[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 17 mars 1791. | de ne pas avoir entendu M. Barnave. Il a, pour motif d’ajournement, développé des princines bien étrangers à ceux que je professe; et il donnera une preuve bien signalée de ses talents, s’il peut les allier avec le décret qui place entre les mains du roi le pouvoir exécutif suprême. Quoique bien éloigné des principes de M. Barnave, je parviens aux mêmes résultats et je conclus, comme lui, à l’ajournement. Le comité présente à la délibération la division des départements; s’il est vrai que le pouvoir exécutif suprême réside entre les mains do roi, c’est à lui à le distribuer dans les mains qu’il croira les plus habiles. Il me paraît en même temps qu’on a omis le point extrêmement important de fixer d’une manière claire et précise la responsabilité de ces mêmes ministres, afin que personne ne puisse prétendre à ces places sans avoir pour la chose publique un zèle aussi pur qu’un grand talent. Voilà mes motifs d’ajournement; que le comité présente ses vues sur la totalité du ministère ; qu’il distingue ce qui appartient à l’un et à l’autre pouvoir, que les principes soient définis et nous les discuterons alors. Jeconclusdonc,avecM. Barnave, à ce que le projet du comité de Constitution lui soit renvoyé, pour que, dans le nouveau plan qu’il vous soumettra, il distingue, d’une manière plus claire, ce qui appariient à l’un et à l’autre pouvoir, et qu’il ne nous expose pas à délibérer, en enchevêtrant les deux pouvoirs qui doivent être séparés. M. de Mirabeau. Je pense, avec M. Le Chapelier, qu’on ne peut trop mettre en action le gouvernement; et comme je ne veux pas qu’on mette en action un autre gouvernement qu’un gou-verment responsable, il me paraît hors de doute que le projet de décret actuel, que je ne qualifie pas, que je ne discute pas, ni au fond, ni dans la forme, ne peut être traité qu’en concurrence avec un projet de loi sur la responsabilité. Sans donc m’enfoncer dans la théorie des ajournements, sans distinguer même la différence extrême qu’il y a entre un ajournement indéfini et un ajournement prochain, je demande que la discussion ne soit entamée qu’au moment où l’on donnera la loi sur la responsabilité; car nul gouvernement, à moins qu’il ne soit tyrannique, ne peut pas ne pas être responsable. (La discussion est fermée.) M. le Président. Je mets aux voix l’ajournement du projet de décret. (L’ajournement est décrété.) M. Rœderer, au nom du comité de Constitution. Je demande que l’Assemblée mette à l’ordre du jour de demain l’organisation du Trésor public. (Cette motion est décrétée.) M. le Président lève la séance à trois heures. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 7 MARS 1791, AU MATIN. 727 posant la création d'un ministère spécial des colonies. (Imprimée par ordre du comité.) Messieurs, le comité de Constitution, dans le projet de l’organisation du ministère, propose de faire décréter qu’il y aura un ministre particulier des colonies. L’intérêt de la France et de ses colonies doit être indivisible dans ses rapports commerciaux. Un ministre particulier des colonies deviendrait bientôt étranger au commerce national. Il ne s’occuperait que de la prospérité des îles confiées à son administration, sacrifierait votre culture et vos fabriques, et serait peu jaloux de prévenir la fraude, puisqu’il n’en aurait même pas les moyens. Le ministre de la marine dénossédé du gouvernement politique et économique des colonies; le ministre de la marine qui a smil en main les forces réprimantes (caria fraude n’y peut arriver que par mer, et être prévenue nar les vaisseaux de l’Etat) se trouverait sans intérêt comme sans récompense, et laisserait au ministre impuissant des colonies le soin d’une surveillance aussi importante. Le ministre des colonies n’aurait ni les moyens d’être averti à temps, ni ceux qui lui seraient nécessaires pour arrêter ou punir la fraude. Il est donc essentiellement nécessaire que le ministre de la marine conserve l’administration de vos colonies. Si vous la séparez, le commerce de la méfropole e«t perdu; vos colonies échapperont bientôt à la dépendance, et vous ne pourrez ni les y rappeler, ni les y contenir. 11 e«'t étonnant, Messieurs, que le comité de Constitution n’ait pas connu le piège et ait tranché, sans vous consulter, sur une question d’aussi grande importance. Réunissez vos efforts, Messieurs, pour obtenir que l’administration de vos colonies soit, comme par le passé, réunie à la Marine, sans quoi vous allez perdre votre commerce en Amérique, et dans peu vos colonies. Signé : Lasnier de Vaussenay. ASSEMBLÉE NATIONALE. présidence de m. de noailles. Séance du lundi 7 mars 1791, au soir ( 1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance de samedi au soir, qui est adopté. Un de MM. les secrétaires lit ensuite : 1° une lettre du procureur syndic du district de Melun, portant que de 125 curés qui composaient ce district, neuf seulement avaient refusé de prêter le serment décrété par l’Assemblée nationale; 2° Une lettre du président de l’assemblée électorale du département de l’Isère, portant que M. Pouehot, ancien curé de Saint-Ferjus, avait été nommé à l’évêché vacant dans ce département, OPINION de M. liasnier de Vaussenay , au comité d’agriculture et de commerce , sur l’article du projet de décret du comité de Constitution pro - (I) Cette séance est incomplète au Moniteur. 