’à l’égard des paiements qui n’étaient pas effectués à l’époque du 26 mars ; et qu’en conséquence il [sera ajouté au décret ces mots : paiements non effectués avant ce jour. M. le marquis d’Estourmel propose par amendement que les pensions au-dessus de 600 livres, affectées sur les fonds de la loterie, soient entièrement supprimées. M. Fréteau appuie les décrets proposés par M. Camus au nom du comité des pensions et en demande l’adoption pure et simple. M. le Président met successivement aux voix le premier décret, les motifs de ce décret, enfin le deuxième décret. Les décrets et les motifs sont adoptés. M. l’abbé Gouttes fait un rapport, au nom du comité de liquidation, par lequel il propose d’excepter de Y arriéré les dépenses de l’artillerie et du génie. Ces dépenses ne peuvent quelquefois être arrêtées qu’un an ou deux ans après que les travaux ont été commencés, et cependant les entrepreneurs ne pourraient plus faire face aux dépenses courantes et payer leurs ouvriers, si ou ne continuait pas de leur donner des acomptes, comme par le passé. Pour l’artillerie, l’arriéré de 1787 et 1788 est de 180,000 livres ; celui de 1789 n’est pas encore arrêté. Pour le génie, l’arriéré se monte à 1,200,000 livres. Le comité de liquidation croit que ces dettes doivent être regardées comme dettes courantes, parce que si l’on refuse de l’argent aux entrepreneurs, ils seront forcés de suspendre leurs travaux, et la multitude d’ouvriers qu’ils cesseront d’occuper, pourra se porter à des excès dangereux. M. le marquis d’Estourmel demande que l’article 7 du décret du 22 janvier dernier soit expressément rappelé dans la décision qui sera prise. Cet amendementest adopté, il est fondu dans le projet du comité de liquidation et le décret est rendu dans les termes suivants : DÉCRET. L’Assemblée nationale décrète : 1° que le ministre de la guerre et celui de la marine sont autorisés à faire payer comme dépenses courantes aux entrepreneurs du génie et de l’artillerie, les sommes qui leur sont dues pour les ouvrages commandés en 1787, 1788, 1789, et qui u’ont été achevés ou reçus qu’en 1790; 2° que les ministres et ordonnateurs exécuteront, au plus tôt, l’article 7 du décret du 22 janvier, qui ordonne qu’ils transmettront, au plus tard dans un mois, un état, certifié véritable, de toutes dépenses arriérées de leurs départements. M. l’abbé Gouttes, au nom du comité de liquidation, communique à l’Assemblée une lettre du ministre de la guerre, par laquelle il est annoncé que les officiers et bas -officiers du régiment des gardes-françaises, conservés en activité de service par une ordonnance du roi du 31 août 1789, n'ont pas encore reçu leur traitement pour les quatre derniers mois de ladite année ; que le ministre a des fonds pour cet effet, mais qu’il ne veut pas en disposer sans y être autorisé par l’Assemblée ; il représente que les bas-officiers en ont un pressant besoin et que des officiers ont placé jusqu’à8ü,000 livres pourparve-nir au grade de capitaine. M. Rewbell propose une disposition portant que le décret sera uniquement applicable aux officiers et bas-officiers qui ne se trouvent pas employés dans d’autres corps. M. l’abbé Gouttes, rapporteur, déclare accepter l’amendement. M. le Président consulte l’Assemblée qui rend le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que le ministre de la guerre est autorisé à payer aux officiers et bas-officiers des gardes-françaises, non employés dans d’autres corps, les appointements des quatre derniers mois de l’année 1789, qui leur sont conservés par l’ordonnance du 31 août de la même année. » M. Cigongne, député de Saumur , présente une adresse de la commune de cette ville qui offre sa soumission pour se rendre adjudicataire de biens ecclésiastiques et domaniaux pour la somme de 3,000,000 de livres, Cette adresse est renvoyée aux commiss aires nommés pour traiter à ce sujet avec les municipalités. M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur l'organisation judiciaire , et le point de décider en ce moment est relatif d V établissement des jurés. M. Régnier. Comment peut-on sérieusement prétendre que l’institution des jurés soit décrétée comme principe général, tandis qu’on ne sait pas si elle sera possible? Gardez-vou3 bien de vous exposer aux reproches des siècles à venir, en décrétant un principe d’une exécution impraticable. Celui qui vous a fait une telle proposition a supposé qu’il n’y a que très peu de difficultés à l’établissement des jurés. 11 vous a dit que s’ils n’étaient pas établis au civil, la liberté serait compromise. Il n’est pas de Français qui ne soit idolâtre de la liberté, et si l’assertion que je combats était juste, je serais le premier à la soutenir. Mais en quoi la liberté politique serait-elle compromise? 11 ne s’agit plus de ces grands corps si ambieux, si dangereux, si despotes; ils ont disparu devant vos décrets. Vous n’aurez que des juges peu nombreux, trop faibles pour vouloir faire le mal, trop sévèrement surveillés pour y réussir. Lorsque je considère comment vous les avez environnés, je relègue dans le pays des terreurs paniques toutes les observations timides ou exagérées qu’on vous a présentées. N’aurez-vous pas contre le juge égaré, contre le juge en démence qui voudrait attaquer la liberté politique, tous les enfants de la liberté et de la constitution, l’Assemblée nationale permanente, les municipalités, les administrations de district, de département, et les milices nationales? — Voyons ensuite si la liberté individuelle, sans laquelle la liberté politique n’est qu’une chimère, courra quelques dangers. Quels seront les juges? Le peuple les choisira; il fera tomber son choix sur celui qui joindra aux talents les vertus populaires du citoyen. Le juge sera citoyen; les fonctions qui lui seront confiées renferment-elles donc un subtil poison [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 avril 1790.] 373 qui puisse tout à coup le rendre méchant ou traître ? Il ne faut pas faire des suppositions déshonorantes pour l’humanité. On prétend qu’il y a une parité complète entre les affaires civiles et les affaires criminelles. Y a-t-il un délit? quel est le coupable? les preuves sont-elles concluantes? Voilà ce que doit examiner l’expert en matière criminelle. Mais quelle différence en matière civile ! Dans tous les actes, dans toutes les espèce de contrats, il se trouve très souvent des clauses sur la signitication desquelles les hommes sont divisés : voilà l’origine des procès civils. Les citoyens qui se sont consacrés dès l’enfance, et qui ont passé toute leur vie à étudier les intérêts des hommes, craignent encore de n’être pas justes; et des jurés, tout neufs pour les affaires, croiraient pouvoir juger des contestations difficiles sans autre règle que le bon sens!... L’établissement des jurés est, dit-on, une base de là constitution : eh bien! reconnaissez cette base, vous le pouvez sans inconvénient, en vous y prenant ainsi. Voici la première question : Y aura-t-il des jurés? Décrétez l’affirmative; le principe constitutionnel sera établi. Voici la seconde question : Elablira-t-on des jurés tant en matière civile qu’en matière criminelle? Décrétez qu’il sera, quant à présent, établi des jurés en matière criminelle seulement, et dans les cas indiqués par M. Thouret. (On applaudit; on demande à aller aux voix.) Plusieurs personnes montent à la tribune. Les laudissemenis se prolongent. . Charles de Lameth y parait. — De nouveaux applaudissements étouffent sa voix.