[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 août 1790.J 288 officier répond qu’il ne peut rendre compte que depuis l’année 1776 ; ils gardent à vue les chefs du régiment; le second lieutenant-colonel a besoin de sortir, il est accompagné par des hommes armés ; un jeune officier (1) se présente à la grille du quartier pour sortir, il se trouve consigné ; il demande par quel ordre? on lui répond : par l'ordre des grenadiers ; il veut continuer son chemin, il est couché en joue ; c’est dans ce moment et de cette manière que ces soldats amis de la paix demandent des comptes et font des répétitions exorbitantes sur lesquels leurs chefs mêmes n’avaient pas le droitdeprononcer; enfin, forcés par les circonstances, et pour avoir la paix et la liberté du trésorier, ils consentent qu’il leur soit délivré une somme de cent cinquante mille livres; ce consentement de leur part n’empêche pas les soldats de continuer leurs comptes, et de persévérer dans leurs prétentions sur le reste des fonds déposés dans la caisse ; toutes les démarches qui avaient précédé cette remise d’argent peuvent-elles annoncer un consentement libre des officiers, ainsi que les soldats ont cherché à le faire croire ? Le décret du 6 de ce mois fut publié à Nancy et connu des soldats du régiment du roi, avant l’arrivée du courrier qui le portait officiellement; ils prétendirent qu’il était faux ; la municipalité le certifia véritable; ils ne pouvaient donc en prétendre cause d'ignorance. Le 12 du même mois, le commandant de la place fit battre la générale et ordonna à la garnison de prendre les armes en grande parade ; les soldats du régiment qui avaient ordre de prendre des guêtres blanches en mirent de noires et dirent qu’ils ne sortiraient pas du quartier. Sur ce refus, le commandant du régiment s’y transporta pour les déterminer à suivre l’ordre donné, et à se rendre sur la place royale pour la publication du décret, ce qu’ils ne firent qu'après avoir chargé leurs armes, et contre l’ordre de leurs officiers. Le décret fut lu et publié à haute et intelligible voix, à chaque bataillon en particulier, par l’officier général commandant dans la place, assisté de la municipalité et du directoire du département. Les procès-verbaux remis au comité militaire en font foi. Il était donc impossible que les soldats du régiment du roi ignorassent que tous comités devaient cesser, que toutes voies de fait étaient interdites; dans leur mémoire, ils cherchent, en confondant les dates à diminuer leurs torts et leurs désobéissances au décret ; il suffit seulement de les rétablir; connu dès la veille par le certificat authentique des officiers municipaux, il a été lu le 12 au matin aux troupes assemblées; c’est après sa publication que le soir même, et malgré les défenses de la municipalité, iis vont enlever à main armée la caisse du régiment pour la déposer dans une des chambres des grenadiers, d’où elle n’a été reportée que le lendemain chez le mjaor du régiment : c’est d’une manière contraire aux dispositions du décret qu’ils continuent leurs comités, et qu’ils arrêtent d'envoyer à Paris une députation pour demander, disent-ils, des comptes à M. Du Châtelet, tandis qu’ils ne doivent le faire qu’à l’officier général dont l’arrivée était ordonnée ; enfin, c’est malgré le décret u’ils continuent à demander et à faire des véri-cations qui leur étaient interdites. En vain cherchent-ils à prouver le consentement de leurs chefs à leur députation, par les congés en règle dont leurs députés sont porteurs, ainsi que par le certificat de la municipalité. Des soldats exigeant à maiu armée des décomptes qui ne leur appartiennent pas ; enlevant , les armes à la main, la caisse du régiment à celui qui en était le dépositaire depuis 56 ans, ne doivent-ils pas faire présumer qu’ils ont employé les mêmes moyens pour obtenir ces congés et ces certificats? L’insurrection la plus criminelle, tant avant qu’après la publication du décret est prouvée, une infinité d’autres faits relatifs au régiment suisse de Château-Vieux, promenés par eux en triomphe le jour même de la publication du décret, en fourniraient de nouvelles preuves et ajouteraient encore à nos moyens, mais le rôle de dénonciateur n’est pas dans notre caractère : nous plaignons l’égarement de nos soldats sans les accuser, et nous bornant seulement à regretter ces moments heureux pendant lesquels, fidèles aux lois du devoir et de l’honneur, ils nous mettaient à même de leur donner journellement des preuves de notre attachement et de notre sensibilité. Nous nous contenterons d’ajouter que jamais corps d’officiers ne mérita mieux de ses soldats, ne chercha mieux à y maintenir un bon esprit, n’employa des moyens plus doux et plus paternels pour leur faire observer la