[Convention nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. L 30 frimaire an il 1Q i 20 décembre 1793 défendre! Pourquoi les scellés n’cnt-ils pas été mis sur ses affaires! Mais non, jamais môn époux ne fut suspect, et certes, s’il l’eût été, depuis six semaines qu’il est détenu, on en eût aisément acquis la preuve. « Mon époux n’est donc pas suspect, on n’a contre lui que comme une prévention, ce sont les termes de son écrou. Aussi, peut-il défier la haine la plus envenimée de lui reprocher le moindre délit, une seule parole, une fausse démarche qui ait jamais pu compromettre la sûreté publique. « Mais pour détruire cette prévention qui accuse mon mari, disons un mot de son utile rofession, de sa conduite depuis la Révolution, e ses moyens, de sa trop faible et malheureuse safité.' à Né à Paris, rue aux Fers, nô 50, d’un père marchand, le citoyen Michel exerce presque depuis Son enfance cette utile et honorable profession. Il est né dans la maison où il occupe (sic). On sait combien est sévère sa probité et qu’il jouit d’Une réputation excellente et bien méritée. Il est encore bon époux et bon père. « Un titre dont il s’honore est celui de bon citoyen. Sa conduite le lui assuré; il en remplira toujours les devoirs avec la plus douce Volupté. « On doit au citoyen Michel d’avoir un des premiers peut-être tourné ses connaissances et sott commerce vers l’utilité publique, ett établis¬ sant une manufacture de boutons d’abord pour la force armée de Paris et des départements, ensuite pbür les enfants de la patrie qui com¬ battent si vaillamment les despotes et leurs vils satellites. Là deux cents et plus d’ouvriers s’occupent encore de tout ce qui concerne l’ha¬ billement et équipement de nos troupes et trouvent avec leur famille un salaire honnête et facile. Cet établissement est dû aux soins du citoyen Michel; il dépérit depuis son absence, nul que lui ne peut le conduire, il y a oonsacré toüte sa fortune, et il était loin de croire que pour servir l’établissement et raffermissement de la République de tous ses moyens, on dut un jour l’en punir en le privant de la liberté. « Depuis la Révolution, tous les pas du citoyen Michel sont marqués au coin du civisme. « La maison qu’il occupe rue aux Fers est un bien national provenant des ci-devant Chartreux de Paris; à l’époque de la vente, elle avait six années encore de bail à courir. Le citoyen Michel en presse la vente, elle est portée le neuvième lot; elle ne rapportait que 1350 livres de rente. L’enchère est de 6,000 livres ; n’im¬ porte, il consent à s’en rendre adjudicataire, dût-il, d’après les services de ses amis et les différents sacrifices qu’il est Obligé dè faire, ne la payer que par annuité. Certes, ce n’est pas là le trait et" la conduite d’un mauvais citoyen. « La conduite du citoyen Michel ne s’est jamais démentie, toujours le même, toujours à la hau¬ teur de la Révolution, il a fait tous les sacrifices que commandaient les circonstances, que ses moyens pouvaient lui permettre. « Lorsque nos ennemis, descendus dans lés plaines de Châlons, menaçaient cette partie dè nos provinces, le citoyen Michel arme, équipe, habille deux de ses . principaux commis, Son beau-frère lui-même est l’un de ces braves et il s’est distingué dans les armées. « Ici, c’est une contribution volontaire de 200 livres fidèlement acquittée. « Là, deux volontaires sont habillés et armés par les soins et aux frais du citoyen réclamant. « Plus loin, des soumissions pour les veuves et orphelins de nos frétés d’armes et mille autres de cette nature faites au comité de bienfaisance de la section des Marchés, « D’où il résulte que le citoyen Michêl a con¬ tribué autant qu’il a été en lui à avancer et faire réussir là cause de la liberté, . « Mais quel est-il le citoyen que l’ott regarde comme prévenu d’être suspect. C’est un jeune homme de 29 ans sans aucuns moyens physiques ou moraux, un homme d’une délicatesse extrême, toujours malade, qui a essuyé de longues et graves maladies, attaqué de la poitrine, de crachements de sang et dont l’état habituel est valétudinaire. On renvoie ici