48 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juillet 1791.] aux services rendus à l’Etat; et néanmoins, en attendant qu’elle ait statué silr [cet objet, les militaires pourront continuer de porter et de recevoir la décoration militaire actuellement existante. » M. Camus, rapporteur . Je trouve les amendements qu’on a proposés très justes; mais je crois que ce n’est pas aujourd’hui que vous devez entrer dans ces détails. (L’Assemblée décrète l’article 2 dans les termes proposés par M. Tronchet) M. Camus, rapporteur. Je propose maintenant, comme article 3, une disposition présentée par M-Chabroud : Art. 3. » Aucun Français ne pourra prendre aucune des qualités supprimées, soit par le décret du 19 juin 1790, soit par le présent décret, pas même avec lés expressions de oi-devant, ou autres équivalentes. 11 est défendu à tout officier public de donner lesdites qualités à aucun Français dans les actes. Il est pareillement défendu à tout officier public de faire aucun acte tendant à la preuve des qualités supprimées par le décret du 19 juin 1790, et par le présent décret. Les comités de Constitution et de jurisprudence criminelle présenteront incessamment un projet de décret sur les peines à porter contre ceux qui contreviendront à la présente disposition. » M. d’Arettiberg de La Marck. Je ne puis prendre part à ce décretdà. M. de Croix. Ni moi non plus. (L’article 3 est mis aux voix et adopté.) M. Camus, rapporteur. Voici comme je rédige l’article 4 et dernier : « Tout Français qui demanderait ou obtiendrait l’admission, ou conserverait l’affiliatiou à un ordre ou corporation établi en pays étranger, dans lequel on exige, pour l’admission, des distinctions fondées sur la naissance, perdra la qualité et les droits de citoyen français. » M. Lanjulnals. Il faut mettre dans l’article ; « ou toutes autres associations ou corporations fondées sur des distinctions de rang et de naissance. » M. Camus, rapporteur . J’adopte. M. Malouet. Poür vous faire sentir combien cet article est dangereux, je vous prie de considérer s’il eût été digne de la nation française de refuser le titre et le droit de Français au bailli de Suffren. M. GoupU-Piréfélti. Il eût préféré la qualité de citoyen français. M. Martineau. On vous cache les conséquences du décret qu’on veut vous faire porter. Vous avez maintenant un très grand nombre de maltais, qui possèdent oü administrent en France des propriétés appartenant à l’ordre de Malte. S'il n’est pas possible qu’ils demeurent affiliés à l’ordre de Malte sans perdre le droit et la qualité de citoyen français, c’est donc à dire que vous les mettes dans la nécessité d’ab&üdonner l’ordre de Malte, et conséquemment toutes les jouissances qui tiennent à ce titre. Gela veut dire que vous condamnez les trois quarts de ces chevaliers à mourir de faim. (Murmures.) On vous parlait tout à l’heure du bailli de Suf-fren, et on vous disait qu’il aurait préféré la qualité de citoyen français à celle de bailli de l’ordre de Malte. Je ne sais si M. le bailli de Suffren avait d’ailleurs des biens suffisants pour le dédommager de la perte de 100,000 livres de rente. Je demande que Cet article soit ajourné jusqu’au moment où l’on vous présentera un projet sur l’ordre de Malte. M. Chabroud. J’observe que ce que vient de dire le préopinant est hors de la question. Les chevaliers de Malte français font partie du souverain de Malte, et ne peuvent plus être citoyens français. S’ils possèdent en France, ce n’est pas en leur nom, ce n’est pas comme vrais possesseurs ; c’est comme administrateurs envoyés par l’Ordre. (. Applaudissements .). Il est donc évident qu’après comme avant la loi, les chevaliers de Malte n’élaieüt et ne sont pas citoyens français ; et h cet égard le comité ne décide rien. M. Tronche!. Le préopinant s’est trompé, lorsqu'il a prétendu que tout Français, ci-devant admis dans l’ordre de Malte, avait