discipline ; nous osons en appeler au témoignage des anciens officiers, des anciens soldats même qui ont servi au régiment du roi, tous nous rendront cette justice, ainsi qu’à M. Du Châtelet, ce chef respectable, qui savait si bien nous inspirer ses sentiments par ses propos, son exemple et ses ordres. Pendant vingt-trois ans il n’a cessé de faire au régiment du roi les établissements les plus utiles pour les officiers, sous-officiers et soldats, ainsi que pour leurs enfants; il n’a jamais reçu aucune réclamation fondée, de la part des soldats, sans y avoir fait droit aussitôt ; après avoir mis ce régiment dans l’état le plus florissant, il est, ainsi que nous, calomnié aujourd’hui; à son exemple, nous ne pouvons qu'en gémir, et notre unique vœu se borne à desirer que les informations ordonnées par l’Assemblée nationale au procureur du roi du bailliage de Nancy, en manifestant la pureté de nos motifs et notre conduite, nous fassent connaître les auteurs de ces insurrections et puissent nous mettre à même de distinguer d’avec les vrais coupables, ceux qui n’ont été qu’égarés, ainsi que ceux qui, par faiblesse, ont eu l’air de participer à des désordres dont ils gémissaient, sans doute, sans avoir la force ou le courage de s’y opposer. De Compïègne et de Molien, pour le corps des officiers du régiment du roi. PIÈCES JUSTIFICATIVES. Département de la Meurthe. Extrait du registre des délibérations de la municipalité de Nancy. Du 20 juillet 1790. Le conseil municipal, extraordinairement assemblé à huit heures et demie du soir, sur Pin-(1) M. de la Tour-Dupin-Montauban . £80 l'Assemblée nàtionale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2!S août 17§0.J vitatiôti du conseil d’administration du régiment du roi, qui s’est rendu à la municipalité pour le prévenir d’une fermentation qui règne dans le régiment, au sujet de plusieurs soldats des basses compagnies qui ont été arrêtés par des grenadiers et constitués prisonniers sans ordre ; que les basses compagnies voulaient prendre les armes contre les grenadiers et les chasseurs, pour faire sortir leurs camarades qui se trouvent en prison, souS prétexte qu’ils avaient été payés pour forcer les membres du comité du régiment à se battre. MM. les officiers ont prié, en conséquence, la municipalité de se transporter au quartier» à l’effet de prévenir le carnage affreux qui se préparait. I/Objetmis en délibération, le conseil a pensé qü’il devait employer tous les moyens de persuasion pour ramener les soldats à l’ordre, en leur rappelant le serment qu’ils venaient de prêter au sujet de la discipline militaire, dont ils s’écartent journellement, et il a arrêté que trois de Messieurs les conseillers se transporteraient à l’instant au quartier; et aussitôt, M. le président a annoncé MM. Saladin, Maglaive, officiers municipaux, et M. Mourot, procureur de la commune, pour remplir Cette mission. Ces Messieurs, de retour, ont rendu compte au conseil de leur mision, et ont dit qu’ils ont trouvé MM. les officiers assemblés, qui les ont assurés que l’on avait fait Sortir les soldats qui étaient en prison, parce qu’ils y avaient été mis illégalement, mais que le commandant du corps les y avait fait rentrer aussitôt par son ordre, ce qui avait tout apaisé, et que demain matin leur affaire devait être examinée. La sê&nce a été levée à dix heures du soir. Fait et clos les jour et an avant dits. Présents : MM . Potrsotl, président , Aubert, Maglaivè, Sala-din, Fàbeft, Rolin, Maudet et Moürot. Du 21 juillet 1790 au matin » Lé corps municipal, extraordinairement assemblé à sept heures du malin, sur l’invitation de Messieurs les officiers composant le conseil d'administration du régiment du roi, qui s’est transporté de nouveau à la municipalité pour lui faire part du projet qu’avait à peu près la moitié du régiment de partir pour Paris et d’enlever les drapeaux et la cuisse militaire. M. de Noue, commandant de la province, s’est, dans le même instant, rendu à la municipalité, pour la prévenir qu’il comptait qu’elle le seconderait sur les précautions qu’il croyait devoirpren-dre pour Sauver la caisse et les drapeaux. Le COdèéil municipal a pensé qü’il devait prévenir tous les désordres projetés, les arrêter dans leur principe, par toutes les voies de conciliation ; que c’étaient les seules armes qu’il dût employer dans ce moment et qu’il importait de s’assurer de l’état actuel des choses; à cet effet, MM. Sala-dio, Maglaive et Mourot ont été invités de se transporter au quartier. M. Saladin, portant la p&rdlë, à rappelé aux soldats le serment qu’ils venaient de prêter; il leur a fait connaître l’irrégularité de leur conduite, et est parvenu, âvec cette éloquence qui lui est si familière, à calmer les esprits; il a été en outre convenu