SÉANCE DU 29 FLORÉAL AN II (18 MAI 1794) - Nos 16 A 18 439 16 Un citoyen se présente à la barre, pour demander des secours; il expose qu’il vient d’être acquitté au tribunal révolutionnaire, après une détention de deux mois; et il joint à sa pétition les pièces qui justifient sa réclamation (1). LAPLANCHE : L’innocence du citoyen qui vient de paroître à la barre est proclamée par ce tribunal révolutionnaire où des haines individuelles l’avaient traduit. Il a des besoins urgents, je demande qu’il lui soit accordé un secours provisoire. On observe qu’un décret défend d’accorder des secours provisoires sans examen des pièces et sans rapport (2). Un membre propose de renvoyer la pétition, et les pièces à l’appui, au Comité des secours publics, pour faire un prompt rapport. Cette proposition est adoptée, et le décret suivant est rendu. «Le citoyen Pillet se présente à la barre de la Convention. Il demande des secours et indemnités pour avoir été détenu pendant deux mois et traduit au tribunal révolutionnaire, qui l’a acquitté. Ses pièces justificatives sont jointes à sa pétition. » Sur la proposition d’un membre, qui convertit en motion la pétition, »La Convention nationale décrète le renvoi à son Comité des secours publics, pour vérifier les pièces à l’appui de la pétition, et en faire un prompt rapport» (3). 17 Un secrétaire lit une lettre du citoyen Langlois, de Dieppe, père de l’adjudant-général de ce nom, percé d’un coup de baïonnette devant Saorgio, et dont le nom doit être inscrit au Panthéon, sur la colonne de l’immortalité. Ce vieillard, dont un second fils sert la patrie avec gloire dans l’armée du Nord, réclame la liberté d’un troisième, détenu, dit-il, pour un fait peu grave, et qui ne peut lui être personnellement imputé. La Convention nationale renvoie cette lettre au Comité de sûreté générale qui est autorisé à statuer, s’il y a lieu, sur la réclamation qu’elle contient (4) . 18 Au nom du Comité de législation, un membre [BEZARD] fait un rapport sur la pétition d’une citoyenne : Marie Geneviève Petignaud, veuve Noualhier expose qu’en interprétation de la loi du 22 ven-(1) P.V., XXXVII, 287. (2) Débats, n° 606, p. 406. (3) P.V., XXXVII, 388. Minute de la main de Laplanche (C 301, pl. 1074, p. 24). Décret n° 9206. Mention dans M.U., LX 13; Mon., XX, 503 et XL, 13; S.-Culottes, n° 458; J. Lois., n° 598. (4) P.V., XXXVII, 287. Mon., XX, 503; Audit nat., n° 604; J. Sablier, n° 606, p. 405. tôse, le district de Limoges a fait apposer le séquestre, non seulement sur tous ses biens, sur tous ceux dépendant de la succession de défunt Joseph Noualhier, son mari, mais encore sur tous les effets et matières servant à une fabrique considérable de gros droguets et flanelle fil et laine où elle occupe journellement plus de 300 ouvriers; mais ses démarches auprès des autorités constituées la firent autoriser à leur donner encore de l’ouvrage pendant quelques jours; cependant elle croit que les dispositions de ce décret ne peuvent être applicables à son égard. Joseph Noualhier, son mari, avait été pourvu d’une charge de secrétaire de Capet; il est mort il y a 14 ans revêtu de cette charge; il laissa 10 enfants dont 6 garçons, les 5 plus jeunes s’adonnèrent au commerce, l’aîné qui était d’une faible santé embrassa l’état ecclésiastique, il fut fait prêtre et nommé chanoine à Limoges. Il a demeuré 14 ans pensionnaire au séminaire de St-Sulpice à Paris, d’où il n’est sorti qu’au mois de novembre 1792, malade et accablé d’infirmités, pour se retirer à Limoges. Il était sujet à la prestation de serment prescrit par la loi du 26 août; l’exposante n’a rien négligé pour l’engager à se conformer aux dispositions d’une loi si sage; elle lui écrivit à Paris ainsi qu’aux personnes qu’elle croyait avoir quelqu’influence sur son esprit pour le déterminer à prêter