g98 [Assemblée nationale.) cette affaire sous un tout autre point de vue : il rapports ces faits, qu’il prétend avoir été omis, et demande que le comité soit chargé de nouveau de vérifier cette affaire malheureuse, et d’en faire un second rapport à l’Assemblée. M. Males, rapporteur, représente que le contradicteur du décret proposé a déjà été entendu au comité; qu’il y a déià fait valoir les mêmes raisonnements dont il étaye son opinion, et que ce n’est que d’après le plus mûr examen que le comité a rédigé le projet de décret qu’il propose aujourd’hui. M. de Cazalès demande que l’Assemblée nomme quatre commissaires, pris dans son sein, qui seront chargés d’examiner toutes les pièces déposées au comité, relatives aux malheureux événements arrivés à Pamiers, et d’en faire leur rapport. (Cette demande est écartée par la question préalable.) M. le Président quitte le fauteuil ; il est remplacé momentanément parM. Treilhard, exprésident. M. Vadier (1). Messieurs, si l’affaire qui vous est soumise n’était liée au maintien de la Constitution et de la tranquillité de l’empire, je n’ajouterais rien aux détails affligeants dont on vient de vous entretenir, j’excuserais les torts de quelques-uns de mes concitoyens; je solliciterais pour eux votre indulgence, et je renfermerais au fond de mon âme la vive douleur dont leur conduite m'a pénétré. J’ai longtemps cédé à cette impulsion: il en coûte à un cœur bien fait de présumer le crime, et surtout dans le cœur de ceux que le peuple et la loi ont préposés pour le punir. Mais vous êtes instruits, Messieurs, des troubles qu’on a voulu répandre dans les provinces du Midi; et c’est dans ces climats que les têtes sont susceptibles de s’imprégner des illusions de la ihéocraiieetdes flammèches du fanatisme... Le salut de l’Etat m’impose donc la loi de ne rien déguiser, car toute rélicence serait un crime. Je n’emploierai, pour vous émouvoir, ni les prestiges de l’éloquence, ni la magie du style, ni (1) Epitre dédicatoire à Monsieur de Foucault, député du Périgord. Vous avezeula bonté, Monsieur, de demander l’impression de mon discours ; il est juste de vous en faire hommage et de vous en offrir le premier exemplaire! Je n’ai pas comme vous, Monsieur, l’heureux talent d’improviser; je n’ai pas une voix de Stentor : ce bruyant avantage dépend de l’énergie des poumons de la latitude du gosier, et chacun n’a pas, comme vous, un vaste et majestueux œsophage ; mais si vous daignez me lire attentivement , peut-être serez-vous convaincu que le franc parler d’un Gascon vaut bien celui d’un ci-devant noble périgourdin. J’ai toujours ouï dire que les organes intellectuels sont plus déliés et moins engourdis sur les frontières méridionales, que dans les provinces du Centre. On ne parle guère du Périgord que pour vanter l’excellence de ses pâtés. Cependant, Monsieur, je ne suis pas plus esclave que vous du soin d’arrondir et de cadencer une période ; mais j’ai autant de franchise et de loyauté, et l'éloquence du sentiment a toujours mieux valu que celle des mots. Je suis très parfaitement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. Signé : Vadier. (28 décembre 1790. | le mordant de l’expression... Quand on a dans le cœur l’amour de son pays et de la liberté, on esi bien sûr de votre indulgence. Le sang des bons citoyens a coulé!... Des prévaricateurs, cachés sous le fantôme de la justice, ont dirigé le plomb meurtrier des assassins... Faudrait-il recourir à des mouvements oratoires pour attendrir votre âme sensible? C’est le patriotisme opprimé que je viens défendre... C’est contre les ennemis de la liberté que j’ose m’élever... Ils ont armé le citoyen contre le citoyen . .. Ils ont fait ruissel-r le sang dans une cité patriote, en haine de la Révolution, et parce que cette ville est la seule du département qui ait eu le courage de s’armer pour la maintenir. Avant de parcourir le tableau de ces atrocités, jetons un coup d’œil rapide sur les circonstances qui les ont amenées. La ville de Pamiers gémissait sous un joug tyrannique et insupportable... Vous le devinez à ce titre, c’est le despotisme