410 [Assamblée naüonala.| ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 août 1790.[ « Paris, le 29 août 1790. « Monsieur le Président, « J’ai eu l’honneur d’informer hier l’Assemblée nationale des nouvelles que je venais de recevoir sur l’état d’insurrection dans lequel le régiment suisse de Châteauvieux paraissait vouloir persister. En effet, cette insurrection n’a fait que se continuer de la manière la plus violente: et les efforts de M. de Malseigne, des officiers, de la municipalité réunis n’ont pu en arrêter les progrès. « M. de Malseigne est arrivé le 23 à Nancy, selon les ordres qu’il avait reçus, en exécution du décret de l’Assemblée nationale du 16 août, sanctionné par le roi. M. de Bouille s’est empressé de lui faire passer ses instructions pour i'entière exécution du décret en offrant aux soldats un pardon généreux. Le 24, les soldats du régiment du roi et ceux du mestre-de-camp-gé-néral cavalerie signèrent d’eux-mêmes un acte de repentir formel et de soumission aux décrets de l’Assemblée nationale. Au lieu de suivre la même marche, le régiment suisse a voulu soutenir par la force une réclamation de 200,000 livres. M. de Malseigne s’est vu obligé de songer à sa défense et de blesser deux hommes de son épée il a couru les plus grands dangers. « M. de Bouillé avait envoyé, le 25, un ordre pour le départ du régiment de Châteauvieux que MM. de Malseigne et de Noue n’ont pas jugé à propos de faire exécuter. Le 26, les dispositions du régiment du roi et de mestre-de-camp parurent changer et firent craindre une liaison entre les trois régiments de la garnison. Les Suisses continuèrent leurs mouvements séditieux. Ils voulurent enlever leurs capitaines et les garder dans leur quartier, sous prétexte qu’ils ne les voyaient plus ; mais, en effet, pour les avoir en ôtage et pour en tirer, de force, l’argent qu’ils demandaient. M. de Malseigne se décida alors à envoyer l’ordre pour le départ de ce régiment, qui a refusé de l’exécuter et a mis, par cette désobéissance, le comble à son insurrection. « D’après tant de fautes multipliées et aggravées les unes par les autres, M. de Bouillé s’est décidé à employer les moyens de force que les décrets de l’Assemblée nationale et les ordres du roi mettaient entre ses mains et à sa disposition ; il a fait requérir les gardes nationales des départements voisins et a ordonné à plusieurs régiments de se rendre à des cantonnements qui leur ont été fixés autour de Nancy ; les forces doivent y être réunies le 30 de ce mois. M. de Bouillé commencera le 31 ou le 1er septembre à en faire usage, pour assurer l'exécution des décrets de l’Assemblée nationale et des ordres du roi, et pour sévir, s’il y a lieu, contre les coupables et leurs fauteurs. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble serviteur. Signé : LA ToUR-DU-PlN. (Un profond silence règne pendant quelque temps dans l’Assemblée après cette lecture.) M. l’abbé Gouttes. Dès queM. le général de Bouillé exécute vos décrets, il faut attendre l’exécution des dispositions qu’il a prises dans ce but et passer à l’ordre du jour. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. Heurtault de l�a Mervllle demande, au nom du comité d’agriculture et de commerce à faire un ‘premier rapport sur le code rural (1). (1) Çe rapport n’a pas été inséré au Moniteur. L’Assemblée, pressée par l’heure avancée, ordonne que le rapport sera imprimé, distribué et joint au procès-verbal de la séance. Il est ainsi conçu : Messieurs, vous ne pouvez dissimuler que si vous aviez eu un empire à créer, au lieu d’un royaume caduc à rajeunir, l’agriculture aurait été le principal objet de votre sollicitude ; car ce premier des arts utiles, conciliateur des éléments, est l’agent infatigable de nos subsistances ; il n’est point un mouvement etune idéedes cultivateurs, un arpent de terre, un rayon de soleil et une pluie d’un iour, qui n’influent sensiblement sur le sort dTun grand nombre de nos semblables, mais vous avez senti que vous marchiez sur un sol fécond dans sa plus grande étendue, sillonné par le soc, et fertilisé par les soins : mais vous avez été forcés de réparer, eu commençant par le comble, tout l’édifice politique, et descendant ensuite à l’aide des sous-œuvres, jusqu’aux fondements ébranlés, vous êtes parvenus à l’agriculture. Vous avez vu, Messieurs, dans le plan des travaux du comité d’agriculture et de commerce, que son ouvrage essentiel pour la partie de l’agriculture est le code rural. C’est ce recueil de lois dont le comité vient aujourd’hui vous entretenir. Il n’embrasse que les principaux objets sur lesquels reposent la prospérité de l’agriculture et la félicité de l’homme agreste, qu’il est si facile de rendre heureux, puisqu’il est le moins ambitieux, le moins corrompu des hommes et le plus rapproché des mœurs naturelles. Les lois du code rural ne seront point compli-uées ; elles ne doivent être, pour ainsi dire, que es principes immuables à la portée des hommes simples et intéressants pour qui elles seront faites. Elles ne seront pas nombreuses; elles n’ont à défendre que la racine du droit de propriété, et elles se multiplieront d’autant moins qu’étant claires, douces et vigilantes, le pouvoir arbitraire, l’astuce des commentateurs et l’injustice ne pourront jamais en falsifier l’esprit, ou en empêcher l’exécution. L’Assemblée nationale a fondé les grands destins du citoyen sur la liberté individuelle, fédérée avec la justice imprescriptible. Votre comité, pénétré de ces principes régénérateurs, ne vous roposera d’augmenter la fécondité du sol et le onheurde ceux qui le cultivent qu’en faisant de l’indépendance des propriétés une loi constitutionnelle, toutes les fois qu’elle ne deviendra point contraire au bien du peuple et à ses subsistances. Le comité vient donc, en dernière analyse, vous proposer d’ajouter ces derniers mots : la liberté des campagnes, à la mémorable Constitution qui a déjà pour épigraphe : la liberté du citoyen et la liberté de la pensée . Votre comité, Messieurs, bornera les travaux de son plan à ce que vous lui ordonnerez. Les objets que vous n’embrasserez point seront pris en considération par vos successeurs; l’avenir ne peut vous intimider ; vous savez que le temps, d’une main, tient une faux pour détruire les abus, et de l’autre des germes qu’il répand sans cesse, et qui tour à tour doivent éclore. Cependant vous ne voudriez pas négliger cette seule partie des lois. Vous voudrez sûrement imprimer un profond respect pour la charrue nourricière, pour les manufactures, ateliers des pauvres, pour le lien fraternel du commerce qui décuple indirectement le nombre des propriétaires en naturalisant l’industrie sur le territoire national. Ce n’est point vous, Messieurs, qui vous rebuterez au dernier pas, On fait aisémeqt la réflexion que