326 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE DEVARS : Cette pétition a deux objets : celui de demander une augmentation d’appointements ; je demande que cet article soit renvoyé au comité de Salut public. Quant au refus qu’on leur a fait ce matin de leur ouvrir les portes de leur atelier, je demande que l’Assemblée les autorise à y rentrer sur le champ : il est indigne qu’on refuse à des citoyens utiles les moyens de pourvoir à leur subsistance. PIERRET : Je demande le renvoi de cette pétition aux comités de Salut public et de Sûreté générale, pour que le premier occupe ces braves patriotes ou donne une indemnité à ceux qui ne seront pas employés, et que le second examine si la malveillance n’est pas pour quelque chose dans cette affaire (74). 20 La Convention nationale décrète que le représentant du peuple Bailly se rendra dans les départemens du Haut et Bas-Rhin, Mont-Terrible, Jura et des Vosges et le représentant du peuple Genevois, dans les départemens de la Meurthe et de la Moselle. Ils sont investis des mêmes pouvoirs qu’ont les autres représentans du peuple en mission dans les départemens (75). 21 La Convention nationale décrète le renvoi de la pétition de Françoise Boudreaux, veuve de Jean-Baptiste Poux, armurier volontaire au premier bataillon des fédérés nationaux formé à Soissons [Aisne], au comité des Secours publics, pour lui en faire son rapport dans le plus bref délai; et celle de Jean-Baptiste Poux, fils du premier, à son comité de Salut public pour lui procurer une place relative à ses talens (76). 22 Elle renvoie au comité de Sûreté générale une lettre du représentant du peuple Calés, envoyé dans le département de la Côte-d’Or, qui rend compte de ses opérations et en décrète l’insertion au bulletin (77). CLAUZEL fait lecture de la lettre suivante (78). (74) Moniteur, XXII, 521. (75) P.-V., XLIX, 244. Bull., 28 brum. (suppl.). Rapporteur Clauzel selon C* II, 21. (76) P.-V., XLIX, 244. (77) P.-V., XLIX, 244-245. (78) Nous suivons le Moniteur, XXII, 528-529 pour l’ensemble de cette affaire. Bull., 27 brum. ; Débats, n° 785, 808- 807 ; Rép., n° 58, mention ; J. Mont., n° 33 ; Ann. R.F., n° 57 ; Ann. Patr., n° 686; Gazette Fr., n° 1050; J. Perlet, n° 785; C. Eg., n° 821; M.U., n° 1345; Mess. Soir, n° 823. Lettre du représentant du peuple Calés, dans le département de la Côte-d’Or [au comité de Sûreté générale, le 23 brumaire an 7/7] (79) Citoyens collègues, j’ai changé les corps constitués de Dijon avec de telles précautions que ceux qui ont été rejetés n’osent se plaindre, et la cabale même est forcée d’approuver mon choix. Je fus instruit que trois sections s’étaient prononcées contre la cabale, et que trois autres avaient été dominées par elle ; j’assemblai une des sections agitées avec une de celles qui ne l’étaient pas, et, tempérant ainsi l’une par l’autre, j’établis le plus grand ordre et la liberté la plus parfaite dans les assemblées : tout le monde parla librement, pour et contre. Je ne puis vous rapporter en détail tout ce qu’on imputa à chacun des officiers publics : un administrateur du département fut accusé d’avoir décerné un mandat d’arrêt en ces termes : « Il sera arrêté, et sa femme, s’il en a une. » Le maire fut peint comme le tyran de Dijon ; Beau-poil [Beauport] (80), administrateur du département, Guyot, juge de paix, comme ses ministres; Delmasse, commis du département, comme exécuteur du plan de la cabale dont je parlerai avant de finir. On accusa le maire de refuser des passeports à volonté, la municipalité et les meneurs des sections de refuser des certificats de résidence ; Beaupoil, trouvant une caisse d’argenterie avec une note qui désignait le maître dit : « C’est égal, il n’y a qu’à faire émigrer ce b... -là » Ligeret, accusateur public du tribunal criminel, fut accusé d’être le plus cruel de tous; on lui imputa d’avoir dit aux acteurs qui représentaient [répétoient] (81) une pièce : « Vous jouez un opéra; je vais, moi, vous donner une tragédie : aujourd’hui pour le premier acte, on en expédiera trois, demain cinq ; puis quand on y sera accoutumé, il faut qu’il tombe une tête dans chaque famille ». On accuse ces gens-là d’appeler la gendarmerie, l’exécuteur et le prévenu en même temps et avant le jugement, d’aller assister aux exécutions en cérémonie et précédés d’un tambour, et de bien d’autres faits horribles en moralité et subversifs de l’ordre social. Leur système d’oppression était aussi cruel que bien combiné; quand ils voulaient perdre un homme, ils le menaçaient de l’arrêter; l’homme prenait la fuite, et le lendemain on le mettait sur la liste des proscrits ; puis, pour le forcer à revenir, la municipalité le déclarait hors de la loi. Le comité de Sûreté générale a dû recevoir deux de ces actes que je lui ai envoyés ; véritablement ils ne se servaient de cet acte que pour épouvanter les gens et les forcer à se rendre en prison, crainte que l’habitant des