728 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 17 mars 1791. j par le refus qu’avait fait M. Dulait, ci-devant évêque, d’obéir à la loi ; 3° Une lettre du procureur général syndic du département de la Drôme, portant que M. François Marbos, curé du Bourg-le-Yalence, avait été nommé évêque en remplacement de Messey, qui avait refusé de prêter le serment ; 4° Une lettre du maire de Paris, portant que la municipalité avait fait le 5 de ce mois, l’adjudication de trois maisons nationales, situées, la première rue Saint-Jacques, louée 1,240 livres, estimée 19,185 livres, adjugée 36,600 livres; la seconde, rue des Deux-Portes-Saint-Jean, louée 700 livres, estimée 6,600 livres, adjugée 16,600 livres; la troisième, rue Geoffroy-L’Asnier, louée 1,200 livres, estimée 18,000 " livres, adjugée 32,200 livres ; 5° Une pétition faite par plusieurs receveurs des consignations, près les anciens tribunaux, et adressée à l’Assemblée pour qu’elle voulût s’occuper de déterminer le mode de leur comptabilité; et en attendant leur remplacement, les continuer dans leurs fonctions. (Cette pétition est renvoyée au comité de judica-ture, pour en faire son rapport incessamment, dans une des séances du soir.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité militaire sur les recrutements , engagements , rengagements et congés (1). M. de BoiiÜiillicr, rapporteur. Messieurs, vous avez précédemment adopté, dans vos séances des 8 et 10 février dernier, le titre Ier et lesar-ticles 1 et 2 du titre II du projet de décret qui revient aujourd’hui en discussion. Voici l’article suivant : Art. 3. « Les régiments, ci-devant connus sous le nom d’allemands, irlandais et liégeois, seront seuls autorisés à engager les étrangers. Il leur sera permis néanmoins d’engager des Français; mais il leur sera défendu, sous aucun prétexte, de prendre des déserteurs de régiments français, à moins qu’ils n’aient eu leur amnistie. » M. de Crlllon, le jeune. Pour rappeler d’une manière plus précise encore l’amendement que j’ai proposé à la dernière séance, je vais le renouveler. Je propose que les Suisses soient les seules troupes reconnues étrangères; que les régiments connus aujourd’hui sous le nom de régiments allemands, irlandais et liégeois, soient déclarés troupes nationales et assimilés en tout aux régiments français, et qu’en conséquence le remplacement des officiers qui ne pourront être que français et le recrutement des soldats dans ces régiments se fassent d’aorès les mêmes règles que dans les régiments Français, et que les fonds assignés aux masses de recrutement soient les mêmes pour tous les régiments. M. Babey. Il est inutile de dire que les officiers ne seront que des français, puisque vous déclarez ces régiments troupes nationales. M. de Wimpfen. Je trouve d’une bonne politique de tin r des soldats de chez les étrangers ; (1) Voyez ci-dessus le rapport de M. de Boulhillier et les articles déjà décrétés, séances des 8 et 10 février 1791, pages 87 et 113. on fortifie ainsi nos armées et on affaiblit les leurs. Je vois un troisième avantage; c’est celui d’enlever à l’étranger des cultivateurs et de nous enrichir de ce qu’ils perdent à cet égard en conservant à notre commerce, à nos arts, à notre agriculture des bras qui cultivent avec succès et qui font fleurir ces différentes branches de la prospérité publique. M. de Crlllon, le jeune. Il n’est pas d’une bonne politique de chercher l’avantage d’une nation dans le tort qu’on fait auxantres; en soldant des troupes étrangères, c’est à la France même qu’on fait tort, parce que cette même solde pourrait êt e gagnée par des Français. Il n’est pas vraisemblable, d’ailleurs, que les arts industrieux perdent tous les hommes qui entrent dans les régiments, parce qu’un pays tel que la France multiplie toujours sa population lorsqu’elle a de nouveaux emplois pour de nouveaux hommes. Enfin, s’il est utile en temps de guerre d’avoir des troupes étrangères, rien ne sera plus aisé que de s’en procurer; nous en avons pour exemple la formation soudaine du régiment des Deux-Ponts qui fut levée en 1756 dans un moment pressé et qui servit aussitôt avec distinction. M. de TVacy. Je rends justice à la fidélité des troupes étrangères et je reconnais les services qu’elles nous ont rendus; je ferai remarquer touiefois, qu’en thèse générale, les corps étrangers sont dangereux à la liberté nationale. En temps de paix, ils sont redoutables à ia liberté publique à laquelle il3 ne peuvent pas être aussi attachés que les soldats français dont elle est le patrimoine. En temps de guerre, ils ne serviront pas avec plus de fidélité que des soldats enfants d’une patrie à la défense de laquelle ils mettront tout leur courage,! tout leur dévouement. L’expérience de tous les pays et de tous les temps atteste que les troupes étrangères ont fini par être fatales à la nation qui les soldait. J'aperçois toutefois un avantage dans ces régiments étrangers, c’est d’-être un asile toujours ouvert aux déserteurs des autres nations, d’être même un appât qui les attire parce qu’ils ont à la fois le plaisir de changer de pays et de se trouver toujours parmi leurs compatriotes. Mais je trouve cette ruse de guerre peu digne d’une nation à qui l’artifice n’est pas permis, puisqu’elle peut vaincre toujours par le génie et par la force ; et, d’ailleurs, cet ignoble avantage pèse bien peu dans la balance lorsqu’on le pèse avec tous les inconvénients que je viens de signaler. M. de Boutliillier, rapporteur. J’insiste pour la rédaction qre je vous ai proposée; j’admets toutefois la partie de l’amendement de M. de Crillon relative à la première admission des officiers. M. Begnault. Ce n’est point là l’ordre du jour; il ne s’agit pas à présent de la discussion des officiers. Je demande l’ajournement de cette disposition. M. 'Victor de Broglie. Je suis chargé, de la part du comité militaire, de présenter à l’Assemblée le mode d’admission au service et il me paraît extrêmement simple; mais l’Assemblée nationale doit être persuadée que le comité militaire ue perdra pas, pour sa propre instruction, le