absolument perdu sa qualité de citoyen français, pour n’être qu’un citoyen maltais. Les Français admis dans l’ordre de Malte, ayant fait des voeux, avaient, sous certains aspects, perdu une partie des droits civils; mais il en était d’autres qu’ils avaient conservés; et spécialement c’est comme citoyens français qu’on était daus l’usage de les admettre dans le servies. Votre décret ôtant absolument à ceux qui seraient affiliés à cet ordre la faculté d’être citoyens français, il faudra que tout homme pourvu d’un revenu quelconque ou d’un emploi civil oü militaire y renonce. Plusieurs membres : Non ! non I M. Fféteau-Saint-Jiist. L’intention des comités a été qu’ils restassent eomme officiers au service de la France, en conséquence qu’ils conservassent le droit d’avancer dans tous les grades et d’obtenir toutes les récompenses qui appartiennent à des officiers au service de la France. M. Maionet. Ils soüt donc citoyens. M. Frétean-Saint-Just. M. Luckner n’est pas en possession de tous les droits civils, et il est officier au service de la France. On pourrait, si l’on veut, ajouter à la fin de l’article qmun Français qui viendrait à perdre des droits civils, en vertu même de cet article, pourrait être employé néanmoins au service de la France comme tout étranger. ( Assentiment .) M. Merlin. Il est certain que les chevaliers profès de l’ordre de Malte, quoique nés Français, ont cessé, par leur profession, d’être français. Gela est si vrai que par un arrêt rendu il y a six ans, au parlement de Paris, sur la plaidoirie d’un avocat très célèbre, M. Courtin, M. Camus plaidant contre, il a été jugé qu’une procuration ad resîgnandum était nulle par cela seul qu’on y avait employé comme témoin un chevalier de Malte profès. M. Camus, rapporteur. C’était M. le bailli de 43 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juillet 1791.) Suffren. En tenant compte des diverses observations qui viennent d’être présentées, voici comme je propose de rédiger l’article : Art. 4. « Tout Français qui demanderait ou obtiendrait l’admission, ou qui conserverait l’affiliation à un ortjre de chevalerie ou autre, ou corporation établie en pays étranger, fondée sur des distinctions de naissance, perdra la qualité et les droits de citoyen français ; mais il pourra être employé au service de la France comme tout étranger. » (Adopté,) M. le Présidént. Messieurs, vous avez à vous retirer dans les bureaux pour faire plusieurs nominations : la première est celle d’un gouverneur pour M . le Dauphin . ( Mouvement .) Mi de Croix. La nomination du gouverneur de M. le Dauphin a été fixée à aujourd’hui : j’observe que c’était une mesure de circonstance, et je crois qu’il Berait désavantageux de la prendre. Je demande qu’on ajourne l’exécution du décret qui ordonne la nomination du gouverneur de M. le Dauphin, ou qu’au moins on décrète que ce sera une mesure constitutionnelle, et qu’elle ne sera pas seulement bornée à ce cas-ci. Quant à moi, je serai toujours opposé à cette mesure-là qui me paraît bien cruelle pour un père. (Murmures.) 11 y a sans doute beaucoup d’autres raisons à donnêr ; maid je n’ai pas les talents nécessaires. (Bruit.) M. Fréteau-Saint-Just. Il avait été annoncé que Je Comité, présenterait un projet de loi qui me parait indispensable à porter avant que vous fixiez votre choix sur personne; c’est celle qui déterminera les devoirs, et surtout les droits du gouverneur. Elle aura une influence naturelle dans le choix, à raison des différents droits que vous lui donnerez. Si, par exemple, il a le droit de commander la garde de M. le Dauphin, il faut un homme qui ait une qualité de plus qu’il ne faut pour l’éducation ; c’est la connaissance de la partie militaire et surtout une fermeté.... (Bruit.) Je demande l’ajournement de la nomination jusqu'à l’apport de cette loi. Plusieurs membres: Aux voixl aux voix! M. Prienr. Il n’est pas exact de dire que les circonstances goût changées. Plusieurs membres : Aux voix i aux voix l’ajournement ! M. Ptfleuri Vous avez suspendu tih accusateur public parce qu’il n’exécutait pas vos décrets ; et vous donnez l’exemple scandaleux de ne pas les exécuter .