sacerdotal. Un évêque, président né ries Etats de Foix, y réunissait toutes les puissances, y dominait tomes les volontés... Comme le Vieux de la Montagne, il pouvait disposer du repos et des propriétés des citoyens. Avec ce double diadème, il mouvait à son gré les bureaux du ministre et de l’intendant... Toutes les places étaient dans sa main. Les lettres de cachet le rendaient le maître des opinions, l’investigateur des pensées. D’infidèles agents trouvaient dans les caisses publiques la clef d’or qui ouvre toutes les avenues, franchit tous les obstacles, et égare souvent jusqu’à la vertu. Des clergistes nombreux et fanatiques y prêchaient sans pudeur la loi de l’esclavage, les principes de l’égoïsme, la politique de Machiavel et la morale d’Escobar. D’une main ils secouaient les torches du fanatisme, de l’autre ils écumaient la bourse d’un peuple crédule ; avec des pardons et des indulgences, avec des rescriptions sur l’autre monde, ils acquéraient de riches héritages dans celui-ci. Il fallait, pour être en repos courber sa tête sous ce joug, ou se dévouer à subir une persécution implacable. Cette ville était encore le siège d’une vaste sénéchaussée. Une milice de plume, avide et famélique, était peu propre à entretenir l’harmonie, à purifier la morale, à désintéresser les inten-tio s. L’arbre du commerce ne pouvait ombrager cette ville de ses saluiaires rameaux, parce qu’il ne saurait prendre racine dans les lieux que le fanatisme a pestiférés de son influence, ou que la chicane a infectés de son venin. Deux chapitres nouveaux, un collège, quatre corporations de moines, trois de religieuses, disséminés dans son enceinte, semblaient rendre imposable l’inoculation de la liberté. L’habitude de la superstition et de l’esclavage en bannissait le goût de la philosophie et de la raison, les principes de l’égalité et de la sagesse. La révolution ne pouvait donc s’opérer à Pamiers que parla sainte insurrection d’un peuple opprimé. Devait-on l’attendre de c s âmes rape-tissées par l’intérêt, de ces êtres serviles que la bassesse a dégradés, ou que la chicane avait rabougris? Ces vils caméléons pouvaient-ils s’imbiber des sucs vivifiants de la liberté ? Accoutumés à s’mgurgiter des substances publiques, et à ramper sous des chaînes d’or, un pareil aliment pouvait-il convenir à l’inertie, à la stupeur de leurs organes? C’était au peuple, oui, au peuple ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 décembre 1790.] spuI à secouer ses fers, à les secouer de manière à jeter l’épouvante dans l’âme de ses oppresseurs. Le premier usage que Ht le peuple de Pamiers de la liberté reconquise, fut donc d<* s’armer pour la conserver. Il constitua à cet effet une garde nationale nombreuse ; un comité permanent fut formé de citoyens de t >us les états. Les municipaux de l’ancien régime, c’est-à-dire le directoire épiscopal, s’opposa de tous ses efforts à cette ré-iénérauon salutaire. Pm Honteux du mécontentement du peuple qui implorait àgrands cris leur d< stit ution, ils voulaient éterniser, et, si je peux m’exprimer ainsi, conglutiner le chaperon sur leurs épaules. Leur ténacité ne fut pas sans fruit ; on convint, par une espèce d’armistice, du partage et de la concurrence des pouvoirs. Les choses demeurèrent dans cet état précaire jusqu’au décret sur l’organisation des municipalités. C’est alors seulement que le peuple se mit à son aise, et qu’il usa de l’intégrité de ses droits. Au lieu de nommer ces sangsues ordinaires, ces vampires et ces frelons rapaces qui dévoraient depuis longtemps sa subsistance ; au lieu d’élire ceux qu’on appelait si improprement chapeaux noirs et gens comme il faut , il prit ses municipaux dans son propre sein et dans tous les états; il jeta les yeux sur ceux nui avaient montré le plus d’ardeur pour la Révolution, et qui avaient suivi les bannières de la liberté. Il en fit de même à l’égard des officiers de la garde nationale : un heureux concert entre ces deux autorités était le fruit de cetie promotion qui fut ratiliée par la joie et la satisfaction publiques. Mais les prêtres, les moines, les gens de robe et de