SÉNÉCHAUSSÉE DE BREST Nota. Le clergé et la noblesse de Bretagne refusèrent de députer aux États généraux. Voyez plus loin: Sénéchaussée de Saint-Brieuc . PROCES-VERBAL De l’assemblée générale du tiers-état de la sénéchaussée de Brest , et cahier commun de doléances tant des villes que des campagnes de ce ressort , des 7 et 8 avril 1789, pour servir à la députation du tiers-état de ladite sénéchaussée à la convocation des Etats généraux du royaume , fixée à Versailles le 27 dudit mois d’avril (1). Du mardi 7 avril 1789, assemblée générale du tiers-état de la sénéchaussée royale de Brest, convoquée en exécution d’ordonnance rendue le 23 mars dernier, laquelle assemblée a été présidée par nous, messire Olivier Bergevin de Los-coat, conseiller du Roi, son sénéchal, premier magistrat civil, criminel et de police en ladite sénéchaussée, ayant pour secrétaire à ladite assemblée M. Yves-Marie Mazé, greffier en chef de ladite sénéchaussée, en la salle du couvent des révérends pères carmes de cette ville. Présent M. le procureur du Roi. M. le procureur du Roi raconte que pour se conformer à la volonté du Roi, manifestée par sa lettre pour la convocation des Etats généraux du royaume, fixée à Versailles au 27 avril présent mois, et aux règlements des 24 janvier et 16 mars dernier, adressés au siège par M. le comte de Thiard, le 17 dudit mois de mars, et en exécution de l’ordonnance de M. le sénéchal dudit siège, du 23 dudit mois de mars, qui ordonne que l’assemblée du tiers-état de cette sénéchaussée se tiendrait ce jour et autres suivants, huit heures du matin, où tous ceux qui auraient droit de s’y trouver seraient tenus de s’y rendre, munis de leurs pouvoirs, et qu’il serait procédé à la convocation desdits députés, à laquelle fin nous ferions assigner les maires, échevins et autres officiers mu-cipaux des villes, bourgs, villages et communautés situés dans toute l’étendue du ressort, par un huissier royal, en la personne de leurs greffier, syndics, fabriciens, préposés et autres représentants; en conséquence ledit procureur du Roi requiert : Qu’il nous plaise à lui décerner acte de la représentation qu’il fait à l’endroit des originaux desdites assignations, qu’appel soit présentement fait des différents députés électeurs, qu’il leur soit ordouné de déposer leurs pouvoirs et cahiers de doléances et que défaut soit donné vers les non comparants, et a signé sur la minute, Bergevin fils, procureur du Roi. Nous avons décerné acte de ladite remontrance, dépôt en l’endroit fait par M. le procureur du Roi des assignations par lui données aux maires , échevins et autres officiers municipaux des villes, bourgs, villages communautés situés dans l’étendue du ressort de la sénéchaussée, et l’appel fait des députés (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. lre Série. T. II. électeurs des différentes villes, paroisses et trêves, avons décerné acte de ce que Yves LeGoff, Pierre Quemeneur, députés de Saint-Marc, paroisse de Saint-Louis de Brest ; les sieurs Almaric, avocat, Mevel, Bourgaran, notaires, et Hamon, chirurgien, députés, de la ville et paroisse de Saint-Renan; les sieurs Jean Pravart, Pierre Greach, avocat, Thomas, négociant de Largouarch, députés de la ville du Gonquet ; Réné Floch et Réné Menguy, députés de Lochrest ; Noël Le Guranic, Mathias Perrot et Jean Perrot, députés de Piougonvelen; Vincent Masson et Louis Le Guicher, députés de l’île de Molêne ; Michel Bon et Martin Bertélé, députés de l’île d’Ouessant ; maître César-Marie Lehir, avocat, François Kouanton et Jean Gabon, députés de Ploudalmezeau ; François Jacob et Olivier Galvarin, députés de Saint-Pabu; maître Greach, avocat, et Jean Le Durant, députés de