que le procès des prisonniers serait fait dans la forme Voulue par les derniers ordres du roi, au lieu de les chasser comme les soldats 1 avaient pfdjetè, sans les avoir entendus. La troupe a parti Satisfaite et à promis de se conformer au désir de Messieurs les officiers mu» nicipaux qui se sont présentés là comme amis de la tranquillité publique, et sans aucun signe qui caractérise l’officier municipal. Fait et clos les ail et jour avant dits. Présents : MM. Poirson, président, Aubert, Ayet, Maglaive, Saladin, Fabert, Rolin, Maudet et Mourot. Dm 21 juillet de relevée . Le coiiseil général extraordinairement assemblé : sur une lettre de M. de Noue qui dit qu’il est nécessaire de prévoir le désordre que l’insürrection d’une partie du régiment du roi peut occasionner si les soldats se décident à prendre les armes ; qu’il convient de se concerter âVec les chefs de la garde citoyenne pour qu’au premier avertissement elle puisse prendre les armes afin d'empêcher touie entreprise; que c’est le cas ou jamais de se préparer à arborer le drapeall rouge; Messieurs les députés ont rendu compté au conseil général de leur mission d’hier et d’aujourd’hui. M. le président a observé qu’avant d’aviser à ces précautions demandées par M. de Noue, il convenait d’être instruit de ce qui avait pu troubler l’ordre qui avait été rétabli. L’objet mis en délibération, il a été décidé que M. de Noue, commandant de lâ province, et Messieurs les commandants du régimeût seraient invités de se rendre à la municipalité pour entendre les motifs qui avaient pu faire naître les craintes de M. de Noue. On a nommé ensuite MM. Maglaive, Saladin, Mourot, André, jobart et Gœury, pour se rendre au quartier, à l’effet de prendre des renseignements sur la conduite actuelle des soldats. Messieurs les commissaires rentrés, ontannoncé que tout était tranquille. M. de Noue et Messieurs les officiers supérieurs du régiment du roi ont été annoncés et introduits. M. le président s’adressant à M. le commandant de la province l’a prié d’instruire l’assemblée des motifs qui ont donné lieu à la dernière lettre qu’il a pris la peine d’écrire à la municipalité. M. de Noue a répondu que le motif qui l’àv&it déterminé à demander que la municipalité interposât ses bons offices pour ramener le calme dans le régiment du roi, avait été que tous les officiers ayant épuisé tous les moyens de conciliation près de ceux des soldats qui étaient le plus insubordonnés, et lui-même n’ayant pu faire exécuter les ordres qu’il avait donnés, les mutins, au nombre de trois, s’étaient rendus chez lui et lui avaient parlé de lâ manière la plus indécente, et qu’ils avaient dit qu’ils venaient de remplir la forme et se mettre ën règle; qü’après cela, ils pouvaient se faire justice, que c’était la crainte que cea menaces n’eussent lquf effet qui l’avait décidé I èii prévenir ia municipalité afin que si l’insurrection venait à troubler la tranquillité des citoyens, il pût être en situation d’v porter remède. D’après celte explication, OU a agité la question de savoir ce qu’il y avait à faire et quel parti on devait prendre. Il a été observé, par la discussion lottgüé qui â été fai te de la part de plusieurs membres, que la municipalité n’ayant jamais eu d’autre intention que de proposer des voies de conciliation, ne pouvant rien juger relativement aux, militaires, le calme d’ailleurâ parâièsâïit fétàbli, îl ti’ÿ avait [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2S août 1790.] plus à délibérer, d’autant que les lettres de M. de Noue ne pouvaient être considérées que comme des invitations à la municipalité de l’aider à calmer les esprits; que l’ayant fait, ses fonctions étaient remplies. MM. les commandants ont renouvelé leurs remerciements au conseil général, et se sont retirés, Fait et clos, les an et jour avant dits .Présents : MM. Poirson, président ; Aubert, Ayet, Mal-glaive, Chaillon, Saladin, Blaize, Luxer, Eslin, Fabert, Rolin, Maudel, Mourot, Rolin, substitut; Raybois, Parisot, Desbombes, André, Bigelot, Nicolas, Demangeot,Demoulon, Marin, Vidàmpière, Labante, Masson, Michelaüt, des Rivages, Régnault, Antoine, Oudin, Jobrat, Gceury, Ragot et Jacquemin. Du 22 juillet 1790. Le conseil municipal extraordinairementassem-blé à huit heures du matin, sur 1 invitation de MM. les officiers du régiment du roi, qui ont annoncé que moitié du régiment était prêt à faire feu sur l’autre, et à l’instant un officier a apporté une lettre de M. de Noue qui invite le conseil à se transporter au quartier et à arborer le drapeau rouge, seul moyen d’arrêter les excès de la troupe. Le conseil a répondu qu’il ne pouvait se permettre de se rendre davantage au quartier, et qu’il conseillait à MM. les officiers de faire assembler à l'instant le