[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [ 23 brumaire an II 119 (13 novembre 1793 tendre qu’ils n’échapperont pas à la peine due à leurs crimes liberticides. Décadi, il a semblé que l’on mît en question la légitimité de la mise hors la loi, au moment pour ainsi dire où elle atteint les plus grands coupables. Le conspirateur qui fuit doit être atteint par tous les amis de la liberté : voilà le principe; et je vous demande qui oserait le contester depuis que vous avez vu G-orsas venir insulter à la puissance du peuple jusque dans le sein de Pa¬ ris. Je me résume : il est deux points qu’on ne peut mettre en doute. Le premier est que nul ne doit être entendu, en matière d’accusation, que par le jury devant lequel il est renvoyé; le second est que la mise hors la loi n’est sus¬ ceptible d’aucun examen, et que,- par consé¬ quent, vous ne devez charger aucun comité de l’examiner. Enfin, une différence établie entre les citoyens tendrait à jeter un venin de défa¬ veur sur les lois et violerait les principes con¬ signés dans l’Acte constitutionnel de la Répu¬ blique. Je dis donc que le décret de décadi ne peut être maintenu, et j’en demande le rapport avec tous les bons citoyens. (Nous n’avons pas interrompu ce discours, pour rapporter les applaudissements qu’il a re¬ çus; ils l’ont interrompu très souvent). Martin (de TMonville.) Je ne m’oppose point aux principes présentés par Barère ; je les adopte, et je veux seulement les étendre. Oui, tous les citoyens doivent être poursuivis sans distinc¬ tion. Eh bien ! je demande que les députés eux-mêmes ne soient plus traduits à la Conven¬ tion pour être décrétés d’accusation. On demande la question préalable sur cette proposition. Dubarran ht la rédaction du rapport proposé par Barère. Thuriot. Je demande la parole pour que la vérité reprenne ses droits. Je n’attaque point les principes énoncés par Barère, je les appuie. Si dans le moment où le décret sur lequel Ba¬ rère a parlé fut rendu, l’on eût développé les principes qu’il vient d’énoncer, la Convention n’aurait sans doute rien décrété. Je vais pré¬ senter quelques faits. Décadi, au moment où j’entrai à la Conven¬ tion, Basire se plaignait des dénonciations. Un autre membre appuya ses observations. On a dit depuis que cette discussion s’était engagés au sujet d’Osselin. Je dois déclarer ici que mon opinion a été indépendante de cette circons¬ tance; que j’eus toujours le plus profond mé¬ pris pour Osselin; qu’ ainsi, à sa considération, je n’eusse pu rien faire qui lui fût avantageux; et que, d’ailleurs, je n’ai jamais eu aucun rap¬ port avec lui. Ainsi, je le répète, si j’avais pu penser qu’il s’agît de lui, j’aurais appuyé des mesures de rigueur. On m’a accusé hier, dans une Société que j’ai toujours chérie, et qui, je l’espère, recon¬ naîtra mon innocence, et me rendra justice : on m’a accusé d’avoir combattu pour Custine; moi, qui déclarais hautement, au moment où on proposait de lui donner le commandement du Nord, qu’il n’était nullement propre à remplir l’attente de la nation; moi qui, avec Jean-Bon Saint-André et Prieur, pris sur ma responsabi¬ lité de déterminer Drouet à l’arrêter, et qui ai ainsi fait consommer son arrestation, On a dit encore qu’il y avait eu un rapport au comité de Salut public pour savoir si Cus¬ tine serait accusé ou non. J’en appelle à mes collègues, et je les somme de déclarer s’il n’est pas vrai que Custine fût accusé avant qu’il fût question de faire aucun rapport au nom du comité de Salut public. Enfin, je puis encore adjurer tous mes col¬ lègues, et Barère qui est ici présent, de cette vérité, que tous les arrêtés, toutes les mesures générales et révolutionnaires du comité de Sa¬ lut public ont toujours reçu mon entier assen¬ timent. Billaud-Varenne. J’avais demandé la parole pour répondre à la proposition de Merlin. La Convention doit se tenir également en garde contre les mesures exagérées, et contre les sug¬ gestions du modérantisme. Il faut que rien n’al¬ tère ce principe, qu’aucune autorité dans la République ne peut prononcer sur un repré¬ sentant du peuple avant que la Convention prononce elle-même; car autrement la première autorité contre-révolutionnaire pourrait à l’ins¬ tant paralyser la représentation nationale; A l’égard de ce qui a été dit par Thuriot dans une des dernières séances, il est bon de ré¬ tablir les principes. Le droit de se faire entendre commence quand on est accusé. C’est devant les tribunaux seuls que l’accusé se présente comme tel; c’est donc devant les tribunaux qu’il doit se faire entendre. La liberté vaincra tous ses ennemis. Malheur à tous ceux qui auront embrassé la défense des hommes coupables. C’est par une énergie sou¬ tenue que la Convention achèvera son ouvrage. C’est ainsi qu’elle conservera dans ses mains la massue du peuple, et avec cette arme ter¬ rible ehe écrasera tous les ennemis de la liberté. G-ardez-vous de suivre la marche de l’Assem¬ blée constituante. Le génie révolutionnaire ne doit s’user qu’au tombeau. ( Vifs applaudissements. ) On demandait le rapport pur et simple du décret, et dans la rédaction de Dubarran il était motivé sur les principes énoncés par Barère. Billaud -Varenne insiste sur cette rédaction. Elle est adoptée. CONVENTION NATIONALE Séance du 23 brumaire* l’an II de la République française, une et indivisible. (Mercredi 13 novembre 1793.) Un des secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du 17 brumaire. Il est ap¬ prouvé par l’Assemblée (1). Le citoyen Nicolas, ancien fabricant d’armes à Saint-Étienne, fait don à la patrie de 5 fusils neufs avec leurs baïonnettes. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (2). 1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 189. 2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 189. 120 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { nombre ira” Suit l'hommage fait au nom du citoyen Ni¬ colas (1). « Citoyens, « Le citoyen Nicolas, ancien fabricant d’ar¬ mes à la manufacture de Saint-Étienne, me charge de faire, en son nom, un don à la Ré¬ publique de cinq fusils avec leur baïonnette. Vous n’en voyez ici que quatre, le cinquième est entre les mains d’un brave sans-culotte auquel je l’ai prêté il y a quelque temps, et qui se trouve, dans ce moment, dans un détachement de l’ar¬ mée révolutionnaire qui opère dans le départe¬ ment de l’Oise. « Je demande la mention honorable du don et l’insertion au Bulletin. » La commune de Lisieux fait passer le pro¬ cès-verbal de la fête qu’elle a célébrée en l’hon¬ neur des martyrs de la liberté. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (2). Suit l'envoi du 'procès-verbal (3). Les membres du conseil général de la commune de Lisieux, au citoyen Jouenne, député à la Convention nationale. « Lisieux, le 18 de brumaire de l’an II de la République française, une et in¬ divisible. « Citoyen représentant, « Tu n’as cessé, depuis que tes concitoyens t’ont rendu dépositaire de leur confiance, de donner des preuves de ton zèle et de ton at¬ tachement pour eux. Tu leur continueras tes soins, nous y comptons, et tu nous en donneras une nouvelle preuve en mettant sous les yeux de la Convention le procès-verbal de la fête cé¬ lébrée ces jours derniers en mémoire des mar¬ tyrs de la liberté. S’il était possible que tu en fisses insérer mention honorable dans le Bul¬ letin de la Convention , tu ajouterais à notre re¬ connaissance. « Salut et fraternité. (Suivent 7 signatures.) Compte rendu de l'Auditeur national (4). La commune de Lisieux adresse à la Con¬ vention le procès-verbal de la fête qu’elle a célébrée en l’honneur des martyrs de la liberté, Marat et Lepeletier. La Société populaire de Blois félicite la Con¬ vention sur la rigueur de ses mesures, et de¬ mande que tous ceux qui ont trempé dans la conspiration fédéraliste ou voté l’appel au peuple, soient remplacés (5). (1) Archives nationales, carton C 278, dossier 741. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 189. (3) Archives nationales, carton C 279, dossier 753. (4) Auditeur national [n° 418 du 24 brumaire an II (jeudi 14 novembre 1793), p. 1]. (5) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 189. Suit un extrait de l'adresse de la Société popu¬ laire de Blois, d'après le Bulletin de la Conven¬ tion (1). La Société populaire de Blois félicite la Con¬ vention sur ses travaux, notamment sur le décret salutaire qui expulse de son sein les membres corrompus; elle demande que tous ceux qui ont trempé dans la conjuration du fédéralisme, qui ont voté pour l’appel au peuple, et pour la détention du tyran, soient remplacés. Compte rendu de l’Auditeur national (2). Plusieurs communes et Sociétés populaires félicitent la Convention sur l’énergie de sa con¬ duite. La Société de Blois la remercie surtout de s’être purgée des fédéralistes qui, de son sein, avaient jeté le germe de la discorde et de la guerre civile dans toute la République. Le citoyen Milhau (Milhaud), représentant du peuple près l’armée du Rhin, rend compte de ses opérations et des mesures prises par les repré¬ sentants du peuple Saint-Just et Lebas, qui ont déjoué l’infâme complot de livrer Strasbourg à l’ennemi. Ils envoient le neveu du général autri¬ chien Vurmser, qui a été fait prisonnier dans cette ville. Insertion au « Bulletin » (3). Suit la lettre de Milhaud, représentant du peuple près l'armée du Bhin (4). Les représentants du peuple près l'armée du Rhin, à la Convention nationale. « A Strasbourg, le 16e jour du 2e mois de la 2e année de la République.française, une et indivisible. « Citoyens collègues, « La terreur est à l’ordre du jour sur cette frontière; les tribunaux révolutionnaire et militaire rivalisent de sévérité contre les égoïstes et les conspirateurs. « Tous les riches contre-révolutionnaires et fanatiques des villes et des campagnes sont arrêtés par nos ordres ; nous croyons que leurs trésors, qui sont encore sous le scellé, produi¬ ront à la République plus de 15 millions en assignats et numéraire. « Trois ou quatre jugements du tribunal révolutionnaire ont fait verser dans les caisses publiques plus de 600,000 livres d’amende. « Nos collègues Saint-Just et Lebas ont fait déporter dans l’intérieur tous les corps admi-(1) Bulletin de la Convention du 3e jour de la 3e décade du 2e mois de l’an II (mercredi 13 no¬ vembre 1793). (2) Auditeur national [n° 418 du 24 brumaire an II (jeudi 14 novembre 1793), p. 1]. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 189. (4) Archives nationales, carton C 278, dossier 737; Bulletin de la Convention du 3e jour de la 3e décade du 2® mois de l’an II (mercredi 13 novembre 1793); Moniteur universel [n° 55 du 25 brumaire an II (ven¬ dredi 15 novembre 1793), p. 223, col. 1]; Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 421, p.307); Aulard : Recueil des Actes et de la Correspon¬ dance du comité de Salut public, t. 8, p. 263.