campagnes, (79) Bull., 27 brum. Moniteur, XXII, 528-529; M.U., n° 1346; J. Fr., n° 783. (80) Débats, n° 785, 809. (81) Débats, n° 785, 809. SÉANCE DU 27 BRUMAIRE AN III (17 NOVEMBRE 1794) - N08 23-24 327 égaré, ne leur tirât dessus ; mais aussi ils n’en avaient besoin que pour cela, car un homme mis sur la liste des émigrés était un homme perdu. Je vous ai déjà écrit qu’on lui faisait refuser des certificats dans les sections, puisqu’on forçait ou trompait le département pour qu’il prît un arrêt défavorable, et qu’il obligeât le tribunal à lui faire couper la tête sans jugement. A ces horreurs il s’en mêlaient d’autres, fruits de l’ignorance et de la cupidité, qui n’étaient pas moins funestes, quoique leur effet fut moins sensible pour les gens mal instruits. On avait chassé les bibliothécaires et les médecins de leur place, et des membres de la municipalité exerçaient ces deux fonctions. Marat-Chaussin [Marat-Chaussier] (82) prêtre, était médecin des prisons, et cela dans un temps où une dyssenterie contagieuse ôtait la vie d’abord aux prisonniers et avait ensuite attaqué les habitants ; ces hommes ignorants avaient entassé six cents malades dans des églises propres au plus à en contenir deux cents. Les bons médecins étant morts ou emprisonnés, et les blessés des hôpitaux livrés à l’ignorance, jugez dans quel état était la ville ! Enfin l’air est devenu plus doux, le système politique plus humain; ces fléaux sont bannis pour ceux qui respirent encore; ceux qui sont morts sont une juste cause de regrets pour les bons citoyens; et les enfants, poursuivant les intrigants déplacés quand ils traversent les rues, commencent à leur faire sentir les tourments des vengeances du peuple. A présent on agite la société populaire; on tâche d’y appeler les mécontents ; je les laisse faire, et vous promets de déjouer ce nouveau complot. Signé, Calés. [L’Assemblée, à plusieurs reprises, témoigne son indignation pendant la lecture de cette lettre .] (83) CLAUZEL : Je demande l’insertion de cette lettre au Bulletin, afin de faire connaître au peuple les intentions et les sentiments de ceux qui voudraient ramener le système de terreur dont nous sommes heureusement délivrés. ( Applaudissements . ) [BARÈRE (84) : L’abus atroce dont notre collègue parle dans sa lettre n’a pas été commis seulement à Dijon. Dans toute la République des autorités constituées se sont permis de mettre des citoyens hors la loi, de sorte qu’un grand nombre de Français sont frappés d’anathème par des autorités illégitimes. Il n’est point dans l’intention de la Convention de laisser subsister de pareils actes. Je demande que (82) Débats, n° 785, 810. (83) Débats, n° 785, 810. (84) Moniteur, XXI, 529. Débats, n° 785, 810. J. Mont., n° 33; J. Perlet, n° 785 et M.U., n° 1345 indiquent Rovère pour cette intervention. le comité de Législation soit chargé de nous faire un rapport à cet égard.] Cette proposition est adoptée. 23 Elle renvoie aux comités de Salut public et des Secours publics la pétition d’Etienne-Claude Carré, ci-devant instructeur des élèves de l’école de Mars, qui demande un emploi (85). 24 Le citoyen Marcé donne lecture d’une adresse de la société populaire de Chartres [Eure-et-Loir], qui félicite la Convention du décret sur les sociétés populaires et dit qu’il a rempli le double objet de consacrer l’existence impérissable des sociétés populaires, et de vouer aux mépris les dangereux meneurs qui voudroient rivaliser avec la Convention nationale. Le président lui répond; La Convention nationale décrète la mention honorable, l’insertion au bulletin de l’adresse et de la réponse du président (86). Le citoyen Marcé (87) à la barre s’exprime ainsi : Citoyens représentans, La voix que je viens vous faire entendre dans cette enceinte n’est pas inconnue des vrais patriotes. En juin 1789, elle s’éleva dans le Palais-royal contre la tyrannie, arma les citoyens, arracha les gardes françaises aux prisons de l’Abbaye, leur liberté à Capet, et la Bastille à la garnison royaliste. Les Jacobins naquirent alors, et je m’honore d’avoir l’un des premiers voté dans leur assemblée pour la République. Oui, le titre de Jacobin fut longtemps celui des patriotes, et plus d’un aristocrate s’applaudit aujourd’hui sans doute d’un sacrifice que vous avez cru devoir à la sûreté générale : mais c’est peu d’avoir dissous cette société dégénérée de ses premiers principes, où plutôt égarée par quelques chefs audacieux d’un parti ultra - révolutionnaire, si vous ne l’empêchez de se reproduire... Eh! que fait l’anéantissement de la société des Jacobins, si telle autre société adopte leurs principes, consacre leurs erreurs, accueille leurs orateurs ? Faudra-t-il donc que vous étendiez votre main sur (85) P.-V., XLIX, 245. (86) P.-V., XLIX, 245. J. Mont., n° 33, présente le citoyen Marcé comme « un député de la société populaire de Chartres ». (87) Moniteur, XXII, 522, indique le citoyen Marie.