8§2 {Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Nous vous demandons une loi de police que vous nous avez promise; vous avez vous-mêmes formé notre municipalité. Nous avons tous été élus par Je peuple, mais nous attendons votre loi pour l’exécuter : loi nécessaire, parce que les dangers sont grands, multipliés, et qu’ils s’augmentent tous les jours : loi nécessaire pour que nous assurions cette capitale. C’est à la loi à en répondre; nous ne répondons que de son exécution. Nous vous supplions donc, Messieurs, de nous revêtir de votre sagesse et de votre autorité, pour établir l’ordre et la paix dans cette ville qui nous est confiée, et dont tous les mouvements retentissent dans l’Empire. « Le corps municipal nous a encore chargés, Messieurs, de dénoncer à votre justice des maux également pressants, et que votre humanité se hâtera de terminer. Les tribunaux sont vacants, les accusés n’ont point de juges, déjà un mois et plus s’est écoulé ; il s’écoulera encore plus de temps avant que les tribunaux nouveaux soient établis; et cependant les prisons sont remplies : de nouvelles prisons leur ont é’é ajoutées, et cependant les prisonniers y sont entassés. L’innocent y attend sa justification, le criminel la fin de ses remords ; tous y respirent un air malsain, et la maladie est prête à y prononcer des arrêts de mort. Le désespoir y habite, le désespoir y dit : Ou poignardez-moi, ou jugez-moi! « Quand nous visitons ces prisons, voilà ce qu’entendent les pères des pauvres et des malheureux ; voilà ce que leur devoir est de répéter aux pères de la patrie. Nous devons leur dire que dans ces repaires du crime, de la misère et de toutes douleurs, le temps est infini dans sa durée ; un mois est un siècle, un mois est un abîme dont la vue est épouvantée. « Pardonnez, Messieurs, si nous mettons sous vos yeux une question déjà présentée; mais témoins des maux, nous vous devons de vous les faire connaître, de vous montrer et leur instance, et leur énormité ; témoins des maux, nous devons à la ville de Paris, qui nous l’a ordonné, de demander à l’Assemblée, ou un tribunal provisoire, ou une attribution à l’une des cours supérieures étant encore en fonctions. « Les maux vous sont connus, Messieurs ; les remèdes sont dans votre sagesse : ils sont nécessaires; ils sont pressants : plutôt demain que plus tard ; car tous ces hommes désespérés, tourmentés par le malheur, chaque jour en demandent la fin ; et tous ces désespoirs renfermés étant prêts à s’élever contre leurs gardiens, l’insurrection peut chaque jour les répandre dans la capitale. « Tels sont donc, Messieurs, les objets de la mission dont la commune et le corps municipal nous ont chargés auprès de l’auguste Assemblée qui nous admet en sa présence : l’hommage de leurs respects, soumission et fidélité, la demande instante d’une loi de police qui nous autorise à agir avec justice et sûreté, et la demande non moins instante de tribunaux provisoires qui vident les prisons pour la justification de l’innocence, ou par des exemples de justice. » M. le President répond : « L’Assemblée nationale voit avec la plus douce satisfaction une des plus belles parties de son ouvrage. La municipalité de Paris est pour elle d’un intérêt tout particulier. La commune qu’elle dirige, d’accord avec le conseil général, a droit sans doute à des soins recherchés au milieu de ceux que l’Assemblée donne sans relâche à Puni-(18 novembre 1790.1 versalité de l’Empire. La commune de Paris formerait elle-même un royaume ; mais c’est moins par sa force imposante que par son patriotisme, ses travaux immenses pour la liberté, et son attachement aux bons principes, qu’elle mérite toute la sollicitude que vous désirez. Les deux objets sur lesquels vous fixez les regards de l’Assemblée ne pouvaient échapper aux magistrats zélés qui veillent pour la commune. L’Assvmblée pourrait être sans inquiétude sur le retardement du premier. Quelque immense qu’il soit, ce peuple soumis à votre administration, ne murmurera point de la lenteur forcée de satisfaire à ses besoins ; sa bonté et la sagesse de ses officiers sont de sûrs garants de sa raison et de son obéissance, même