666 [Assemblée nationale.] livrer à l’espoir que ses travaux résisteront à tous les efforts des ennemis de la patrie. (Applaudissements.) (L’Assemblée décrète l’impression du discours de la députation et la réponse du président et leur insertion dans le procès-verbal.) Une députation des gardes nationaux du canton de Châtillon, département de Paris, est admise à la barre. L'orateur de la députation s’exprime ainsi : « Messieurs, « Lorsque la patrie est en danger, tout citoyen doit voler à sa défense : c’est pourquoi nous "venons au milieu des anges tutélaires de la France, renouveler, augmenter même, et étendre, s’il est nécessaire, le serment que nous avons plus d’une fois prononcé à la face du ciel et de la terre, de vivre et mourir pour le maintien de la Constitution, le plus beau chef-d’œuvre qui soit sorti de la main des hommes, puisque l’évangile n’en est pas. ( Applaudissements .) Qu’elles soient confondues les puissances qui, jalouses de notre gloire et de notre bonheur, voudraient allumer dans cet Empire le flambeau de la discorde, et y introdure les horreurs de la guerre; que, semblables à la poussière emportée par le vent, leurs vains projets, leurs noirs complots s’évanouissent. Pour nous, et en ce moment nous nous félicitons d’être les échos de 25 millions d’habitants répandus dans les 83 départements du royaume, pour nous, qui commen ¬ çons à jouir de nos droits, animés de toute la force de la loi, animés du plus bouillant patriotisme, nous jurons de verser jusqu’à la dernière goutte de notre sang pour conserver dans son intégrité la conquête dont nous sommes redevables aux sages et immenses travaux de nos augustes représentants ; et quand notre mère commune ne nous offrirait que des ruines, quand des milliers de bouches d’airain vomiraient la mort de toutes parts, notre dernier soupir sera pour la liberté, le plus bel apanage de l’homme, le plus pressant besoin du Français. » ( Applaudi - sements.) M. le Président répond : « Messieurs, « L’Assemblée nationale, constamment occupée des moyens d’affermir la Constitution et d’assurer la tranquillité publique, voit chaque jour avec satisfaction, dans cetle grande époque, des ciloyens s’empresser de la seconder, soit en concourant à former une opinion publique qui soutient son courage et multiplie ses forces, soit en lui présentant des tableaux variés de celle imposante fermeté, de cette active vigilance qui donne à la Constitution autant d’amis que la liberté a armé de bras pour l’obtenir. « L’Assemblée, qui ne croit aucune entreprise impossible de la part des ennemis de la patrie, ne peut éprouver aucune crainte de leurs erreurs ni de leurs passions ; il lui suffit d’apprécier vos vertus civiques, de trouver dans vos serments l’expression des sentiments de la nation, et d’être assurée que notre courageuse Révolution trouvera autant d’imitateurs que la France compte, avec orgueil, de citoyens libres. « L’Assemblée vous invite à assister à sa séance. » ( Applaudissements .) Plusieurs membres. Le serment! le serment 1 [2 juillet 1791.] M. le Président fait lecture de la formule du serment. Tous les membres de la députation : Nous le jurons ! Un membre de la députation. Si l’on a besoin de nous, on n’aura qu’à nous faire un signe. (L’Assemblée décrète l’impression du discours de la députation et de la réponse do président, et leur insertion dans le procès-verbal.) Une députation des invalides de l'Hôtel est admise à la barre. M. Chevalier, capitaine d'invalides , s’exprime ainsi : « Dignes représentants d’un peuple qui veut vivœ libre ou mourir, nous venons, au nom de tous nos camarades, jurer devant vous que nous sommes dans les mêmes sentiments, quoique vieillis sous les étendards du despotisme. « Oui, Messieurs, et c’est de bon cœur, nous jurons tous d’être fidèles à la nation, à la loi, et de mourir plutôt que de souffrir qu’on en arrache un feuillet illégalement: (Applaudissements.) Et si vous