Saint-Mathieu, ont remis entre les mains de notre secrétaire les pouvoirs et cahiers de doléances de leurs villes, paroisses et trêves, de ce que lecture a été faite du tout. Sur ce qu’il est midi sonné, nous avons renvoyé à deux heures de relevée pour la continuation, et le requérant, MM. les électeurs et citoyens, avons fixé rassemblée à la chapelle de la congrégation de cette ville, attendu que la salle où nous sommes est trop peu spacieuse pour contenir les députés des villes et de la campagne. Fait et arrêté sous notre seing et celui de notre secrétaire, ainsi signé sur la minute, Bergevin.de Loscoat, sénéchal de Brest, et Mazé, secrétaire greffier. Qu’aux deux heures de relevée dudit jour 7 avril 1789, nousdit sénéchal, en vertu et conformément au renvoi de notre procès-verbal du matin de ce jour, nous sommes, en compagnie de M. le procureur du Roi, ayant avec nous pour secrétaire le soussigné, greffier de notre sénéchaussée, rendus en la chapelle de ta Congrégation, où étant, nous avons, sur les réquisitions dudit sieur procureur du Roi, ordonné de faire présentement appel de MM. les députés électeurs qui n’ont pas encore été évoqués pour exhiber leurs pouvoirs et représenter leurs cahiers de doléances, d’après lequel appel avons décerné acte de ce que les sieurs Jean Perron et Nicolas-François Lehir, Guillaume Roscougar et Charles Toby, électeurs de la paroisse de Saint-Pierre Quibilguon; FrançoisLouzaouen, Jean Gourmelon, Yves Ragueus, Jean Jestin et Hervé Rivoal, électeurs de Plouzané et Lamaria sa trêve ; Sébastien Nedellec et Yves-François Le Mogue, électeurs de la paroisse de Térébabu ; François Leostic et Laurent Perrot, électeurs de la paroisse de Plou-mogues ; Joseph Deniel, Nicolas Mengant, électeurs de Lampert, trêve de Pioumogues; Pierre Larnaur et Jacques Kucaïdic, électeurs de Plouar-zel; Pierre Le Brevet et François Halleguen, électeurs de la paroisse de Lambaul-Plouarzel ; les n sieurs Ildut Mayot et Budoc-Marie-Prate, électeurs 30 466 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Brest.] deLanildut;Yves Brenterch, Jacques Corne, électeurs de Landunve; Tangui Lostic et Yves Kouan-ton, électeursde Plourin; Joseph Galvarin et Henri Leaustis, électeurs de Lambaul-Floudalrpezeau; JérômeLe Vaillant et François BalJoré, électeursde Plouguin ; Réné Mevel, Joseph Gestin, Guillaume Leal et Pierre Gren, électeurs de Guipavas ; Hervé Le Mailloux, Claude Prigent et Pierre-Marie Nicol, électeurs de Milizac; Jean-Nicolas Le Fourn et Yves Jollé, électeurs deGuiprovel, trêve de Milizac; Yves Mailloux, Guillaume Le Cail, Guillaume Nicol et Félix Quentel, électeurs de Lambezellec ; Jean Quemeneur et Jean Laloire, électeurs de Lami-voaré; Hamon, Pallier et Guillaume Tallarmoin, électeurs de Guiler; François Kmogant et Pierre Quillivéré, électeurs de Bohars, trêve de Guiler; Gouesmon Bauguen et François Gorre, électeurs de Gouesmon; Jean-Marie Azur et Jean-Anne Le Bris, électeurs de Koatmeal ; Guillaume Gestin et Jean-Marie-Michel Gare, électeurs de Treglanou; Allain L’Abbé et Réné Kboul, électeurs de Treouescat, et finalement de la présence de MM. Gillart, Le Gendre, Le Brousort-Bersalle, Guilhem fils aîné, Demou-treux, Guesset, Malassis, Rion de Kallet, Billart, Blad, Branda, Marée, Kérillis de Brichet, Callot, Bérenger, Tourot, Sabathier, Le Ru aîné, Guesnoin, Baron père, Daniel Du Calhoé, Siviniant, Lescan, Le Gouet, Piriou, Bermond, Dubove Le Moine, et Laligne représentant M. Rivoal, en vertu de sa procuration de ce jour, les trente électeurs de la ville de Brest ont remis entre les mains de notre secrétaire les pouvoirs et cahiers de doléances de leurs villes, paroisses et trêves, de ce que la lecture en a été