§00 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Bailliage de Loudun.] chesne, députés de la paroisse de Sammarsolle. Les sieurs Sébastien Brunneau et Louis Patrix, députés de la paroisse de Saix. Les sieurs Fleurant, f Joseph Bricheteau, Grave-lanne et Jean Perriot, députés de la paroisse de Saire. Gabriel Petit et François Boutière, députés de la paroisse de Saint-Citroine. Louis Massereau et Jacques Bobin, députés de la paroisse de Saint-Glair. Urbain-Christophe Gherbonnier etRené Ferrand, députés de la paroisse de Saint-Laon. M. Robert et Charles Herbault , députés de la paroisse de Saint-Léger. Le sieur Urbain Gallet, député de la paroisse de Solomô. Guillaume Hardouin et Charles Girault, députés de la paroisse de Ternay. Pierre Barbier et Pierre Plaud, députés de la paroisse de Villiers. Maître Charles Lucas et le sieur Nicolas-Louis Bail-lergeau, députés de la paroisse de Veniers. Le sieur Pierre-Abraham Lambert et Louis Rolland, députes de la paroisse de Vemiers. CAHIER Du clergé du Laudunois ( 1 ). En vertu des lettres du Roi du 24 janvier dernier, portant convocation des Etats généraux du royaume, au 27 avril prochain, dans la ville de Versailles , nous, soussignés, François Gheneau, ancien curé de Mesmay, Pierre Gilioire, curé de Vezières, Louis Diotte de la Valette, prieur de Morthon, Georges de Marsay, curé de Nueil-sur-Dive, Paul Confex de la Cambre, doyen du chapitre de Sainte-Croix de cette ville, Félix Tabard, chanoine du môme chapitre, sous la présidence de M. Etienne Richard de Bussy, curé de la paroisse de Saint-Pierre du Marché de Loudun, abbé commendataire de l’abbaye de Saint-Laon de Thouars, nommé commissaire à la rédaction du cahier de doléances et remontrances, du clergé du Loudunois; Considérant que nous étions sujets de l’Etat avant d’être ministres de la religion, et que notre consécration au service des autels ne nous dépouille pas de notre qualité de citoyen ; Considérant en outre que nos droits, franchises, immunités, honneurs et privilèges sont, de la art du souverain et de la nation, des concessions bres qui méritent notre amour et notre reconnaissance; pénétrés de ce double sentiment, loin de voir dans nos prérogatives des titres pour nous soustraire aux charges publiques, nous n’y voyons au contraire que le devoir impérieux de courir, avec nos concitoyens de toutes les classes, au secours pressant de l’Etat menacé depuis longtemps d’un orage qui ne peut être écarté que par le concours heureux de la sagesse du monarque et des efforts de son peuple ; Considérant encore que, dans sa bonté paternelle, Sa Majesté nous invite à faire parvenir jusqu’à son trône nos remontrances, doléances, avis et conseils, tant sur lesabusà réformer, que sur l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, nous avons fait et rédigé le présent cahier, dans lequel nous osons, avec confiance, joindre à l’offre sincère de tous les sacrifices qui sont en notre pouvoir, les plain-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. tes et demandes que nous croyons justes et que nous avons réduites aux articles suivants : Art. 1er. Depuis longtemps on réclame en France contre le pouvoir arbitraire que les chefs de tous les ordres et de toutes les administrations exercent avec tyrannie et impunité sur la classe des subordonnés et des faibles. Ce désordre pouvant être attribué à l’insuffisance ou à l’obscurité de nos lois, nous chargeons notre député de requérir en notre nom : 1° qu’avant toute opération relative aux finances, il soit, par l’assemblée générale, dressé une Charte nationale, dans laquelle seront établis clairement, et invariablement fixés les droits respectifs du monarque et de la nation; 2° que toutes les lois constitutives de la monarchie française, tant les anciennes, qui par le Roi et nos seigneurs les Etats généraux seront jugées dignes de leur sanction, que les nouvelles qu’ils estimeront devoir établir/soient insérées dans ladite Charte de la manière la plus claire et la plus précise; 3° que la première de nos lois fondamentales ait pour objet particulier le maintien sacré et imprescriptible des propriétés et des personnes, en sorte qu’il ne puisse dans aucun cas être porté la moindre atteindre illégale aux légitimes possessions, états, titres, rangs, dignités et liberté individuelle des citoyens dont aucun, pour quelque cause que ce soit, ne pourra êrre