SÉANCE DU 3 FLORÉAL AN IX (22 AVRIL 1794) - N°s 53 A 55 169 53 Le même [COUTHON] fait un rapport sur les articles de la loi de police générale, qui concernent l’établissement de deux commissions, dont l’une doit être chargée de présenter un cours d’institutions sociales, et l’autre de rédiger en un code complet et succinct toutes les lois rendues jusqu’à ce jour. U propose de confier au comité la traduction des institutions, dont les bases seront, ajoute-t-il, guerre aux fripons et aux infâmes, paix et honneur à la vertu. (Les plus vifs applaudissements se font entendre de toutes parts.) Cette proposition est décrétée. «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de salut public, décrète que le comité de salut public est chargé de rédiger le cours d’institutions civiles, propres à conserver les mœurs et l’esprit de la liberté dont une commission spéciale devait s’occuper, aux termes de l’article XXV de la loi sur la police générale de la République. » (1). 54 Le rapporteur fait rendre, pour l’organisation de l’autre commission, le décret suivant: «La Convention nationale, après avoir entendu [COUTHON, au nom du] comité de salut public, nomme les représentants du peuple Cambacérès, Merlin (de Douai) et Couthon, pour composer la commission chargée, aux termes de la loi sur la police générale de la République, de rédiger en un code succinct et complet les lois rendues jusqu’à ce jour, en supprimant celles qui sont devenues confuses; et autorise cette commission à employer tel nombre de citoyens et à faire les dépenses quelle jugera nécessaires et convenables pour remplir les vues de la Convention» (2). 55 GOSSUIN, au nom du comité de la guerre : La citoyenne Quatresous n’a pas seize ans; il y en a trois que, par une de ces inspirations soudaines que l’amour de la patrie peut seul expliquer, elle s’est, à la faveur du déguisement, rangée sous les drapeaux de la République. (1) P.V., XXXVI, 59. Pas de Minute dans C 301, pl. 1066. Décret n° 8887. Reproduit dans Mon., XX, 283; Audit, nat., n° 577; J. Matin, n° 613; C. Univ., 4 flor.; M.U., XXXIX, 62; Débats, n° 580, p. 27; Ann. Rép. fr., n° 145; J. Perlet, n° 578; J. Mont., n° 161; Feuille Rép., n° 294; Rép., n° 124; Mess. soir., n° 613. (2) P.V., XXXVI, 60. Minute de la main de Couthon (C 301, pl. 1066, p. 35). Décret n° 8888. Reproduit dans Bin, 3 flor.; Mon., XX, 283; Audit. nat., n° 577; Ann. patr., n° 477; C. Univ., 4 flor.; J. Matin, n° 613; J. Perlet, n° 578; J. Mont., n° 161; M.U., XXXIX, 62; Ann. Rép. fr., n° 145; J. Paris, n°,478; C. Eg., n° 613, p. 178; Feuille Rép., n° 294; Rep., n° 124; Mess, soir, n° 613; Batave, n° 432. C’est vain qu’elle fut d’abord repoussée par l’âge et la taille, lorsqu’elle se présenta, en mai 1791, au milieu des citoyens de son canton, pour servir comme volontaire; sa résolution s’est fortifiée par les obstacles mêmes, et elle est parvenue à s’engager à la conduite des chevaux d’artillerie, à Fontainebleau, d’où elle partit pour l’armée de la Vendée; elle fut ensuite à l’armée du Nord et de là dans la Belgique. C’est dans cette contrée que cette courageuse citoyenne a concouru à nos premiers succès, et s’est exposée à tous les dangers, toujours à la conduite des canons, aux sièges de Liège, d’Aix-la-Chapelle, de Namur et de Maestricht. De retour dans le Nord, elle a été au siège de Dunkerque et à la bataille d’Hondschoote, où elle eut deux chevaux tués sous elle, après avoir été elle-même renversée par le souffle d’un boulet. Lors du bombardement de Valenciennes, où elle se trouva, elle fut réduite à vivre de la chair de cheval pendant trois jours. Tels sont les principaux traits de civisme dont l’adolescence de cette intrépide républicaine se trouve déjà honorée. A juger de son exactitude à remplir ses devoirs, de la décence de son maintien et de sa