le serment requis. Arrivé à Limoges, elle employa tous les moyens qui étaient en son pouvoir pour qu’il eut à se conformer à la loi, mais toutes ces instances furent inutiles. Il décéda le 25 ventôse sans avoir rien pu obtenir de lui à cet égard. Tous ces faits sont constatés par les certificats qu’elle joint ici, qui lui ont été délivrés par des personnes dignes de foi. Elle dit donc que la loi du 22 ventôse ne peut lui être applicable : 1°) en ce que l’art. 11 de cette loi porte que les dispositions de la loi du 17 frimaire ne sont point applicables aux père et mère des déportés ou reclus si ce n’est dans le cas où ils seraient dans la classe ci-devant noble. L’exposante n’a jamais fait partie de cette classe; elle est née roturière, elle a épousé un roturier, qui depuis, acquit une charge de secrétaire de Capet pour s’exempter d’une tutelle. Assurément cette qualité ne pourrait le faire regarder tout au plus que comme privilégié, et elle en faisait si peu de cas qu’elle ne craignait point de déroger lorsqu’elle vendait dans sa boutique une ou deux aunes des étoffes du prix de 15 à 20 s. ainsi que les livres en font foi; il est donc bien prouvé qu’elle n’est point noble et que cette loi ne peut la concerner. 2°) La loi est du 22 ventôse. J.B. Noualhier, prêtre, son fils est décédé le 25 dudit mois, la loi n’était alors ni connue ni promulguée, elle ne peut donc la frapper puisqu’au moment où elle a été publiée, son fils était mort sans être ni exporté ni reclus; son extrait mortuaire est ci-joint. 3°) Si en alléguant que son fils n’était pas mort avant le décret du 17 frimaire concernant les émigrés, on voulait appliquer contre l’exposante la disposition de cette loi qui met sous les mains de la nation les biens des pères et mères dont les enfants étaient majeurs, jusqu’à ce qu’ils aient prouvé qu’ils ont agi activement et de tout leur pouvoir pour les empêcher d’émi-SÉANCE DU 29 FLORÉAL AN II (18 MAI 1794) - Nos 16 A 18 439 16 Un citoyen se présente à la barre, pour demander des secours; il expose qu’il vient d’être acquitté au tribunal révolutionnaire, après une détention de deux mois; et il joint à sa pétition les pièces qui justifient sa réclamation (1). LAPLANCHE : L’innocence du citoyen qui vient de paroître à la barre est proclamée par ce tribunal révolutionnaire où des haines individuelles l’avaient traduit. Il a des besoins urgents, je demande qu’il lui soit accordé un secours provisoire. On observe qu’un décret défend d’accorder des secours provisoires sans examen des pièces et sans rapport (2). Un membre propose de renvoyer la pétition, et les pièces à l’appui, au Comité des secours publics, pour faire un prompt rapport. Cette proposition est adoptée, et le décret suivant est rendu. «Le citoyen Pillet se présente à la barre de la Convention. Il demande des secours et indemnités pour avoir été détenu pendant deux mois et traduit au tribunal révolutionnaire, qui l’a acquitté. Ses pièces justificatives sont jointes à sa pétition. » Sur la proposition d’un membre, qui convertit en motion la pétition, »La Convention nationale décrète le renvoi à son Comité des secours publics, pour vérifier les pièces à l’appui de la pétition, et en faire un prompt rapport» (3). 17 Un secrétaire lit une lettre du citoyen Langlois, de Dieppe, père de l’adjudant-général de ce nom, percé d’un coup de baïonnette devant Saorgio, et dont le nom doit être inscrit au Panthéon, sur la colonne de l’immortalité. Ce vieillard, dont un second fils sert la patrie avec gloire dans l’armée du Nord, réclame la liberté d’un troisième, détenu, dit-il, pour un fait peu grave, et qui ne peut lui être personnellement imputé. La Convention nationale renvoie cette lettre au Comité de sûreté générale qui est autorisé à statuer, s’il y a lieu, sur la réclamation qu’elle contient (4) . 