arraché arbitrairement à ses foyers, ni détenu prisonnier plus de huit jours sans jugement légal qui confirme sa détention. Cependant, comme il est des circonstances où quelquefois il est important à la société, et encore plus à des familles honnêtes, de prévenir ou d’arrêter sans délai le cours dangereux de cette liberté, nous demandons qu’il soit réservé aux officiers municipaux des lieux, de connaître de ces cas particuliers, d’y pourvoir avec sagesse, de manière qu’il n’en résulte aucune flétrissure personnelle et encore moins transmissible ; 4° que, par une autre loi, il soit statué et absolument arrêté que désormais il ne sera établi aucun impôt, de quelque nature qu’il soit, sans être demandé par le Roi lui-même et consenti par la nation assemblée, et surtout limité à un terme fixe, après lequel il ne pourra être perçu sans un nouveau consentement; à l’effet de* quoi nous demandons que le retour périodique des Etats généraux soit si invariablement fixé, qu’il ne soit pas besoin de nouvelle convocation, et que les époques en soient assez rapprochées pour que les abus que l’on aura étouffés n’aient pas le temps de renaître. Art. 2. Les défenseurs et les juges des prétentions et des poursuites respectives des citoyens, s’étant souvent égarés et pouvant s’égarer encore dans le dédale ténébreux des lois tant civiles que criminelles, nous demandons qu’il soit incessamment procédé à la confection d’un code pour chacune de ces deux parties différentes de la justice, aux fins d’en éclairer les ministres, d’en fixer les termes, d’en abréger les formes et d’en réduire les frais, qui souvent excèdent la valeur de l’objet en litige. Cet article, qui intéresse essentiellement la fortune, l’honneur, la vie même de cha-individu du royaume, cet article fixera sans doute l’attention des Etats généraux. Art. 3. Par un abus déplorable, les richesses, presque partout, tenant lieu de lumières et quelquefois de probité, nous voyons avec douleur que les charges de magistrature pour la plupart sont acquises par des hommes qui n’ont d’autre mérite qu’assez d’argent pour acheter le droit de juger leurs concitoyens; c’est dans notre gouvernement un vice radical qui cause bien des mal- {États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Loudun,] Jj'9i heurs, mais on y pourrait remédier, en donnant au écoles de droit une administration plus soignée, en examinant les sujets avec plus d’exactitude, et surtout en abolissant, s’il est possible, la vénalité des offices, dont deux ne pourraient être réunis sur la même tête; alors, ne choisissant qu’entre des hommes éclairés, d’un âge mûr, et d’une probité reconnue, la balance de la justice ne pencherait plus sans discernement, ni au gré des passions, parce qu’elle ne serait confiée qu’à des mains sûres. Art. 4. Si on rapprochait les justiciables de leurs juges, en réduisant la juridiction de nos cours souveraines, en étendant celle des principaux bailliages, en donnant de l’ampliation aux autres sièges royaux, en réunissant à l’ordinaire les justices contentieuses des seigneurs et les tribunaux d’exception, on ne verrait pas si souvent des malheureux plaideurs sacrifier la moitié de leur fortune pour défendre l’autre. Nous espérons que tous les députés de la nation prendront en considération cet objet important, sur lequel Sa Majesté a déjà fait connaître ses intentions. Art. 5. Une triste et longue expérience n’ayant que trop éclairé sur les vices désastreux de l’administration des finances, nous demandons qu’il y soit apporté le plus efficace et le plus prompt remède, tant pour prévenir les déprédations, que pour augmenter le numéraire, par une perception plus simple et un versement plus direct dans les caisses; pour parvenir à ce but d’où dépend aujourd’hui le salut de la nation, il nous paraît indispensable de prendre une juste connaissance des sommes nécessaires au Roi, pour soutenir l’éclat de sa couronne, pour l’entretien majestueux de sa maison, de celle de la reine et de celle des princes du sang royal, de calculer les frais ordinaires des départements ministériels tant au dedans qu’au dehors du royaume, et, après en avoir, sous le bon plaisir de Sa Majesté, supprimé uelques places inutiles et réduit les émoluments e toutes les autres, de fixer invariablement pour un temps limité les sommes nécessaires à remplir ces différents objets, d’examiner ensuite la liste