SÉANCE DU 16 VENDÉMIAIRE AN III (7 OCTOBRE 1794) - N° 59 381 Dans quelques districts on n’a pas suivi les bases prescrites par la loi du 29 septembre 1793 (vieux style) ; dans d’autres on a oublié de fixer le prix des matières premières qui entrent dans la composition d’un objet maximé, ce qui devait nécessairement en arrêter la fabrication. Voilà les causes de la pénurie dont on se plaint dans quelques parties de la République. Du reste, il est des objets qu’il faut promptement soustraire à la loi du maximum. Mais vos comités ne sont pas suffisamment autorisés à prendre les mesures qui demandent de la célérité pour prévenir les besoins du peuple : en conséquence, voici le projet de décret qu’ils m’ont chargé de vous présenter (91). Le rapporteur des comités de Salut public et de Commerce fait un rapport, duquel il résulte qu’il s’est glissé des erreurs dans la confection du tableau général du maximum, et que ces erreurs ont été occasionnées par les renseignemens inexacts donnés par quelques administrations; il propose un projet de décret qui est adopté en ces termes : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Salut public et de Commerce, les autorise à rectifier les erreurs qui ont pu se glisser dans la confection du tableau général du maximum, approuvé par le décret du 6 ventôse (92). 59 Le rapporteur de la commission [ES-CHASSERIAUX jeune] présente à la discussion plusieurs articles de la loi sur les émigrés; ils sont adoptés ainsi qu’il suit : Titre II Des certificats de résidence Section première Des certificats de résidence des non-pré-venus d'émigration Article premier. - Tout citoyen non-pré-venu d’émigration, absent de son domicile justifiera, légalement de sa résidence sur le territoire de la République, en produisant au directoire du district dudit domicile un certificat revêtu des formes qui vont être prescrites, et dont le modèle sera joint à la présente loi. Sont exceptés de la disposition du présent article les représentans du peuple, qui demeurent dispensés de rapporter des certificats de résidence pour prouver leur (91) Moniteur, XXII, 178-179; Débats, n" 746, 268. (92) P.V., XLVTI, 18. C 321, pl. 1332, p. 3, minute de la main de Villers, rapporteur. Ann. Patr., n° 645; Ann. R. F., n° 16; F. de la Républ., n“ 17; Gazette Fr., n° 1010; J. Fr., n 743; J. Perlet, n 744; Mess. Soir, n 780; M. U., XLIV, 265. non-émigration, pendant la durée tant de la session de la Convention nationale que de celle de l’Assemblée législative. Art. II. - Le certificat exigé par l’article précédent, sera délivré par le conseil-général de la commune ou par l’assemblée de section de la résidence à certifier, sur l’attestation de trois témoins domiciliés dans ladite commune ou section. Il désignera le lieu de la résidence, et spécialement la maison où le certifié demeure ou aura demeuré; il contiendra en outre les nom, prénom, profession et signalement dudit certifié. Art. III. - Le certificat sera signé, ainsi que les registres sur lesquels il sera inscrit, par les attestans et le certifié, au moment où celui-ci se présentera pour l’obtenir. Si le certifié, les attestans ou quelques-uns d’eux ne savent pas signer, il en sera fait mention sur le certificat et sur les registres. Le certificat ne sera délivré par la municipalité ou assemblée de section, qu’après avoir été publié et affiché pendant trois jours à la porte de la maison commune. Il sera visé par le directoire du district, et soumis à l’enregistrement dans la décade du visa. Art. IV. - Les certificats dont peuvent avoir justifié les citoyens non-prévenus d’émigration, d’après les formes déterminées par les lois précédentes, vaudront pour parfaire la continuité de la résidence exigée par la loi. Art. V. - L’absence pour voyage dans l’intérieur de la République n’interrompra pas la continuité de la résidence, pourvu qu’elle soit justifiée par des passe-ports visés par les municipalités. Section II Des certificats de résidence des prévenus d'émigration. Art. VI. - Les prévenus d’émigration seront tenus, pour justifier de la résidence exigée par la loi, de représenter les certificats de huit citoyens domiciliés dans la commune de la résidence à certifier, y compris le propriétaire ou le principal locataire de la maison dans laquelle le certifié demeure ou aura demeuré. A défaut du propriétaire ou du principal locataire, le certifié pourra y suppléer par le témoignage de deux citoyens domiciliés dans ladite commune, lesquels, ainsi que les autres attestans, excepté les propriétaires ou principaux locataires, ne seront ni parens, ni alliés, ni créanciers, ni débiteurs, ni agens des certifiés, ni employés à leur service. Art. VII. - Le certificat contiendra les mêmes désignations que celles exprimées à l’article II du présent titre, et sera soumis, ainsi que les registres, quant à la signature, aux formalités prescrites par l’article III suivant. Il sera publié et affiché pendant six jours, tant dans la com- 382 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE mune de la résidence à certifier, que dans le chef-lieu de canton dans l’arrondissement duquel se trouve ladite commune, et ne pourra être délivré que cinq jours après lesdites publication et affiche. Art. VIII. - La signature du certifié sur les registres des municipalités ou sections et