pratique, les publieains, les ci-devant nobles ou soi-disant tels, en un mot, les aristocrates de tonte couleur, en forent aussi épouvantés que mécontents. Il se fit des coalitions nocturnes et des complots nécromanciens, tantôt chez les moines, tantôt, chez les l'obmocraies. Un essaim poudreux de la vermine du palais y m d lu ; t des procédures et des embuscades; les rôles se distribuaient selon la capacité des acteurs. Les uns étaient chargés de provoquer des rixes f s autres de les dénoncer; ceux-ci devaient porter des plaintes, ceux-là devaient y servir de témoins ; l’un devait les écrire comme greffier, un autre se chargeait de les dé Téter comme juge. L’incompétence, la parenté, l’inimitié, l 'alibi même, n’ont pu mettre un frein à l’intempérance de ces manœuvres et de ces turpitudes judiciaires. Les annales du genre humain n’ol-frent point d'exempt ; d’une aussi infernale combinaison ; et elle passerait à la postérité comme un prodige de la méchanceté des Ininmes, si vues u’aviez, Messieurs, par votre décret, accurdé la priorité à la procedure du Châtelet. Les prêtres fomentaient de leur mieux toutes ces factions; le pain de la parole était l’aliment de la haine et de la discorde. Du foyer de ces e achinations sortaient h-* s étincelles qui ont successivement allumé le feu de la guerre dans cetie vide. De là les perturbations, les rixes et l’émigration des sieurs Larrue ; le rôL • agres-if et prodi-toire du nommé Combèle; les intrigues, la défection et la fuite du sieur Castel; la plainte calomnieuse d’un sieur As truc, suggérée par les 699 conspirateurs, et désavouée depuis par lui-même. De là ces orgies de cabaret ou la cléricalure du palais chansonnée par des légionnaires et bafoué* par le refrain des aristocrates, dans l’air patriote du Ça ira , se plaint d’avoir été assassinée avec des violons et des clarinettes De là enfin toutes ces querelles épisodique-, qui ne méritent pas, Messieurs, d’être _ honorées de votre attention, puisque les tribunaux seuls pourraient en connaître, si elles étaient dignes a’y être déférées. Les aristocrates ne purent, par ces hostilités partielles, rompre la phalange du peuple ; nuire à la cause de la liberté, ni en intimider les défenseurs; ils eurent recours à une ruse plus efticace, que f*s charlatans les plus déliés se raient glorieux d’avoir inventée. Il existe tout près de la ville un vacant, appelé la Boulbone , d’environ huit cents arpents décontenance. La commune de Pamiers a des titres qui lui donnent la propriété de ce terrain, des communes dn voisinage y prétendent un droit de pucours; enfin les ci-devant seigneurs de Pamiers y avaient aussi quelque prétention. Les ennemis de la liberté conçoivent tout à coup l’espoir de gagner le peuple’par cet appât ; le moment des asssemblées primaires pour la formation du corps électoral excite et favorise leur ambition , la manœuvre est aussitôt consommée que conçue. La famille D irmaing est à la tête du complot, comme ayant eu la gloire de l’invention; elle est aussi, Messieurs, la cause de tous les malheurs qui sont déférés à votre justice. Prenant pour la première fois le masque du civisme et de la popularité, les deux frères Dar-inaing proposent au peuple de lui octroyer le paitage de ce vacant; ces nouveaux Gracques promettent de t’en investir, de le diviser en lots, de les distribuer sur-le-champ à chaque portionnaire actif ou non actif, peu importe, sous la condition que le peuple nommera les deux hères présidents des deux sections qu’on allait assembler. Ce dernier point est exécuté; les deux üarmaing sont eu etf 't nommés présidents ; ih parviennent par cette manœuvre à faire nommer dix aristocrates pour électeurs, et les deux frères sont de ce nombre; leur cousin qui est le coryphée du parti, le faiseur universel de pétitions, actes, mémoires, procédures, etc., etc., qui, selon la chronique, est aussi le moule ou les ordonnances du directoire ont été fondues; cet homme intéressant e>t aussi nommé : mais il a la politique de se démettre, pour manœuvrer hors du théâtre, et faire jouer les coulisses plus à son aise. Il demeurait