interminable des pensions, d’en effacer celles qui ne sont pas la récompense de quelques services rendus à la patrie, de réduire même les mieux méritées, si elles sont jugées excessives et d’assigner pour cet article une finance assez considérable pour qu’un grand monarque puisse être libéral et même magnifique, mais sans profusion. Cette opération finie, il conviendrait d’établir une caisse nationale dans laquelle les fonds destinés à tous ces objets seraient versés directement par un receveur général de chaque province, sans qu’il fût besoin entre ledit receveur et ladite caisse d'aucun autre agent intermédiaire, laquelle caisse serait confiée à un surintendant, qui, comme tous les autres ministres et leurs subordonnés, sera tenu de rendre compte à la nation de l’emploi des deniers ; et, en cas de malversations, poursuivi et jugé suivant la rigueur des lois. Art. 6. A raison de la multitude et de la diversité des impôts, une portion considérable de leur produit est absorbée par les frais de perception. En réformant et simplifiant cette partie, la plus étendue de l’administration, il serait possible que les sujets payassent beaucoup moins, et que le souverain reçût beaucoup plus. Il serait donc avantageux pour l’intérêt commun que tout ce qui se perçoit à titre d’imposition fût réduit à un impôt unique ou au moindre nombre possible, auquel, sans distinction, tous les sujets du Roi seraient assujettis, en raison proportionnelle de leurs possessions, commerce et industrie ; que la répartition et perception en fussent faites indistinctement sur les trois ordres de l’Etat, dans la même forme, de la même manière et par les mêmes officiers commis à cet effet. Cette égalité et conformité de contribution mettrait les chefs de chaque ordre à l'abri d’une multitude de murmures et de plaintes, qui peut-être ne sont pas toujours des calomnies. En conséquence, renonçant aux privilèges dont le clergé à joui jusqu’à présent de s’imposer lui-même et de faire ses recouvrements par ses officiers particuliers, nous demandons avec instance à n’étre pas distingués des autres sujets de l’Etat dans l’assiette et la perception de nos impositions, à l’effet de quoi nous chargeons notre député de solliciter la suppression entière de ce comité despotique, connu sous le nom de Chambre ecclésiastique, où l’on semble se faire une loi de violer la plus sacrée de toutes les lois, celle de la justice distributive, comité tyrannique et ténébreux, où les membres de l’Eglise les plus laborieux et les plus pauvres sont arbitrairement écrasés, à la décharge des oisifs et des opulents, sans pouvoir y puiser la moindre lumière pour se pourvoir contre l’injustice. Art. 7, Si nous connaissions les motifs qui ont rendu les grands propriétaires opposants au projet de l’impôt territorial et en nature, peut-être les approuverions-nous. Mais ne jugeant des objets éloignés que par ceux qui nous environnent, nous jugeons que cet impôt en nature serait impraticable, tant à raison de la difficulté et des frais de perception, que par le peu de ressources qu’il laisserait aux petits propriétaires, et plus encore par le découragement qu’il inspirerait aux laborieux cultivateurs. Ces puissants motifs nous déterminent à demander que le même impôt territorial soit perçu en argent, suivant une estimation légalement faite des domaines par les officiers de chaque municipalité. Art. 8. Ce ne serait pourvoir qu’à demi à la tranquillité publique, si, en réduisant les impôts dans un seul, ou dans le plus petit nombre possible, on ne supprimait pas généralement tous les droits assis sur les comestibles de première nécessité et autres objets de consommation : droits qui, dans le fait, sont des impôts indirects, dont la perception toujours rigoureuse et souvent arbitraire, désolent le citoyen et ne profitent qu’au traitant, tels sont surtout les droits de gabelles, dont les commis subalternes, plus avides encore que leurs commettants font un odieux commerce de trahison et d’injustice, pour mettre à contribution les contrées qu’ils habitent; tels encore les droits de contrôle et francs-fiefs dont le grimoire obscur ouvre la porte aux vexations et la ferme aux moyens de défense. Ces deux branches de finances, il est vrai, sont d’un produit considérable pour le trésor de l’Etat ; mais ne serait-il point possible de les remplacer d’une manière plus profitable au Roi et