— Vous devez m’entendre, s’écrie-t-il, quand il s’agit de l'intérêt du peuple.... Vous allez déshonorer l’Assemblée nationale... M. de llontlosier demande que M. de Lameth soit entendu. M. Charles de Lameth. Je ne demande la parole que sur la manière de poser la question. J’observe cependant que la défaveur avec laquelle on accueille à la tribune un membre de l’Assemblée nationale, qui peut se glorifier de n’avoir jamais porté un intérêt particulier.... La rumeur qui s’élève presque généralement en ce moment est une preuve qu’on sacrifie l’intérêt public à quelque intérêt particulier.... (M. de Lameth est interrompu par des applaudissements et par des murmures.) M. de Lachèze s’oppose à ce qu’il soit entendu, et demande que l’on consulte 1 Assemblée à ce sujet. L’Assemblée décide qu’on entendra M. de Lameth. M. Charles de Lameth. J ai l’hon neur d’observer à l’Assemblée qu’à mesure quelle avance dans ses travaux, tous ses rapports politiques et moraux changent. J’ai l’honneur de l’avertir, dût cet avertissement être reçu avec peu de faveur, qu’elle se trouve au moment où elle va donner la mesure de ses lumières, de son patriotisme et de sa vertu, sans laquelle il n’y a point de Constitution, sans laquelle l’Etat est “perdu sans ressource. Je me suis, dès le premier jour, déclaré ennemi de toute aristocratie. Je m’explique; j’entends par aristocratie le désir de dominer; désir contraire à l’égalité politique qui se trouve dans les Etats despotiques, où les hommes sont égaux parce qu’ils ne sont rien, et qui est base de notre constitution, dans laquelle les hommes sont égaux parce qu’ils sont tout ..... Je faisais autrefois partie d’un ordre qui avait quelques avantages aristocratiques; j’ai renoncé a ces avantages; je me suis fait ainsi des ennemis de gens que j’estimais beaucoup, et je cours risque dans ce momentd’en trouver encore parmi ceux que j’avais pour amis. Je ne puisque m’étonner de l’empressement extraordinaire qu’on met à étrangler la discussion sur les jurés, malgré les avantages reconnus de cette institution pour l’intérêt du peuple. Je retrouve ici une précipitation, présage toujours fâcheux pour la liberté. M. Thouret, dont les opinions et la personne sont en grande recommandation parmi nous, M. Thouret a dit qu’on pourrait toujours, dans la suite, établir les jurés au civil : cela ne détruit point l’opinion de M. Barnave. Il est impossible de juger légitimement, même au civil, sans jurés : c’est comme si l’on disait au peuple : Nous voulons bien vous laisser le droit de défendre votre vie, mais votre fortune est une branche de commerce que les villes ne veulent pas laisser aux campagnes. Si l’on m’entend, je dis que c’est un forfait de fermer une discussion d’où doit sortir la nécessité d’une institution qui est un grand bienfait pour le peuple... Si nous devons être opprimés par les juges qui rem placeront ceux qui nous opprimaient, ce n’est pas la peine de détruire des corps dont la destruction coûtera 500 millions à l’Etat, des corps qui, après tout, ont rendu de grands services ; ce n’est pas, dis-je, la peine de les détruire, si vous voulez établir des tribunaux qui, dans vingt ans, seraient plus vicieux qu’eux. Si une idée aussi funeste pouvait séduire fa majorité de cette Assemblée, j’inviterais ceux qui tiennent encore aux souvenirs de l’aristocratie, ceux qui perdent à la destruction de la magistrature, je les inviterais à une pieuse, à une sainte récrimination. MM. le comte de Mirabeau et Thouret vous ont parlé de l’empire des circonstances. Et depuis quand l’Assemblée nationale capitule-t-elle avec les circonstances, sans qu’elle les maîtrise toutes? Je demande à M. de Mirabeau, à tous les députés, qu’on appelait députés des communes quand il n’y en avait pas d’autres, si, dans le moment où l’Assemblée était entourée de 30,000 soldats étrangers, elle a capitulé avec la circonstance? Je demande si, pour détruire les ordres, pour limiter les pouvoirs, on a attendu les circonstances, et si, depuis le temps que l’Assemblée triomphe des circonstances, elle a acquis le droit de s’en autoriser? On a parlé de l’opinionpu-blique : elle nous soutient ; c’est elle que j’invoque ; c’est elle qui vous commande de discuter avec maturité, avec précaution. L’opinion publique seforme de ce qu’il y a d’utile pour les peuples. L’opinion de la capitale influe sur les provinces; elle s’est déjà manifestée; elle ne cessera jamais d’être favorable à l’établissement des jurés en toute matière. Si cela n’était pas, il faudrait éclairer l’opinion; il faudrait la régir pour lui rendre les bienfaits que nous tenons d’elle. On a voulu nous effrayer en parlant des intérêts particuliers que froisserait une institution salutaire : l’Assemblée peut-elle à présent craindre des ennemis qu’elle a si longtemps méprisés? Je pourrais ajouter d’autres considérations ; mais j’ai dit ce que ma conscience me commandait impérieusement de dire. Que pouvez-vous craindre des aristocraties dont on vous menace? de l’aristocratie des villes, de celle des avocats, de toutes les aristocraties subalternes? ..... — Je supplie, au nom de la patrie, de ne pas précipiter une importante discussion,' afin 574 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 avril 1790.] que du moins on prouve l’impossibilité de cette institution avant de l'abandonner. Si l’on ne veut pas discuter, qu’on décrète toujours le principe, sauf à l’exécuter quand on pourra. (On demande que la discussion soit fermée.) L’Assemblée décide qu’elle sera continuée. M. de Robespierre (1). Messieurs, le mot de jurés semble réveiller l’idée de l’une des institutions sociales les plus précieuses à l’humanité; mais la chose qu’il exprime est loin d’être universellement connue et clairement définie : ou plutôt il est clair que, sous ce nom, on peut établir des choses essentiellement différentes par leur nature et par leurs effets. La plupart des Français n’y attachent guère aujourd’hui qu’une certaine idée vague du système anglais, qui ne leur est point parfaitement connu. Au reste, il nous importe bien moins de savoir ce qu’on fait ailleurs, que de trouver ce qu’il nous convient d’établir chez nous. Les comités de constitution et de judicature pourraient même avoir calqué exactement une partie du plan qu’ils vous proposent sur les jurés connus en Angleterre, et n’avoir encore rien fait pour le bien de la nation ; car les avantages et les vices d’une institution dépendent presque toujours de leurs rapports avec les autres parties de la législation, avec les usages, les mœurs d’un pays, et une foule d’autres circonstances locales et particulières. On pourrait, de plus, les avoir modifiés de telle manière, et attachés à de telles circonstances, qu’on lieu des fruits heureux que les anglais en auraient recueillis, les jurés ne produisissent chez nous que des poisons mortels pour la liberté. Attachons-nous donc à la nature même de la chose, au principe de toute bonne constitution judiciaire, et de l’institution des jurés. Son caractère essentiel, c’est que les citoyens soient jugés par leurs pairs : son objet est que les citoyens soient jugés avec plus de justice et d’impartialité ; que leurs droits soient à l’abri des coups du despotisme judiciaire. Comparons d’abord avec ces principes, le système des comités. C’est pour avoir de véritables jurés, que je vais prouver qu’ils ne nous en présentent que le masque et le fantôme. Dans l’étendue d’un département, deux cents citoyens seront pris, seulement parmi ceux qui paient la contribution