(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 avril 1791.] 4Qf Art. 52. « L’Assemblée nationale se réserve de statuer par un décret particulier sur la manière d’appliquer le présent décret à l’état actuel de la marine. » (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est un rapport du comité de la marine sur les Invalides de la marine (1). M. Begouen, rapporteur , se présente à la tribune. Un membre : Le rapport de votre comité est imprimé et distribué depuis longtemps ; je demande que, pour ne pas perdre de temps à une lecture inutile, M. le rapporteur passe de suite à la lecture du projet de décret et que la discussion s’établisse sur chacun des articles qui le composent. M. Charles de Lameth. Je demande que le rapport soit lu ; car il est très important que tous les membres de l’Assemblée puissent connaître les motifs qui ont déterminé votre comité à former une caisse particulière des invalides de la marine, entretenue par différentes retenues sur la solde ou autres émoluments des� divers individus composant le corps de la marine. Le système du comité me paraît un double emploi ; cette caisse compliquera la comptabilité, établira une bureaucratie et absorbera une partie des revenus des invalides par des frais inutiles. Il aurait été bien plus simple et surtout plus économique de donner moins que de donner plus pour reprendre. M. Ce Chapelier. Rien n'est plus important que d’assurer aux matelots les retraites que leurs travaux auront méritées. La nation ne pourrait pas leur faire un sort aussi avantageux que celui qu’ils obtiendront par des retenues sur leurs appointements qui se payent insensiblement. On sait que les marins sont, plus que les troupes de terre, par la nature de leur service, dissipateurs; la plupart sont pères de famille; il faut leur assurer une retraite avantageuse par le moyen d’une caisse de retenues qui ne soit pa3 à la charge de la nation. J’ajoute que, s’il s’agissait de savoir s’il peut exister une administration plus économique pour cette caisse, il suffirait de �ire qu’elle ne coûte pas 2 0/0. M. l’abbé Maury. La question me paraît parfaitement bien posée par M. Charles de Lameth. Il vous a dit qu’il fallait éviter les doubles emplois en matière de comptabilité; or, la question réduite à ces termes par M. de Lameth fait beaucoup plus d'honneur à son patriotisme qu’à ses lumières; car le système que le comité vous présente n’a été adopté en France qu’après avoir été profondément discuté ; l’expérience en a justifié la sagesse; et l’Angleterre l’a adopté d’après votre exemple. Il s’agit de faire participer tous les marins de la marine militaire et de la marine marchande aux avantages que leur assure une caisse de secours parce que tous contribueront à en faire les fonds par une retenue modique sur leur solde. Ce n’est pas non plus un système barbare que celui qui dote en partie cette caisse (1) Voy. ce document aux annexes de la séance, page 402 et suiv. 1" SÉRIE. T. XXV. par des retenues sur les captures faites en temps de guerre sur les puissances étrangères ; je demande que ces retenues s’élèvent a 12 au lieu de 6 deniers pour livre. Cependant il s’est introduit des abus dans la distribution de ces pensions; on en a donné à des officiers généraux, à des chefs d’escadre qui ne peuvent pas être confondus dans la classe des invalides et qui n’ont pas besoin de ces secours. Je demande que ce ne soit qu’aux invalides que ces secours soient répartis. On vous a dit que ces pensions devaient être payées par le Trésor public pour éviter le double emploi. Mais, ne perdez pas de vue ce qui est déjà arrivé pour les invalides de terre. Dans un moment de détresse du Trésor public, ces pensions ne seront pas payées, les plaintes isolées de ces malheureux iront se perdre dans la poussière des bureaux du ministre. Au contraire, par une caisse permanente et bien dotée, par une caisse dont les fonds augmenteront pendant la guerre dans la proportion de l’augmentation des dépenses du département de la marine, leur sort sera invariablement fixé. J’appuie donc le projet de décret du comité et je demande que, sans faire la lecture du rapport, il soit procédé de suite au vole sur chacun des articles. (L’Assemblée, consultée, décrète que le rapport ne sera pas lu et que le projet de décret sera mis aux voix, article par article.) M. Begouen, rapporteur, donne lecture des articles suivants : TITRE Ier. De la conservation de la caisse des Invalides et des revenus qui lui sont affectés. Art. l8r. « La caisse des invalides de la marine sera conservée ; elle demeurera distincte et séparée de celle des pensions accordées par l’Etat, et sur laquelle les droits des marins et de tous les employés du département de la marine sont réservés. » (Adopté.) Art. 2. « Les revenus fixes provenant des économies ci-devant faites des fonds de cette caisse, continueront à y être versés. » (Adopté.) Art. 3. « La rente viagère de 120,000 livres sur la tête du roi est déclarée perpétuelle et sera versée tous les ans par le Trésor public à la caisse des invalides. » M. Populus. Voulez-vous bien nous donner l’explication de cet article ? M. Begouen, rapporteur. Vers la fin de la dernière guerre le clergé donna un million à l’Etat pour être distribué aux marins. Le roi a jugé à propos et a cru qu’il était plus convenable, plus utile pour les marins de faire verser cette somme d’un million dans la caisse de l’Etat et de la constituer en rente viagère à 12 0/0 Cette somme de 120,000 livres a été distribuée à 2,400 veuves de marins et ces veuves en seraient privées tout à coup si par un malheur affreux la nation était plongée dans le deuil. 26