[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [28 juillet 1791.] 773 de l’intrigue et de la faction, on passe à l’ordre du jour. {Applaudissements .) M.le Président. Que ceux qui veulent passer à l’ordre du jour ...... M. Gaisiticr-Bliatizat. Monsieur le Président, mais permettez donc... {Bruit.) La motion de M. d'André prouve qu’il n’a pas .aperçu la délicatesse des circonstances où se trouve la ville de Clermont. Voyez quels sont les coupables? Les deux premiers juges du tribunal, le commandant de la garde nationale. Les corps administratifs n’ont pas osé faire de proclamation, parce qu’ils ne sont pas assez renforcés contre l'autorité des factieux. Si, dans l’état actuel des choses, vous laissez à l’ordre du jour, ces l'aclieux diront, j’en suis certain, qu’ils ont obtenu gain de cause; et alors, Messieurs, les corps administratifs seront s au s force. Je suis intéressé à empêcher la ruine de cette ville, c’est ma patrie. Sauvez mes enfants! (Mp-plaudissements.) Si vous voulez protéger ma patrie, manifestez que vous soutiendrez les corps administratifs. Si vous ne le manifestez pas, ils sont perdus. Plusieurs membres : Le renvoi au comité! (L’Assemblée consultée décrète que la délibération et la pétition des citoyens de la ville de Clermont-Ferrand seront, ainsi que les adresses des citoyens de plusieurs villes et bourgs qui y sont jointes, renvoyées au comité des rapports et des recherches.) Une députation du directoire du département de Seine-et-Oise et de la municipalité de Versailles est admise à la barre. L'orateur de la députation s’exprime ainsi : « Messieurs, « Le département de Seine-et-Oise et la municipalité de Versailles viennent réitérer leur profession de foi politique et offrir aux représentants de la nation l’hommage qui est dû à la sagesse de leurs décrets, et spécialement à celui du 15 de ce mois. Ils viennent vous féliciter, Messieurs, du triomphe que votre courage vous a fait obtenir contre les efforts des malveillants. Oui, Messieurs, vous avez prescrit un terme à la Révolution, afin que la Constitution n’en eût point. « Puisse la Charte constitutionnelle que vous prépaie/, Messieurs, mettre le sceau à la gloire du peuple dont elle est inséparable ; qu’elle détermine, qu’elle circonscrive d’une manière fortement prononcée les droits et les devoirs de chacun; qu’elle imposesdenceà tous les factieux; qu’elle commande impérieusement le salut de la France et la tranquillité de l’Europe. Elle fixera l’opinion des siècles et la reconnaissance de nos derniers neveux. » ( Applaudissements .) M. le Président répond : « Messieurs, « Vous fûtes témoins des premiers travaux de l’Assemblée nationale; vous maniiestâtes les premiers votre indignation des efforts que firent les ennemis de la liberté naissante. Constants dans votre attachement aux bons principes, vous venez en donner une nouvelle preuve; en désapprouvant tout ce que des factieux pourraient se permettre pour porter atteinte à la Constitution. L’Assemblée nationale reçoit avec satisfaction cet hommage, et vous invite à sa séance. » M. le Président fait donner lecture d’une lettre des administrateurs du district de Versailles qui, en témoignant leurs regrets de ne pouvoir porter à l’Assemblée nationale l’hommage de leur respect et de leur admiration, au milieu des travaux qui les occupent, lui présentent h ur soumission d’une somme de 600 livres pour l’entretien de 2 gardes nationales sur les frontières. Une députation de la société des amis de la Constitution et de la garde nationale de Saint-Girons ( département de l’Ariège) est admise à la barre. L’orateur de la députation s’exprime ainsi : « Défenseurs intrépides des droits du peuple libre, vous venez de vous élever au-dessus de l’humanité; toute la France, disons mieux, toute l’Europe applaudit à votre héroïsme, et vos ladies détracteurs eux-mêmes se trouvent tout à la fois, et malgré eux, frappés de terreur et d’admiration. Au milieu de cet enthousiasme universel, les amis, les défenseurs de la Constitution se coûtenteraient-ils de vous admirer en silence? Non : ils vous doivent un nouvel hommage et -de nouveaux serments. Recevez donc, hommes sublimes, ceux d’une société patriote et d’une garde citoyenne établies dans une ville frontière, qui, pour être éloignée du centre des lumières et du civisme, n’en a pas moins ressenti toute l’influence. « L’évasion d’un roi