moins onéreuse à ses sujets ? Nous laissons à la nation assemblée le soin’ d’en trouver les moyens et de les employer sans délai. Il tarde à tous les pays qui en sont infectés, d’être délivrés de cette cohorte d’ennemis domestiques dont les moindres défauts sont la cupidité et la tyrannie. Il est bien d’autres espèces de droits qui, sans être aussi oppresseurs, troublent presque autant la paix de la société. Tels sont les droits d’aides et de traites intérieures, de foires et de marchés, de péage et d’entrée. Il en est un surtout qui nuit beaucoup au commerce particulier de notre petite capitale. C’est un droit de minage qui se perçoit 592 Etats gén. 1189. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Loudun.] sur les blés et autres denrées, qui, par cette raison, sont toujours rares dans nos foires et marchés. Ce droit est seigneurial et le pays qui en réclame la suppression offre d’en faire le remboursement si le seigneur est fondé en titre. Art. 9. Si l’œil de notre monarque pouvait s’étendre à toutes les parties de l’administration, nous n’aurions point d’abus à corriger, mais il est forcé de se décharger d’une partie de ses soins sur des délégués qu’il croit être et qui ne sont pas toujours dignes de sa confiance. Ceux-ci, moins occupés du bien général, que du leur particulier, bornent souvent leur tâche à recueillir les honneurs et les émoluments de leur emploi, dont ils confient la partie onéreuse du détail à des subalternes qui ne se piquent pas de les surpasser en scrupule. Vivement persuadés que les fléaux qui oppriment la France sont nés et naissent de cette forme vicieuse du régime actuel, nous croyons qu’il est indispensable de lui en substituer un autre qui puisse à jamais tarir et fermer la source de nos malheurs. Les moyens que nous jugeons les plus propres à opérer cette heureuse révolution seraient : 1° de confier aux provinces le pouvoir de se gouverner et régir elles-mêmes, en se formant des Etats provinciaux auxquels seraient subordonnés des Etats particuliers dans chaque district, et à ceux-ci des assemblées municipales dans chaque paroisse, les membres de ces administrations pris dans les trois ordres de l’Etat, élus au scrutin, et tous les trois ans renouvelés par tiers ; 2° de laisser à ces Etats rovinciaux la faculté de répartir la masse totale es charges de la province dont les districts feraient la” distribution partielle entre les munici-alités, qui enfin assigneraient à chaque contri-uable la cote qu’il serait jugé devoir supporter ; 3° d’obliger les municipalités à rendre, tous les ans, compte de leur gestion aux districts, et ceux-ci aux Etats provinciaux qui, tous les trois ou cinq ans au plus tard rendraient les leurs aux Etats de la nation ; 4° d’établir dans chaque district une caisse de recette qui serait versée immédiatement dans la caisse de la province et celle-ci directement dans la caisse nationale, et de rendre les administrateurs de ces dépôts sacrés responsables de leurs emplois envers la nation, qui aurait droit de les destituer et poursuivre sans qu’aucune autorité puisse y mettre obstacle -, en recommandant à notre député de solliciter cette nouvelle forme d’administration, nous lui laissons le pouvoir de consentir à toute autre qui serait jugée plus propre à assurer les droits et le bonheur au monarque et de ses sujets. Art. 10. Le ministre éclairé qui gouverne aujourd’hui nos finances voit sans doute en frémissant la profondeur de l’abîme où ses prédécesseurs ont précipité l’Etat ; mais il ne peut l’en retirer par les forces seules de sa sagesse, il lui faut le bras de tous les citoyens, et nous rougirions de ne pas offrir le nôtre ; nous chargeons donc notre député, après avoir préablement pris une exacte connaissance de la dette nationale, de porter aux pieds du trône et à la nation assemblée l’offre de tous nos efforts ; mais nos efforts et ceux de la nation étant insuffisants, ne pourrait-on pas, pour y subvenir en partie, proposer l’aliénation de quelque domaine de la couronne, dont l’administration est peut-être plus vicieuse encore que l’administration générale? Et si, pour acquitter le surplus, tant en intérêts qu’en capitaux, on est obligé de recourir à des emprunts, nous demandons qu’ils ne puissent être faits et cautionnés que par les Etats généraux, qui, seuls, dans tous les cas possibles, en auront le droit et le pouvoir. Art. 11. Le