deux électeurs à nommer pour compléter le nombre de douze ; ils ne purent l’être dans cette séance : ou renvoya au lendemain. Le peuple qui avait rempli* su part du marché, fut indigné de voir que les sieurs Darmaing tergiversaient pour tenir leurs promesses; on avait p a nté des arbres d’honneur devant leur maison; on disait tout bas qu’il fallait les y pendra; le maire actuel n’osa se rendre à rassemblée du lendemain, et deux patriotes furent élus. C’est beaucoup, sms doute, que sur le nombre de duuz U ait échappé deux muscades à ce joueur de gobelets. Je dissim lierai, Mes-ieurs, l’influence que ce mauvais choix a produite sur la formation de3 corps administratifs; je sais seulement que pour la déjouer en quelque sorte, il fallut se réduire à nommer deux administrateurs par canton, pour 700 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [28 décembre 1790. ] éviter d’avoir foute la nichée aristocratique clans le directoire. Mais outre qu’il n’est fait aucune mention de cette irrégularité dans les procès-verbaux, cet article est hors de mon sujet. Je reviens au partage des terres qui fut effectué au préjudice d’une décision de votre comité des domaines, et sons la direction des sieurs Darmaing, du sieur Palmade, dont j’aurai bientôt lieu de parler, et quelques autres du même bord, nommés commissaires, il fut procédé en forme à cette audacieuse distribution. j’ajouterai, Messieurs, que cette opération se fit malgré l’opposition légale et dûment signifiée de la municipalité, et au mépris d’une instance formée par les communes du voisinage devant le bureau des finances de Montauban. Cette série de faits était nécessaire pour arriver à la nomination du sieur Darmaing à la mairie, et à la démission du smur Vignes à qui i! a malheureusement succédé. C’est de cette'époque que datent les calamités, les conspirations, les procédures clandestines et le carnage qui s’en est suivi. Le sieur Vignes a une âme pure, mais sa sensibilité n’a pu résister aux atteintes de la méchanceté, ni se plier aux vexations d’une autorité arbitraire; 1rs ennemis de la liberté qui rn voulaient à sa place pour l’ériger eu dictature sur la tête du sieur Darmaing, savaient bien qu’il ne fallait que stimuler sa délicatesse pour l’engager à se démettre. Le conseil générai de la commune mit la pins vive résistance à cette démission; il était facile de pressentir que le sieur Darmaing allait devenir le tyran d’un peuple dont il avait si artilicieuse-meni capté la confiance; mais on eut beau s’opposer à su promotion, le directoire leva souverainement tous les obstacles. La nomination de ce nouveau Gracque fut so-lennisée par quelques orgies populaires; les copartageants de laJBoulbone formaient le cortège de son triomphe. Mais cette joie fut de courte durée : ce nouveau sycophante montra bientôt le bout de l’oreille sous les livrées du patriotisme vont il eut l’hypocrisie de se recouvrir. Son premier soin fut de constituer deux clubs séditieux que la municipalité avait dissipés à cause des troubles qu’ils avaient causés dans la ville, et il lit autoriser ces associations ténébreuses par une ordonnance du directoire. Pour mieux couvrir son artifice, ii osa solliciter i’al'fiiiation de ces clubs à la société des amis de la Constitution, et ses registres eussent été contaminés par celle agrégation impure, si mon zèle à la dénoncer n’en eût écarté le danger. Après avoir rassemblé dans ces clubs la ff ur de l’aristocratie, il osa dissoudre en même temps mie société de patriotes séant aux Jacobins, dont les municipaux, ses collègues, les officiers de la légion et tous les bons citoyens se trouvaient membres, elle directoire rendit une autre ordonnance, fondue dans le même moule. Non content de e s mesures qui décelaient déjà et le vice de ses principes et la malice de ses intentions, il prend tous les moyens pour désarmer la garde nationale, lui ôter ses fusils, sus cartouches, jusqu’au sabre, des of liciers ; il entreprend de la diviser, d’en rompre les s étions; il défend à celles qui sont hors de la ville, dont l’une formait lu compagnie colonelle de la légion, d’y