dans ses plus vives alarmes. Il serait à désirer que sur le second objet, on pût agir avec la même lenteur ; mais le tableau déchirant que vous venez de mettre sous les yeux de l’Assemblée, l’a trop sensiblement affectée, pour qu’elle ne mette pas en usage tous les moyens que les circonstances permettront. Elle prendra donc dans une considération aussi prompte que sérieuse la demande que vous lui faites sur l’état des prisons. Elle vous invite d’assister à sa séance. » Le commandant général de la garde nationale 'parisienne se présente ensuite à la barre , à la tête des députés de cette même garde, et fait un discours tendant à e?igager V Assemblée à achever , le plus promptement possible, l'organisation des gardes nationales du royaume. M. de La Fayette s’exprime en ces termes : « Messieurs, la garde nationale parisienne, persuadée qu’il n’est aucun genre de courage qui ne soit accueilli par les représentants d’un peuple libre, vient vous présenter des vérités, qui sans doute n’ont point échappé à votre patriotisme, mais sur lesquelles il est urgent de fixer votre attention. « Vous avez décrété, Messieurs, que tous les citoyens du royaume étaient les soldats de la Révolution, et déjà les habitants de Paris avaient accompli le serment de leur cœur avant que leur bouche l’eût prononcé ; déjà ils en avaient préparé le succès avant que vous eussiez consacré la volonté générale. Oui, Messieurs, nous avons tous promis à la patrie nos armes, à la loi notre soumission, au ciel notre liberté ; mais ces armes, cette soumission, cette liberté, ont besoin d’être dirigées par vous. Tous nos devoirs sont encore confondus, et quelque pur que soit notre dévouement, quelque infatigable que soit notre zèle, la première condition pour bien remplir un devoir est de le bien connaître. L’organisation de la garde nationale peut seule faire cesser notre incertitude. 11 est temps que celte institution guerrière et citoyenne soit liée aux bases de la Constitution monarchique ; il est temps qu’une sainte émulation embrase l’universalité des citoyens, que chaque membre de la société connaisse sa véritable place, qu’il sache à quel service il est doux de se livrer, honteux de se soustraire, et que les cœurs froids ou endurcis cessent de jouir dans un lâche repos des bienfaits du patriotisme, qu’ils calomnient. a Tout vous porte, Messieurs, à accélérer cette organisation, et vous penserez que rien ne doit la retarder. Permettez-nous de vous représenter que c’est peut-être de cette opération que dépend Tordre public, sans lequel seraient infructueux yog travaux et les nôtres, [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 novembre 1790.J 523 « Citoyens, nous conviendrons avec douleur que les perceptions languissent, que le Trésor public est sans aliment, et que la nation ne reçoit plus de la nation en proportion de ses besoins. Soldats, nous vous dirons avec franchise que nous ignorons quel est l’espèce, le degré, la forme de protection que la garde nationale doit à la contribution commune, comment nous pouvons assurer l’exécution si importante de vos décrets, et forcer à s’y soumettre le citoyen qui s’y dérobe. Citoyens et soldats, tout ensemble, nous savons que les armes que la Constitution nous donne sont lés armes de la loi; que ce seraitun sacrilège d’en user pour se défendre d’elle ; que la loi c’est la liberté; que la liberté c’est la loi; que la contribution est la dette de tous, est la créance de tous, est enfin le salut de tous. Hâtez-vous donc, Messieurs, d’intéresser notre honneur civique et militaire à défendre nos intérêts publics et à sacrifier nos intérêts personnels. Sans doute, ces vérités patriotiques seront la base de l’institution que nous attendons de vous, et si nous osons en ce moment prévoir votre sagesse et vos décrets, pardonnez-nous l’impatience qui nous porte à les provoquer. « Nous ne craignons nas non plus, Messieurs, d’être désavoués par trois millions de nos camarades, en vous assurant que la garde nationale, lorsqu’elle ambitionne une soumission constitutionnelle, est bien éloignée de ces prétentions inquiètes, de ces vains et puérils désirs de prérogatives et