désordre général des finances du royaume ne s’est que trop communiqué aux finances particulières du clergé ; pour s’en convaincre et juger du reste, il ne faut que jeter un eoup d’œil sur les économats, fléau ruineux pour une multitude de familles honnêtes, gouffre insatiable où s’engloutissent des biens immenses qui deviennent nuis pour le but sacré de cette sage institution ; notre vœu serait donc que cette caisse fut détruite et remplacée par une autre, destinée à l’usage que nous allons indiquer. Le clergé contribuant, suivant le nouveau plan d’administration, à toutes les charges publiques, comme tous les autres sujets du royaume, ne trouverait plus, dans ses revenus annuels, des ressources suffisantes pour acquitter les intérêts de ses dettes et encore moins pour en rembourser les capitaux. Cette portion du clergé surtout, quia la plus grande part aux travaux de l’Eglise et la plus petite à ses richesses, ne pourrait en aucune manière, malgré son désir et ses efforts, contribuer à cet acquittement qui pourtant serait indispensable pour y parvenir, voici les moyens qui nous paraissent les plus sûrs et les plus expédients. Que le Roi, de son autorité et de concert avec la nation assemblée, ordonne la suppression et même l’aliénation de plusieurs maisons religieuses-, de tous les bénéfices simples à la nomination des réguliers ; de quelques riches abbayes et même de quelques évêchés qui dans plus d’un pays sont beaucoup trop multipliés, et que le produit en provenant soit employé à payer les intérêts, et successivement à rembourser ies capitaux. Si le haut clergé prétend que ce serait porter une main sacrilège à l’encensoir, qu’il se charge de nos dettes et qu’il les acquitte ; il est assez riche et doit être assez juste pour ne pas nous demander des secours. Il est encore un autre moyen qui, à notre avis, pourrait être meilleur : le clergé rentrant dans la classe des autres citoyens, à l’égard des charges publiques, il serait injuste de le faire contribuer à la dette nationale et de le charger seul de sa dette particulière qui n’a été contractée que pour fournir des secours à l’Etat. La justice exigerait donc que la dette du clergé fût confondue avec celle de la nation, et que la répartition s’en fit comme il est dit dans l’article précédent. Alors la caisse des économats restant toujours supprimée, ne serait pas remplacée par une caisse générale pour tout le royaume, mais par une caisse particulière établie dans chaque province et confiée à l’administration des Etats provinciaux. Dans cette caisse seraient versés, non-seulement les fonds qui, par leur nature, apjiartiennent aux économats, mais encore ceux provenant des suppressions et aliénations qui seraient faites dans l’étendue de la province, pour le tout être employé par lesdits Etats à des fondations d’hôpitaux et autres établissements utiles à la province. Si aucun de ces moyens n’est approuvé, nous autorisons notre député à consentir à tout autre qui, par l’assemblée générale, sera jugé le meilleur, pourvu que les curés surtout, outre leurs contributions à la charge publique, ne soient pas assujettis à une autre imposition pour les charges particulières du clergé, pourvu encore que les obligations spirituelles et temporelles des économats et celles résultantes des suppressions et aliénations des bénéfices, soient scrupuleusement acquittées. Art. 12. Entre les usages nuisibles à la nation, quoique autorisés par l’Eglise et par le gouvernement, il en est un qui semble mériter ratten- {bailliage de Loudan.J o93 (Etals gôn. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENT VIRES. lion particulière des Etats généraux : c’est le passage sans retour de notre numéraire chez l’étranger et surtout àRome, d’où nous ne reçevons en échange que des bulles, des brefs et des dispenses. Sans rompre le lien sacré qui nous unit au chef de l’Eglise universelle, ne pourrait-on pas trouver le moyen de lui rendre l’hommage de notre respect filial d’une manière moins préjudiciable à nos finances? C’est un point délicat sur lequel, sans nous permettre aucun avis, nous donnons à notre député pouvoir de délibérer et consentir tout ce qui par le Roi et la nation sera jugé nécessaire. Art. 13. Les curés, cette portion du clergé la plus utile à la religion et peut-être même à l’Etat, étant, comme nous l’avons déjà observé, la plus chargée et la moins