(L’orateur continue àpürler dansle bruit.) (L’Assemblée, consultée, décrète que M. Prieur ne sera pas entendu.) M. Pétîon de Villeneuve. L’ajournement serâ-t-il indéfini ? Plusieurs membres : Dans la huitaine. (L’Assemblée décrète que la nomination du gouverneur de M. le Dauphin est ajournée jusqu’à l’époque où les fonctions de ce gouverneur auront été définies par la loi; décrète, de plus, que son comité de Gonstitition lui présentera le projet de cettê loi dans la huitaine.) M. Delavlgne, secrétaire. Voici, Messieurs, une lettre adressée par M. le ministre de la marine à M. le président ; « Paris, le 30 juillet 1791. « Monsieur le Président, « j’ai l’honneur de vous adresser une lettre par laquelle le commandant du port de Lorient me rend compte des mouvements qui ont lieu dans ce port, parmi les troupes cantonnées dans le port et dans la ville, à l’occasion du débarquement d’officiers d’artillerie du régiment colonial, qui viennent de la Martinique. * Je vous prie, Monsieur le président, de donner communication de cette lettre à l’Assemblée nationale, pour qu’elle puisse, dans sa sagesse, statuer ce qu’elle croira raisonnable. « Je suis, etG. « Signé : ÎHÉVENARD. » Voici la lettre écrite par M. de Secqueville , commandant du port de Lorient , à M. le ministre de de la marine : « Lorient, le 25 juillet 1791. « Monsieur le ministre, « La tranquillité de la ville de Lorient a été troublée de la manière la plus fâcheuse, et je crains, dans le moment passager de calme où je voua écris, de voir naître une scène sanglante, que les efforts réunis n’auront fait que retarder. « Hier, la gabarre Y Espérance, commandée par M. Dudrésil, mouilla sur le port Louis : elle avait ordre de toucher à Lorient et de âe rendre à Brest et y débarquer. Elle portait, parmi nombre de passagers de toutes les classes, 9 officiers des colonies et un détachement de ce corps. Ces officiers, dans les colonies, avaient fait infliger diverses peines à des soldats, aussi des colonies, qui alors n’étaient pas de leur avis, et qui font maintenant partie d’un détachement qui se trouve ici. * Deux de ces officiers ont eu l’imprudence de descendre à terre avec le capitaine de V Espérance. En mouillant, ils ont été reconnus par quelques soldats. Les esprits se sont écbauffés, et l’effervescence est montée au point qu'on a voulu les assaillir dans le petit quartier, où ils n’avaient eu que le temps de se retirer. « J’ai fait appeler la municipalité ; elle est arrivée, mais le trouble ayant augmenté, elle a cru que le meilleur moyen de l'arrêter, était de mettre les officiers eu état d’arrestation. Elle a donc commandé des détachements de tous les corps. Elle en a composé un bataillon carré, à l’aide duquel nous avons, non sans peine et non sans inquiétude, conduit les détenus jusqu’à la grande porte du port. Là, il n’a plus été possible d’avancer. Des dragons que nous avions à la tête de la colonne ont en vain voulu percer la foule. Les cris et les mouvements ont déterminé la municipalité à placer ces deux officiers à Pontaniou, à la porte duquel on se trouvait alors : Cette mesure, la seule qui pût les sauver de la fureur du peuple, a mis le comble à la fermentation. « Il a fallu battre la générale : toute la garnison a pris les armes ; mais, avec toutes ces forces, il a été impossible de les transférer à l’hôtel de ville, d’autant que la moitié des troupes était contre eux et demandait à grands cris leur tête. Sans la fermeté et la bonne conduite des officiers municipaux, sans la résistance et la bravoure des grenadiers et volontaires nationaux, ils étaient massacrés par la moitié de