[Assemblée nationale;) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 aoàt 1791.] 4Ô8 M, Durand - Maillane. le demande que M. )e rapporteur prenne en considération les 2 observations suivantes : La lrc, que jamais le pouvoir exécutif ne puisse, dans aucun cas, ni d’aucune sorte, annuler les jugements des tribunaux, ni en empêcher, ni en arrêter l’exécution ; la 2e, qu’il soit toujours loisible et de réclamer contre les corps administratifs, contre la nation elle-même l’exécution de la loi devant les tribunaux. M, Démeùnïer, rapporteur. 11 me semble qu’aucun des amendements de M. Durand n’est admissible et ne peut être inséré dans l’acte constitutionnel. Le 1er a en vue de prévenir les abus de l’ancien régime, le despotisme de l’ancien gouvernement. Vous venez de décréter à l’instant même que le pouvoir judiciaire ne peut être exercé ni par le Gorps législatif, ni par le roi. Il est clair que l'annulation d’un jugement est un acte judiciaire. Vous avez donc fait tout ce que vous pouviez faire. Le le? amendement est donc inutile. Quant au 2e il exigerait de trop longs détails qu’il est impossible d’insérer dans la Constitution. M. Durand ne fait pas attention, d’ailleurs, que si vous décrétiez une telle disposition, tous les citoyens iraient porter aux tribunaux plainte contre la non-exécution d’un règlement d’administration. Alors on saisirait les tribunaux de la connaissance d'affaires que vous leur avez ôtée expressément. Les citoyens onttoutes les voies possibles de recours, et lorsqu’un juge a pré-variqué, il y a une administration à laquelle on peut s’adresser. Je demande qu’on mette aux voix l’article des comités. (L’article 3 est mis aux voix et adopté sans changement.) Art. 4. « Les citoyens ne peuvent être distraits des juges que la loi leur assigne, par aucune commission, ni par d’autres attributions et évo ations que celles qui sont déterminées par les lois. » (Adopté.) M. Démeunler, rapporteur , donne lecture de l’article 5, ainsi conçu : Art. 5. « Les expéditions exécutoires des jugements des tribunaux seront conçues ainsi qu’il suit : « N. (le nom du roi ) par la grâce de Dieu, et « par la loi constitutionnelle de l’Etat, roi des « Français; à tous présents et à venir, salut : le « tribunal de ..... a rendu le jugement suivant: (Ici sera copié le jugement.) « Mandons et ordonnons à tous huissiers sur « ce requis, demettre ledit jugement à exécution ; « à nos commissaires auprès des tribunaux d’y « tenir la main, et à tous commandants et « officiers de la force publique, de prêter main-« forte lorsqu’ils en seront légalement requis : i en foi de quoi le présent jugement a été scellé, « et signé par le président du tribunal et par le « greffier. » M. Guillaume. Je demande par amendement à cet article qu’il soit fait mention dans les jugements du nom des juges qui les ont rendus. L’expérience a prouvé la nécessité de cet amendement. 11 y a au tribunal de cassation une multitude de demandes formées parce que, dans les sentences on n’a pas exprimé le nom des juges qui les ont rendues. Je demande qu’il soit fait mention du nom des juges. M. Démeunier, rapporteur. 11 n’est pas nécessaire de mettre cela dans la Constitution. M. Goupilleau. Vous avez décrété que les jugements seraient motivés. Je demande si cette disposition constitutionnelle ne doit pas être insérée ici. M. Duport. Permettez-moi une observation. 