rétribuée, nous invitons la nation à solliciter pour eux une augmentation de revenu, qui puisse les mettre en état de vivre avec l’aisance et la dignité qui conviennent à leur place. Nous présentons la même supplique en faveur des vicaires, dont nous demandons un nombre suffisant dans chaque paroisse, à raison de l’étendue et de la population. Ace moyen on ne serait pas obligé de recourir à des secours étrangers qui ne sont pas toujours aussi salutaires aux âmes que ceux qui leur sont administrés par leur propre prêtre ; et si lesdits vicaires étaient rétribués de manière à ne pas attendre une partie de leur vie et de leur entretien de la libéralité de leurs paroissiens, on verrait sans doute rejaillir sur leur personne une plus grande mesure de la considération que l’on ne peut refuser à leur emploi. Mais l’élévation de l’âme étant quelquefois étouffée par les besoins pressants du nécessaire, il arrive ou peut arriver qu’une place honorable cesse d’être honorée, à cause de l'indigent qui l’occupe. On objectera peut-être que dans plusieurs diocèses l’on trouve à peine îe nombre suffisant de curés, et que, par conséquent, il n’est pas possible d’v multiplier les vicaires ; mais que sans distinction de titre on assujettisse à servir l’église tous les oisifs oui vivent à ses dépens, on augmentera beaucoup le nombre des ministres nécessaires. Qu’on assure à tous une rétribution honnête durant le temps de leurs services, et une retraite avantageuse après leurs longs travaux, on verra infailliblement augmenter le nombre des prêtres, Art. 14. Si nous invitons le Roi et la nation à s’occuper du sort des ministres utiles à l’Eglise, nous les invitons encore davantage à ne lui en procurer que de dignes de la servir ; ces moyens, à notre avis, seraient : 1° de pourvoir efficacement et uniformément à l’instruction des sujets que l’on y destine, en établissant dans chaque ville de province un collège, tenu par l’ordre ou la congrégation des réguliers qu’on en jugerait les plus capables, et assujetti à l’inspection des officiers municipaux ; 2° de n’attribuer la nomination à tous bénéfices et places ayant charge d’âmes, qu’aux évêques seuls et en faveur de leurs seuls diocésains, sans toutefois préjudicier aux droits des réguliers à l’égard de leurs bénéfices-cures, qu’ils seront obligés de remplir dans les trois premiers mois de la vacance, après lequel délai la nomination en serait dévolue à l’ordinaire ; 3° de renouveler la loi de la résidence, cette loi si sage et si négligée, loi essentielle qui probablement reprendrait sa vigueur si nos revenus en étaient garants. En conséquence, nous consentons et nous demandons même que, dans chaque district, il soit établi un bureau de charité au profit duquel seront adjugées les taxes pro-1” Série, T. III. portionnelles des absences qui n’auronl pas pour motif les intérêts du bien public. L’exemple de nosseigneurs les évêques sera pour nous, à cet égard comme à tous les autres, la loi la plus impérieuse ; mais, quel que soit le motif de leur absence, nous demandons que, dans tous.les cas, ils soient tenus aux frais des démissoires. Art. 15. Si nous nous occupons du sort des ministres de l’Eglise, et du soin de la pourvoir de sujets dignes de la servir, nous ne devons pas moins nous occuper des moyens de les loger avec décence, d’entretenir leur logement et la portion de l’église qui serait à leur charge, dont les réparations négligées entraînent, à la mort des titulaires, la ruine de leurs familles et celle des paroissiens, ce qui nous a fait désirer que, pour prévenir de semblables malheurs, il y soit pourvu par des moyens plus efficaces et moins onéreux aux parties intéressées, de la manière qu’on le pratique dans quelques provinces du royaume. Il n’est point de titulaire qui ne fît quelques sacrifices à ce sujet. Il serait aussi à propos de fixer les vacations des notaires et de supprimer les huissiers-priseurs. Art. 16. Quand on aurait pour ainsi dire, régénéré la nation par l’abolition des abus, les lois les plus sages et le meilleur ordre possible dans toutes les parties du gouvernement, on n’aurait encore rien fait pour cette nombreuse portion du peuple qui borne ses plus hautes prétentions à attirer sur elle quelques regards de pitié, sur cette classe surtout qui gémit tout à la fois sous le poids des travaux, des infirmités et de l'indigence. Un hôpital et un bureau