régiment et à faire transférer les huit prisonniers à la Tour afin qu’il se trouvent par là sous la protection de la loi et de la municipalité. MM. les officiers ayant bien voulu suivre ce conseil, les prisonniers ont été transférés sans aucune difficulté, et le calme a aussitôt succédé. Fait et clos les an et jour avant dits. Présents : MM. Poirson , président; Aubert, Ayet, Malglaive, Petit-Jean, Saladin, Bellot, Luxer, Eslin, Fabert, Maudel et Rolin, substitut. Nota. Le Conseil municipal n’a pu s’empêcher de remarquer que toute l’insurrection venait d’un prétendu comité composé de quelques soldats, et désavoué par une grande partie du corps; mais en même temps le conseil doit des éloges à la conduite de MM. les officiers du régiment duî*roi, à laquelle il se plaira toujours de rentre justice. Collationné conforme à l’original. Signé : derlozan, et scellé du cachet du conseil de la ville de Nancy. Gopie de l'attestation du directoiredu département de la Meurthe donnée à MM. les officiers du régiment du roi , sur une lettre par eux écrite à M. Du Châtelet, relativement à l'insubordination de ce régiment. î)û 2 août 1790. Lé directoire du département de la Meurthe a pris communication delà lettre écrite aujourd’hui à M. Du Châtelet par MM. les officiers du régiment du roi, au sujet de l’état actuel d’insp-bordination dont ils se plaignent ; et il accûrae la présente attestation sur la réquisition qu’ils lui en ont faite. A Nancy, Ce 2 août 1790. Par le directoire , signé: BreLON, secrétaire greffier. Copie de l'extrait des registres des délibérations du directoire du département de ta Meurthe . Séance du 12 août 1790» M. le président a déposé sur le bureau une proclamation du roi du 8 de ce mois sur deux décrets de l’Assemblée nationale, des 6 et 7 du même mois, qui ont pour but le rétablissement de la discipline militaire dans les corps detroupes réglées, et la lettre d’envoi qui lui étaient parvenues cette nuit par un courrier extraordinaire ; cette proclamation ayant été lue, le directoire, sur la réquisition de M. le procureur général syndic, en a ordonné la transcription sur les registres et l’envoi aux districts et municipalités. Le substitut du procureur de la commune de Nancy, ayant été Introduit, a fait part de la résolution que tenait de prendre le corps municipal d’assister à lâ publication qui allait avoir lieu de cette proclamation à la tête de chaque corps de la garnison, ajoutant que ce parti paraissait n’être pas conforme à l’esprit de la loi même qu’il s’agissait de proclamer, puisqu’elle exclut l’intervention des municipalités et corps administratifs des affaires qui n’intéfessent que la police intérieure du corps, la discipline militaire et l'ordre du service ; niais que des circonstances alarmantes subsistant depuis la reddition de comptesexigée avec insubordination par les soldats durégiment du roi, etaugmentée parce qtii s’était passé hier au sujet de la punition de Château-Vieux, laissaient à lamunicipalité des inquiétudes sur le rassemblement des troupes pour la publication dont il s’agit, et sur la sûreté de M. de Noue; que ces ihquiétudes s’aggravaient encore par le fait que les armes avaient été chargées au quartier du régiment du roi, malgré que la défense en eût été faite; qu’en conséquence, elle aŸait délibéré d’assister avec lui à cette publication. Le directoire du département, rendant justice à la sagesse dèS mesures du corps municipal, à qui la Constitution défère essentiellement tout ce qui a rapport à la sûreté des personnes et à la tranquillité publique, a unanimement applaudi à son projet d*assister à la publication de la proclamation d’après l’exposé des motifs qui l’y décidaient, et le substitut du procureur s’est retiré. Se représentant de nouveau à la séance du directoire un instant après, et les différents corps de troupes récriées ètantdéjàdepuis quelque temps sous les armes, pour attendre la publication de proclamation du 8 de ce mois, le substitut du procureur de la commune a dit que les circonstances paraissant encore plus critiques, relativement à la sûreté du commandant, le corps municipal, qui ne pouvait quitter dans ce moment la maison commune, priait avec instance lë direc* toire du département de venir l’aider de ses conseils et de son assistance et de se trouver atec lui et le commandant du département à la publia cation qui allait se faire. Le président, les membres du directoire et le procureur général syndic ont cru devoir se rendre à l’invitation du corps municipal, et, sur-le-champ, ils ont quitté la séance pour aller a la maison Cortihnine. Après quelques explications qui ont eu lieu avec des grenadiers et soldats Glu régiment du roi, qui se disaient députés des différentes compagnies de ce corps et se