persévérance à taire son secret, il n’y a pas de doute que son intention ne fût de rester à l’armée toute la durée de la guerre. Mais, quoiqu’elle n’eût confié ce secret à personne, un hasard imprévu l’a trahi, et dès lors il ne lui a plus été possible de suivre son inclination belliqueuse, qui n’est pas moins digne d’admiration. C’est ainsi que s’exprime le certificat de tout le corps d’artillerie auquel cette jeune héroïne était attachée, et du général Fromentin, commandant une division de l’armée du Nord. Il constate qu’elle ne s’est jamais fait remarquer que par le courage et le patriotisme les plus prononcés. Il est une particularité remarquable dans la vie de cette citoyenne, et qui semble peut-être mériter d’être recueillie dans les annales du républicanisme; c’est lorsque, dans la seule confidence d’elle-même, loin encore de l’âge où toutes les facultés se développent, et trouvant sans doute dans l’énergie de son heureux caractère toutes les ressources que donnent des habitudes martiales et l’expérience, elle a médité et exécuté spontanément un plan qui, dans l’homme courageux et familier aux grands événements, eût peut-être été l’objet de longues réflexions. Il est vrai que, née sous le chaume, elle a été élevée à l’école de deux grands maîtres : la nature et le malheur, qui donnent toujours à l’âme un ressort tout-puissant pour vaincre les difficultés des grandes entreprises; et si l’on ajoute que tout s’aplanit, surtout devant celles qui ont l’amour de la liberté pour objet, on aura l’explication du phénomène rare que présente la conduite vraiment héroïque de la citoyenne Quatresous dans la pénible et glorieuse carrière qu’elle a parcourue. Dans le dénûment absolu où elle s’est trouvée en arrivant à Paris, elle s’est présentée au comité de la guerre de la Convention, qui Ta renvoyée auprès du ministre de l’intérieur pour une provision de 150 liv., qu’elle a obtenue. SÉANCE DU 3 FLORÉAL AN IX (22 AVRIL 1794) - N°s 53 A 55 169 53 Le même [COUTHON] fait un rapport sur les articles de la loi de police générale, qui concernent l’établissement de deux commissions, dont l’une doit être chargée de présenter un cours d’institutions sociales, et l’autre de rédiger en un code complet et succinct toutes les lois rendues jusqu’à ce jour. U propose de confier au comité la traduction des institutions, dont les bases seront, ajoute-t-il, guerre aux fripons et aux infâmes, paix et honneur à la vertu. (Les plus vifs applaudissements se font entendre de toutes parts.) Cette proposition est décrétée. «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de salut public, décrète que le comité de salut public est chargé de rédiger le cours d’institutions civiles, propres à conserver les mœurs et l’esprit de la liberté dont une commission spéciale devait s’occuper, aux termes de l’article XXV de la loi sur la police générale de la République. » (1). 54 Le rapporteur fait rendre, pour l’organisation de l’autre commission, le décret suivant: «La Convention nationale, après avoir entendu [COUTHON, au nom du] comité de salut public, nomme les représentants du peuple Cambacérès, Merlin (de Douai) et Couthon, pour composer la commission chargée, aux termes de la loi sur la police générale de la République, de rédiger en un code succinct et complet les lois rendues jusqu’à ce jour, en supprimant celles qui sont devenues confuses; et autorise cette commission à employer tel nombre de citoyens et à faire les dépenses quelle jugera nécessaires et convenables pour remplir les vues de la Convention» (2). 