rentrer en armes et de se réunir à ses camarades. Au même temns, il donne un ordre, écrit de sa main, au marchand de la commune, de lui expédier cent, cartouches; il rassemble chez lui, et pendant la nuit, des gens armés, suspects ou sans aveu; on voit partir des coups de feu de ses fenêtres ; il fait Jui-mê ne la patrouille à la tête de quelques brigands et de ceriains cavaliers de la maréchaussée; et pour se dérober à la surveillance de la légion, il donna un ordre écrit au commandant du corps de garde .pour laisser vaguer les quidams août il fortifiait son escorte. (Test à la tête de cette patrouille qu’il ose arrêter un capitaine de chasseurs, sous prétexte qu’il éiait armé de sou sabre; il l’arrête devant Dhôtel du commandant, au moment où cet officier prenait les ordres pour la patrouille dont il était chargé ce jour-là, et il le conduit lui-même en prison. Tous ces actes de sédition, toutes ces infractions à la loi, sont autorisés par autant d’ordonnances du directoire, sans ie concours intermédiaire du district, et au mépris des réclamations du conseil général de la commune. Ce/redoutable dictateur sollicite du directoire le rassemblement de irentre-six cavaliers de la maréchaussée, qui répandent l’effroi et la désolation dans la ville au moment de la plus parfaite tranquillité. Revêtu de son écharpe, il se promène orgueilleusement à la tête de ses licteurs; il brave ainsi l’indignation publique: on dirait qu’il savoure d’avance le spectacle sanglant que sa fureur va préparer. Mais ces brigades n’étaient que le noyau de son armée; les mécontents devaient s’y rallier; un groupe de bandits formaient la nuit un camp volant autour de sa maison ; ce n’est pas tout: il s’avise de requérir des gardes nationales des lieux de Varilhes et de Pailhés, certains officiers lui étaient dévoués, surtout quelques gardes du roi; sept à huit cenis hommes s’avancèrent à une heure après minuit; on espérait les faire s’entr’¬ égorger avec leurs camarades de Painiers; un malentendu aurait produit cet événement, et la ville ne doit sou salut qu’au courage et à la présence d’esprit du major. il marche vers la troupe, et lui parle en ces termes ; « Etes-vous nos frères d’armes ou nos « ennemis? Si vous êtes nos frères, apprenez « qu’on vous trompe; c’est pour nous égorger « que nos ennemis communs vous envoient. Si « vous êtes nos ennemis, attendez que j’assemble « ma troupe, et battons-nous com ne des gens « d’honneur : — N ml nous sommes vos frères, « nous avons cru voler à votre seeours. Vive la « nation! périssent les aristocrates! » La troupe n’entre point dans la ville, elle passe la nuit hors des murs. Le major eut quelque peine à contenir les soldats, qui voulaient aller pendre le maire; il eut la générosité de se mettre à gnnoux pour les en empêcher, et le maire en fut quitte le lendemain pour quelques rafraîchissements qu’il paya. Ces sinistres machinations, dont le plan est calqué sur celles de Nîmes, de Perpignan, de Nancy, d Huningue, de Montauban, sont l’ouvrage du maire seul : le directoire n’a pas craint de mettre toutes les brigades à sa disposition ; les aristocrates devaient s’y rallier, et on se battait de faire descendre une horde de montagnards au premier signal. Mais il ne suffisait pas de rassembler des brigands et des janissaires pour égorger les patriotes, il fallait encore un prétexte pour agacer leur ré- [Assemblée üatiouaie.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (28 décembre I7dt).j 701 sistance; il fallait des formes légales pour pallier cet assassinat; en un mot, il fallait des décrets pour mettre les maréchaussées en action, et commencer ainsi le carnage. Pourobtenir des décrets il fallait des cou [tables, il n’en existait pas parmi les patriotes; il fallait donc y suppléer parties témoins et par des juges intéressés au succès des con-pirations. Le sienr Darrnamg n’a point manqué de cette denrée. Doyen du sénéchal, il s’adresse à un de ses confrères, ie sieur Palmade, et fait clandestinement sa dénonciation au procureur du roi. On choisit pour victimes de cette accusation les officiers de la garde