trouvaient en armes à la maison commune, explications 288 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 août 1790.1 d’après lesquelles il a été déclaré par ces députés qu’ils garan tissaient, sur leur honneur et sur leur tête, la vie de M. de Noue, en exigeant néanmoins que ce commandant rétractât publiquement, et avant la lecture de la proclamation, les reproches qu’il avait faits aux troupes dans deux de ses lettres qu’il assure avoir été interceptées ; après que ces grenadiers et soldats eurent fait toutes les promesses qui pouvaient rassurer sur la personne de M. de Noue, les président, procureur général, syndic et membre du directoire sont sortis avec lui et les officiers municipaux, et tous l’ont accompagné pour assister ensemble à la lecture de la proclamation, mais elle a été précédée de reproches longs, véhéments, faits à M. de Noue par quelques soldats du régiment du roi; les corps administratifs et le commandant ont été obligés de s’arrêter pour les entendre, pour écouter aussi la lecture des deux lettres qu’on reprochait à M. de Noue, et attendre que ces soldats fussent satisfaits des explications et interprétations accordées par M. de Noue sur ces lettres : ces circonstances, qui caractérisaient toute l’insubordination et l’infraction la plus formelle à la loi, pour la publication de laquelle les troupes se trouvaient rassemblées, ont été suivies de la lecture et publication de la proclamation dont il s’agit, qui a été faite à la tête de chaque bataillon et escadron des différents corps de la garnison, et, après cette publication, les président, procureur général, syndic et membre du directoire ont été reconduits par le commandant et les officiers municipaux au lieu des séances de l’administration du département. Collationné par nous, secrétaire-greffier du département et du directoire de la Meurthe. Signé : Breton. COPIE de la lettre écrite par M. le président du directoire du département de la Meurthe au ministre de la guerre sur la publication, à Nancy , des décrets des 6 et 7 du présent mois d'août. Nancy, le 14 août 1790. Monsieur, je suis chargé par le directoire du département de la Meurthe d’avoir l’honneur de vous adresser le procès-verbal des faits auxquels les circonstances nous ont forcés de prendre part jeudi dernier, 12 de ce mois, à l’occasion de la ublication de la proclamation du roi, sur les eux décrets des 6 et 7 du môme mois. Les faits justifieront l’obligation où nous sommes, ainsi que la munii ipalité, d'en rendre compte au roi et à l’Assemblée nationale. Nous les supplions de pourvoir dans leur sagesse, et le plus promptement possible, aux moyeus les plus propres à garantir, sans nous exposer à de plus grands maux, l’exécution des derniers décrets sur la discipline mililaire, sans quoi l’insubordination combinée des trois corps armés deviendraient bientôt l’effroi des citoyeus et l’écueil de la sûreté publique. Je suis avec respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. Signé : COLLUET, président de l'administration du département. COPIE du procès-verbal de la municipalité de Nancy , du 14 août 1790. Département de la Meurthe. Municipalité de la ville de Nancy. Ce jourd’hui, 14 août 1790, six heures de relevée, le corps municipal, justement alarmé des progrès du trouble et, de l’insubordination de toutes les troupes, ayant arrêté qu’il serait député un courrier extraordinaire à l’Assemblée nationale, pour la supplier d’employer, le plus promptement possible, les moyens qui sont en son pouvoir pour rétablir la tranquillité dans cette ville et prévenir les malheurs dont elle est menacée, il a cru indispensable de continuer le procès-verbal qu’il a arrêté le 12 de ce mois à midi, et dont il a envoyé une expédition aux députés de cette ville, à l’Assemblée nationale. Immédiatement après la rentrée des trois régiments dans leurs quartiers respectifs, à l’heure de midi précis, un détachement des cavaliers du mestre-de-camp a demandé à ses officiers qu’ils se missent à sa tête pour conduire en triomphe par toute la ville le soldat suisse de Château-Vieux qui avait passé la veille au conseil de guerre et qui, au moment de la proclamation, était dans les rangs, monté sur un des chevaux du régiment : sur le refus qui lui en fut fait, il se mit en marche sans officiers et se rendit , le soldat suisse à sa tête, au quartier du régiment du roi ; arrivés là, les grenadiers et chasseurs, sans officiers et sans ordre, prirent les armes, et après avoir mis le second suisse qui avait également passé au conseil de guerre, au milieu du premier rang, avec les armes et le bonnet de grenadier ; ils se joignirent, au détachement de cavalerie, et, entourés d’un grand nombre de soldats, sabre à la main, et d’une grande affluence