[Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juin 1790.J 93 M. le Président. M. le curé de Saint-Germain-l’Auxerrois s’est excusé auprès de moi et m’a dit que l’Assemblée, étant arrivée en avance, le clergé n’avait pu la recevoir à la porte. J’ajoute qu’aux divers reposoirs, j’ai toujours été placé à la droite du roi. M. Voidel. Un objet de cérémonie est peu digne de l'attention du Corps législatif; mais comme les signes représentent les choses, et que les représentants de la nation méritent, à ce titre, quelque respect, je demande qu’on charge le comité de Constitution de se concerter avec les ministres du roi pour régler le cérémonial. Je fais, en outre, une motion pour qu'à l'avenir l’encens ne soit plus présenté à personne et qu'on le réserve pour Dieu seul. L’Assemblée décide que le comité de Constitution et le comité ecclésiastique seront chargés de régler, de concert, la place qui sera assignée à l’Assemblée dans les cérémonies. Quant au procès-verbal dont il s’agit, il contiendra seulement le fait de l’assistance aux cérémonies de la Fête-Dieu et de la place qu’a occupée le président de l’Assemblée à la droite du roi. M. Buzot. Vous demandez souvent la véritable cause du retard dans le recouvrement des impôts ; je vais vous en indiquer une qui demande la plus sérieuse attention. Les ci-devant privilégiés sont tenus de payer comme les autres ; mais les rôles rendus exécutoires ne sont pas exécutés. Ils refusent toujours de payer. Les municipalités n’osent les attaquer, parce qu’elles perdent toutes ces affaires par devant l’élection, ainsi que cela est arrivé dans le département de l’Eure. L’Assemblée renvoie ces observations au comité des finances, qui présentera dimanche prochain un projet de décret relatif à cet objet. M. l’abbé Longpré, membre du comité des finances, rend compte d’une demande de la communauté de Ghamplitte, afin d’être autorisée à disposer des deniers provenant de la vente par elle faite de bois communaux. Il propose un projet de décret. M. Regnaud f de Saint-Jean-d' Angely). Je demande que ce décret soit rendu général et que tous les caissiers qui ont des fonds appartenant à une ville soient tenus de les remettre aux municipalités, sur la réquisition du conseil général de la commune. M. Christin. Il me paraît plus convenable de faire verser les fonds dans les caisses des départements, afin qu’il y ait une garantie de conservation et de surveillance dans l’emploi. M. Devfllas. Il serait beaucoup plus simple de faire verser les fonds dont il s’agit dans les caisses des districts. M. Lebrun. Je m’élève contre l’obligation qu’on veut imposer, dès à présent, aux dépositaires des fonds des communautés* à vider leurs mains; les caisses des départements et les caisses des districts n’étant pas encore établies, il n’est pas possible de rien changer à l’ancien état de choses. M. d’Ailly. Je demande que le projet de décret, soit renvoyé au comité des finances, afin d’y être examiné de nouveau. Le renvoi est prononcé et le comité fera son rapport dimanche prochain. M. Dauchy propose, au nom du comité d’agriculture, un décret conçu en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que les clôtures des héritages seront respectées comme par le passé, conformément aux lois relatives aux clôtures et aux limitations du droit de parcours, qui seront maintenues en vigueur; en conséquence, défend de troubler les propriétaires dans la jouissance entière et exclusive de tout ce qui croît dans leurs enclos. » M. Martineau observe que les propriétés de tout genre doivent être également respectées, qu’elles soient encloses ou qu’elles ne le soient pas ; que d’ailleurs il existe des lois. L’Assemblée décide qu’elle passera à l’ordre du jour. M. le Président. Le roi m’a appelé hier soir auprès de sa personne et m’a chargé de prévenir l’Assemblée nationale que Sa Majesté ira passer quelques jours à Saint-Cloud, mais que dans ce voyage, comme dans tous ceux qu’elle pourra faire dans la belle saison, elle reviendra assez fréquemment à Paris pour que