18 Au nom du Comité de législation, un membre [BEZARD] fait un rapport sur la pétition d’une citoyenne : Marie Geneviève Petignaud, veuve Noualhier expose qu’en interprétation de la loi du 22 ven-(1) P.V., XXXVII, 287. (2) Débats, n° 606, p. 406. (3) P.V., XXXVII, 388. Minute de la main de Laplanche (C 301, pl. 1074, p. 24). Décret n° 9206. Mention dans M.U., LX 13; Mon., XX, 503 et XL, 13; S.-Culottes, n° 458; J. Lois., n° 598. (4) P.V., XXXVII, 287. Mon., XX, 503; Audit nat., n° 604; J. Sablier, n° 606, p. 405. tôse, le district de Limoges a fait apposer le séquestre, non seulement sur tous ses biens, sur tous ceux dépendant de la succession de défunt Joseph Noualhier, son mari, mais encore sur tous les effets et matières servant à une fabrique considérable de gros droguets et flanelle fil et laine où elle occupe journellement plus de 300 ouvriers; mais ses démarches auprès des autorités constituées la firent autoriser à leur donner encore de l’ouvrage pendant quelques jours; cependant elle croit que les dispositions de ce décret ne peuvent être applicables à son égard. Joseph Noualhier, son mari, avait été pourvu d’une charge de secrétaire de Capet; il est mort il y a 14 ans revêtu de cette charge; il laissa 10 enfants dont 6 garçons, les 5 plus jeunes s’adonnèrent au commerce, l’aîné qui était d’une faible santé embrassa l’état ecclésiastique, il fut fait prêtre et nommé chanoine à Limoges. Il a demeuré 14 ans pensionnaire au séminaire de St-Sulpice à Paris, d’où il n’est sorti qu’au mois de novembre 1792, malade et accablé d’infirmités, pour se retirer à Limoges. Il était sujet à la prestation de serment prescrit par la loi du 26 août; l’exposante n’a rien négligé pour l’engager à se conformer aux dispositions d’une loi si sage; elle lui écrivit à Paris ainsi qu’aux personnes qu’elle croyait avoir quelqu’influence sur son esprit pour le déterminer à prêter le serment requis. Arrivé à Limoges, elle employa tous les moyens qui étaient en son pouvoir pour qu’il eut à se conformer à la loi, mais toutes ces instances furent inutiles. Il décéda le 25 ventôse sans avoir rien pu obtenir de lui à cet égard. Tous ces faits sont constatés par les certificats qu’elle joint ici, qui lui ont été délivrés par des personnes dignes de foi. Elle dit donc que la loi du 22 ventôse ne peut lui être applicable : 1°) en ce que l’art. 11 de cette loi porte que les dispositions de la loi du 17 frimaire ne sont point applicables aux père et mère des déportés ou reclus si ce n’est dans le cas où ils seraient dans la classe ci-devant noble. L’exposante n’a jamais fait partie de cette classe; elle est née roturière, elle a épousé un roturier, qui depuis, acquit une charge de secrétaire de Capet pour s’exempter d’une tutelle. Assurément cette qualité ne pourrait le faire regarder tout au plus que comme privilégié, et elle en faisait si peu de cas qu’elle ne craignait point de déroger lorsqu’elle vendait dans sa boutique une ou deux aunes des étoffes du prix de 15 à 20 s. ainsi que les livres en font foi; il est donc bien prouvé qu’elle n’est point noble et que cette loi ne peut la concerner. 2°) La loi est du 22 ventôse. J.B. Noualhier, prêtre, son fils est décédé le 25 dudit mois, la loi n’était alors ni connue ni promulguée, elle ne peut donc la frapper puisqu’au moment où elle a été publiée, son fils était mort sans être ni exporté ni reclus; son extrait mortuaire est ci-joint. 3°) Si en alléguant que son fils n’était pas mort avant le décret du 17 frimaire concernant les émigrés, on voulait appliquer contre l’exposante la disposition de cette loi qui met sous les mains de la nation les biens des pères et mères dont les enfants étaient majeurs, jusqu’à ce qu’ils aient prouvé qu’ils ont agi activement et de tout leur pouvoir pour les empêcher d’émi-