11 a’ y a rien de si simple, par exemple, que de citer la loi qui commande cette formalité relativement aux jugements civils. Gela est souvent possible; mais quand on dit de citer les motifs, il faudrait que les juges opinassent par motifs. Lorsqu’on libelle un jugement, comment voulez-vous que l’on y mette les motifs qui ont déterminé le jugement ? Il peut y avoir autant de motifs que de juges, et il faudrait pour les exprimer qu ’ils eussent eu la même forme que le jugement môme. M. Defermon. Monsieur le rapporteur, vous dites que l’amendement de M. Guillaume ne doit pas entrer dans la Constitution, et vous décrétez la formule dans laquelle seront expédiés les jugements. Je vous demande s’il ne serait pas plus simple de prévenir les contestations. J’ai vu fouiller les greffes des trihunaux sous prétexte qu’il y avait des moyens d’appel comme n’ayant pas été rendus par le nombre de juges suffisants. Par les lois que vous avez rendues, vous avez prescrit le nombre de juges qui doivent être appelés pour les jugements de première instance, et un nombre plus considérable de juges en cause d’appel. Il faut donc que la partie à laquelle on délivre son jugementait la preuve que son jugement a été rendu dans les formes légales, et puisque vous voulez en établir la forme dans la Constitution, je demande que l’amendement de M. Guillaume soit adopté. J’ai une autre observation à présenter : vous avez mis dans votre formulaire : « En foi de quoi le présent jugement a été scellé ». Si vous avez entendu, par là, le sceau qui était autrefois apposé sous l’ancien régime, je crois que cette formalité du sceau est inutile. Je demande que vous la supprimiez et que vous mettiez : « en foi de quoi le présent jugement a été signé par le président du tribunal et par le greffier. » M. Chabroud. Je regarde l’amendement de M. Guillaume comme très essentiel, non seulement par les raisons qu’il en a données, mais encore parce qu’il me semble que les noms des juges inscrits à la tête du jugement constateront à leur égard une espèce de responsabilité. A l’égard de l’observation qui a été faite relativement à l’insertion des motifs, je ne donnerai pas la même raison que M. Duport, car je crois la disposition fort bonne ; mais je pense aussi que nous n’avons pas atteint le bon mode, et par cette raison je pense qu’il faut abandonner aux législatures le soin de bonifier cette portion de la loi. En conséquence, je me restreins à l’amendement de M. Guillaume. M. Démçunier, rapporteur. Vous avez auprès de chaque tribunal un commissaire du roi, surveillant naturel de l’exécution des formes, et [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 août 1791.] Jgg chargé de les requérir. Il est donc évident que le commissaire du roi chargé de requérir l'exécution des formes, chargé de surveiller le tribunal qui jugerait au nombre de 2 juges, lorsque la loi ordonne de juger au nombre de 3, doit donner une garantie quelconque. Je ne dis pas que la garantie soit entière et complète. Il faut donc examiner si l’amendement n’aurait pas d’inconvénient. Il est impossible de ne pas craindre du résultat de cet amendement, ou des dénonciations mal fondées, ou des vengeances qui ne seraient pas plus fondées que les dénonciations. Si les juges étaient à vie, j’adopterais sans difficulté l’amendement qui vous est proposé. Mais avec des juges temporaires, je vous prie d’observer qu’il pourrait arriver qu’un juge, qui pendant ses 6 années d’exercice aurait rendu la justice avec beaucoup de zèle et d’intégrité, mais qui, par un jugement, aurait dépouillé justement un individu quelconque, ne fût poursuivi par la partie qui aurait perdu son procès. Voilà, Messieurs, l’inconvénient que j’entrevois dans l’amendement de M. Guillaume tel qu’il est proposé. Ne pourriez-vous pas arriver au même but, en disant seulement que le jugement a été rendu par le nombre de juges fixés par la loi, sans déterminer le nombre des juges? M. Roederer. La Constitution doit garantir, quant à la justice, que les justiciables auront des juges électifs; c’est un point commun. Elle doit garantir encore une autre chose : c’est que les justiciables auront toujours un moyen facile de reconnaître si les instructions nécessaires établies seulement par un acte purement législatif, ont été remplies à leur égard. C'est un moyen vraiment très efficace, et, par conséquent, très-nécessaire de constater que le mode prescrit par les lois réglementaires, ont été remplies dans les jugements, de décréter que le nom des juges sera