nationale, les plus chéris du peuple, les plus ardents pour la Révolution. Due plainte est portée sur des faits vagues et controuvés, dénués de sens et de vraisemblance, et qui n’avaient pas même le caractère d’un délit ; le sieur Palmade y appelle deux adjoints. Mais voici, .Messieurs, de toutes les supercheries judiciaires la plus inouïe. Ou joint à cette plainte une liasse de libelles secrets, nommés brief intendit. On entend pour témoins, sur ce perdue canevas, tous les clubntes, tous les ennemis de la liberté, dont les sieurs Darmaing et Palmade président les complots noc-turm s; tous ces esclaves de l’ancien régime qu’on a vus s’opposer et au comité permanent et à la formation de la garde nationale ; tous ceux qui ont coopéré aux artifices de la distribution de la Boulbone; en un mot, les complices du dictateur et de ses projets sanguinaires. Le sieur Palmade entend ces témoins sur les faits énoncés dans les brief intendit , mais il fabrique son information sans adjoint'!, avec un greftier qui Pat dans les mêmes principes que lui. Les exploits à témoins sont signifiés par un valet de ville, vendu au maire, afin de cacher aux huissiers, qui étaient en grand nombre, mais tous du parti patriote, ie Ténébreux mystère de cette procédure inouïe. Le sieur Palmade a cru couvrir sa contravention, en alléguant, dans le préambule de l'information, qu’il a sommé la municipalité de lai ad-inini trer des adjoints, mais il ne prouve pas ces sommations prétendues. Il est aisé de voir que puisqu'il a trouvé des adjoints pour ia plainte, il ne s’en est passé [jour les brief intendit, et l’information, que parce qu’il voulait instrumenter tout seu i . Remarquons que le sieur Palmade est le camarade du maire dans le commissariat pour la distribution de la Boulbone ; qu’il est un des électeurs nommés à la faveur du ce manège; qu'il est chef d’un de ces clubs éthiopiens que la municipalité avait dissipés, et que le directoire a rétablis; qu’il est un des mignons de cette autorité despotique; que c’est chez lut que les conspirateurs se reniîent en foule, et que les complots ont été tramés. Eh bien ! Messieurs, c’est ce même Palmade qui, à l’exemple de Boucher d'Argis, a Orê décréter au corps, sur celte procédure monstrueuse, deux capitaines de la guide nationale; et c’est l’exécution atroce de ces décrets qui a causé dans Pamiers le carnage et la désolation. Les patriotes ignoraient le secret de ces conspirations juridiques, mais il sortait de ce voican quelques vapeurs qui en présageaient l’explosion. On imagina, pour se garanti!, de réda n r le. bous offices des corps administratifs de Toutous • ; ils furent attendris sur le danger de leurs voisins. Des commissaires furent envoyés à Pamiers pour y concilier les esprits. C’est ici, Messieurs, que je contiendrais difficilement les sentiments d’horreur dont mon âme est glacée; le sang de mes concitoyens enflamme mon courage et, presse mon indignation. Que n’ai-je, pour la faire passer dans vos cœurs, cette éloquence mâle et touchante, ce don divin de la parole qui donne tant de force à la vérité, et qui commande au sentiment! Ah! si je n’ai pas ce talent sublime, j’ai du moins la candeur et la véracité d’une âme sensible, et le feu sacré du patriotisme embrase jusqu’aux derniers replis de mou cœur et ne ma conscience. L’art ivée des commissaires médiateurs est à peine annoncée dans la ville et à son de trompe, que les officiers de la légion courent au-devant d’eux pour les accueillir. Un peuple curieux se rassemble, la joie publique se "manifeste, le doux espo r du calme et de la paix imprime sur tous les visages ia sérénité d’un beau jour. Eh bien, Messieurs, c’est au moment où ces amis officieux allaient descendre de voiture, au moment où leurs frères d’armes volent dans leurs bras pour les embrasser, c’est dans ce moment!... vous allez en frémir!... c’est dans ce moment où ce coupable maire donne le signal du carnage. Toutes les brigades, qui étaient amoncelées dans une maison voisine de la messagerie, accourent à cheval autour de leur voiture; on y saisit les deux frères Guilliard, ou les