sur les certificats, est de forme essentielle. Il ne pourra y être dérogé que dans les cas ci-après déterminés. Art. IX. - Dans les communes où il existe des assemblées de section, le certificat sera délivré dans l’assemblée générale de la section de la résidence à certifier; il sera visé et vérifié par le conseil-général de la commune, le directoire du district et l’administration du département; il sera signé par six membres au moins, tant de l’assemblée générale de la section que du conseil général de la commune, et par deux membres au moins du directoire du district et de l’administration du département, sans qu’aucune signature, même celle du secrétaire, puisse être suppléée par une griffe. Ledit certificat devra, pour valoir, être enregistré dans la décade du visa du département. Le visa de l’administration du département suffira provisoirement pour valider les certificats de résidence délivrés par les assemblées de section de Paris. Art. X. - Les certificats délivrés jusqu’à présent, d’après les formes prescrites par la loi du 28 mars 1793, aux citoyens portés sur les listes des émigrés ou dont les biens ont été séquestrés, seront valables pour constater leur résidence. Art. XI. - A l’avenir, les prévenus d’émigration qui auroient produit des certificats depuis le 9 mai 1792, ne seront tenus de constater leur résidence, ainsi qu’il est prescrit par la présente section, que pour le temps qui se sera écoulé depuis l’époque où ils auront obtenu le dernier certificat, pourvu d'ailleurs que la continuité de leur résidence antérieure ait été justifiée d'après les dispositions des lois alors existantes. Art. XII. - Les certificats pour les prévenus d’émigration seront faits conformément au modèle qui sera joint à la présente loi. Section III Des certificats de résidence des membres de la Convention nationale , des fonctionnaires publics et des militaires. Art. XIII. - Les certificats délivrés aux membres de la Convention nationale par le président et les secrétaires, portant qu’ils sont à leur poste, suffiront pour constater leur résidence, et leur tiendront lieu, dans tous les cas, de tous autres certificats. Art. XIV. - La résidence des fonctionnaires publics nommés par le peuple ou par le gouvernement, sera constatée par un certificat du conseil-général de la commune où ils exercent leurs fonctions. Le certificat indiquera leurs nom, prénom, signalement, et l’époque depuis laquelle ils ont résidé dans ladite commune comme fonctionnaires publics. Il sera visé par le directoire du district, et soumis à l’enregistrement dans la décade du visa. Art. XV. - Tout militaire employé dans les armées de la République sera admis à justifier de sa résidence sur le territoire français, pour le temps de son activité de service, par un certificat du conseil d’administration du bataillon ou corps militaire dans lequel il sert ou a servi précédemment. Art. XVI. - Ce certificat contiendra, avec son signalement, ses nom, prénom, âge, grade, domicile, et l’époque depuis laquelle il est entré dans lesdits bataillon ou corps militaire, ou depuis laquelle il en est sorti, et sera visé par le commissaire des guerres. Art. XVII. - Le certificat de résidence sera délivré aux officiers de l’état-major, ainsi qu’à ceux qui ne tiennent à aucun corps particulier, par deux membres de l’état-major, en chef, ou le général de division, ou le général de brigade, et par le commissaire des guerres. Art. XVIII. - Quant aux citoyens attachés aux différens services de l’armée, leur résidence sera attestée tant par le chef sous lequel ils sont immédiatement employés, que par quatre citoyens faisant le même service. Le certificat sera visé par un commissaire des guerres. Art. XIX. - Le fonctionnaire public, le militaire ou le citoyen attaché au service des armées, porté sur la liste des émigrés, qui seroit dans la nécessité de constater sa résidence pour un temps antérieur à son activité de service, fera présenter, par un fondé de pouvoir, le certificat qui lui a été délivré, d’après les dispositions des articles précédens, au conseil-général de la commune, ou assemblée de section, de la résidence à certifier. Art. XX. - Sur la déclaration du fondé de pouvoirs et de quatre autres citoyens domiciliés dans la commune ou section, que la personne désignée dans le certificat représenté est la même que celle dont ils attestent la résidence, le conseil-général ou l’assemblée de section délivrera au certifié entre les mains de son fondé de pouvoir, et d’après les formes prescrites par l’article III du présent titre, un certificat pour le temps qu’il aura résidé dans ladite commune ou section. Section IV Des certificats de résidence dans le cas d’impossibilité de déplacement. Art. XXI. - Tout citoyen, autre que les fonctionnaires publics et les militaires, qui se trouvera dans l’impossibilité absolue de se transporter dans la commune de la résidence à certifier, pour être présent à la SÉANCE DU 16 VENDÉMIAIRE AN III (7 OCTOBRE 1794) - N° 60 383 délivrance du certificat, et signer le registre, présentera ses motifs au directoire du district, qui les jugera d’après les observations de la municipalité de la résidence actuelle. Art. XXII. - Si la réclamation est reconnue légitime, la municipalité, sur présentation de l’arrêté qui l’aura admise, délivrera au