de charité, cri chaque ville, seraient sans doute les établi-1 r-ents les plus utiles et les plus glorieux h h. aménité; mais ils seraient insuffisants pour prévenir les ravages que la mort fait en nos campagnes. Que de malheureux, victimes de leurs travaux, ne nous enlève-t-elle pas, parce qu’ils sont ou trop pauvres ou trop éloignés pour se procurer des remèdes et les autres secours ! Nous réclamons donc, en faveur de ces membres précieux de la société, un petit hospice en chaque paroisse, de la campagne, gouverné par deux ou plusieurs religieuses hospitalières et administré par les officiers municipaux. L’intérêt le plus cher à la nation est de conserver les bras destinés à l’agriculture. Art. 17. L’œil d’une administration bien ordonnée devant s’étendre à tous les individus, la nation assemblée donnera sans doute son attention à ces fruits innocents du libertinage qui, désavoués de leurs auteurs, appartiennent en commun à toute la société, et qui pourraient devenir utiles si elle veillait plus attentivement à leurs jours et à leur éducation ; mais confiés à des mains mercenaires et quelquefois homicides, rarement arrivent-ils au lieu destiné à leur conservation ; l’humanité réclame donc aussi pour eux un hôpital dans chaque ville, pour prévenir sinon la débauche, au moins l’atrocité; les mœurs et l’intérêt public ne réclament pas avec moins d’instance un l*eu de force pour ces viles créatures, dont l’infâme métier est de corrompre la jeunesse et de lui transmettre un poison meurtrier, dont le germe se perpétue de génération en génération. Art. 18. Nous savons que ce n’est pas assez de donner des projets, il faut en même temps fournir les moyens de les exécuter. Augmenter le revenu des curés, multiplier les vicaires et les doter, fonder des collèges� des hôpitaux, des bureaux de charité, des maisons de force sont sans doute des vues louable*, dignes de la religion et de i’hu-38 koi [États gén. 1789. Cahiers.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Londun.1 inanité du souverain et des sujets de la France, mais qui, surtout en ce moment de crise, paraîtront peut-être au-dessus de leurs ressources. Cependant nous avpns indiqué un moyen praticable sans grever la nation qui serait rentremise du crédit et de ’ ['autorité de nosseigneurs l§s évêques pour la réunion, suppression ou destruction d’une multitude de bénéfices qui ne servent qu’à entretenir l’oisiveté ou à nourrir le faste de ceux qui les possèdent. Les fonds qui en proviendraient seraient peut-être suffisants pour l’aug-men'ation des revenus des curés et des vicaires et pour la dotation des nouveaux établissements; et cependant, s’ils ne suffisaient pas pour la fondation surtout des hôpitaux, on pourrait trouver une ressource naturelle et abondante dans une portion de l’ordre de Malte, en les rappelant à leur première destination, et si le nombre des maisons supprimées était insuffisant, il pourrait être ordonné à ceux des ordres religieux de l’un et de l’autre sexe qui, rapportant tout à soi, ne s’occupent que de leur propre salut, de faire place aux âmes généreuses qui se dévoueraient à l’instruction de la jeunesse et au soulagement de l’humanité. Art. 19. On ne travaillerait qu’imparfaitement au bonheur général et particulier des citoyens, si on ne donnait pas la plus rigoureuse attention aux actes qui font la base fondamentale de leur état et de leur fortune. On y a déjà sagement pourvu par la loi qui ordonne les dépôts des registres de paroisses au greffe des sièges royaux. Mais cette loi, qui met en sûreté les registres, n’assure ni l’exactitude, ni même l’existence, des actes qu’ils doivent contenir. Avec le zèle le plus pur et l’attention la plus scrupuleuse, un prêtre peut, comme tout autre, commettre des fautes de méprise et d’oubli, et relativement à nos actes, il n’est point de fautes dont les suites ne soient essentiellement préjudiciables aux intéressés. Pour les prévenir, autant qu’il est possrble, nous jugeons qu’il faudrait encore, par une autre loi, enjoindre à tous les curés de faire, à haute et intelligible voix, avec Ja plus grande discrétion, la lecture des actes (en passant sous silence ceux qui doivent être secrets), tous les trois mois dans les villes, et tous les ans, au mois de janvier, dans les campagnes, afin que chaque paroissien, attentif aux actes qui l’intéresse, pût en remarquer les erreurs et en