de peuple, ils se sont rendus au quartier du régiment suisse de Château-Vieux; là, ils ont forcé M. de Mérian, lieutenant-colonel de ce régiment, à donner à chacun des deux soldats qu’ils conduisaient, une somme de six louis, par forme de décompte, et ont exigé qu’il leur donnât encore cent louis à chacun pour indemnité du châtiment qu’ils avaient subi ; mais cet officier n’ayant pas cet argent près de lui, il a été conduit chez le trésorier des troupes qui a délivré la somme exigée ; cette première expédition faite, les coursesont recommencé dans la ville, les soldats durégiment d’infanterie montaient les chevaux de la cavalerie, tous échangèrent leurs habits, et le sabre nu faisait des évolutions de toute espèce dans les rues. La suite de ce désordre fut que les soldats du régiment suisse demandèrent à leurs officiers leur décompte ; ils commencèrent à les consigner et ne les laissèrent sortir qu’avec une escorte de quatre à cinq hommes. M. de Salis, leur major, contre lequel on murmurait à raison de la punition que l’on disait injuste qu’il avait fait subir à ces deux soldats, fut cherché de toutes parts; les perquisitions les plus exactes fü eut faites dans sa maison et dans les maisons voisines ; heureusement, on ne put le trouver, quoiqu’on eût fouillé partout; il fut obligé de demeurer caché ainsi pendant toute la journée et la nuit ; cette nuit ne fut pas moins orageuse que le jour ne l’avait été; les soldats étaient répandus dans toutes les rues, et, des tambours à leur tête, causaient les plus vives inquiétudes à tous les bons citoyens; dès le matin du lendemain 13, le régiment suisse continua, malgré la publication de {Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. la proclamation à exiger que les officiers suisses lui rendissent compte; ils les tenaient tous dans leur quartier, et d’après le prétendu résultat de leurs calculs, ils obligèrent les officiers à emprunter de l’argent pour le leur donner ; heureusement, un (1) citoyen de cette ville fut assez heureux pour offrir aux officiers une somme de vingt-sept mille livres, à l’aide de laquelle on satisfit pour un moment la demande des soldats; mais ils s’obstinaient toujours à avoir à leur tête leur major, et la fermentation qui croissait ne permettait pas qu’on l’exposât à paraître; touché de l’affreuse position de cet officier, lecorps municipal, qui était informé du lieu de sa retraite, invita des officiers de la garde citoyenne à accompagner cinq de ses membres, pour tâcher de pourvoir, par des moyens de conciliation, à la sûreté de M. de Salis ; arrivés au quartier des Suisses, M. de Salis s’y était déjà rendu, et l’officier municipal qui présidait la députation, représenta aux soldats assemblés combien ils s’écartaient de leur devoir, etcombien ils se déshonoreraient s’ils manquaient à leur major; ils répondirent que ce n’était pas leur intention, qu’ils ne s’écarteraient pas de la subordination et qu’ils serviraient la nation, la loi et le roi : alors la députation s’est retirée aux acclamations de satisfaction des soldats, en ajoutant, en parlant des officiers municipaux : « Ceux-ci peuvent sortir, mais nos officiers ne sortiront pas. » Il semblait que le calme allait se rétablir, mais dès les deux heures de relevée, le corps municipal avait été obligé de s’assembler de nouveau, d’après la demande de tous les officiers du régiment du roi qui l’avaient prévenu que les soldats persistaient à demander de continuer leur décompte, et surtout à avoir communication des registres depuis l’entrée de M. du Châtelet au régiment du roi : ces messieurs représentaient que cette demande était d’autant plus alarmante, qu’il était impossible d’y obtempérer, vu que le régiment n’avait de registre que depuis 1776. Qu’ils nous priaient de nous rendre près des soldats qui étaient assemblés chez M. de Balivière, pour tâcher de concilier les esprits; d’après la proclamation du roi, le corps municipal hésita à se rendre aux pressantes sollicitations de MM. les officiers ; cependant un député des soldats ayant annoncé qu’ils verraient avec plaisir que la municipalité leur donnât des conseils, il fut décidé que deux de ses membres se rendraient, non comme officiers municipaux, mais comme médiateurs chez M. de Balivière ; là, ils représentèrent aux soldats leur contravention aux lois de l’Assemblée nationale et à la volonté du roi ; ils tâchèrent de les décider à se borner à faire leur réclamation par écrit, et à l’envoyer à l’Assemblée nationale ; ils ne purent rien obtenir, sinon qu’ils ne toucheraient plus à la caisse du régiment, avant que leur compte ne fut légalement arrêté, mais qu’ils ne discontinueraient pas. De retour à l’assemblée, les officiers municipaux rendirent compte du peu de succès de leur démarche ; à peine ce récit était-il achevé, que le commandant et le major du régiment du mestre-de-camp furent annoncés ; ils apprirent au corps municipal que leur régiment était en proie au même désordre que .les autres ; que les cavaliers avaient demandé un compte, que par l’aperçu qu’ils en avaient eu, ils avaient reconnu que, loin de leur revenir de l’argent, ils en devaient, mais que cela n’empêchait pas qu’ils voulussent en 11) M. de Vaubecoui'l. lro Série. T. XVIII. (25 août 1790.] 