réclamant une attestation d’impossibilité de transport, qui contiendra, avec son signalement, ses nom, prénom, ci-devant qualité ou profession, et l’indication de son domicile actuel. Elle sera signée par le réclamant et inscrite sur le registre de la municipalité. Art. XXIII. - Cette attestation sera présentée, l’identité affirmée, et le certificat de résidence délivré ainsi qu’il est prescrit par les articles XIX et XX du présent titre. Le nombre des attestans sera dans la proportion indiquée par l'article II ou IV de ce même titre, selon que le réclamant sera ou non prévenu d’émigration. Art. XXIV. - A l'égard des détenus, l’extrait de leur écrou, auquel sera joint leur signalement, signé par eux et le concierge, et visé par la municipalité du lieu de détention, suppléera à l’attestation prescrite par l’article XXII (93). 60 On discute quelques articles sur les pères et mères des émigrés ci-devant nobles, auxquels on demande qu’on assimile les pères et mères des émigrés non-nobles; cette question excite des débats; on propose de renvoyer le tout à un nouvel examen de la commission, qui en fera son rapport. Adopté (94). ESCHASSERIAUX jeune, au nom de la commission chargée de la révision de la loi sur les émigrés : Je vais soumettre à votre discussion un sujet dont vous connaissez trop l’importance pour que vous ne le jugiez pas susceptible de toute votre attention. Il s’agit de fixer le sort des pères et mères des émigrés, et vous savez qu’il tient au principe que vous avez décrété le 17 frimaire dernier. Je ne m’étendrai point sur la difficulté de préciser le mode d’exécution de ce principe qui, pris dans son sens littéral, ne laisse presque aucune latitude au développement. Je me bornerai à vous observer que la commission, en traitant un sujet aussi délicat, n’a peut-être pas donné à ses vues toute l’étendue nécessaire, et qu’il devient essentiel d’expliquer d’une manière plus positive ce qu’elle n’a présenté qu’en aperçu. Il est d’ailleurs une observation très-impor-(93) P.-V., XLVII, 18-26. C 321, pl. 1332, p. 4, minute de la main de Eschasseriaux jeune, rapporteur. J. Fr., n° 744; J. Perlet, n° 746; M. U., XLIV, 285-287, 302-303. (94) P.-V., XLVII, 26. tante à faire relativement au mode de prononcer définitivement sur les réclamations des pères et mères d’émigrés : c’est que ce mode, qui pouvait peut-être convenir s’il eût été décrété il y a quelques mois, par la Convention nationale, me paraît offrir dans ce moment les plus graves inconvénients, dans le retard qui résulterait, pour ces mêmes pères et mères d’émigrés, de la longueur des formes à remplir avant que la décision qu’ils attendent depuis longtemps pût être portée. Vous avez décrété, le 6 de ce mois, qu’après la discussion du titre 1er du projet de loi sur les émigrés, vous vous occuperiez de la liquidation des créances sur les propriétés. Cet objet assurément est de la plus grande importance, et vous ne pouvez trop promptement vous livrer au soin de procurer aux créanciers un payement après lequel un grand nombre soupire depuis si longtemps. Mais, citoyens, votre intention sans doute n’est pas que la discussion sur la partie du projet qui concerne le personnel des émigrés reste suspendue jusqu’à ce que celle sur la liquidation des créances soit entièrement terminée, car il en résulterait pour une infinité de citoyens les retardé les plus fâcheux. Je ne dois pas vous taire que la partie du projet pour laquelle je solbcite surtout ici votre attention, et qui a trait aux certificats de résidence et aux listes, est celle qui présente en ce moment le plus d’urgence. De toutes parts des citoyens se trouvent portés et le sont journellement sur les listes d’émigrés, quoiqu’ils aient constamment résidé sur le territoire de la République, parce que les dispositions de la loi ne sont pas assez clairement énoncées, ou sont extrêmement difficiles à remplir. Il en est un grand nombre dont les biens sont séquestrés depuis plus d’un an, et qui, ayant obtenu la radiation de leurs noms sur les listes, d’après les arrêtés des corps administratifs, ne peuvent cependant rentrer dans la possession de leurs biens, parce que, depuis la suppression du ci-devant conseil exécutif, aucune autorité ne lui a été légalement substituée pour juger définitivement les réclamations des prévenus d’émigration. Pour vous faire connaître où en sont les choses à cet égard, il me suffira de vous dire que dans une commune, celle de Villenauxe, département de l’Aube, plus de cinquante citoyens ont été portés sur la liste des émigrés d’un département voisin, parce qu’ils y possédaient quelques arpents de terre et qu’ils n’avaient pas, en raison de cette propriété, justifié de leur résidence à l’administration de ce département ; mais le moindre malheur de ceux portés sur les listes des émigrés n’est pas d’être signalés comme ennemis de la patrie; ils ont encore la douleur de voir en beaucoup d’endroits leurs propriétés spoliées, pendant que, privés de tous moyens, ils sont ainsi que leur famille dans la détresse. On peut ajouter ici que ce ne sont pas les individus seuls qui souffrent de cet état de choses; il en résulte encore un préjudice très-sensible pour la République ; ses ressources en subsistances sont atténuées, parce qu’il est certain que les domaines provisoirement séques-