inscrit dans le jugement. Je dis que cette explication est nécessaire : il faut que la Consti ¬ tution me donne les moyens de vérifier si les juges qui ont procédé à mon jugement avaient l’âge, et étaient dans le nombre prescrit par la loi. Or, c’est pour remplir cet objet que nous proposons cet amendement. Je ne vois aucune raison véritable pour le rejeter. M. Démeunier, rapporteur. Je demande à répondre à la dernière observation faite par M. Rœ terer, parce qu’elle est nouvelle. La Constitution doit garantir aux citoyens un moyen de s’assurer que les juges ont rempli les conditions prescrites par la loi. Eh bien, M. Rœ-derer oublie une autre garantie bien plus positive et bien meilleure que celle qu’il demande : c’est que nous avons autorisé les citoyens, au moment des élections, et dans un intervalle de temps après, à attaquer l’éligibilité de tous les fonctionnaires publics. On a donc pu attaquer aussi celle des juges; et je crois qu’en disant que le jugement a été rendu par le nombre de juges conformément à la loi, cela peut suffire. M. Lanjtiinais. Et les récusations ! Un membre ; Peut-on récuser après que le jugement est rendu ? (Murmures.) M. Démeunier �rapporteur. Je consens à l’amendement dè M. Guillaume et à la radiation du mot scellé. Voici l’article modifié s Art. 5. « Les expéditions exécutoires des jugements des tribunaux seront conçues ainsi qu’il suit : « N. (le nom du roi ) par lagrâee de Dieu et par « la loi constitutionnelle de l’État, roi des Fran-« çais; à tous présents et à venir, salut : le tribu-« nal de... a rendu le jugement suivant : (Ici sera copié le jugement, dans lequel Sera mentionné le nom des juges.) « Mandons et ordonnons à tous huissiers sur « ce requis, de mettre ledit jugement à exécution; « à nos commissaires auprès des tribunaux d’y « tenir la main, et à tous commandants et offi-« ciers de la force publique, de prêter main-forte, « lorsqu’ils en seront légalement requis ; en foi « de quoi le présent jugement a été signé par le « président du tribunal et par le greffier. » (Adopté.) Art. 6. « Il y aura un ou plusieurs juges de paix dans les cantons et dans les villes. Le nombre en sera déterminé par le pouvoir législatif. » (Adopté.) M. Duport. Je demande la parole pour proposer un article additionnel dont je demande le renvoi aux comités : il concerne les bureaux de paix. Il peut être très utile d’établir constitutionnellement ces bureaux, non pas tels qu’ils sont, dans tout le détail de leur organisation, mais qu’au moins mention soit faite dans la Constitution qu'avant de plaider on sera tenu de se présenter au bureau de paix. M. le Président. Messieurs, le renvoi aux comités va de droit. (Assentiment.) M. Démeunier, rapporteur , donne lecture dé l’article 7, ainsi conçu : Art. 7. « Il appartient au pouvoir législatif de régler les arrondissements des tribunaux, et le nombre des juges dont chaque tribunal sera composé. » M. Anthoine. Il faut ajouter ici une disposition relative aux tribunaux d’appel: il est possible qu’on reconnaisse qu’on peut se passer d’appel, et en cela, je suis de l’avis des comités ; mais de l’omission que je signale il résulterait un inconvénient que vous voulez éviter. Si vous voulez, laissez l’article tel qu’il est, il dépendrait en quelque sorte des législatures de recréer de quelque façon des parlements en créant des tribunaux d’appel en grands arrondissements. Je demande donc qu’on ajoute à l’article ja disposition suivante : « Le Corps législatif ne pourra créer des tribunaux spécialement destinés à connaître des causes d’appel. (Murmures.) Voix diverses : Ce n’est pas appuyé!— Aux voix, l’article! (L’article 7 est mis aux voix et adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Voici l’article 8: Art. 8. « En matière criminelle, nul citoyen ne peut être jugé que sur une accusation reçue par des jurés, ou décrétée par le Corps législatif, dans le cas où il lui appartient de poursuivre l’accusation.