présentement faite, pareil acte de ce que lesdits députés électeurs, ayant la main levée chacun séparément, ont promis et juré par serment de se bien et Fidèlement comporter en leursdites qualités, et sur la réclamation générale de MM. les électeurs et citoyens, MM. Gil-lart, Le Gendre, Siviniant, Creach, Almaric, Le Hir et François Langaouen, ont été nommés commissaires pour rédiger le cahier commun des doléances du tiers-état tant des villes que des campagnes du ressort de la sénéchaussée. Attendu qu’il est neuf heures sonnées aux horloges de cette ville, avons renvoyé la continuation à demain huit heures du matin. Fait et arrêté sous notre seing, celui du sieur procureur du Roi et celui de notre secrétaire, ainsi signé sur la minute, Bergevin de Loscoat, sénéchal de Brest; Bergevin, procureur du Roi, et Mazé, secrétaire greffier. Aux huit heures du matin de ce jour 8 avril 1789, nousdit sénéchal , nous sommes, en compagnie de M. le procureur du Roi, ayant avec nous pour secrétaire le soussigné greffier de la sénéchaussée, rendus jusqu’en la chapelle de la congrégation de cette viile, où étant, avons, du consentement unanime de toute rassemblée et du sieur procureur du Roi, nommé pour scrutateurs MM. Piriou et Baron père, les deux électeurs de la ville de Brest, Yves Le Mailloux, l’un des électeurs de la paroisse de Lambezellec, et Hervé Rivoal, l’un des électeurs de la paroisse de Plouzané ; avons ordonné qu’appel soit présentement failde MM. les électeurs députés, tant des villes que des campagnes, afin de donner leurs voix au scrutin pour parvenir à l’élection de deux députés pour le ressort de la sénéchaussée; en conséquence duquel appel, tous et chacun de MM. les députés, tant des villes que de la campagne, au nombre de cent-dix-sept, ont porté leurs billets, au scrutin, lesquels numérés et vérifiés par MM. les scrutateurs, en la manière indiquée par les règlements de Sa Majesté, se sont trouvés aunômbre juste, etM. Le Gendre, avocat en Parlement, demeurant à Brest, ayant eu soixante-huit voix, et par conséquent la majorité, a été élu et proclamé député. Ensuite il a été procédé à un scrutin pour l’élection d’un second député, et tous les électeurs, tant des villes que des campagnes, ayant porté leurs billets au scrutin, le nombre en ayant été vérifié par lesdits scrutateurs et trouvé de cent dix-sept, et par conséquent en même nombre que les électeurs, les scrutateurs les ayant ouverts, ont annoncé que qui que ce soit n’avait la quantité de voix nécessaire pour être député; au-dessus de quoi, le requérant M. le procureur du Roi, avons fait brûler les billets de ce premier scrutin et ordonné qu’il soit procédé à un second. Tous les députés électeurs ayant porté de nouveau chacun un billet dans le vase destiné à les recevoir, les scrutateurs les ayant énumérés, ont annoncé que le contrôle était juste, et après avoir ouvert les billets et les avoir vérifiés, ils ont annoncé que personne n’avait la majorité des voix nécessaire pour être proclamé député ; mais que MM. Mayot et Gillard étaient ceux qui avaient le plus de voix ; que M. Mayot en avait quarante-trois et M. Gillard, trente-quatre; au-dessus de quoi, le requérant le procureur du Roi, avons ordonné que les billets soient brûlés, ce qui a été fait, qu’il serait procédé à un troisième scrutin et que MM. Mayotet Gillard seraient les seuls concurrents. Les députés électeurs ayant pour la troisième fois porté leurs billets au scrutin, à l’exception de MM.jGillard et Mayot, concurrents, les scrutateurs, après avoir vérifié lesdits billets, ont annoncé qu’ils étaient au nombre de cent quinze, et que le contrôle était juste, et après avoir ouvert lesdits billets, les scrutateurs