lie sur un cheval, on les charge de chaînes, on leur serre les pouces comme à des prévenus qu’on va pendre. Le peuple s’attroupe. On se demande quel est le sujet de ce barbare traitement ? Quel est l’ordre? Quel est le décret? En quel lieu on entend conduire ces citoyens ? Les cavaliers gardent ie plus morne silence. L’œil farouche, le sabre nu, ils fendent la foule indignée. Les sieurs Gailhard ne font aucune résistance. Ils offrent de subir les humiliations dont on les accable. Ils prient seulement qu’on les amène vite pour prévenir tout acculent. Mats où voulait-on, Messieurs, les amener? Pense-t-on que cest dans les prisons de la sénéchaussée qui a décrété? Point du tout; c’est dans la tour de Foix, dans un de ces monuments gothiques du despotisme féodal, dont les créneaux, les gril es et les verrous sinistres insultent à notre Constitution nui sante; dans une bastille enfin, dont ie directoire que vous avez créé ose remplir l’office tyrunœque de porte-clef. Cependant la foule grossit, le murmure augmente; un citoyen s’avance sans armes, et porte la parole aux brigades. ËtT-ee là, Messieurs, ce que vous nous aviez promis? Vous n’étiez ici, disiez-vous, que pour protéger la paix des citoyens; vous annonciez que vous n’attenteriez point à leur liberté, et cependant vuüs enlevez sans ordre légal, sans intimation de décret, les plus ardents et les plus chéris de nos patriotes? Arrêtez; de grâce arrê ez ! La réponse de ce brigadier fut (je frémis, Messieurs de vous l’annoncer) de tirer un pistolet d’arçon, et de casser la tête à ce généreux citoyen. Ou ne peut concevoir quelle fut alors la fureur du peuple. Les femmes remplissait leurs tabliers de pierres, les faisaient voler sur les cavaliers. Un piquet de ha garde nationale arrive; on tire 703 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 décembre 1790.] sur le brigadier assassin qui tombe mort aux pieds de sou cheval. Le commandant de la maréchaussée ordonne de tirer sur le peuple; beaucoup de personnes sont blessées : un citoyen est mort de sa b essure. Cependant lis cavaliers promeut l’épouvante; ils se réfugient dans une caserne, d’où ils tirent encore par les fenêtres; le peuple veut y mettre le feu, mais la municipalité arrive; ou pub ie une proclamation, et l’attroupement est dispersé. On engage la maréchaussée à se retirer : ie commandant refuse à moins d’une réquisition du maire; celui-ci ne veut pas d’abord la donner; il y consent enfin; mais, craignant pour sa vie, il prend la fuite avec son frère et son cousin ; ils escaladent les remparts, et vont se réfugier à Foix, auprès du directoire qui les protège. Cette émigration apaisa la fureur du peuple; il fut convenu que les mousquetons des cavaliers et les fusils de la garde nationale seraient déchargés avec un tire-bourre, et que les brigades se retireraient de la ville. Certains tardèrent trop à s’en aller, soit par la peur d’être assaillis, soit pour rassembler leurs effets; il y en eut quelques-uns de blessés dans des rues détournées, mais il n’y a que le brigadier qui soit mort; et la plus parfaite tranquillité règne dans la ville depuis cette cruelle époque. Tel est, Messieurs, le rapide aperçu de cette scène douloureuse. J’épargnerai à votre âme sensible les terribles détails qui me sont parvenus : les projets sinistres dont elle n’était que l’avant-courcur font dresser les cheveux. Il ne s’agissait pas moins que d’égorger les patriotes l’un apiès i'aulre : le prix de chaque tête était un marché convenu. Vous m’excuserez, Messieurs, de finir ici ce récit déchirant, si je vous dis que mes enfants étaient du nombre des proscrits et des victimes désignées. J’interroge les entrailles de ceux qui ont le bonheur d’être pères. Le directoire, instruit de ces malheurs, prit le parti de convoquer à Foix un député de chaque garde nationale. On a prêté à ce directoire l’intention de réunir ces forces contre la légion de Pamiers, de maintenir à main armée l’execution de ses ordonnances de venger les transfuges, et de proléger leur retour. Quoi qu’il en soit, il fut délibéré par ces députés réunis de donner pouvoir