289 avoir, et qu’ils n’eussent menacé fortement dans le cas où on leur en refuserait; que déjà ils avaient arrêté le quartier-maître et mis une garde à la caisse ; ces messieurs ont ajouté que ces menaces étaient d’autant plus alarmantes que la caisse du régiment était vide, ou du moins qu’il n’y avait que pour environ 8,000 francs en assignats, qu’il était à craindre qu’ils ne se portassent aux dernières extrémités, lorsqu’ils se verraient trompés dans leur espérance ; ces messieurs ont, en conséquence, demandé à la municipalité que, pour leur sûreté personnelle, elle leur avançât une somme de 26,000 livres, sur un billet qui leur était dû pour fournitures qu’ils avaient faites au régiment et dont la rentrée était prochaine ; ils offraient d’ailleurs de le cautionner personnellement; le corps municipal s’est empressé de déférer à la demande de MM. les officiers, et a promis que, dans le cas où ils seraient forcés à délivrer de l’argent, l’avance qu’ils demandaient leur serait accordée. Aux expressions de reconnaissance et de sensibilité qui accompagnaient les remerciements de MM. les officiers, on reconnaissait aisément combien leur situation était cruelle et tout ce qu’ils auraient eu à craindre si la municipalité eût été privée de la satisfaction de les obliger. A peine ces messieurs étaient-ils sortis, qu’on vit arriver, sans armes, un grand nombre de soldats de tous les régiments, et particulièrement de celui des Suisses; ils se rangèrent au devant de l’hôtel-de-ville, et, au bruit de la musique, quatre députés des Suisses se sont rendus en la salle des séances de la municipalité. Après y avoir été introduit, celui qui était à la tête a demandé, au nom de son régiment, la permission de donner un souper, ce même soir, aux soldats des autres régiments, à l’hôtel du Palais-Royal. Sur les observations qui leur furent faites que c’était aux officiers à leur accorder cette grâce, si elle ne blessait pas la discipline militaire et ne pouvait nuire à la tranquillité de la ville, sur promesse qu’ils firent de se conduire avec honnêteté, et d’après l’assurance qu’ils donnèrent, qu’ils avaient obtenu l’agrément de leurs chefs, la municipalité crut devoir se borner à leur recommander la paix et la tranquillité pendant et après le souper. Les courses des soldats continuèrent dans toutes les rues, ainsi que la veille, mais il n’y eut pas d’accidents remarquables. Le lendemain 14, à 4 heures de relevée, M. de Balivière, commandant du régiment du roi, accompagné de M. de Perdiguier , chef de bataillon du même régiment, se sont rendus près du conseil municipal, pour Je prévenir que huit soldats armés s’étaient rendus chez M. de Balivière, et l’avaient forcé de leur remettre les clés de la caisse du régiment; qu’ils exigeaient, contrairement à l’ordonnance militaire, que le conseil d’administration se tînt au quartier, afin de s’assurer des personnes de leurs officiers supérieurs pour les forcer à additionner leur compte; qu’ils venaient déposer dans le greffe de la municipalité le récépissé que les soldats leur ont déjà donné de 150,000 livres qu’ils ont forcé de leur délivrer précédemment ; qu’ils déposeraient également plusieurs papiers relatifs à leur administration, ce qu’ils ont fait. Au même instant, on a vu passer un détachement armé, dont une députation est venue à la salle de la municipalité, pour chercher M. de Balivière et le prévenir que le détachement armé 19 [26 août 1790.] 290 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. allait enlever la caisse du régiment de chez le trésorier et la déposer au quartier. M. le président du corps municipal a observé avec fermeté à ces soldats combien leur conduite était contraire à la loi, d’abord en ce qu’ils prenaient les armes, sans ordre de leurs chefs ; en second lieu, en ce qu’ils voulaient s’emparer d’ une caisse qui ne leur appartenait pas et qui ne pouvait leur être abandonnée; que leur insubordination, surtout d’après le dernier décret, dont ils avaient connaissance légale, était des plus coupables, que le corps municipal se voyait forcé de les dénoncer à l’Assemblée nationale, qui ne pourrait voir sans indignation une telle conduite. Enfin, M. le président les a sommés de mettre bas les armes et de rentrer dans le