sa communication avec l’Assemblée nationale continue d’être prompte et facile. M. le Président. Je dois également prévenir l’Assemblée que le ministre de la guerre demande à être entendu, à midi et demi, pour rendre compte d’un message dont il est chargé par le roi. L’Assemblée arrête que le ministre sera reçu à l’heure indiquée. M. de Siilery. Yous avez autorisé vos divers comités à écrire des lettres pour faire exécuter vos décrets : le comité des recherches a suivi cet usage. La municipalité de Rosoy n’a pas cru une lettre suffisante : elle se propose de vendre les grains qu’elle a saisis à leur passage dans cette ville. Le comité vous propose d’ordonner à la municipalité de Rosoy de se conformer aux décrets de l’Assemblée nationale sur la libre circulation des grains, et de rendre à MM. Paulet et Gaudinot les voitures de blés qui leur appartiennent. M. Moreau. Je demande le renvoi au pouvoir exécutif. L’Assemblée le décide ainsi. M. de Siilery. Malgré les ordres qui prohibent la sortie des armes hors du royaume, plusieurs plaintes sont parvenues à votre comité des recherches. La municipalité de Nantes vient de faire arrêter cent fusils destinés pour Genève. Le comité a cru devoir vous proposer d’autoriser la municipalité à renvoyer les armes au directeur de la manufacture d’où elles sortent. Au moment où les gardes nationales ne sont point armées, où elles éprouvent beaucoup de difficultés à s’armer, il est ridicule de permettre que les armes sortent du royaume. M. Le Couteulx de Canteleu. Le mo en d’assurer la tranquillité, c’est de conserver au peuple son travail. La fabrication des armes peut être une branche d’industrie utile au royaume. Je pense donc que, loin d’en empêcher la sortie, 94 (Assemblé© national©.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juin 4700.1 il faudrait empêcher, au contraire, l’entrée des armes étrangères dans le royaume. M. de Sillery. Encore faut-il les déclarer avant de les faire parvenir aux frontières, et que les manufactures ne les fassent pas passer en contrebande. M. Voïdel. Quand cinq à six cent mille hommes de garde nationale manquent de fusils, et que le pouvoir exécutif n’en a pas, il est bien étonnant qu’on en exporte. M. Garat ( Vaîné ). La discussion a déjà Dieu changé de forme depuis qu’elle est établie ;l’objet primitif du décret était de mettre une prohibition entre le commerce de France et l’étranger; puis on nous a fait entendre que l’on ne demandait que la déclaration des marchandises que l’on exportait. Gomment, s’écrie-t-on, quand nos gardes nationales ne sont point armées, exporte-t-on des fusils? Qui les empêche de s’en procurer? Sans doute, s’il s’agissait d’une concurrence, il faudrait les préférer. Mais, dit-on encore, comment pouvons-nous les procurer? A qui en demander? Est-ce aux ministres? ( Plusieurs membres de la partie gauche répondent : Oui.) On me répond d’une manière qui n'est pas fort régulière, que oui ; quelle loi a ordonné aux ministres de fournir des armes aux dépens du Trésor public? S’il y a un décret, ils sont capables de ne l’avoir point exécuté; mais il n’en existe pas, (Eh bien , il en faut faire! s'écrient plusieurs membres.) L’armement des milices nationales est une dépense locale qui ne doit pas peser sur le Trésor : je crois donc qu’il n’y a pas lieu à délibérer. M. Goupil. Empêcher la sortie des armes hors du royaume, c’est nécessiter l’émigration des citoyens qui sont occupés à ce genre de travail. M. Cochelet. Les marchands d’armes de Paris avaient retenu des armes à la fabrique de Char-leville ; ils ont cassé frauduleusement ce marché et ont préféré acheter des armes à vil prix aux Liégois, plutôt que de les tirer de nos manufactures. (On demande la question préalable.) M, de Lachèze. Je ne demande pas la question préalable, mais le renvoi au pouvoir exécutif. (Gètte proposition est adoptée.) M. Le Couteulx de Canteleu. Votre comité des finances doit vous faire connaître le compte qui lui a éié rendu de l’état actuel de la contribution patriotique. Les résultats