exigée pour être éligibles aux places administratives. Ces deux cents éligibles seront choisis par le procureur général syndic de l’administration du département. Sur ces deux cents, douze seront tirés au sort; ce sont ces douze qui, sous le titre de jurés de jugement, décideront si le crime a été commis, si l’accusé est coupable. Il faut observer seulement que, sur les deux cents éligibles qui formaient la liste des jurés, l’accusateur public et l’accusé ont également la faculté d’en récuser chacun vingt. Maintenant, pour embrasser l’ensemble du système, pour en saisir l’esprit, et en calculer les effets, il faut rapprocher de cette organisation des jurés, celle du tribunal qui doit intervenir dans les procès criminels, et prononcer la peine. Un tribunal criminel, unique par chaque département, composé de deux juges pris à tour de rôle, et tous les trois mois, parmi les membres des tribunaux de district que renfermera le département. (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du discours de M. de Robespierre. A la tête de ce tribunal, un magistrat permanent, un président, nommé pour l’espace de douze années , qui, indépendamment des fonctions de juge, est seul revêtu d’une autorité infiniment étendue, que nous ferons connaître dans la suite. Contentons-nous maintenant de développer les vices cachés, pour ainsi dire, dans la combinaison des dispositions que nous venons d’annoncer. Quels sont-ils ces jurés, ces hommes appelés à décider de la condamnation ou du salut des accusés? Deux cents citoyens choisis par le procureur-syndic du département. Voilà donc un seul homme, un officier d’administration, maître de donner au peuple les juges qu’il lui plaît. Voilà tout ce que le génie de la législation pouvait inventer pour garantir les droits les plus sacrés de l’homme et du citoyen, qui aboutit à la sagesse, à la volonté, au caprice' d’un procureur-syndic. Je sais bien que, sur ces deux cents, douze seront tirés au sort, et que l’accusé pourra en récuser vingt : mais le sort ne pourra jamais s’exercer que sur deux cents hommes choisis par le procureur-syndic ; mais, après les récusations, il ne restera jamais que des hommes dont le choix ne prouvera, tout au plus, que la confiance du procureur-syndic; mais, en dernière analyse, il demeure certain que vous abandonnez au procureur-syndic une influence aussi étrange que redoutable sur l’honneur, sur la liberté, sur la vie, peut-être, des citoyens. J’aurais pu observer aussi que l’effet de la faculté de récuser que vous donnez à l’accusé est anéanti ou compensé par celle que vous accordez à l’accusateur public, puisque, si d’un côté il peut écarter les vingt jurés qui pourraient lui être les plus suspects, son adversaire peut lui ravir, de l’autre, le même nombre de ceux en qui il aurait le plus de confiance. Si un pareil pouvoir donné au procureur-syndic est en soi un abus extrême, que sera-ce si nous considérons les circonstances particulières à notre nation et à notre révolution, les seules sans doute qui doivent fixer nos regards. Dans un temps où la nation est divisée par tant d’intérêts, par tant de factions, elle est surtout partagée en deux grandes sections, où la majorité des citoyens, les citoyens les moins puissants, les moins caressés par la fortune et par l’ancien gouvernement, ces citoyens que l’on appelle peuple, que j’appelle ainsi, parce qu’il faut que je parle la langue de mes adversaires, parce que ce nom me paraît à la fois auguste et touchant ; dans le temps, dis-je, où l’Etat est comme partagé entre le peuple et la foule innombrable de ces hommes qui veulent, ou rappeler les anciens abus, ou en créer de nouveaux, au profit de leur ambition et aux dépens de sa liberté; dans le temps où les plus dangereux de ses ennemis ne sont pas ceux qui se montrent à découvert, mais ceux qui cachent leurs sinistres dispositions sous le masque du civisme, et sous les formes de la constitution nouvelle, n’est-il pas possible, n’est-il pas même inévitable et conforme à l’expérience, que l’intrigue et l’erreur portent souvent aux premières places de l’administration des citoyens de ce caractère ? Dr, de tels procureurs-syndics ne seraient-ils pas naturellement enclins à appeler aux fonctions de jurés des hommes qui auraient adopté les mêmes principes, et qui suivraient le même parti ? Ne pourraient-ils pas même, sans nuire à leurs vues, les entremêler, pour ainsi dire, d’un certain nombre de ces hommes nuis et insigni- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 avril 1790.] 575 fiants qui appartiennent au plus adroit et au plus puissant; et s’ils le voulaient, ne le pourraient-ils pas facilement ? Seraient-ils réduits à chercher longtemps deux cents de ces hommes-là dans toute l'étendue du département? Et dès lors ne voilà-t-il pas le peuple, les patriotes les plus zélés surtout, livrés à des juges partiaux et ennemis? Je n’en conclurai pas qu’on se hâtera d’abord de déployer l’appareil des jugements criminels contre ceux qui, sur un grand théâtre, auront défendu avec éclat les droits de la nation et de l’humanité ; mais je vois les citoyens faibles et sans appui, suspects d’un trop grand attachement à la cause populaire, persécutés au nom des lois et de l’ordre public ; je vois des réclamations vigoureuses, des actes de résistance provoqués par de longs outrages, ou, si l’on veut, les actes d’un patriotisme sincère, mais non encore éclairé par la connaissance des lois nouvelles, punis comme des actes de rébellion et comme des attentats à la sûreté publique. Je vois dans toutes les accusations qui auront le moindre trait aux calomnies, que les ennemis de la liberté n’ont cessé de répandre contre le peuple, les meilleurs citoyens abandonnés à toutes les préventions, à toute la malignité hypocrite des faux patriotes, à toutes les vengeances de l’aristocratie soupçonneuse et irritée. Ce n’est pas tout : comme si ce n’était point assez de ces précautions pour nous assurer ce malheur, les comités ne nous proposent-ils pas encore de restreindre la faculté d’être choisi par le procureur-syndic, à la classe des éligibles aux administrations, c’est-à-dire des citoyens les plus puissants? Est-ce donc là ce que vous appelez être jugés par ses pairs ? Ils le seront peut-être ces citoyens exclusivement appelés aux fonctions d’administrateurs et de jurés ; mais ils ne forment pas le quart de la nation : pour les autres, ils le seront défait par leurs supérieurs; leur sort sera soumis à une classe séparée d’eux par la ligne de démarcation la plus profonde, par toute la distance qui existe entre la puissance politique et judiciaire, et la nullité, entre la souveraineté et la sujétion, ou si vous voulez la servitude. Et comment la nation retrouverait-elle là, je ne dis pas l’égalité des droits, je ne dis pas les droits imprescriptibles des hommes, mais ce principe fondamental de toute organisation des jurés, ce caractère de justice et d’impartialité qui doit la distinguer? Tous ceux qui seront hors de votre classe privilégiée ne craindront-ils pas de trouver dans ces jurés plus de penchant à l’indulgence, plus d’égards, plus de prévention pour les personnes de leur état, et moins d’humanité, moins de respect pour ceux qu’ils sont accoutumés à regarder comme d’une grande hauteur ? Je suis bien éloigné de vouloir que les accusés soient jugés par les tribunaux. Mais certes, je ne crains pas d’aflirmer que ce système serait beaucoup moins dangereux, beaucoup moins contraire aux principes de la liberté que celui qu’on