devoir; mais il ont répondu qu’ils n’en feraient rien , qu’ils avaient des ordres du régiment; et sur l’observation qu’on leur a faite, que leurs chefs n’ayant pas donné d’ordres, ils ne pouvaient en avoir reçu d’autres, ils ont répondu qu’ils continueraient, et ils sont sortis. Le corps municipal qui, en conséquence de ces troubles, avait invité le commandant de la garde nationale à se rendre au conseil, y délibérait avec lui sur le parti à prendre dans des circonstances aussi affligeantes. Pendant ce temps on a vu repasser le détachement avec la caisse, que les soldats faisaient conduire , sur une charrette, dans leur quartier. Une telle violation de toute loi et de toute subordination n’a laissé d’autre parti à prendre que d’envoyer sur-le-champ un courrier à l’Assemblée nationale. Convaincu des effets , malheureusement trop prompls , de l’exemple, le corps municipal craint que le désordre des troupes ne se communique dans toutes les classes de citoyens; les sommes considérables que les soldats ont répandues, leur ont fait des partisans dans la classe indigente et dans celle de ceux qui peuvent profiter de ces dépenses; toutes les forces sont impuissantes pour rétablir l’ordre, et la garde nationale trop peu nombreuse pour arrêter une insurrection aussi complète dans toutes les troupes. La ville est donc sur le point d’être en proie aux plus grands excès : le corps municipal ne voit de moyens de les prévenir que par la présence de quelques députés de l’Assemblée nationale. Le corps municipal, en adressant le présent procès-verbal aux députés de cette ville à l’Assemblée nationale, les invite à vouloir bien y joindre les procès-verbaux précédents, dont on leur a envoyé deux expéditions, et à peindre à l’Assemblée nationale tout le désordre qui désole cette ville et la nécessité d’y apporter un prompt remède. Fait et arrêté au conseil municipal, dix heures du soir, les jours et an avant dits. Signés : F. Poirson, Malglaive, N. *Z. Aubert, N.- F, Biaise, cultivateur ; Eslin, Chaillou, Ayet, Saladin, Lusier, F, Mandel, J. Rollin, N. Bellot, Mourot; et, par le conseil, Munet. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPONT (DE NEMOURS). Séance du ieudi 26 août 1790, au matin (1). La séance est ouverte à 9 heures du matin. M. Alquïer, secrétaire , donne lecture du pro| cès-verbal de la séance du mardi 24 août au matin. M. Buzot, secrétaire , fait lecture du procès verbal de la séance du mardi 24 août au soir. M. Dinocheau, secrétaire, donne également lec ture du procès-verbal de la séance d’hier 25 août. Tous ces procès-verbaux sont adoptés sans réclamation. M. Gillet de La Jacqueminière, membre du comité d'agriculture et de commerce. Messieurs, lorsque vous avez décrété, par l’article 2 de votre décret sur les postes, que le commissaire et les administrateurs prêteraient serment entre les mains du roi, votre intention n’a pas été d’ordonner un surcroît de dépense; cependant j’ai appris que l’usage des huissiers de la Chambre était d’exiger d’eux mille écus de chacun de ceui qui prêtent ce serment : le Serment ne doit pas être avili et prêté à prix d’argent; je vous demande, au nom du comité, de proscrire cet abus par une loi générale et de prononcer le décret suivant : « Il ne pourra être exigé des personnes appelées à remplir des fonctions publiques aucunes sommes, sous quelque dénomination et sous quelque prétexte que ce soit, pour les actes de prestation de serment dont elles seraient tenues, ou à leur occasion. » (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.) M. Malouet. Je viens encore demander à l’Assemblée de s’intéresser à M. Eggss qui est toujours détenu à l’Abbaye. Je demande qu’elle ordonne son élargissement ou qu’au moins elle le renvoie par un décret devant le Châtelet. Plusieurs membres répondent que l’Assemblée n’a pas à s’occuper de cette affaire qui est du ressort de l’ordre judiciaire. L’Assemblée passe à l’ordre du jour. M. Du Châtelet. Lorsque l’acte de soumission des soldats du régiment du roi fut lu hier dans cette tribune, il s’éleva une discussion qui m’était étrangère et qui ne me permit point de demander la parole ; je la demande maintenant pour supplier l’Assemblée nationale de trouver bon que, pour le régiment du roi, qui a toujours eu une administration particulière dont j’ai été chargé depuis un grand nombre d’années, l’officier général, nommé pour examiner les réclamations des soldats, soit autorisé par le comité militaire à adjoindre, au nombre de soldats fixé par le décret dp 6 de ce mois, tel nombre' qu’il jugera û propos de membres de la municipalité, du district et des gardes nationales; ces derniers surtout, après avoir réussi, par leur zèle et leur patrio-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.