d’honneurs si incompatibles avec l’égalité des citoyens. Grâce à vous, toutes les distinctions ont disparu : nos grades ne seront jamais des titres. Le meilleur citoyen sera toujours le soldat le plus brave; et, sous ce rapport, tous ayant les mêmes sentiments, l’honneur de servir sera toujours égal à l’honneur de commander. La patrie a une dette plus particulière à remplir envers le citoyen qui, renonçant à des travaux utiles, à l’habitation de ses pères, aux caresses de ses enfants, aux charmes consolateurs de l’amitié, va sous un ciel étranger et combattre et mourir : que l’Etat s’acquitte envers lui par les dédommagements de la fortune, et les honneurs qui la suppléent; mais nous, Messieurs, en remplissant des fonctions aussi nobles, nous avons bientôt oublié quelques heures de fatigue dans les jouissances paisibles que nous retrouvons au sein de nos foyers. Partout, à chaque instant, la liberté nous environne, les armes même que nous portons, nous en rappellent et la douceur et les devoirs : c’est la liberté qui nous récompense et nous décore, c’est elle qui nous paye avec usure les sacrifices qu’elle a rendus nécessaires. Ce sentiment vraiment français, ce sentiment qui nous permet d’allier la fierté d’un soldat libre aux fonctions guerrières d’un citoyen subordonné, n’a plus besoin que de voir tracer par vous les lpis auxquelles il doit être soumis, et que nous vous jurops de respecter et de chérir. Signé : La Fayette. » Pi' entière division. Dupas, Desvoyes, Julien, Alexandre Clément, commandant; Mangelschos, capitaine; Etienne, Renard, Muendin, Savart, Julien, Jozeau, Bos-quillon, Lâchât, Colonval. Seconde division , Donnadieu, grenadier; Croissant, Yvrié, La VUlette, Jltifresne, de Gbeffontaine, Thomas, Guyaux, capitaine-commandant; Jolly, Morin, Georges Gestas, Hulin, Desroches. Troisième division, Ghevigny, Frontherbelin, Beauregard, Roger Darquinvailiers, Gorbiar, Lenitz, de Mauper-tuy, Leroux, Dupont, Coqueleu,Quevssat, Barrois, tambour-major. Quatrième division. Dersotz, Larisser, Maurin, Goillot, Bisson, Le Bon, Pouplin, de Frourville, Gusin, Martinet, Gathot, chirurgien-major; Didier, Bertaud, Hiard, Bourdois. Cinquième division. Colette, Seguin, Mouchelet père, Chapuis, Saul as, Florin, Le Gousté, Lalleman, Richard, Fauvot, capitaine de cavalerie, Saint-Fray, Hutau, Prunier, Gontard, Bunier, Ghassant, aumônier du cinquième bataillon. Sixième division. Mercier, Bertaux, Fleury, Legrand, Fulval, Pyron, Leroy, Lenoir, Cellier le jeune, Bonnetête, Goupar, Fontigny, Morellée, Font, Mauilier, Girard, de Romefort, de Silly, commandantet député du bataillon Saint-Honoré. M. le Président répond : « L’Assemblée nationale n’a pas oublié et n’oubliera jamais les services que les gardes nationales ont rendus à la liberté, et particulièrement ceux de l’armée parisienne. Elle ne peut qu’approuver votre empressement, votre impatience, dans la demande que vous faites pour obtenir une organisation légale. Je puis vous annoncer que ce travail peut être présenté à l’Assemblée sous peu de jours. Elle vous invite d’assister à sa séance. » M. deMurinais. Je demande l’impression des deux discours qui viennent d’être prononcés. M. Madier-Montjau. La pétition de la commune de Paris me paraît d’une telle importance que je demande qu’il en soit délibéré sur-le-champ. (L’Assemblée ordonne l’impression des deux discours.) M. le Président. L’ordre du jour est la reprise de la discussion sur l'affaire d'Avignon. M. l’abbé Jacquemart, député d'Anjou (1). Messieurs, une grande question est soumise, dans ce moment, à votre discussion : toute l’Europe attentive n’attend, pour vous juger, que la décision que vous allez porter. Vous avez solennellement déclaré que la justice et la paix seraient désormais l’âme de toutes vos opérations, le but de toutes vos mesures politiques; que pleins de respect pour les possessions de vos voisins, vous étiez résolus à vous renfermer dans les limites qui vous sont garanties par les traités : c’est à vous de nous dire aujourd’hui, si vous n’avez voulu débiter qu’une (!) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire du discours de M. l’abbé Jacquemart,