permettez à de vieux guerriers d’émettre devant vous un vœu, c’est, cl’après vos décrets, celui d’un prompt retour dans leurs familles pour y vanter vos bienfaits, offrir aux jeunes militaires les lumières de l’expérience, et à la patrie le reste de leur sang, s’il le faut, pour la défense de la liberté. » (Applaudissements.) M. le Président répond : « Vous avez déjà, par de longs services, mérité et obtenu la reconnaissance publique; votre sang a déjà été versé [jour l’Etat; mais si la patrie était en danger, il vous en reste encore à répandre pour elle. Vos forces épuisées par l’âge, renaîtront par le souvenir de votre gloire, et la France vous comptera encore, avec confiance, au nombre de ses défenseurs. Qu’ils osent donc se montrer, ces ennemis de notre repos, ces hommes soudoyés par des tyrans; et vous, oui, vous-mêmes, estimables vétérans, vous saurez leur prouver que les infirmités d’un homme libre peuvent résister aux forces d’un esclave armé, et qu’animé par l’amour de la patrie, un soldat français n’a point d’âge. (Applaudissements.) » L’Assemblée, toujours attendrie par votre présence, reçoit vos hommages et vos serments, et vous invite à assister à sa séance . » Je vais vous lire la formule du serment : « Vous jurez d’employer les armes remises entre vos mains à la défense delà patrie... » Les membres de la députation (interrompant) : Oui! oui! nous le jurons ! (Vifs applaudissements.) M. le Président. Le bon usage que vous avez fait pourrait vous dispenser d’entendre la formule; mais permettez-moi d’achever. (IL termine la lecture de la formule du serment.) Les membres de la députation : Nous le jurons 1 Un officier , membre de la députation. Messieurs vous voyez ce brave homme (il montre un officier invalide qui a les cheveux blancs) : il avait son fils au service de la nation ; il vient de ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 12 juillet 1791.] 667 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] passer chez l'étranger; il vous offre ses deux bras. M. Philogène-Charles de Montfort, membre de la députation capitaine d’invalides , ancien mousquetaire noir. Monsieur le Président, mon fils officier dan-; la colonelle générale, infanterie, me comble de désespoir : il vient de pa-ser de Dun-kerqueàFurnes. Je l’abandonne; maisj’aiun autre enfant à l’école militait e de Brienne : je vous supplie de croire mon patriotisme vrai. J’ai encore deux bras; mon autre fils en a deux; donnez-nous les moyens de remplacer ce malheureux. Je vous donne ma parole de l’élever dans les sentiments que j’avais jurés; mon cœur navré réclame vos bontés. M. le Président. Vous venez d’entendre, Messieurs, le récit qu’on vient de vous faire : les décrets rendus par l’Assemblée nationale mettent dans le cas de placer le fils de ce brave homme. Un membre : Il est à l’école militaire. M. le Président. Je crois qu’il suffira qu’il soit fait mention dans le procès-verbal de l’offre du sieur de Montfort et d’en envoyer l’extrait à l’un des généraux de l’armée, pour que celui-ci s’empresse de mettre ce jeune homme au nombre des sujets qui méritent d’être employés. (Oui! oui!) (L’Assemblée décrète la motion de M. le Président.) M. Defermon. Je demande l’impression du discours de la députation et de la réponse du président et leur insertion dans le procès-verbal. (Cette motion est décrétée.) M. Brisont-BarnevIIIe (Nicolas - François-Denis), commissaire de guerre, est admis à la barre et prête le serment décrété le 22 juin. M. le Président. J’ai reçu une lettre des administrateurs de Saint-Malo, ainsi conçue : <> Monsieur le Président, « Nous avons l’honneur de vous adresser un paquet contenant 87 lettres qui ont été arrêtées au retour de Jersey sur un bateau d’un particulier de ce port, très'suspect, et notoirement connu pour avoir transporté depuis quelque temps un nombie considérable d’émigrants dans cette île. Le grand rassemblement qui s’y trouve, leur correspondance