des rôles connus jusqu’à ce jour montent à 74 millions; la ville et l’intendance de Bordeaux, composées de 43 municipalités, ont fourni 4 millions; les Etats de Bretagne, composés de 309 municipalités, ont fourni 2,839,000 livres; Paris a fourni 40 millions 830,000 livres. Le total des municipalités, dont on a les rôles, est de 9,977. On ne peut s’empêcher de remarquer la disproportion qui se trouve entre les provinces et la ville de Paris, qui perd tant à la Révolution et qui se montre si ardente à la protéger. G’est une preuve du patriotisme quiasingulièrementdistinguécette capitale. (On applaudit,) Tout bon Français doit sentir combien un pareil exemple est impérieux. Nous ne devons pas laisser ignorer que beaucoup de déclarations de provinces ont été faites à Paris. Les assemblées de département connaîtront des difficultés qui pourront survenir. En attendant leur entière formation, nous vous proposons de charger votre comité des finances de l’examen des affaires relatives à la contribution patriotique, et de travailler, de concert avec les députés de chaque département, pour aplanir les difficultés et faciliter les déclarations, la confection des rôles et les recouvrements. Le décret est adopté dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète que le comité des finances sera chargé de l’examen des affaires relatives à la contribution patriotique, et qu’en attendant la formation des départements, il travaillera, de concert aveeles députés des provinces, à aplanir les difficultés qui pourront s’élever à l’occasion de cette contribution, en déterminer les déclarations, faciliter la formation des rôles et accélérer leur recouvrement; le tout, en conformité des décrets du 6 octobre 1789 et 27 mars dernier. » M. le baron d’Allardc. Messieurs, vous avez ordonné, il y a quelques jours, l’impression du rapport des commissaires chargés de surveiller la cciisse d'escompte (Voy. ce rapport, séance du 30 mai 1790). Ce rapport vous a été distribué. Je me conforme à vos intentions, en vous proposant aujourd’hui d’adopter le décret. Rien de plus conforme à vos principes que de rembourser à la caisse d’escompte les dépenses auxquelles elle n’était obligée que par son patriotisme. 11 est inutile, je crois, de vous faire la lecture d’un rapport que vous connaissez tous ; je vais seulement vous présenter de nouveau le projet de décret : « Art. 1er. D’après l’examen et le rapport du comité des finances, l’Assemblée nationale décrète qu’elle autorise le premier ministre des finances à recevoir de la caisse d’escompte son compte de clerc à maître, depuis le 1er janvier 1790, en sorte qu’elle soit légitimement indemnisée des dépenses qu’elle a pu ou pourra faire pour la distribution du numéraire, qu’elle continuera jusqu’au 1er juillet, époque à laquelle ce service cessera, attendu que les billets de la caisse d’escompte seront en grande partie échangés contre des assignats ; duquel compte, ainsi que des pièces justificatives, un double sera remis au comité des finances, pour être ensuite déposé aux archives de l’Assemblée nationale. « Art. 2. Le premier ministre des finances est également autorisé à prendre les mesures les plus économiques, pour satisfaire au paiement des appoints du service public. » M. le duc de La Rochefoucauld. Je demande par amendement que l’article premier finisse après ces mots : « Seront en grande partie échangés contre des assignats; » et qu’on y ajoute cette disposition : « Lequel compte sera remis au comité des finances, pour, sur son rapport, y être statué par l’Assemblée nationale. » M. de FoIleviUe. Gela doit être renvoyé au comité de liquidation, L’indemnité qu’on nous propose d'accorder à la eaisse d’escompte doit se monter à environ deux millions huit cent mille livres; sur une pareille dépense, je ne puis m’en rapporter qu’à l’Assemblée nationale. Je propose donc que la demande de la caisse d’escompte, en indemnité pour fourniture d’espèces, soit renvoyée au comité de liquidition, pour en être fait par lui un rapport le plus tôt possible.