nous propose. Du moins, les citoyens seraient jugés par des magistrats qu’ils auraient eux-mêmes choisis ; dans l’autre, leur sort est soumis à des hommes nommés par un seul fonctionnaire public, peut-être par leur ennemi. Dans le premier, l’égalité des droits est au moins respectée, puisque tous sont jugés par ceux que tous ont choisis ; mais le second distingue la nation en deux classes, dont l’une est destinée à juger, et l’autre à être jugée; la partie la plus précieuse de la souveraineté nationale est transportée à la minorité de la nation ; la richesse devient la seule mesure des droits du citoyen, et le peuple français est à la fois avili et opprimé. Enfin, si le système judiciaire, que je mets en parallèle avec celui du comité, est défectueux, celui du comité est inique et monstrueux. Que dirai-je de cette autre disposition qui porte que les deux tiers des jurés seront pris dans la ville où sera établi le tribunal criminel ? Que dirai-je de cette partialité injuste et iujurieuse aux citoyens des campagnes, dont il est impossible de calculer les suites funestes ? De cet oubli inconcevable des premiers principes de la raison et de l’ordre social ? Ces inconvénients sont si frappants, que je n’ai pas même songé à relever une atteinte directe qu’il porte aux premiers principes de notre constitution, en donnant le droit d’élire des fonctionnaires publics (et quels fonctionnaires) à un autre fonctionnaire public, à un officier que le peuple n’a pas chargé de cette mission, et dont le pouvoir est renfermé dans les bornes des affaires de l’administration. Défions-nous de cette tendance à investir les directoires de toutes ces prérogatives ; elles sont autant d’attentats à l’autorité nationale et à la liberté publique. Mais je n’ai encore exposé qu’une partie des dangers attachés à l’organisation des jurés dont on nous menace : il faut les voir en action ; il faut considérer leur rapport avec ce tribunal criminel auquel on les lie. Vous savez que ce tribunal est composé de deux juges pris dans chaque district ; mais ces juges changent tous les trois mois : le président seul reste : le président est nommé pour douze années : c’est vous dire assez que ce magistrat aura une prodigieuse influence. Mais considérez l’étendue de ses fonctions. Indépendamment de celles qui lui sont communes avec les autres juges, de celle de tirer les jurés au sort, de les convoquer, « il fera subir un interrogatoire à l’accusé, immédiatement après son arrivée; il assistera, il présidera à toute l’instruction; l’inctruction finie, il sera chargé encore de diriger les jurés eux-mêmes dans l’exercice de leurs fonctions, de leur exposer, de leur résumer l’affaire, de leur faire remarquer les principales preuves, même de leur rappeler leur devoir. » C’en serait assez pour vous convaincre que ce président exercera une singulière influence sur la procédure et sur le jugement des jurés. Peut-être aussi serez-vous étonnés de ce qu’en môme temps que l’on considère cette dernière espèce de juges, comme les seuls capables de protéger suffisamment les droits de l’innocence et la liberté civile on les mette ainsi sous la tutelle et sous la férule d’un magistrat nommé pour douze ans. Si on les suppose ineptes, ils verront par les yeux du Mentor que les comités leur donnent : si on les suppose capables de leurs fonctions, pourquoi ne pas leur laisser cette indépendance qui doit caractériser des juges? Mais ce qui achève de dévoiler l’esprit de ce système, c’est le pouvoir indéfini et arbitraire dont le même président est investi par un autre article. « Le Président du tribunal criminel, dit-on en propres termes, peut prendre sur lui de faire ce giïil croira utile pour découvrir la vérité; et la Joi charge son honneur et sa conscience d’employer tous ses efforts pour en favoriser la manifestation. » La découverte de la vérité est un motif très beau, c’est l’objet de toute procédure criminelle et le but de tout juge. Mais que la loi donne vaguement 576 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 17 avril 1790. au juge le pouvoir illimité de prendre sur lui tout ce qu’il croira utile pour l’atteindre; qu’elle substitue l’honneur et la conscience de l'homme à sa sainte autorité ; qu’elle cesse de soupçonner que son premier devoir est, au contraire, d’enchaîner les caprices et l’ambition des hommes toujours enclins à abuser de leur pouvoir; et qu’elle fournisse à notre président criminel un texte précis qui favorise toutes les prétentions, qui pallie tous les écarts, qui justifie tous les abus d’autorité, c’est un précédent absolument nouveau, et dont les comités nous donnent le premier exemple. Je ne veux point parcourir les autres vices dont leur projet est entaché ; je ne veux pas même parler des fonctions inutiles et dangereuses du commissaire du roi, qu’ils mêlent à toute l’Instruction, ni de l'autorité énorme qu’ils donnent à l’accusateur public, en lui attribuant le droit de mander, de réprimander arbitrairement les juges de paix, les officiers de police; en les mettant dans sa dépendance; en lui conférant une puissance qui répond à celle de nos intendants et des procureurs généraux de nos parlements : mais comment taire ou qualifier les dispositions par lesquelles ils remettent ensuite au roi le pouvoir de lui donner des ordres pour la poursuite des crimes ? C’est donc en vain que vous avez retiré des mains du commissaire du roi le redoutable ministère de l’accusation publique, pour le confier à un officier nommé par le peuple; voilà que vos comités osent vous proposer de le remettre indirectement au roi lui-même, c’est-à-dire de remettre à la cour et au ministère la plus dangereuse influence sur le sort des citoyens et des plus zélés partisans de la liberté; de dénaturer, de pervertir l’institution de l’accusateur public, pour en faire un vil instrument des agents du pouvoir exécutif, pour avilir le peu pie lui-même, le souverain, en soumettant à leur empire le magistrat qu’il a choisi pour poursuivre, en son nom, les délits qui troublent la société. Eh! qui ne serait effrayé de ces voies obliques par lesquelles on s’efforce sans cesse de ramener tous les jours toute la puissance nationale dans les mains du roi, et de nous remettre insensiblement sous le joug d’un despostime constitutionnel, plus redoutable que celui sous lequel nous gémissions. Quel est le résultat de tout ce que nous avons dit sur les principes du sytème des comités ? Que la place de président sera ce qu’on appelle une très belle place pour celui qui aspirerait à s’asseoir sur ce trône de la justice criminelle; qu’en lui se concentrerait presque toute l’autorité du tribunal; qu’il dominerait également et sur la procédure et sur les jurés; que ces jurés eux-mêmes ne seraient que des instruments passifs et suspects, passant, pour ainsi dire, des mains de l’officier qui les.aurait créés, dans celles du président qui les dirigerait. Je vois partout les principes de la justice et de l’égalité violés, les maximes constitutionnelles foulées aux pieds, la liberté civile pressée, pour ainsi dire, entre un accusateur public, un commissaire du roi, un président et un procureur syndic... J’oubliais les officiers de maréchaussée érigés en magistrats de police; mais laissons, pour un moment, ce système fatal qui complète le plan oppressif que nous avons développé, qui livre brutalement la liberté des citoyens au caprice et aux outrages du despotisme militaire, qui semble proposé non pour un peuple généreux, conquérant de sa