aux certificats des médecins et chirurgiens qui l’ont toujours traité. Eh bien ! ce même jeune homme a fait tout ce qu’il pouvait faire, son service person¬ nellement lorsque sa santé pouvait le lui per¬ mettre. Il s’est montré les jours où la patrie était en danger les derniers jours de mai, a fréquenté sa section, mais sans études, il n’en a pas fait, sans doute on ne lui fera pas un reproche de n’avoir point pris une part trop active dans les affaires. Doux de earaotère, et d’une extrême timidité, comment eût-il pu se faire entendre ? « Citoyens représentants, daignez dans votre sagesse et Votre justice prendre en considéra¬ tion l’état de mauvaise saûté de mon épotix. Je suis éloignée de vouloir le soustraire à la loi et, certes, il ën fut toujours esclave; ordonnez seu¬ lement, je Vous en conjure, soù prompt élargis¬ sement en instruisant son affaire, où qu’il soit rendu à ses foyers sous la garde de qui il appar¬ tiendra. Citoyens, justice prompte ou la liberté. « Il est surtout Une grâce que je sollicité depuis longtemps et à laquelle j’attache le plus grand prix, c’est de connaître les motifs qui ont pu m’enlever mon époux afin de mettre dàùs tout son jour l’innocence d’un homme dont je réponds sur ma tête. « Citoyenne Michel. » « Depuis bien des siècles, dit une députation des commissaires du département de la Charente, les Français, courbés sous les chaînes honteuse? des tyrans, gémissaient en secret sur leur vil esclavage. La philosophie et la raison, rendant a l’homme son énergie naturelle, lui ont fait recon¬ naître et sa force et ses droits; il a rompu ses fers, et les crimes accumulés des despotes, la perfidie et le mensonge des ministres des autels, enfin la ligue des tyrans qui, en apparence, formaient un mur d’airain indestructible, n’bnt pu résister à son impétuosité, et une grande Révolution annonça à l’univers étonné que les Français étaient libres. « Représentants, entourés de conspirateurs, menacés des poignards des scélérats, vous avez, par votre courage, sauvé la patrie, Restez à votre poste, nous ne cesserons de le répéter, tet ne des¬ cendez de la Montagne qu’après avoir mouille l’ancre du vaisseau de la Révolution dans le port de la paix. » . ..... L’orateur offre ensuite son hommage aux mar¬ tyrs de là Révolution Marat et Le Peletieï. R proteste du dévouement des Ofaarentais â la cause de la liberté. Enfin, il dépose le proéès- 20 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ! fj décembre4" 793 verbal de la fête de la raison célébrée dans le département qu’il représente. Le Président répond et invite la députation aux honneurs de la séance. Un membre observe (1) que le département de la Charente, indépendamment de 30 bataillons qui combattent aux frontières et dans la Vendée, vient encore de fournir 250 hommes de cavalerie équipés, pour l’armée des Pyrénées. Sur sa motion, « La Convention nationale décrète que les ad¬ ministrateurs et les administrés du département de la Charente ont bien mérité de la patrie; « Décrète, en outre, que leur adresse sera men¬ tionnée honorablement au procès-verbal et in¬ sérée au « Bulletin » (2). » Adresse des commissaires du département de la Charente, à la Convention nationale (3). « Représentants du souverain, « Le département de la Charente nous a député vers vous pour différents objets utiles à la chose publique; il nous a également chargés de nous présenter à votre barre et de vous trans¬ mettre les principes que n’ont jamais cessé de professer les fidèles Charentais. « Représentants, depuis bien des siècles, les Français courbés sous les chaînes honteuses des tyrans gémissaient en secret sur leur vil escla¬ vage; la philosophie et la raison rendant à l’homme son énergie naturelle, lui ont fait reconnaître et sa force et ses droits : il a rompu ses fers, et les crimes accumulés des despotes, la perfidie et le mensonge des ministres des autels, enfin la ligue des tyrans qui, en apparence, fournissaient un mur d’airain indestructible, n’ont pu résister à son impétuosité, et une grande révolution annonça à l’univers étonné que les Français étaient