[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 août 1791.] 399 (L’Assemblée, consultée, ordonne au comité ecclésiastique de faire incessamment un rapport et de présenter un projet de décret général sur cet objet.) M. Brignon, député du département du Pay-de-Dôme , demande un congé de quelques jours pour paraître dans la paroisse de Dore-l’Eglise dont il est le curé et où il est appelé pour apaiser les troubles excités par des malveillants. (Ce congé est accordé.) M. le Président. Voici une lettre de MM. Monneron frères , qui envoient à l’Assemblée un don patriotique de 3,000 livres : « Monsieur le Président, « Retenus forcément par des occupations que nous ne pouvons abandonner, c’est avec peine que nous sommes privés de partager l’honneur qui sera le prix du dévouement de ces bons citoyens qui volent aux frontières pour la défense de la cause commune. Il ne nous reste qu’un moyen de témoigner notre amour pour la patrie : c’est celui d’offrir une somme de 3,000 livres pour la cause des frontières; cette dénomination nous paraît sans équivoque pour l’usage auquel elle doit être employée. Nous vous supplions de faire agréer à l’Assemblée nationale cette faible marque de notre zèle. {Vifs applaudissements.) « Nous sommes, etc. «. Signé : Monneron frères. » M. le Président donne ensuite lecture d’une lettre de MM. Destriches, Bercioux, Philippe et Monroy, inspecteurs du champ de la Fédération, qui envoient une somme de 300 livres qu’ils ont prélevée sur leurs modiques appointements pour servir à l’entretien des gardes nationaux qui doivent se rendre sur les frontières. {Vifs applaudissements.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de Constitution. M. Thouret, rapporteur. Les fatigues des deux dernières séances, à la suite d’un travail très long et très pénible, ne me permettent guère de remplir la carrière du jour. Je me présente cependant pour faire ce qui est en moi pour avancer et accélérer le travail de l’Assemblée; j’espère aussi qu’elle voudra bien me permettre, quand elle sera bien convaincue que mon insuffisance m’empêche de continuer, de me faire remplacer par un de mes collègues. {Assentiment.) L’Assemblée a décrété hier que les articles du 13 juin dernier relatifs aux incompatibilités seraient insérés dans la Constitution à la place des articles 4 et 5 du projet de vos comités; nous arrivons donc maintenant à l’article 8 de la section III du chapitre l«r du titre III qui est ainsi conçu. « Art. 8 {art. 6 du projet). « Les membres du Corps législatif pourront être réélus à la législature suivante, et ne pourront l’être ensuite qu’après un intervalle de 2 années. » A l'extrême gauche : Aux voix ! aux voix ! M. Thouret, rapporteur. Je ne dirai qu’un mot sur cet article. L’opinion que le comité de Constitution avait eue, lors de la proposition de cette question, ayant été soumis à un nouvel examen, les comités de Constitution et de révision ont été unanimement d’accord que cet article était nuisible à l’intérêt national; c’est pour cela qu’ayant été obligé d’apposer notre signature au bas de notre travail, nous avons cru devoir y ajouter que nous persistions dans notre première opinion : voilà à quoi se borne mon observation ainsi que la note imprimée à la suite de l’article. A V extrême gauche : Aux voix ! aux voix ! (L’article 8 est mis aux voix et adopté.) M. de Saint-Martin. C’est ici, Messieurs, que doit naturellement être placé un article qui a été omis par les comités et que vous avez adopté le 7 avril dernier; le voici : « Aucun membre de l’Assemblée nationale actuelle, ni des législatures suivantes, les membres du tribunal de cassation et ceux qui serviront dans le haut-juré, ne pourront être promus au ministère ni recevoir aucune place, dons, pensions, traitements ou commissions du pouvoir exécutif ou de ses agents, pendant la durée de leurs fonctions, et pendant 4 ans après en avoir cessé l’exercice. » Cet article a été décrété comme constitutionnel et je crois qu’il n’est pas besoin d’entrer dans de plus longs développements pour eu prouver l’importance. (Murmures et applaudissements.) M. Thouret, rapporteur. Je ferai, en passant seulement, l’observation évidente que cet article, si l’Assemblée se porte à l’adopter, ne peut, sous aucun rapport, être placé ici; qu’ainsi, dans le cas ou l’Assemblée voudrait mettre cet article en délibération dans ce moment, il ne faudrait pas l’insérer à cette place; car il s’agit ici uniquement de faire élire, par les électeurs, les représentants. Voici les motifs qui ont empêché les comités de le placer dans leur travail. 11 ne faut pas placer dans la Constitution une pareille disposition, car il ne faut pas consacrer dans une Constitution ce qui peut être bon en Révolution, mais qui n’est bon que là. Quand après un long despotisme une nation s’éveille et se reconstitue, son principal ennemi dans cette situation est alors le pouvoir exécutif, parce que c’est lui qui est corrompu, c’est lui qui a opprimé, et que c’est contre lui, non pas pour l’anéantir, mais pour le faire rentrer et le contenir à l’avenir dans ses justes bornes, que la Révolution a eu lieu et que le travail de la régénération se fait. Mais quand la Révolution est finie, quand il s’agit, après avoir détruit, de rebâtir; quand il s’agit d’établir une Constitution d’où doit résulter un véritable gouvernement, c’est une considération qui ne consiste pas seulement aux articles écrits, mais qui donne un mouvement efficace et véritable à l’organisation politique. Nous avons cru que c’était une erreur profonde que de traiter encore le pouvoir exécutif en ennemi de la chose publique et de la liberté nationale. Est-ce que le pouvoir exécutif n’est pas aussi le pouvoir de la nation émanant d’elle comme le pouvoir législatif? Est-ce qu’il n’importe pas à la nation qu’il soit exercé dans les bornes qui lui sont posées, avec toute l’énergie dont il est susceptible, et avec toute la facilité de moyens qu’on peut lui procurer? Est-ce que s’il n’est pas ainsi constitué, il pourra remplir son objet? Et s’il ne