liberté, mais pour un troupeau d’esclaves que l’on voudrait punir d’avoir un instant secoué ses chaînes... Dissipons, dans ce moment, les illusions dont les comités semblent couvrir leur système. Ils ne cessent de répéter qu’il existe en Angleterre. Quand on veut adopter la méthode si incertaine et si fausse, de préférer des exemples étrangers à la raison, on devrait au moins être exact sur les faits; mais comment peut-on se dissimuler que le système anglais et celui qu’on nous présente différent par des circonstances essentielles, qui en changent absolument le résultat ? Et d’abord, qui ne sent pas que le système anglais présente à l’innocence une sauvegarde qui suffirait seule pour prévenir bien des inconvénients, pour tempérer bien des vices dans la composition des jurés ? C’est la loi qui veut l’unanimité absolue pour condamner l’accusé : or, cette loi salutaire est précisément celle que les comités commencent par effacer de leur projet. Non contents d’avoir ainsi garanti l’innocence avant le jugement les lois anglaises lui ménageDt une ressource puissante après la condamnation, en donnant à un juge unique le pouvoir de venir à son secours en soumettant l’affaire à un nouveau juré. Les comités ne laissent la possibilité de réclamer la révision que dans le cas, presque chimérique, où le tribunal tout entier et le commissaire du roi sont unanimement d’un avis contraire à la déclaration du juré qui a prononcé la condamnation, de manière que, suivant, dans les deux cas, le principe diamétralement opposé à celui de la législation anglaise, ils exigenfl’unanimité lorsqu’il s’agit de secourir l’accusé ; ils en dispensent, lorsqu’il est question de le condamner. Mais quoi 1 les Anglais ont-ils lié au système de leurs jurés ce pouvoir monstrueux de la maréchaussée ? ont-ils remis dans les mains de l’aristocratie militaire le pouvoir de rendre et d’exécuter des ordonnances de police ; de traiter les citoyens comme suspects ; de les déclarer prévenus; de les livrer à l’accusateur public; de les envoyer en prison ; de dresser des procès-verbaux, et de faire contre eux une procédure provisoire? ont-ils confondu les limites de la justice criminelle et de la police, pour donner à des gendarmes royaux, sous le titre de gendarmes nationaux, le plus terrible de tous les pouvoirs? Ahl ils ont tellement respecté les droits du citoyen, qu’ils ont repoussé avec effroi toutes ces institutions dignes du génie du despotisme. Tout le monde sait qu’ils ont poussé, à cet égard, les précautions jusqu’au scrupule, et qu’ils ont mieux aimé paraître affaiblir l’énergie et l’activité de la police, que d’exposer la liberté civile aux vexations de ses agents. Or, croit-on que cette différence doit être comptée pour rien ? Croit-on que ce soit la même chose de pouvoir être exposé arbitrairement à des poursuites criminelles par une autorité essentiellement violente et despotique, ou d’être protégé par la loi contre ces premiers dangers? Pouvez-vous nier encore, que, malgré quelques rapports de ressemblance presque matériels de quelques-unes des dispositions que vous proposez avec celles de la législation anglaise, il y a dans l’ensemble et dans les détails de grandes nuances, qui doivent en déterminer les effets? mais pouvez-vous surtout vous dissimuler à quel point les vices énormes de votre système sont liés aux circonstances politiques où nous nous trouvons? Les jurés d’Angleterre ont-ils été établis, ont-ils fleuri au milieu des troubles civils, au sein des [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 avril 1790.] N77 intrigues, des ennemis du peuple qui nous environnent ? Sont-ils organisés de maniéré à fournir à ses oppresseurs les moyens de l’abattre, de le remettre sous le joug, avec l’appareil des formes judiciaires? En Angleterre, le peuple a-t-il réclamé ses droits contre le gouvernement et contre l’aristocratie ? Existe-t-il des factions dominantes qui le calomnient, qui peignent les plus zélés défenseurs de la liberté, qui le représentent lui-même comme une troupe de brigands et de séditieux ? L’a-t-on livré, sous ce prétexte, à des prévôts, à des soldats ? A-t-on lieu de croire que les jurés anglais, nommés par un seul homme, apporteront sur le tribunal ces sinistres préventions, ou le dessein formé d’immoler des victimes à la tyrannie ? Si des représentants du peuple anglais, dans des circonstances semblables à celles que je viens d’indiquer, proposaient de pareilles mesures; si, avant que la Révolution fût affermie, au moment où elle serait menacée de toutes parts, ils affectaient toujours une défiance injuste et une rigueur inexorable pour la majorité des citoyens intéressés à la maintenir, et une aveugle confiance, une complaisance sans borne pour ceux dont elle aurait, ou irrité les préjugés, ou offensé l’orgueil; quel jugement faudrait-il porter, ou de leur prévoyance, ou de leur zèle pour la liberté ? Que conclure de tout ce que j’ai dit ? Pour moi, j’en conclus d’abord qu’il faut au moins faire disparaître de la constitution des jurés, tous les vices mon streux que je viens de relever. Je conclus qu’à la place de leur système, il faut substituer un plan d’organisation fondé sur les principes d’une constitution libre, et qui puisse réaliser les avantages que le nom des jurés semble promettre à la société. Nous en viendrons facilement à bout, ce me semble, si nous voulons, d’un côté, fixer un moment notre attention sur les maximes fondamentales de notre constitution; de l’autre, observer rapidement les causes de la méprise où les comités me semblent être tombés. Elle consiste, suivant moi, en ce que, se livrant trop à l’esprit d’imitation et à cette espèce d’enthousiasme que nous a inspiré l’habitude d’entendre vanter les jurés anglais, ils n’ont pas fait attention qu’à la hauteur où notre Révolution nous a placés, nous ne pouvons pas être aussi faciles à contenter en ce genre, que la nation anglaise. Que les Anglais, chez qui le pouvoir de nommer les officiers de justice était livré au roi, aient regardé comme un avantage d’être jugés, en matière criminelle, par des citoyens choisis par un officier appelé sehérif, et ensuite réduits par le sort, cela se conçoit aisément; que les Anglais, dont la représentation politique, si absurde et si informe, n’était que l’abus de l’aristocratie des riches, ne présentait aux yeux des politiques philosophes qu’un fantôme de corps législatif asservi et acheté par un monarque; que les Anglais, dis-je, aient vu, sans étonnement, le choix des jurés renfermé dans la classe des citoyens qui possédaient une quantité de propriétés déterminée, cela se conçoit avec la même facilité. Que les Anglais, contemplant d’un côté les lois bienfaisantes qui adoucissaient les inconvénients de cette formation vicieuse de leurs jurés, comparant de l’autre leur système judiciaire avec le honteux esclavage des peuples qui les entouraient, et avec les vices mêmes des autres parties de leur gouvernement, aient regardé ce système comme le palladium de leur liberté individuelle et qu’ils nous aient communiqué leur enthousiasme dans lre Série, T. XII. le temps où nous n’osions même élever nos, regards vers l’image de la liberté, tout cela était dans l’ordre naturel des choses. Mais qu’en France, où les droits de l’homme et la souveraineté de la nation ont été solennellement proclamés; où ce principe constitutionnel que les juges doivent être choisis par le peuple, a été reconnu; Qu’en France, où, en conséquence de ce principe, les moindres intérêts civils et pécuniaires des citoyens ne sont décidés que par les citoyens à qui ils ont confié ce pouvoir, leur honneur, leur destinée soient abandonnés à des hommes qui n’ont reçu d’eux aucune mission, à des hommes nommés par un simple administrateur auquel le peuple n’a point donné et n’a pu donner une telle puissance; Que ces hommes ne puissent être choisis que dans une classe particulière, que parmi les plus riches; que les législateurs descendent des principes simples et justes qu’ils ont eux-mêmes consacrés, pour calquer laborieusement un système de justice criminelle sur des institutions étrangères, dont ils ne conservent pas même les dispositions les plus favorables à l’innocence, et qu’ils nous vantent ensuite avec enthousiasme, et la sainteté des jurés, et la magnificence du présent qu’ils veulent faire à l’humanité, voilà ce qui me paraît incroyable, incompréhensible; voilà ce qui me démontre plus évidemment que toute autre chose, à quel point on s’égare, lorsqu’on veut s’écarter de ces vérités éternelles de la morale publique qui doivent être la base de toutes les sociétés humaines. 