aux corps administratifs et à la garue nationale de Toulouse, d’envoyer des commissaires pacificateurs, et ce parti fut universellement adopté. Ceux-ci ont procède à celle commission, et vous ont envoyé, Messieurs, ci ans un procès-verbal, et dans une lettre plus significative encore, le résultat de leur opinion et ne leur entremise. Les torts du maire sont si graves, si multipliés, si authentiquement établis; il a si ouvertement forfait à la Constitution, qu’il n’y a pius qu’à le renvoyer aux juges pour lui infliger la punition qu’il a méritée. La conduite du directoire est aussi irrégulière qu’attentatoire à vos décrets; je ne la taxerai point de collusion, j’aime à me persuader qu’il a été induit en erreur. L’ot licier commandant la maréchaussée n’est pas exempt de blâme, si on considéré b s variantes et les disparates de ses procès-verbaux, et la barbarie de l’arrestation. Quant à la conduite du sieur Palmade, c’est aux parties qui s’en trouvent greveesa la dénoncer, comme elles aviseront peut-être à faire; mais on ne peut dissimuler que cet olficier a fait le procès à la Révolution, qu’il a contrevenu à vos décrets en enveloppant des ombres du mystère une procédure qu’il n’aurait osé faire au grand jour, en y api étant des témoins dont il connaissait la partialité : par où il s’est montré suspect de l’avoir pariagée. A l’égard de la distribution du vacant, je croirais inutile de qualifier ce vil artifice; le motif en est bas et rampant, puisqu’on a voulu conquérir par là le suffrage du peuple, qui doit être le prix du mérite et de la vertu. Vous voyez donc, Messieurs, que cette affaire est des plus graves, qu’elle est digne de toute voire sollicitude. On y voit un plan bien dessiné de contre-révolution et de carnage. D’un cô'é, l'artifice des prêtres coalises avec le grimoire des gens de plume, de l’autre des complots nocturnes, des associations ténébreuses, des apprêts et des rassemblements hostiles : d’une part, on désarme les patrrnt s; de l’autre, on met dans les mains de leurs ennemis des pbtolets, des sabres et des munitions; pendant qu’on disperse ceux-là, on s’efforce de giossir le nomtre de ceux-ci. G>' n’est pas tout : d’infâmes procédures sont tramées; des lémoins suspecis y souillent le papier des immondices de leur âme et du venin de leurs passions; partout on aperçoit les traces de la calomnie et de ia vengeance. La sérié de ces machinations offre un tableau mouvant de toutes les passions h imaines: la sévérité des lois doit en ariêter enfin le torrent. Ce n’est que par des exemples frappants qu’on peut fondre la croûte des préjugés, et tarir la source impure qui les elimente. C’est à la racine de l’arbre qu’il faut enfin poser la cognée; si vous ne Irancbez dans le vif, n’espérez point, Messieurs, d’exterminer ces hannetons voraces et ces chenilles venimeuses qui corrodent les fruits de vo're liberté et de votre régénération bienfaisante. Frappez, il est temps, sur ce colosse antique et malfaisant; arrachez ce bois parasite qui a dévoié si longtemps la sève de l’arbre de vie, et qui en a desséché le suc nourricier. Que le soleil de la j stice, le tlambleau de la vérité et de la raison, absorbent à jamais la lueur mensongère du fanatisme et les vapeurs de la superstition. Que tout tremble, que tout se prosterne devant la loi, et que la loi seule soit ie véritable trein des coupables, et la sauvegarde des gens de bien. Je conclus, Messieurs, à ce que le projet de décret qui vous est, présenté par votre comité des rapports soit adopté, avec cet amendement que la connaissance des abus et extensions d’autorité imputes au maire de Pamiers soit attribuée aux juges du district de Toulouse. M. Foucault demande l’impression de ce discours. Cette motion n’est pas adoptée. M. le rapporteur donne une nouvelle lecture du projei ue uecret soumis a la discussion. Un membre propose de désigner dans le décret le tribunal qui connaîtra de cette al faire. Cet amendement est adopié par M. le rapporteur, et la connaissance de cette aflaire est renvoyée par-devant lesjuges du district de Toulouse. Quelques membres demandent laqu