parjure, mais trompé... » MM. de Bois-ttonvray et deBodiebrunc. A l’ordre! Monsieur. {Bruit.) Plusieurs membres : Il a raison ! {Applaudissements.) L'orateur de la députation «... semble avoir doublé nos forces en augmentant notre courage ..... »j M. «te MoastEosies*. Monsieur le Président, s’il est permis d’interrompre unliomme à la tribune, à bien plus forte raison il peut l’être à la barre. Personne ne doit souffrir que le roi soit insulté dans l’Assemblée. Vous devez consulter l’Assemblée pour savoir si un ho mine qui l’insulte à la barre doit être entendu. Un membre : Allons donc! c’est une vérité : Ecoutez-la. M. de Slontlosier. Si on vous disait toutes les vôtres, vous ne les entendriez pas. Un membre : Nous les avons entendues. M. de Montlosier. Je vous les dirai quand vous voudrez. M. ILofÜeia! {montrant M. de Montlosier). Il faut envoyer cet homme-là à l’Abbaye. (L’Assemblée décide que l’orateur de la dépu-tat'on continuera son discours. {Vifs applaudissements.) L’orateur de la députation , (continuant son discours.) « A peine là nouvelle de cette trame odieuse 774 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 juillet 1791.J nous fut-elle parvenue, que tout le pays fut sous les armes. Le bruit se répandit, dans le même instant, que les Espagnols avaient formé un cordon de troupes sur la frontière, et se disposaient à faire une invasion dans nos contrées. Plusieurs de nos concitoyens coururent à l’envi jusque dans leurs foyers épier leurs mouvements, et nous en rendre compte; tout y parut tranquille; mais peu s’en faut que nous ne regrettions de n’avoir pu prouver tout ce que peut l’énergie du patriotisme. L’homme champêtre est celui qui veut le plus être libre; il périrait mille fois plutôt que de reprendre ses chaînes. Malheur aux tyrans qui oseraient les lui présenter! ..... Voilà les sentiments qui animent nos montagnes, et dont nous osons vous répondre. « Vous avez pris à la face de la nation rengagement solennel de venger la loi, ou de mourir : vous le remplirez, Messieurs, cet engagement sacré ....... Mais ne i’avez-vous pas déjà fait? Votre décret du 15 ne livre-t-il pas les coupables au glaive de la loi? Ne nous rassure-t-il pas à jamais contre les complots de la perfidie, ou les attentats de l’audace? Ne nous répond-il pas, quoi que l’on trame ou que l’on exécute, du dépôt précieux de la liberté sous le gouvernement qui forme la base de notre immortelle Constitution? Il ne vous n ste plus qu’à nous préserver de la barbare hypocrisie des prêtres réfractaires, qui, secouant sans cesse les torches du fanatisme, cherchent à embraser notre département. « Loin de nous tout désir insensé, tout esprit de murmure ou de sédition : la loi est rendue : nous jurons de la maintenir; nous y applaudissons. Mettez donc le comble au bonheur des Français, en préparant celui de tous les peuples; achevez votre ouvrage, et ne consultez que le génie bienfaisant qui n’a cessé de vous diriger. Pour nous, nous promettons, nous jurons de vous seconder ( Murmures à droite .), d’avoir toujours en vous une confiance sans bornes, de nous porter partout où l’intérêt de la chose publique l’exigera, d’aller nous rallier autour de vous, s’il le faut ..... » ( Murmures à droite.) M. d’André. Silence aux factieux ! L'orateur delà députation « ........ nous unir à nos braves frères d’armes, les Parisiens, pour vous défendre des factieux ; en un mot de vivre et mourir libres et soumis aux lois. ( Applaudissements \) « Suivent 176 signatures. » M. le Président répond : « Le sentiment de la liberté, qui a élevé le courage de tous les citoyens de l’Empire, a dû se développer avec énergie chez un peuple agricole et généreux, dans des climats où la nature semble avoir conservé toute la pureté de son origine : les Pyrénées ont été le berceau de Henri IV, et la Fronce compte peu de rois qui aient été plus dignes d’être à la tête d’un peuple libre. « L’Assemblée reçoit avec satisfaction l’hommage de votre zèle* et de votre patriotisme, et vous invite à assister à sa séance. » (L’Assemblée ordonne l’impression et l’insertion dans le procès-verbal du discours de la députation de Saint-Girons et de la réponse du président). M. Charles de ELnmcth demande qu’une députation de la garde nationale de Pontoise soit admise à la barre. La députation est introduite. L'orateur de la députation s’exprime ainsi : « Messieurs, c’est peut-être