11 suffit de revenir à ce principe pour découvrir le véritable plan d’organisation des jurés que nous devons adopter. "Voici celui que je propose, c’est-à-dire les dispositions que je regarde comme fondamentales de l’organisation des jurés (car, pour les lois de détails et pour les formes de procédure, je ne me pique pas de les énoncer toutes, d’autant que j’adopte une grande partie de celles que les comités nous proposent, d’après l’exemple de l’Angleterre et l’opinion publique). Formation du jury d' accusation. 1. Tous les ans, les électeurs de chaque canton s’assembleront pour élire, à la pluralité des suffrages, six citoyens, qui, durant le cours de l’année, seront appelés à exercer les fonctions de jurés. 2. 1! sera formé, au directoire de district, une liste des jurés nommés par les cantons. 3. Le tribunal de district indiquera celui des jours de la semaine qui sera consacré à l’assemblée du jury d’accusation. 4. Huitaine avant le jour, le directeur du jury fera tirer au sort, en présence du public, huit citoyens, sur la liste de ceux qui auront été choisis par tous les cantons, et ces huit formeront le jury d’accusation. 5. Quand le jury sera assemblé, il prêtera devant le directeur du jury le serment suivant: « Nous jurons d’examiner, avec une attention scrupuleuse, les témoignages et les pièces qui nous seront présentées ; et de nous expliquer sur l’accusation, selon notre conscience. » 6. Ensuite l’acte d’accusation leur sera remis; ils examineront les pièces, entendront les témoins, et délibéreront entre eux. 7. Ils feront ensuite leur déclaration, qui portera qu’il y a lieu, ou qu’il n’v a pas lieu à l’accusation. 37 578 8. Le nombre de huit jurés sera absolument indispensable pour rendre cette déclaration. 9. Il faudra l’unanimité des voix pour déclarer qu’il y a lieu à l’accusation. Formation du jury de jugement. 1. Il sera fait une [liste générale de tous les jurés qui auront été choisis dans tous les districts du département. 2. Sur cette liste, le 1er de chaque mois, le président du tribunal criminel, dont il sera parlé ci-après, fera tirer au sort les seize jurés qui formeront le jury de jugement. 3. Le 15 de”chaque mois, s’il y a quelque affaire à juger, ces seize jurés s’assembleront, d’après la convocation qui leur aura été faite. 4. L’accusé pourra récuser trente jurés sans donner aucun motif. 4. Il pourra récuser, en outre, tous ceux qui auraient assisté au jury d’accusation. Formation du tribunal criminel. 1. Il sera établi un tribunal criminel dans chaque département. 2. Ce tribunal sera composé de six juges pris à tour de rôle, tous les six mois, parmi les juges des tribunaux de district. 3. Il sera formé, tous les deux ans, par les électeurs du département, un président du tribunal criminel dont les fonctions vont être fixées. 4. Outre les fonctions de juges, qui lui sont communes avec les autres membres du tribunal, il sera chargé de faire tirer au sort les jurés, de les convoquer, de leur exposer l’affaire qu’ils ont à juger, et de procéder à l’instruction. 5. 11 pourra, sur sa demande, et pour l’intérêt de l’accusé, permettre ou ordonner ce qui pourrait être utile à la manifestation de l’innocence, quand bien même cela serait hors des formes ordinaires de la procédure déterminée par la loi. 6. L’accusateur public sera nommé tous les deux ans par les électeurs du département. 7. Ses fonctions se borneront à poursuivre les délits sur les actes d’accusation admis par les premiers jurés. 8. Le roi ne pourra lui adresser aucun ordre pour la poursuite des crimes ; attendu que cette prérogative serait incomparable avec les principes constitutionnels sur la séparation des pouvoirs, et avec la liberté. 9. Le Corps législatif lui-même ne pourra lui adresser de pareils ordres ; la Constitution renfermant sa compétence dans la poursuite des crimes de lèse-nation, devant le tribunal établi pour les punir. 10. L’accusateur public étant nommé par le peuple, pour poursuivre, en son nom, les délits qui troublent la société, aucun commissaire du roi ne pourra partager avec lui aucune de ses fonctions, ni se mêler, en aucune manière, de l’instruction des affaires criminelles. Manière de procéder devant le jury de jugement. (Je ne présenterai ici que les articles nécessaires pour remplacer celles des dispositions du comité qui doivent être changées ou supprimées). 1. Les dépositions des témoins seront rédigées par écrit, si l’accusé le demande; mais quel que soit leur contenu, les jurés pèseront toutes les circonstances de l’affaire, et ne se détermineront que par une intime conviction. [7 avril 1790.] 2. Néanmoins, si les dépositions écrites sont à la décharge de l’accusé, iis ne pourront le condamner, quelle que soit d’ailleurs leur opinion particulière. 3. L’unanimité sera absolument nécessaire pour déclarer l’accusé convaincu. 4. Il n’y aura pas d’appel du jugement des jurés; mais, si deux membres du tribunal pensaient que l’accusé a été injustement condamné, il pourra demander un nouveau jury pour examiner l’affaire une seconde fois. 5. Les jurés seront, comme les juges, indemnisés par l’Etat, du temps qu’ils donneront au service public. (Je terminerai ce projet par quelques articles qui concernent l’arrestation, et les principes de la police). 1. Tout homme pris en flagrant délit pourra être arrêté par tout agent de police, et même par tout citoyen. 2. Hors ce cas, nul citoyen ne pourra être arrêté qu’en vertu d’une ordonnance de police ou de justice, selon que le fait, par sa nature, pourra donner lieu à une procédure criminelle, ou qu’il sera simplement du ressort de la police. 