697 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 novembre 1789.] qu’une foule de députés firent, au nom de leur province, des plaintes du même genre. M. Oubols de Crancé dénonce le prévôt de Champagne. M. Lavie dénonce les juges criminels d’Alsace. M. lia Poule. Le défaut de circulation des décrets vient du défaut d’enregistrement des cours. Le parlement de Besançon a refusé d’enregistrer le décret sur la jurisprudence criminelle et ceux qui concernent l’exportation et la circulation des grains, enfin tous les décrets de l'Assemblée nationale. Je demande que, faute par les cours d’enregistrer les décrets, ils le soient dans les municipalités. Un membre propose d’ajourner la motion. M. le comte de Mirabeau. Si l’on devait vous pendre, monsieur, proposeriez-vous l’ajournement d’un examen qui pourrait vous sauver ? Eh bien ! 50 citoyens de Marseille peuvent être pendus tous les jours. M. *** se plaint qu’il n’est parvenu dans le Beaujolais que les décrets utiles, sous quelque rapport, au pouvoir exécutif. M. iLe Chapelier propose de rendre, relativement à la motion de M. Lavie, un décret constitutionnel qui est arrêté et adopté. M. Alexandre de Laineth demande que six personnes soient chargées de savoir où est l’expédition des différents décrets sanctionnés ou acceptés qui doivent avoir été envoyés dans les provinces. L’Assemblée juge qu’il n’y a lieu à délibérer sur cette motion. M. Target propose d’ordonner la remise au comité des recherches des diverses pièces relatives aux dénonciations qui viennent d’être faites pour en être demain rendu compte à l’Assemblée. M. Duquesnoy (1). Messieurs, j’appuie la motion du préopinant; mais je dois vous faire quelques observations qui me paraissent importantes. On se plaint sans cesse que les décrets, les arrêtés de l’Assemblée n’arrivent pas, ou ne circulent pas dans les provinces. Si tous les faits allégués à cet égard existent, ils ont une cause; il faut la connaître. Si les agents immédiats du pouvoir exécutif retenaient les décrets émanés de l’Assemblée, ils seraient profondément coupables; mais je crois que toute défiance à cet égard est injuste et mal fondée. M. le garde des sceaux vous adonné, surtout dans ces derniers temps, des preuves de sa volonté décidée de suivre en tout la marche que lui prescrira l’Assemblée; et croyez, Messieurs, que le ministre n’est pas assez dépourvu de lumières pour ne pas sentir que le seul parti qu’il ait à prendre pour sauver l’Etat, et rendre à la puissance exécutive toute la force que vous voulez lui donner et qui est nécessaire au bonheur et à la paix de la nation, est d’agir d’après l’impulsion qu’il recevra de vous. Cependant, Messieurs, on paraît inculper encore ici les ministres ; on paraît croire que c’est par leur (1) Le discours de M. Duquesnoy n’a pas été inséré au Moniteur. faute que les lois ne sont pas répandues dans les provinces. Je le répète, Messieurs, ces soupçons me paraissent injustes ; mais si ceux qui reçoivent d’eux les lois ne les répandent pas; si, par une manœuvre infernale, ils veulent arrêter l’effet inarrétable de l’union du pouvoir législatif avec le pouvoir exécutif, il faut les punir. On vous a dit que des corps avaient annoncé qu’ils n’enregistreraient rien de ce qui viendrait de vous: cette inculpation a été faite publiquement, il faut l’approfondir. Permettez-moi de vous le rappeler : on se plaignait hier du défaut d’uniformité dans les formules de sanction ; vous avez eu la bonté d’accueillir la motion que j’ai eu l’honneur de vous présenter à ce sujet, et votre décret doitfaire cesser ces disputes, ces méfiances indignes d’une Assemblée qui a de si grandes forces et qui les connaît. La motion que je vais vous soumettre doit produire Un effet semblable ; vous saurez si vos lois circulent ou ne circulent pas ; vous connaîtrez ceux qui les arrêtent et vous les ferez punir. J’ai donc l’honneur de vous proposer de prendre l’arrêté suivant : « L’Assemblée nationale a arrêté que le comité des recherches sera spécialement chargé de rechercher les causes qui peuvent retarder l’expédition ou la circulation de ses arrêtés et décrets, pour que, les auteurs de ce retard étant connus, ils puissent être poursuivis au Châtelet de Paris et punis suivant l’exigence des cas. » Cette motion est adoptée. L’Assemblée rend un décret conçu dans les termes suivants: « L’Assemblée nationale a décrété: 1° qu’il sera demandé à M. le garde des sceaux et au secrétaire d’Etat, de représenter les certificats ou accusés de réception des décrets de l’Assemblée nationale, et spécialement du décret concernant la réformation delà procédure criminelle, qu’il a dû recevoir des dépositaires du pouvoir judiciaire, et des commissaires départis dans les généralités auxquelles l’envoi en a ôté fait ; et qu’il sera provisoirement sursis à l’exécution de tous jugements en dernier ressort, et arrêts rendus dans la forme ancienne par quelque tribunal ou cour de justice que ce soit, postérieurement à l’époque où le décret a dû parvenir à chaque tribunal; « 2° Que toute cour, même en vacation, tribunal, municipalité et corps administratifs, qui n’auront pas inscrit sur leurs registres, dans les trois jours après la réception, et fait publier dans la huitaine les lois faites par les représentants de la nation, sanctionnées ou acceptées, et envoyées par le Roi, seront poursuivis comme prévaricateurs dans leurs fonctions, et coupables de forfaiture ; « 3° Que les dénonciations faites contre les tribunaux qui auraient refusé d’exécuter les décrets de l’Assemblée, avec les pièces jointes aux dénonciations, seront remises au comité des recherches pour en être incessamment rendu compte à l’Assemblée. » M. le Président lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures du matin.