libres. « En vain le despotisme a-t-il cherché à s’accrocher aux débris du trône renversé, en vain les dignes sujets de l’imbécile Pie VI ont-ils voulu lancer les foudres du Vatican et nous menacer d’un Dieu terrible auquel ils ne croyaient pas; en vain les intrigants, les fripons et les nobles se sont-ils associés, rien n’a étonné le Français, sa représentation veillait à son bonheur et, d’un seul mot, le peuple debout a livré sans distinction au glaive de la loi les têtes criminelles qui conspiraient contre sa liberté. « Représentants, entourés de conspirateurs, menacés des poignards des scélérats, vous avez, par votre courage, sauvé la patrie. Restez à votre poste, représentants, nous ne cesserons de vous le répéter, et ne descendez de la Mon¬ tagne qu’apres avoir mouillé l’ancre du vaisseau de la Révolution dans le port de la paix. (1) La minute du procès-verbal signée par Belle-garde et Harmand et rédigée par Harmand porte : * Sur l’observation de deux membres... etc... » (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 358. (3) Archives nationales, carton C 285, dossier 82C. « O vous ! martyrs de cette sainte Révolution, ombres de Marat et de Lepeletier qui résidez dans cet auguste sénat, vous qui, inspirés par le génie de la liberté, fîtes pâlir les tyrans sur leurs trônes, recevez ici notre respectueux hom¬ mage; si le fer perfide trancha des jours si pré¬ cieux à la patrie, il ne put éteindre le feu bouil-' lant du patriotisme dont vous étiez animé, et vos dignes collègues, recueillant votre sublime énergie et vos vertus, n’ont laissé aux tyrans que la honte ou la mort. « Quant à nous, représentants, qui faisons. notre gloire d’être vos émules, nous ne cesserons de propager vos principes et de répandre par¬ tout les sublimes leçons que nous avons puisées dans cette enceinte; nos frères les écouteront avec enthousiasme, et si quarante mille hommes de notre département qui sont dans nos armées n’étaient pas un gage suffisant de notre incor¬ ruptible amour pour la République, représen¬ tants, dites un mot, et tous les Charentais accourent à votre voix. « Nous déposons sur le bureau le procès-verbal de la fête de la Raison célébrée dans notre département; depuis ce jour, le fanatisme a expiré, ses autels Se sont écroulés et ses idoles ont été avec lui s’engloutir sous les ruines du prestige et du mensonge. « Le représentant Harmand, qui présidait cette fête, vous dira que les préjugés y sont aussi en horreur que la tyrannie, qu’ils sont voués par lui à l’anathème des nations, et que la liberté et la raison sont le seul culte qu’il professe. « L.-B. Prieur, commissaire; Jacques, commissaire; Marquet, commissaire. » Procès-verbal de l’inauguration du temple de la raison à Angoulênie (1). Du 1er décadi de frimaire, l’an II de la Répu¬ blique française, une et indivisible. Tandis que le flambeau de la raison paraissait s’éteindre dans quelques contrées de la France, que le fanatisme des prêtres reprenait un nou¬ veau degré d’atrocité, que la liberté menacée par les brigands avait à lutter contre une fac¬ tion impie qui ne demandait la République que pour l’étouffer à son berceau, une révolution sans exemple se préparait : la vérité, comme l’éclair dissipant les ténèbres de l’erreur et de la superstition, a ouvert tous les yeux à sa lumière; ce cri de la raison s’est fait entendre : plus de prêtres, plus de prêtres ! ils ont trop longtemps fait le malheur des nations; que les idoles du mensonge soient renversées, point d’autre culte que celui de la raison et de la vérité. «• Il fallait imprimer le mouvement qui devait détruire ces autels que le fanatisme religieux avait élevés; c’est ce qu’ont fait les citoyens de la commune d’Angoulême; le flambeau de la vérité, ont-ils dit, a répandu sa lumière bien¬ faisante dans toutes les âmes. Célébrons par une fête solennelle le triomphe de laphilosophie; achevons de dissiper les ténèbres dont les prêtres nous avaient environnés pour mieux nous rete¬ nir sous leur joug. L’administration, partageant les principes et (1) Archives nationales, carton C 285, dossier S2G.