3. Lorsqu’il ne s’agira pas d’un délit emportant peine afflictive, tout citoyen qui donnera caution de se représenter, sera laissé à la garde de ceux qui l’auront cautionné. Je sens bien que les comités ne manqueront pas d’attaquer les deux premières bases de ce système : le pouvoir d’élire que je veux donner au peuple, et le principe d’égalité que je veux maintenir. Je terminerai cette discussion en prévenant leurs objections. Pour nommer les jurés tous les ans, il faudra tous les ans une assemblée nouvelle, me diront-ils ; or, les assemblées sont incommodes et fatigantes pour le peuple. Je sais bien que, dès le commencement de la Révolution, on cherche à propager ce principe; mais il ne peut être accueilli que par ceux qui veulent sacrifier le peuple et la liberté à des embarras et à des difficultés qu’ils se plaisent à créer. Rassurez-vous, le peuple aimera mieux s’assembler quelquefois pour user de ses droits, que de retomber sous le joug de ses tyrans. Ne découragez pas son patriotisme, n’abattez pas son courage, ne le rendez pas étranger à la patrie, par les distinctions funestes de citoyens éligibles, de citoyens actifs, et vous verrez. que des hommes libres ne raisonnent pas comme les despotes. J’avoue que mon système a d’abord en apparence ce désavantage vis-à-vis de celui du comité, que les jurés seront connus un an d’avance, au lieu que, dans celui du comité, ils ne le seront que trois mois d’avance ; mais il faut d’abord observer que ceux qui, dans chaque affaire, devront de fait en exercer les fonctions, ne le seront qu’à une époque voisine du jugement: et l’on sent assez d’ailleurs que cet avantage de cacher plus ou moins leurs noms, n’est qu’accessoire et bien subordonné à la nécessité du choix du peuple, et aux premiers principes de la liberté. Ges principes seraient anéantis ; l’égalité des droits ; qui assure à tous les citoyens la faculté d’être élus par la confiance publique serait illusoire, si la différence des fortunes mettait le plus grand nombre d’entre eux dans l’impossibilité physique de soutenir le poids des fonctions nationales. C’est pour cela que je regarde comme tenant essentiellement à la liberté, l’article par lequel je propose d’indemniser les jurés. J’avoue qu’en générai ce n’est pas sans alarmes que j’ai [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 avril 1790.] 579 vu introduire encore le système de laisser sans salaire un grand nombre de fonctionnaires publics. Ce n’est pas surtout sans étonnement que j’ai entendu les membres du comité prononcer cette' maxime nouvelle, que si les jurés étaient indemnisés , cette institution serait déshonorée. Les juges, les administrateurs sont donc déshonorés, parce que la justice, la dignité, l’intérêt de la société exigent qu’ils soient salariés? Les législateurs sont donc déshonorés l Le roi surtout doit être bien humilié de la liste civile ! Je ne sais si cette espèce de .délicatesse-là paraît à quelqu’un bien sublime? Pour moi, je la trouve ou bien puérile, ou bien perfide. Oui, le plus dangereux de tous les pièges que l’on peut tendre au patriotisme, la plus funeste manière de trahir le peuple, en le livrant à l’aristocratie des riches, c’est sans contredit d'accréditer cette absurde doctrine, qu’il est honteux de n’être pas assez riche, pour vivre, en servant la patrie sans indemnité; c’est d’oser mettre en parallèle, avec quelques dépenses nécessaires, l’intérêt sacré de la liberté et de la patrie. M. Démeunier. L’institution des jurés, en matière criminelle, est le fondement le plus solide delà liberté politique et de la liberté individuelle : il est de votre devoir de consacrer cette institution dans la Constitution. Cette consécration peut se faire sans aucun danger, et s’il y en avait, il le faudrait encore. Mais l’établissement des jurés au civil ne tient pointa la Constitution. Je n’examinerai pas s’il est praticable. Tout le monde convient qu’il faudrait réformer les lois civiles, les habitudes et les mœurs des hommes. L’Assemblée n’est plus divisée que sur ce point : faut-il, dès à présent, décréter constitutionnellement l’établissement des jurés en tqatière civile? On a demandé ce que c’est qu’un juré. J’observe d’abord que le principe n’est pas le même en matière civile qu’en matière criminelle. Le premier principe, en matière criminelle, est qu’il vaut mieux laisser échapper dix coupables que de punir un innocent; lé second, que le coupable doit être condamné de la manière la plus claire possible. En Angleterre, il y a deux jurys, le grand et le petit jury. La loi ordonne, quand il y a un délit, que l’accusé soit conduit à l’officier de justice, qui, dans l’espace de 6 heures, lui donne la copie de la plainte ou de l’accusation. On appelle alors 24 grands jurés, qui sont de francs-tenanciers payant une certaine imposition. Douze suffisent pour juger s’il y a lieu à l’emprisonnement. Ici commence le petit jury, qui est le seul dont onj ait parlé dans cette Assemblée. Le schérif, officier du roi, fait la liste des citoyens qui composeront le petit jury : si cette liste est mauvaise, le greffier en fait uneautre; si celle-ci est mauvaise encore, le commis greffier en fait une nouvelle. Deux jours avant le jugement, l’accusé peut, sur une liste de 48 jurés, en récuser 36 : ainsi le petit jury se trouve composé de douze personnes qui ne peuvent juger qu’à l’unanimité. Vous aurez besoin d’une liste plus nombreuse, parce qu’il faudra accorder une récusation plus étendue, parce que vous ne pouvez exiger l’unanimité, mais tout au plus les cinq sixièmes des voix. — Dans la procédure par jurés, tout est verbal à l’instant du jugement. Il n’y a pas d’appel, il ne peut y en avoir. Ainsi, en décrétant l’établissement des jurés, vous pourriez être embarrassés, ayant préjugé bien des questions, celles de l’appel, de l’ambulance des juges, des assises, etc. Il y a en Angleterre des tribunaux plus multipliés encore qu’en France; ainsi donc l’institution des jurés en matière civile n’exige pas qu’on détruise tout. Parmi les tribunaux anglais, le banc du roi est composé de quatre juges, l’un desquels est milord Mantield, le plus grand publiciste de l’Angleterre. Ce tribunal a le droit d’évoquer toutes les affaires. On ne marche en Angleterre, comme chez les Romains, que par formules, le banc du roi a le droit de faire des formules, il a le droit d’annuler et de faire recommencer le verdict. Il est, pour ainsi dire, le remède de la loi ; il est le remède des inconvénients et des abus. Vous n’aurez pas ce remède. Je ne sais comment les préopinants ont pu croire qu’en matière civile l’institution par jurés devait influer sur la liberté et sur la Constitution. Il est une autre méthode de juger séparément le fait et le droit en matière civile : M. Thouret vous l’a i ndiquée. — On s’effraye des tribunaux permanents ; mais les tribunaux de la Constitution seront-ils semblables à ceux que vous détruisez, que vous devez détruire ? — Je parlerai aussi de notre situation politique, puisqu’on vous en a occupés. Il s’est présenté devant vous quatre grandes opérations. Premièrement, la division du royaume, qui seule assurerait la gloire de l’Assemblée nationale. Eh bien î que de difficultés, que d’obstacles se sont présentés! Cette division n’est pas encore consommée, puisqu’il y reste encore des difficultés à résoudre. Secondement, vous avez décrété 48,(J00 municipalités : vous savez comment les élections ont été faites; vous savez qu’elles occasionnent une extrême agitation jusque dans le dernier village. Troisièmement, les administrations de district et de département ne sont pas encore formées. Quatrièmement, les finances vous ouvrent une carrière immense dans laquelle vous êtes à peine entrés ..... Ainsi combien de précautions sont nécessaires dans notre situation! ne faut-il pas renoncer aux théories d’autant plus dangereuses qu’elles intéressent le cœur? Je rappellerai cette pensée de Solon, qu’il ne faut pas chercher les meilleures institutions, mais les moins mauvaises possibles, et qu’on doit renoncer à une perfection chimérique ..... — Je conclus à ce que l’institution des jurés en matière criminelle soit décrétée, sauf aux législatures à la décréter en matière civile, si elles la trouvent praticable. M. Roederer. Le principe qui sollicite l’établissement des jurés