332 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juin 1791.] [Assemblée nationale.] A gauche : Aux voix ! aux voix 1 M. Boussion. Messieurs, voici la rédaction de ma proposition : « L’Assemblée nationale décrète que les fonctionnaires publics ecclésiastiques qui auraient prêté le serment, et se seraient rétractés ou se rétracteraient à l’avenir, seront privés de tous traitements accordés par ses précédents décrets. » Plusieurs membres demandent le renvoi au comité ecclésiastique. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur le renvoi au comité.) M. d’Aubergeon-lIiirïnals. Il est notoire que beaucoup d’ecclésiastiques ont prêté le serment avec des restrictions dont il n’a pas été fait mention. Les officiers municipaux ont fermé les yeux, et la bonne foi des pasteurs a été trompée. Ils doivent avoir le même traitement que ceux qui n’ont prêté aucun serment; sans cela, la mesure que vous prendrez sera une véritable persécution. Un membre : Il a été fait des procès-verbaux que les fonctionnaires publics ont signés. Si ces procès-verbaux ne contiennent pas de restrictions, il est évident qu’ils n’ont pas prétendu en faire. En un mot, la bonne foi dont on nous parle indiquait aux ecclésiastiques, qui ne voulaient pas prêter serment, d’abdiquer tout simplement leurs fonctions ; toute autre conduite est une ruse coupable. M. de Virïeu. Je demande la parole pour rétablir un fait. M. Sjavie. Et moi, je demande que l’on consulte l’Assemblée pour savoir si la discussion est fermée. (L’Assemblée, consultée, ferme la discussion.) M. de ¥irieu. C’est juste ! A gauche : Aux voix l’article ! aux voix ! Monsieur le President. M. Cliabroud . Je demande qu’il soit ajouté au projet de M. Boussion ces mots : «... Seront privés 'le tous traitements et pensions... » (Cet amendement est adopté.) En conséquence, la motion de M. Boussion est mise aux voix, avec l’amendement, dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète que les fonctionnaires publics ecclésiastiques qui auraient prêté le serment, et se seraient rétractés ou se rétracteraient à l’avenir, seront privés de tous traitements et pensions accordés par ses précédents décrets. » (Ce décret est adopté.) (L’Assemblée ordonne ensuite que les deux articles qu’elle vient d’adopter seront portés dans le jour à la sanction du roi.) M. Dauchy rappelle à l’Assemblée que le scrutin pour la nomination d’un président a donné la majorité à M. Alexandre de Beauhar-nais, et quitte le fauteuil. M. Alexandre de Beauharnais prend place à la présidence. M. Camus, au nom du comité central de liquidation. J’ai l’honneur d’annoncer à l’Assemblée que, vendredi prochain, il sera brûlé à la caisse de l’extraordinaire pour 10 millions d’assignats. M. Camus, au nom des comités des finances, de la caisse de l'extraordinaire et d'aliénation (1). Messieurs, avant de vous présenter au nom des comités réunis des finances, de la caisse de l’extraordinaire et d’aliénation un projet de décret tt ndant à ordonner une nouvelle fabrication d'assignats, je vais vous donner connaissance de l’état des assignats déjà créés et de la caisse de l’extraordinaire. 11 faut d’abord, Messieurs, vous présenter les faits relatifs aux diverses créations d’assignats et à leur emploi. Votre décret du 21 décembre 1789 ordonna la création de 400 millions en assignats sur la caisse de l’extraordinaire. Par un autre décret du même jour, vous ordonnâtes qu’il serait remis à la caisse d’escompte, pour ses avances de l’année présente, et pour celles des 6 premiers mois de 1791, 150 millions en assignats, de sorte qu’il ne restait plus à votre disposition que 250 millions d’assignats. Le troisième décret, du 17 avril 1790, porte que les assignats décrétés le 21 décembre précédent auraient cours de monnaie ; et vous jugeâtes à propos de leur attribuer 3 0/0 d’intérêt. Par ce même décret, vous avez ordonné que les 400 millions en assignats seraient employés : 1° à l’échange des billets de la caisse d’escompte jusqu’à concurrence des billets qu’elle avait remis au Trésor public; 2° que le surplus serait versé au Trésor public pour éteindre les anticipations et rapprocher d’un semestre les intérêts arriérés de la dette publique. Par les décrets du 29 septembre et du 8 octobre 1790, vous avez fait une nouvelle création d’assignats montant à 800 millions, et vous avez ordonné en même temps que les intérêts de 3 0/0 cesseraient d’être distribués aux premiers assignats. Ainsi, l’effet des deux premières créations monte à .................. 