55 GOSSUIN, au nom du comité de la guerre : La citoyenne Quatresous n’a pas seize ans; il y en a trois que, par une de ces inspirations soudaines que l’amour de la patrie peut seul expliquer, elle s’est, à la faveur du déguisement, rangée sous les drapeaux de la République. (1) P.V., XXXVI, 59. Pas de Minute dans C 301, pl. 1066. Décret n° 8887. Reproduit dans Mon., XX, 283; Audit, nat., n° 577; J. Matin, n° 613; C. Univ., 4 flor.; M.U., XXXIX, 62; Débats, n° 580, p. 27; Ann. Rép. fr., n° 145; J. Perlet, n° 578; J. Mont., n° 161; Feuille Rép., n° 294; Rép., n° 124; Mess. soir., n° 613. (2) P.V., XXXVI, 60. Minute de la main de Couthon (C 301, pl. 1066, p. 35). Décret n° 8888. Reproduit dans Bin, 3 flor.; Mon., XX, 283; Audit. nat., n° 577; Ann. patr., n° 477; C. Univ., 4 flor.; J. Matin, n° 613; J. Perlet, n° 578; J. Mont., n° 161; M.U., XXXIX, 62; Ann. Rép. fr., n° 145; J. Paris, n°,478; C. Eg., n° 613, p. 178; Feuille Rép., n° 294; Rep., n° 124; Mess, soir, n° 613; Batave, n° 432. C’est vain qu’elle fut d’abord repoussée par l’âge et la taille, lorsqu’elle se présenta, en mai 1791, au milieu des citoyens de son canton, pour servir comme volontaire; sa résolution s’est fortifiée par les obstacles mêmes, et elle est parvenue à s’engager à la conduite des chevaux d’artillerie, à Fontainebleau, d’où elle partit pour l’armée de la Vendée; elle fut ensuite à l’armée du Nord et de là dans la Belgique. C’est dans cette contrée que cette courageuse citoyenne a concouru à nos premiers succès, et s’est exposée à tous les dangers, toujours à la conduite des canons, aux sièges de Liège, d’Aix-la-Chapelle, de Namur et de Maestricht. De retour dans le Nord, elle a été au siège de Dunkerque et à la bataille d’Hondschoote, où elle eut deux chevaux tués sous elle, après avoir été elle-même renversée par le souffle d’un boulet. Lors du bombardement de Valenciennes, où elle se trouva, elle fut réduite à vivre de la chair de cheval pendant trois jours. Tels sont les principaux traits de civisme dont l’adolescence de cette intrépide républicaine se trouve déjà honorée. A juger de son exactitude à remplir ses devoirs, de la décence de son maintien et de sa persévérance à taire son secret, il n’y a pas de doute que son intention ne fût de rester à l’armée toute la durée de la guerre. Mais, quoiqu’elle n’eût confié ce secret à personne, un hasard imprévu l’a trahi, et dès lors il ne lui a plus été possible de suivre son inclination belliqueuse, qui n’est pas moins digne d’admiration. C’est ainsi que s’exprime le certificat de tout le corps d’artillerie auquel cette jeune héroïne était attachée, et du général Fromentin, commandant une division de l’armée du Nord. Il constate qu’elle ne s’est jamais fait remarquer que par le courage et le patriotisme les plus prononcés. Il est une particularité remarquable dans la vie de cette citoyenne, et qui semble peut-être mériter d’être recueillie dans les annales du républicanisme; c’est lorsque, dans la seule confidence d’elle-même, loin encore de l’âge où toutes les facultés se développent, et trouvant sans doute dans l’énergie de son heureux caractère toutes les ressources que donnent des habitudes martiales et l’expérience, elle a médité et exécuté spontanément un plan qui, dans l’homme courageux et familier aux grands événements, eût peut-être été l’objet de longues réflexions. Il est vrai que, née sous le chaume, elle a été élevée à l’école de deux grands maîtres : la nature et le malheur, qui donnent toujours à l’âme un ressort tout-puissant pour vaincre les difficultés des grandes entreprises; et si l’on ajoute que tout s’aplanit, surtout devant celles qui ont l’amour de la liberté pour objet, on aura l’explication du phénomène rare que présente la conduite vraiment héroïque de la citoyenne Quatresous dans la pénible et glorieuse carrière qu’elle a parcourue. Dans le dénûment absolu où elle s’est trouvée en arrivant à Paris, elle s’est présentée au comité de la guerre de la Convention, qui Ta renvoyée auprès du ministre de l’intérieur pour une provision de 150 liv., qu’elle a obtenue.