est absolument le même que celui qui veut que la puissance de faire des lois soit toujours aux mains du peuple seul, et qu’au peuple seul appartient la liberté nationale. Le pouvoir d’appliquer les lois est, dans toutes les circonstances, le pouvoir d’abuser des lois. Il ne doit pas être tiré des mains du peuple ; il ne peut être permis à une classe d’hommes de défaire chaque jour, par leurs jugements, ce que les législateurs ont fait par leurs décrets. Il faut donc qu'ainsi que les législateurs représentent le peuple, le peuple ait ses représentants pour juges. — Comment peut-on organiser les tribunaux où la justice sera rendue par des pairs ou jurés? On vient de vous dire ce qu’ils sont en Angleterre en matière criminelle : ou aurait dû donner des notions générales. Les jurés sont partout les représentants du peuple ; ils sont souvent nommés par le peuple et toujours pris dans toutes les classes. Gomment les jurés sont-ils rassemblés? (Voyez ci-après le plan de M. l’abbé Sieyès, Des jurys, p. 584.) Le tribunal formé, il juge, et l’acte de la justice est consommé ; mais, et c’est la grande objection des contradicteurs du jury au civil, comment 580 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 avril 1790.] réunir assez d’hommes instruits et capables? Les lois, en principe général, étant censées l’ouvrage du peuple, seront censées connues du peuple. Tous les citoyens sont obligés d’obéir aux lois, donc ils doivent connaître les lois. Je ne crains pas d’avancer une chose qui paraît un paradoxe : il est indifférent de vivre dans un pays où tout le monde connaît les lois, ou dans un pays où personne ne les connaît ..... — J’ai exercé des fonctions de magistrature, et je demande à tous ceux qui, comme moi, avaient trouvé leur instruction dans les provisions de leur office, je leur demande si ce ne sont pas les avocats qui nous apportent la nourriture de chaque jour. Ce sont eux qui, s’étant partagé les différentes branches de la jurisprudence, que le juge, sans eux, serait obligé de posséder toutes, ce sont eux qui nous fournissent les connaissances dont nous avons besoin pour juger. Les rapports sont, pour la plupart, prépares par les avocats, et il est trop vrai de dire que ce sont les roues d’acier qui font aller les aiguilles d’or. Ainsi, les juges, pour les neuf dixièmes des affaires, sont des jurés, et jugent comme le feraient les jurés peu instruits, sur des lumières qui ne sont point à eux, mais qu’ils ont recueillies. On objectera la difficulté de connaître la procédure et les formes. Eh bien ! le système qui nous propose des jurés, vous offre ce qui est nécessaire pour répondre à cette objection. Les tribunaux ne seront pas seulement composés de jurés, mais il y aura un magistrat conservateur des formes, et qui en connaîtra la triture. Je me réfère entièrement au projet de M. l’abbé Sieyès pour l’établissement des jurés en matière criminelle et en matière civile, non seulement sur le fait, mais encore sur le droit. On vous a dit que la liberté n’avait désormais rien à craindre des tribunaux ; mais on a confondu la tyrannie des tribunaux et celle des magistrats. Celle des tribunaux est impossible, j’en conviens ; celle des magistrats est toujours terrible. Un citoyen qui, arbitre de la vie d’un autre citoyen, ne rentre pas assez souvent dans la société, peut exercer une domination funeste, contraire à l’égalité et à la Constitution. — Je conclus à ce qu’on entende plusieurs membres du comité de Constitution, qui adoptent le plan que M. l’abbé Sieyès a fait imprimer et distribuer. M. Goupil de Préfeln. J’examinerai les avantages et les inconvénients de l'établissement des jurés en matière civile. Je proposerai ensuite un plan qui, je le crois très fermement, renferme tous les avantages et éloigne tous les inconvénients. — Les véritables avantages des jurés découlent tous de ce grand principe : que c’est pour soustraire l’homme à l’empire de l’homme que l’ordre social a établi la loi. Il résulte de ce principe que la loi la plus parfaite est celle qui laisse le moins à l’arbitraire de l’homme, et que le pouvoir judiciaire doit être tellement distribué, qu’il ne puisse être accaparé par aucun ordre, par aucune corporation. Les jurés nous préserveront des erreurs et du despotisme du pouvoir judiciaire, qui peut, même en matière civile, porter une véritable atteinte à notre liberté. L’expérience et la raison demandent la distinction du fait et du droit. Cette distinction est toujours plus ou moins possible. M. Goupil de Préfeln rappelle, par une simple énumération, les inconvénients que l’on a opposés à l’établissement des jurés. La séance est levée à 3 heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE BARON DE MENOU. Séance du jeudi 8 avril 1790, au matin (1). La séance est ouverte à 9 heures du matin. Un de MM. les secrétaires donne lecture de plusieurs adresses, dont l’extrait suit : Adresse de plusieurs religieux Récollets et Au-gustins de la ville de Grenoble, qui expriment leur vive reconnaissance envers l’Assemblé nationale de ce qu’elle les a rendus à la société. Ils prêtent entre ses mains le serment civique. Adresse de la garde nationale de la ville de Beaumont-lès-Lomagne; elle supplie l’Assemblée de lui faire délivrer la quantité des habillements des troupes provinciales dont elle a besoin, en-magasinés à Auch, et ce, au même prix exigé de la garde nationale de cette ville. Adresses des nouvelles municipalités des communautés de Barlin, de Lyon en Suliias, département d’Orléans, de Favras en Limousin, de Saint-Poul-de-Fonds en Guienne, et de Saint-Caprais ; De la ville de Vic-en-Carladès; elle porte plainte contre les anciens officiers municipaux ; De la ville d’Ambert en Auvergoe ; elle fait des observations sur la suppression de la gabelle; Des villes de la Garnache et de Benevent, département de la Marche; elles sollicitent l’établissement d’un tribunal de district. L’adresse a été renvoyée au comité de Constitution. De la communauté de Saint-Romans-lès-Melle en Poitou; elle accuse les membres du département de Saint-Maixant d’avoir augmenté ses impositions de leur propre autorité. De la communauté de Pruzilly; quoiqu’elle ne soit composée que d’habitants pauvres, elle offre, pour sa contribution patriotique, la somme de 300 livres. De la communauté de Cuignères, district de Clermont en Beauvoisis ; elle fait le don patriotique du produit des impositions sur les ci-devant privilégiés. Adresse de la garde nationale de la ville de Millau en Rouergue; elle conjure l’Assemblée de ne pas se séparer sans avoir mis le sceau à l’ouvrage immortel de la régénération de la France. Pétition du sieur Jean-Georges Gélin, prêtre du diocèse de Strasbourg, lequel jouit de 600 livres de pension ecclésiastique, et demande à l’Assemblée qu’elle veuille bien le dispenser delà rigoureuse exécution du décret du 14 janvier, qui ordonne la rentrée de tous pensionnaires dans le délai de trois mois, en lui accordant la permission de rester encore en Allemagne pendant quelques années. Cette demande a ôté renvoyée au comité ecclésiastique. La municipalité de la ville de Montbrison fait à l’Assemblée nationale, comme preuve du zèle de la commune pour la chose publique, le don patriotique de la contribution des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789. Adresse de la municipalité de la ville d’Antibes, laquelle fait offre d’un don patriotique de 3,612 liv. 15 s., provenant de la vente de vais-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.