1,200,000,000 liv. Il faut ajouter à cette première somme le montant des coupons annexés aux assignats de première création et remis avec ces assignats au Trésor public, soit ...... 1 , 656 , 468 Le Trésor public ayant disposé de ces assignats qui portaient des coupons d’intérêt, il a dû en faire compte à la caisse de l’extraordinaire; ainsi, le total des deux premières créations, eu y comprenant les coupons , est de .................... 1 ,201,656,468 Jiv. Voilà la somme que vous avez mise à la disposition de la caisse de l’extraordinaire; il faut voir maintenant ce qu’il reste de cette somme. La dépense qui en a été faite se subdivise eu 2 parties : l’une jusqu’au dernier mai 1791, l’autre depuis le 1er de ce mois jusqu’au 17. Les dépenses jusqu’au 1er mai 1791 sont justifiées par les comptes qui vous sont remis chaque mois et qui entrent dans le détail de chacune des dépenses. 333 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juin 1791.] Voici i’état général des dépenses : 1° Dépenses jusqu’ Echange des billets de ta caisse d’escompte ....... Versements au Trésor public ..... Liquidations et remboursements.. Intérêts avancés, suivant les décrets, dont il sera tenu compte par le Trésor public ........ Coupons remboursés .......... 2°Dépenses pour liquidation, du 1er juin au 17 juin soir ............. A verser au Trésor public, suivant les décrets, pour ce mois .......... 1 dernier mai 1791 : 348,433,8801. » s. 409,438,403 13 295,332,394 16 2,900,216 4,610,479 10 61 ,015,042 28,451,436 » d. 4 )) Total de la dépende ............ 1,1 50,181,771 1. 19 s. 4 d. En conséquence,”™”' le montant des 2 premières créations étant de ... . 1,201,656,4681. » s. » d. Et le total de la dépense de ....... 1,150,181,771 19 4 Le résultat est qu’il reste dans la caisse de l’extraordinaire, en assignats ............ 51,474,6961. » s. 8 d. Il faut observer que les décharges ne montant encore qu’à la somme de 348 millions de livres, il reste encore à échanger de billets de la caisse d’escompte (au 1er mai 1791) 51,566,200 livres. On ne peut pas dire que ces billets soient véritablement en circulation; ils sont devenus volontaires ; ceux qui ne veulent pas les conserver les portent à la caisse de l’extraordinaire où on les échange. Ainsi la véritable circulation n’est toujours, selon vos décrets, que d’une somme de 1,200 millions de livres; et cependant la vérité est que jamais cette somme de 1,200 millions de livres n’a été effectivement mise en circulation ; d’abord, parce qu’il fallait que les créanciers vinssent pour se faire payer et que tous ne pouvaient pas venir en même temps ; ensuite parce qu’il fallait un temps quelconque pour la fabrication des assignats; enfin, parce qu’à mesure que les assignats rentraient, on les brûlait, et que les assignats de la création de 800 millions n’ont été terminés que la semaine passée. D’un autre côté, jusqu’à présent, il a été brûlé 160 millions d’assignats et 10 millions qui le se-ront la semaine prochaine; voilà donc 170 millions qui ne sont pas en circulation. Enfin, il reste dans la caisse 51 millions à distribuer. Vous voyez donc, Messieurs, que la circulation n’est pas de plus de 930 millions ; elle a toujours été à peu près sur ce même taux ; elle a même été quelquefois moindre. Le restant des assignats n’étant plus, Messieurs, que de 51 millions, il faut vous occuper maintenant, et de vos besoins actuels et de l’exécution des décrets de l’Assemblée, et en même temps de l’état dans lequel se trouveront vos successeurs, lorsqu’ils vous remplaceront pour la prochaine législature. Relativement à vos besoins actuels, il est évident qu’une nouvelle fabrication d’assignats est devenue indispensable pour servir au payement de la liquidation des, différentes sommes à payer aux créanciers de l’État. Cette liquidation est divisée en deux parties; l’une se fait au Trésor public sur les effets qui avaient été suspendus par les arrêts du conseil de 1788 et de 1789; l’autre partie se fait à la direction de la liquidation : elle comprend le remboursement d’offices, brevets de retenue, etc. Le 16 de ce mois, le liquidateur général