pour la première fois que l’on a présenté comme des assassins et des brigands des citoyens armés pour l’exécution de la loi, accompagnés de 3 brigades de la gendarmerie nationale spécialement établie pour le maintien du bon ordre. C’est cependant sous ces traits que l’on a peint la garde nationale et la gendarmerie nationale de Pontoise réunies aux brigades de Beaumont et de l’Ile-Adam marchant à la réquisition expresse des corps administratifs, pour soutenir l’exécution d’un jugement émané du district de Pontoise. * Personne n’ignore actuellement dans la capitale la trop fameuse expédition dePresle; mais tous ceux qui en sont instruits ont dû croire sur la foi d’un mémoire calomnieux que ses auteurs ont eu la criminelle audace de représenter eux-mêmes à cette auguste Assemblée, que tous les citoyens qui s’y étaient transportés étaient un ramas d’hommes sans asile et sans pain, qui avaient abusé de leur nombre et dedeurs armes pour se permettre les excès les plus déshonorants. « À en croire les coupables auteurs de cette production, le meurtre, la dévastation, le pillage, ont marqué chacun des pas de cette troupe licencieuse. G’estcontre les auteurs, quels qu’ils soient, de cet infâme libelle, que viennent demander vengeance à l’Assemblée les députés de la garde et de la gendarmerie nationales. « lnviolablement attachés à la Constitution, ils savent qu’ils doivent force à la loi. Ils se sont transportés dans la paroisse de Presle, à près de 5 lieues de leur domicile, au milieu de la nuit, pour assurer l’exécution du décret de prise de corps lancé contre le maire, le procureur de la commune et un des principaux habitants de cette contrée malheureuse. Au lieu d’ensevelir leur honte dans la capitale, deux des accusés, échappés aux perquisitions légales de l’officier ministériel, sont venus distiller leur poison jusque dans le sein de cette Assemblée. Les députés de la garde et gendarmerie nationales devaient y présenter leur justification. C’est le but de cette adresse. « Les soussignés se croiront bien honorablement vengés si vous daignez les admettre à renouveler le serment qu’ils ont fait et qu’ils ont résolu de maintenir au péril de leur vie. Nous sommes porteurs de l’ordre du commandant de la garde nationale de Pontoise et du réquisitoire de la municipalité de Pontoise que nous allons joindre à notre pétition. » M. le Président répond : « Les citoyens qui se sont armés pour la défense de la Constitution, et qui jurent de la défendre ou de mourir, ont un droit particulier à jouir de ses avantages sous le règne de la liberté ; ils ne doivent pas craindre les effets d’accusations injustes. « L’Assemblée nationale prendra en considération votre pétition; elle va recevoir votre serment. » M. le Président lionne ensuite lecture de la formule du serment qui est prêté par les membres de la députation au milieu des applaudissements de l’Assemblée. M. Charles de Canieth, Je demande que l’adresse de la garde nationale de Pontoise soit renvoyée, avec les pièces qu’elle vient de dèpo- 775 [Assemblée nationale. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 juillet 1791. J ser sur le bureau, au comité des rapports et que l’Assemblée veuille bien ordonner que le rapport lui en soit fait samedi, à l’ouverture de la séance. Une députation de prêtres est venue vous apporter une accusation contre un détachement de la garde nationale de Pontoise; il est intéressant que cette dernière soit justifiée. (L’Assemblée, consultée, décrète que le discours et la réquisition, remis sur le bureau par les députés de la garde nationale de Pontoise, seront renvoyés au comité des rapports, pour que ce comité lui en rende compte samedi prochain 30 de ce mois.) M. Fricot, au nom du comité des domaines, Messieurs, vous avez renvoyé mercredi soir à votre comité des domaines une disposition additionnelle présentée par M. Turpin dans la discussion de ['échange de Suncerre; il s’agit de la faculté réservée à M. d’Espagnac de demander le compte des jouissances intermédiaires de ce ci-devant comité. Le comité vous propose la rédaction suivante : « M. d’Espagnac pourra, si bon lui semble, demander le compte respectif de la jouissance des objets compris en l’échange. » Plusieurs membres : C’est de droit! Un membre : La faculté visée dans l’article additionnel que propose M. le rapporteur est de droit; il n’y a donc pas lieu de la décréter. M. Fricot, rapporteur. En ce cas, je propose d’insérer au procès-verbal que l’Assemblée a passé à l’ordre du jour sur cette disposition comme étant de droit. (Cette dernière motion est adoptée.