habituelle avec leurs affidés en France, le nom et le caractère connu de la plupart des personnes auxquelles ces lettres sont adressées et la gravité des circonstances actuelles nous ont déterminés, Monsieur le Président, à vous les adresser. « L’Assemblée nationale jugera dans sa sages e s’il convient qu’elle prenne connaissance de leur contenu. « Nous vous supplions, Monsieur le Président, de vouloir bien lui réitérer l’hommage de notre dévouement et de la fermeté inébranlable que les citoyens de ce district ont juré d’opposer aux coupables efforts des ennemis de la patrie. « Nous sommes, etc. « Signé : Les administrateurs de Saint-Malo. » Plusieurs membres : Au comité des recherches ! M. Bouche. En d’autres temps je serais le premier à demander que ces lettres, de quelque part qu’elles vinssent, quelle que fût leur adresse, fussent envoyées à b ur destination; mais lorsque la patrie est en danger, lorsqu’elle e t menacée detoute part, cette loyauté serait une imprudence coupable. Je dem mdè que lus 87 paquets soient renvoyés au comité des recherches. (L’Assemblée décrète le renvoi aux comités des rapports et des recherches réunis.) M. le Président. Voici une note dont je dois donner connaissance à l’Assemblée; elle m’a été remise avec le panier que vous voyez sur le bureau. « Le commis de la poste, au contre-seing de l’Assemblée nationale, a l’honneur de représenter à M. le Président que les abus du contreseing augmentent tous les jours, et il en montre la preuve. Ces paquets ont été apportés par un seul député, qui n’en envoie pas moins toutes les fois qu’il vient au contreseing. » Il y a un panier plein de lettres. M. Voidel. Il y a quelque temps que le comité des recherches est prévenu de cet abus; il a cherché, autant qu’il était en son pouvoir, à vérifier s’il eu résultait du danger pour la chose publique, et il a trouvé qu’en effet la plupart de ces paquets portaient des suscriptions extrêmement suspectes. Je demande en conséquence qu’à dater de cet instant, le contreseing de l’Assemblée pour les envois soit supprimé. (Oui! oui! — Murmures.) 11 n’y a pas d’autre moyen; car celui de faire signer pourrait compromettre le meilleur citoyen, par la facilité qu’on a de contrefaire une signature. M. Gaultier-Biauxat. M. Voi iel et moi, et plusieurs autres membres, avaient été témoins, la semaine dernière, que deux envois aussi considérables que celui-là, ont été portés par un prêtre de nos confrères que je ne connais pas de nom, car je le nommerais. C’est ainsi qu’on envoie h s libelles les plus dangereux à tous les éuergumènes des départements. (Applaudissements.) Les municipalités et les corps administratifs payeront avec plaisir le port des lettres que vous leur adresserez. (Non! non!) Par là vous faites un mal infini; et je vous déclare que le ci-devant évêque de mon département n’a gâté nos contrées que par ce moyen-là. Si vous ne voulez pas le supprimer entièrement, du moins que le commis ne contresigne aucun paqud qu’il ne le fasse signer en sa présence par le député; et enfin, Messieurs, pour faire un exemple qui puisse arrêter, ordonnez que tous ces paquets qui sont sous vos yeux seront mis à la poste sans affranchissement. M. Barnave. Je ne dirai rien, Messieurs, sur la dernière proposition du préopinant, tendant à ce que ces paquets, soient remis à la poste : le succès de ceite motion m’est absolument indifférent, mais je demande l’ordre du jo ir formellement sur le fond de la motion tendant à supprimer le contreseing. Je crois, Messieurs, que la question n’est pas de savoir si les produits de la poste rendront à la nation quelques centaines de mille livres de plus ou de moins; que le fond de la question n’est pas même de savoir si une poignée d’aristocrates dans les différentes parties du royaume pourront être encore un p u plus irrités qu’ils ne le sont par les mauvais papiers qui leur sont adressés, et dont ils auraient vraisemblablement