fit le relevé des décrets rendus par l’Assemblée nationale sur les rapports qui lui sont faits d’après les liquidations du directeur général, et les payements montaient à 351,043,366 livres. Il y a, d’un autre côté, des reconnaissances provisoires, délivrées pour 15 millions, des reconnaissances définitivement délivrées pour 216 millions. Vous voyez, par conséquent, que voilà une masse énorme de créance qu’il faut acquitter successivement. D’un autre côté, la rentrée des impôts n’étant pas encore établie comme elle le sera incessamment, nous sommes dans la nécessité de pourvoir, pour le mois suivant et peut-être pour les mois prochains, au versement au Trésor public. La dépense de la caisse de l’extraordinaire, depuis que la liquidation est entamée, est de 140 à 150 millions par mois; ainsi pour les besoins de 2 mois, ce serait environ 300 millions; mais lorsque vous quitterez vos travaux, pour ne pas laisser vos successeurs dans l’embarras, il est indispensable qu’il se trouve des fonds de caisse; il serait convenable qu’il restât dans la caisse, au moment de notre départ, environ 100 ou 150 millions. Voilà ce que vous devez examiner relativement à l’émission des assignats. Les décrets ont deux objets : le premier a été d’empêcher que la circulation du papier-monnaie ne fût trop considérable et n’altérât la confiance. Vous l’avez limité à 1,200 millions; il ne faut pas dépasser cette mesure. Le deuxième objet a été de n’émettre des assignats qu’autant que vous aurez un gage certain pour assurer leur hypothèque. Le gage des assignats, ce sont les biens nationaux. Pour connaître la valeur des domaines nationaux, l’Assemblée nationale a décrété : 1° Le 6 décembre 1790, que l’administrateur de la caisse de l’extraordinaire fera dresser le dénombrement des domaines nationaux, par départements, districts, cantons, municipalités. 2° Le 12 avril 1791, que les directoires de tous les districts du royaume seront tenus d’envoyer, au comité d’aliénation, l’état de la valeur présumée de tous les domaines nationaux compris dans leur circonscription, en séparant la valeur des biens dont les décrets ordonnent la vente, et celle des bois et forêts dont les décrets ont ordonné la conservation. Les ordres de l’Assemblée n’ont pas pu être exécutés complètement, parce que les envois qu’elle avait décrété de faire, tant pour le dénombrement que pour l’état des valeurs présumées, n’ont été faits ni par toutes les municipalités, ni par tous les districts. Mais en comparant le nombre des munici- 334 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juin 1791.] palités et des districts, dont on a reçu des envois, avec celui des municipalités et des districts, dont on n’a pas reçu d’envoi, il est facile de trouver, par le résultat des états qui ont été envoyés, quel aurait dû être le résultat de tous ceux qui ont été demandés. M. Amelot a opéré d’après les déclarations des municipalités, première base du dénombrement qui a été demandé le 12 avril. Le comité d'aliénation a opéré d’après les états de valeur qui lui ont été envoyés aux termes du décret du 12 avril. Voici le résultat des deux opérations : Opération de M. Amelot. Il existe dans le royaume 43,915 municipalités. On n’a pu opérer que sur les déclarations que 17,001 municipalités ont données du revenu des domaines nationaux, situés dans leur territoire , et le résultat du calcul a présenté, dans les 17,001 municipalités, un revenu de .................. 37,798,850 liv. C’est, pour 43,915 municipalités, à quelques fractions près ...................... 97,637,581 Ce revenu donne, au denier 25, un capital de... 2,440,939,525 liv. Opération du comité cl' aliénation. Il existe dans le royaume 544 districts. On n’a pu opérer que sur les états envoyés par 314 districts, et le résultat du calcul a donné, dans ses 314 districts, un capital formé des biens vendus, des biens à vendre, des biens dont la vente est suspendue, et des bois et forêts, de ................ 1,415,440,287 liv. C’est, pour les 544 districts, à quelques fractions près, un capital de ................. 2,462,227,758 liv. Il est donc manifeste que les domaines nationaux excèdent en capital 2,400 millions. Les états envoyés par les districts, étant distribués selon les différentes natures des biens, donnent le détail suivant : Biens vendus ............ 