[17 novembre 1789.] 83 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] délibération de la commune sur cet arrêté, qui porte que trois députés de ce district ont donne leur démission ; le district des Cordeliers, en nommant de nouveaux députés, a fait l’arrêté do t l voici l’extrait : « L’assemblée générale a unanimement arrêté que les députés à la commune prêteraient le serment dont voici la formule : Attendu que nous n’avons d’autres pouvoirs que ceux de nos commettants, nous jurons et promettons de nous opposer autant qu’il sera en nous, à tout ce qui pourrait porter atteinte au pouvoir constituant, et de protester contre tout ce qui ne serait pas adopté par la majorité des districts ; que nous sommes révocables à volonté, etc. Arrête en outre que ladite formule sera imprimée et envoyée à tous les districts. » La commune de Paris a blâmé cette conduite ; elle n’a pas voulu recevoir les nouveaux députés, et a rappelé les anciens. M. 1» Président répond à la députation que l’Assemblée nationale prendra cette affaire eu considération. L’ordre du jour appelle la discussion sur l'arrêt du parlement de Mets, adressé à l' Assemblée nationale pendant la séance d’hier. M. le vicomte de Mirabeau (1). Je sens, Messieurs, toute la défaveur qui doit suivre celui qui monte à la tribune, et est supposé y monter avec l’intention de combattre une idée presque généralement adoptée par l’Assemblée ; mais je crois que c’est dans cette circonstance qu’un opinant a le plus de droits à l’attention et à l’indulgence de l’Assemblée. Je connais peu les formes judiciaires; je ne sais par conséquent pas quelle est la différence qui existe entre un enregistrement pur et simple, et un enregistrement provisoire, accompagné de protestation. Je n’entreprendrai donc pas de déterminer quelle peine a encouru le parlement de Metz par la conduite qu’il a tenue; je me contenterai d’examiner la base sur laquelle elle est fondée et je ne crains pas de dire que je ne la trouve pas dénuée de fondement. Le parlement de Metz dit, que ne croyant pas reconnaître dans le décret de l’Assemblée nationale, du 3 du courant, et dans la sanction qui y est jointe, le caractère de liberté nécessaire pour rendre les lois obligatoires, il est incertain sur ta manière de remplir, dans les circonstances actuelles, les engagements qu’il a contractés par son serment. Personne n’est plus convaincu que moi que le monarque est libre ; il le dit dans sa proclamation et je suis accoutumé à ne voir que la vérité et mon devoir, dans ce qui émane de la bouche du monarque ; mais personne ne disconviendra avec moi que, quand bien même il ne le serait pas, il tiendrait encore le même langage. (Un grand tumulte éclate dans la salle. — On demande que l’orateur soit rappelé à l’ordre. — Plusieurs membres proposent de lui retirer la parole. — M. le président parvient à ramener le silence.) M. le vicomte de Mirabeau. Je dois imaginer aussi que l’Assemblée est libre dans ses délibérations et opinions ; et l’attention qu’on me prête en ce moment, où je ne suis pas d’accord (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du discours de M. le vicomte de Mirabeau. avec la majorité de l’Assemblée, m’en est un sûr garant. Mais vous paraît-il impossible, Messieurs, qu’aux frontières du royaume, on ne croie pas à l’évidence de ces vérités que nous croyons apercevoir? Vous savez mieux que moi que les nouvelles ne parviennent pas dans les provinces d’une manière parfaitement exacte ; sur les lieux mêmes il y a autant de versions différentes que de témoins; il est possible que les 15,000 hommes qui ont été à Versailles, précédés d’un train d’artillerie, inviter le Roi à se rendre dans la capitale, aient été dénoncés dans les provinces comme une armée qui a été enlever le monarque; on y a peut-être cru que toutes les horreurs qui ont précédé sa translation étaient l’effet d’intrigues combinées, tandis qu’elles n’ont été, selon les appa-parences, que les crimes de quelques brigands isolés. (De nouvelles interruptions couvrent la voix de l’orateur. 11 attend que le silence se rétablisse.) M. le vicomte «le Mirabeau. Quant à ce qui regarde l’Assemblée nationale, ne pardonnerez-vous pas, Messieurs, qu'on ail pensé, à 120 lieues de nous, ce que beaucoup de membres ont cru et soutenu dans le sein de l’Assemblée lorsque la question de son départ pour Paris y a été discutée? Je pense donc, Messieurs, que le parlement de Metz a pu croire, sans crime, mais seulement par erreur, que le Roi et l’Assemblée nationale notaient pas libres et j’interrogerai à cet égard la conscience d’un grand nombre de membres de cette Assemblée. Il en est (et en grand nombre) qui ont craint, mal à propos sans doute, l’i nfluence de la capitale sur les décrets de l’Assemblée; il en est beaucoup môme à qui leurs commettants ont manifesté la même crainte ; je le tiens d’eux-mêmes. D’après ces considérations, je conclus, Messieurs, par demander : 1° Que le Roi soit remercié de la promptitude qu’il a mise à rassurer les peuples sur l’identité de ses principes avec ceux de l’Assemblée nationale et à les manifester en cassant l’arrêt du parlement de Metz; 2° Que l’Assemblée nationale, considérant que son autorité dépend de sa liberté, déclare à toutes les provinces qu’elle est parfaitement libre et que les peuples doivent à ses décrets le respect qui est du à tous les actes du pouvoir législatif; 3° Que l’Assemblée ordonne à son président de se retirer immédiatement par devers le Roi, à l’effet de proposer le présent décret à l’acceptation de Sa Majesté, pour être ensuite envoyé au parlement de Metz, qui sera tenu de l’enregistrer sans réserve et sans délai, ainsi qu’à tous les autres tribunaux et corps administratifs du royaume. M. Lavle. Le discours de M. le vicomte de Mirabeau est irrespectueux pour l’Assemblée et tend à ia déconsidérer dans l'opinion publique. Je propose de lui interdire la parole pour trois mois. M. de Cazalès. Une Assemblée délibérante n’est pas libre quand chacun de ses membres n’a pas le droit de dire crûment son sentiment ; il ne doit même pas être interrompu, à moins qu’il n’attaque les individus, et M. le vicomte de Mirabeau n’a manqué à personne. M. Bion. Je demande que le discours que vous