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret pour V exécution du nouveau tarif des droits d'entrée et de sortie dans les relations du royaume avec l’étranger (1). M. Ooiulard, rapporteur , soumet à la délibération les différents articles des titres III et IV du projet de décret, qui sont successivement mis aux voix dans les termes suivants : TITRE III. Des acquits-à-caution. Art. lar. « Les marchandises expédiées par mer d’un port pour un autre port du royaume ne seront sujettes à aucun droit d'entrée et de sortie; il en sera de môme des marchandises qui ne pourront être transportées directement par terre d’un lieu à un autre du royaume, qu'en empruntant le territoire étranger; mais, clans ces deux cas, elles seront soumises aux formalités ci-après indiquées. » (Adopté.) Art. 2. « Les marchandises sujettes à des droits de sortie seront déclarées, vérifiées et expédiées par acquits-à-caution; ces acquits contiendront la soumission de rapporter, dans le délai qui sera fixé suivant la distance des lieux, un certificat (1) Yoy. ci-dessus, séance du 28 juillet 1791, au matin, page 722. de l’arrivée ou du passage des marchandises au bureau désigné, ou de payer le double des droits desortie. Les expéditionnaires donneront caution solvable, qui s’obligera solidairement avec eux au rapport du certificat de décharge. Si les expéditionnaires préfèrent de consigner le montant des droits de sortie, les registres des déclarations, portant lesdites soumissions, énonceront, ainsi que les acquits-à-caution, la reconnaissance des sommes consignées. » (Adopté.) Art. 3. « Les marchandises exemptes des droits de sortie seront expédiées par simple passavant visé par les préposés à la vérification du chargement; mais, s’il s’agit de marchandises dont la sortie du royaume est défendue, d’étoffes, toileries, passementeries, quincailleries ou d’autres espèces dont les droits d’entrée, si elles venaient de l’étranger, seraient au moins de 10 0/0 de la valeur, "les caisses, balles ou ballots qui les contiendront, seront cordés et plombés. Seront néanmoins dispensés du plombage, les vins, eaux-de-vie et autres liquides, ainsi que les métaux non œuvres. » (Adopté.) Art. 4. « Si les marchandises expédiées sont prohibées à la sortie du royaume, la destination en sera assurée par acquit-à-caution ; les expéditionnaires et leurs cautions s’obligeront solidairement, par leurs soumissions, à payer la valeur desdites marchandises, avec amende de 500 livres, dans le cas où ils ne rapporteraient pas au bureau du départ, dans le délai fixé, l’acquit-à-caution valablement déchargé. A cet effet, l’estimation des marchandises sera énoncée dans les soumissions. » (Adopté.) Art. 5. « Dans le cas où les marchandises devront être expédiées sous plomb, les cordes seront aux frais des expéditionnaires, qui payeront en outre chaque plomb, sur le pied de 3 sous. (Adopté.) Art. 6. « Les maîtres et capitaines de bâtiments et les voituriers seront tenus de présenter les marchandises dont ils seront chargés, savoir : celles expédiées par mer, au bureau de leur destination, et celles expédiées par terre, au bureau de leur passage, en même qualité et quantité que celles énoncées dans l’acquit-à-caution dont ils seront porteurs : cet acquit ne pourra être déchargé parles préposés audit bureau, qu'après vérification faite de l’état des cordes et plombs, du nombre des ballots, et des marchandises y contenues ; et il ne sera rien payé pour les certificats de décharge qui devront être inscrits au dos des acquits-à-caution, et signés au moins de deux desdits préposés dans les bureaux où il y aura plusieurs commis. Il est défendu auxdits préposés, à peine de tous dépens, dommages et intérêts, de différer la remise desdits certificats, lorsque les formalités prescrites par les acquits-à-caution auront été remplies, ou qu’il sera rapporté des procès-verbaux dans la forme indiquée par l’article 8 ci-après ; et pour justifier du refus, le conducteur des marchandises sera tenu d’en faire rédiger acte, qui sera signifié sur-le-champ au receveur du bureau, et aucune preuve par témoin ne sera admise à cet égard. (Adopté.) Art. 7. <■ Les préposés de la régie ne pourront délivrer