555,397,633 liv. Biens à vendre ........... 517,456,690 Biens dont la vente est suspendue... .............. 159,869,546 Bois etforêts ............. 182,716,418 Total ........... 1,415,440,287 liv. Il est impossible de faire l’appréciation au juste de la valeur des domaines nationaux, car les municipalités ont baissé les estimations, espérant que leur profit augmenterait avec les adjudications. D’un autre côté, nous avons calculé le capital du revenu sur le pied du denier 25 seulement, et l’expérience démontre que les biens qui ont été vendus ont été beaucoup au-dessus du denier 30. Si nous avions adopté ce dernier calcul, nous arriverions à bien près de 3 milliards; mais nous avons voulu présenter à l’Assemblée des calculs qui ne fussent susceptibles d’aucune difficulté et nous avons porté toutes ces évaluations au taux le plus bas. Mais ii est évident que ce serait une absurdité, une folie, de prétendre que les biens nationaux ne montent pas à 2 milliards; il est extrêmement vraisemblable qu’ils monteront au-dessus de l’évaluation. Voilà, Messieurs, l’état des biens nationaux, et je pense que, d’après cela, vous pouvez aujourd’hui augmenter l’émission des nouveaux assignats (. Mouvements divers.)-, je dis que c’est dans cet état qu’il faut faire une nouvelle émission et fabrication d’assignats. Je distingue fabrication et émission : il faut fabriquer des assignats suffisamment pour subvenir aux besoins que j’ai exposés; mais il ne faut pas émettre, dans le moment actuel, la totalité des assignais que vous voulez adopter. Vous devez prendre les précautions nécessaires pour que l’émission n’excède jamais la proportion de ce qui rentrera, et ne se porte pas au-delà de 1,200 millions de livres, première mesure que nous avons à vous proposer. Il est important d’observer, Messieurs, que l’émission que nous vous proposons n’a aucun rapport avec les 100 millions de livres d’assignats que vous avez décrétés à raison de 5 livres chacun, et ces 100 millions n’ont pas été destinés à former une nouvelle émission, ils ne doivent pas augmenter la masse de ceux qui sont en circulation, parce qu’ils doivent être délivrés en échange, soit des assignats de 2 mille livres, soit d’autres de moindre valeur qui sont d’une somme trop forte pour les besoins journaliers du commerce; mais, pour éviter ces inconvénients, nous vous proposons d’expliquer, par un article très formel, que la nouvelle émission d’assignats que vous allez décréter est absolument étrangère aux 100 millions d’assignats de 5 livres. D’après cet exposé, voici le projet de décret que Je comité vous propose : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités réunis des finances, de la caisse de l’extraordinaire et de l’aliénation des biens nationaux, décrète : « Art. 1er. Il sera procédé à la fabrication de 400 millions d’assignats, savoir : 200 millions en assignats de 500 livres ; 100 milLions en assignats de 50 livres; 25 millions en assignais de 90 livres; 25 millions en assignats de 80 livres ; 25 millions en assignats de 70 livres; et 25 millions en assignats de 60 livres. Lesdits assignats seront signés par les mêmes personnes qui ont signé les assignats émis en exécution du décret du 29 septembre dernier; ils seront de même papier, de même forme et de même composition, à la seule différence de l’énonciation de la date du présent décret, qui remplacera celle du décret du 29 septembre 1790. « Art. 2. Les assignats fabriqués conformément au précédent article ne seront mis en circulation, quant à présent, que jusqu’à concurrence de la somme de 160 millions. Il n’en sera sorti ensuite de la caisse à trois clefs, pour être mis en circulation que dans la même proportion dans laquelle les assignats des créations décrétées précédemment et cejourd’hui, rentreront à la caisse de l’extraordinaire et y auront été brûlés; desquelles rentrées et brûlement il sera fait mention expresse dans chacun des procès-verbaux de sortie qui suivront la première émission de 160 millions décrétée par le présent article. « Art. 3. Les assignats de la présente création formeront, dans le compte général de la caisse de l’extraordinaire, un compte particulier, qui sera ouvert pour cet objet; it sera fait écriture et procès-verbaux particuliers de tout ce qui regardera la fabrication, l’émission, la rentrée et