instruire le curé qui, après s’en être convaincu lui-méme, aurait soin de les corriger. Art. 20. Si le nouveau plan général que nous proposons n’est pas agrée ou ne peut avoir lieu, si des obstacles insurmontables forcent le Roi et la nation à laisser subsister le régime vicieux sous lequel surtout le clergé du second ordre gémit depuis si longtemps, nous demandons qu’au moins les principaux abus en soient corrigés; que les droits primitifs et imprescriptibles des curés leur soient rendus; que, conformément aux canons, on rétablisse les synodes provinciaux, mal représentés par les retraites ecclésiastiques qui sont en usage dans plusieurs diocèses; que si des besoins spirituels rendent nécessaires les assemblées générales du clergé, les curés y soient appelés en nombre suffisant; que si, par un malheur inévitable qui répugne non-seulement au vœu du clergé, mais encore à celui de la nation entière, la chambre ecclésiastique subsistait encore, ils y aient des représentants en nombre égal à tous les autres députés réunis et choisis par eu* ; que, dans tous les cas, l’édit de 1695, qui n’a été accordé qu’à l’importunité du clergé du premier ordre, et si contraire aux droits du second, soit incessamment réformé. Nous demandons, pour l’honneur du sacerdoce, qu’il soit provisoirement pourvu au plus juste et plus prompt moyèn de soustraire les curés et vicaires à l’avilissement auquel, pour la plupart, ils sont réduits par l’indigence, et que les tarifs des secrétariats ecclésiastiques soient réformés, fixés èt modérés, et que surtout, suivant l’esprit des canons, toutes les dispenses soient expédiées gratis , sauf aux évêques A imposer à ceux qui les obtiennent, par forme de pénitence, une aumône applicable au bureau de charité des paroisses des impétrants, laquelle dispense ne pourra être mise à exécution que sur la quittance des administrateurs desdits bureaux. Art. 21. La noblesse, cette portion respectable de la nation, faisant le sacrifice volontaire de ses prérogatives les plus utiles pour subvenir aux besoins de l’Etat, il nous paraît bien juste dé maintenir ces généreux défenseurs de la patrie dans les droits honorifiques, rangs, préséances et dignités que leurs pères leur ont acquis et au prix de leur sang ; nous souhaitons même que, par de nouvelles distinctions, on ajoute, s’il est possible, un nouveaudegré à la considération qu’ils méritent personnellement par leurs vertus civiques. Pour nous qui ne devons nous glorifier que dans la croix et l’humiliation du Sauveur, nous ne cherchons à nous distinguer que par nos vertus évangéliques et par la ferveur de nos prières pour la prospérité de la nation, et si l’on daigne augmenter notre trop juste portion de pain, l’emploi que nous en ferons le plus consolant et le plus cher à notre cœur, sera de le partager avec nos frères indigents, et de manger le reste dans la paix et la joié de nos âmes. Glos et arrêté, le présent cahier, le 2Q mars 1789, par nous, président et commissaires soussignés : l’abbé de Bussy, président ; Gonfex, doyen ; Che-meau de Marsay, curé de NeuiJ-sur-Dive ; Diotte de la Vallette, prieur de Morton ;fabart, secrétaire; Giloire, curé ae Vezieres ; Delliardt curé de Saint-Pierre des Trois-Moustiers, secrétaire. CAHIER Des doléances de V ordre de la noblesse t lu Loti - danois (1). L’ordre de la noblesse, après mûres délibérations, à arrêté le cahier des doléances, griefs et pétitions, lequel a été rédigé par M. le comte de Ternay, M. le comte de Marconnay, fondé des Eouvoirs du monseigneur comte d’Artois ; M. de a Chaussée, comte de Boucherville ; M. le comté de Messemé et M. Marault de la Bonnetière, commissaires nommés par l’ordre de la noblesse et présidés par M. le marquis de Razilly, brigadier des armées du Roi, ainsi qu’il suit : Art. l?p. Qu’à l’ouverture des Etats, il sera délibéré de faire une adresse au Roi pour le remercier d’avoir réintégré la nation dans le droit d’être appelée à délibérer, voler et consentir les subsides, et d’avoir déclaré, par son arrêt du conseil du 27 décembre 1788, que, pour former une constitution invariable et permanente, sa volonté est non-seulement de réaliser la promesse qu’elle a faite de ne mettre aucun impôt sans le consentement des Etats généraux du royaume, mais encore de n’eu proroger aucun sans cette condition» (I) Nou? publions ce cahier d’après ûp manuscrit des Archives de l’Èmpire.