ont déclaré à haute voix que le sieur Mayot avait soixante et onze voix, au-dessus de laquelle majorité il a été élu et proclamé député. Et conformément à la demande faite par MM. les électeurs de Brest d’avoir un député de supplément, pour substituer en cas de maladie ou de mort de l’un des députés élus, et à la charge de fournir à ses dépens, les députés électeurs de la campagne ont adhéré à ladite demande avec offre de contribuer à la dépense; en conséquence, le consentant M. le procureur du Roi, nous avons, sous le bon plaisir du Roi, ordonné que l’élection dudit député aurait lieu, et attendu qu’il est près de deux heures, nous avons renvoyé la continuation de la présente assemblée à quatre heures de cet après midi, sous notre seing, celui du procureur du Roi, ceux des sieurs Le Gendre et Mayot, députés élus, et celui de notre secrétaire. Ainsi signé sur la minute, Le Gendre, Ildut Mayot, Bergevin fils, procureur du Roi; Bergevin de Loscoat, sénéchal de Brest, et Mazé, secrétaire greffier. Et advenu les quatre heures de relevée de ce jour 8 avril 1789, nous, sénéchal, nous sommes, en compagnie de M. le procureur du Roi, ayant pour secrétaire le greffier de la sénéchaussée, rendus en la chapelle de la Congrégation, où étant, avons, le requérant M. le procureur du Roi, procédé au premier scrutin pour l’élection du député suppléant. MM. les électeurs, tant des villes que des campagnes, ayant porté leurs billets dans le vase destiné à les recevoir, MM. les scrutateurs, après avoir fait la vérification desdits billets, ont annoncé qu’ils étaient au nombre de cent dix-sept et, ouverture faite desdits billets, ont déclaré à haute voix que personne n’avait la quantité de voix suffisante pour être proclamé député; le requérant M. le procureur du Roi, avons ordonné que lesdits billets seraient brûlés, ce qui a été fait, et qu’il serait procédé à un second scrutin pour l’élection du député suppléant. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénééhaussée de Brest.] 407 MM. les députés électeurs ayant pour la seconde fois porté leurs billets au scrutin, MM. les scrutateurs, d’après la vérification faite, ont annoncé que le nombre était juste et, après en avoir fait l’ouverture, ont déclaré à haute voix que personne n’a la quantité de voix nécessaire pour être élu député, mais que M. Amalric, avocat à Saint-Renan, avait cinquante-six voix et M. Gillard, avocat à Brest, trente-quatre; en conséquence, le requérant le procureur du Roi, avons ordonné que les billets seraient brûlés, qu’il serait procédé à un troisième scrutin, que MM. Amalric et Gillard seraient les seuls concurrents. En l’endroit, M. Gillard a déclaré ne vouloir plus concourir et a signé sur la minute, Gillard. MM. les électeurs de la ville de Brest ont déclaré ne plus vouloir de député suppléant et les députés de campagne ont aussi adhéré à cette déclaration, de laquelle nous avons décerné acte à valoir et servir ce qu’il appartiendra ; pareil acte de ce que M. Le Gendre etM. Mayot, députés élus pour les Etats généraux ont déclaré accepter la députation, de ce que, ayant la main levée chacun séparément, ils ont promis et juré de se bien et fldèlemen t comporter en ladite qualité. Et enfin avons décerné acte de ce que le cahier commun de doléances du tiers-état de la sénéchaussée ayant été rédigé et lu, il a été unanimement approuvé de tous les électeurs, de ce qu’ils ont signé avec nous les deux minutes ; pareil acte de ce que tous les membres de l’assemblée ont déclaré donner à MM. Le Gendre et Mayot tous pouvoirs généraux et suffisants pour proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qu’ils croiront être utile, tant au bien de l’Etat, qu’à l’intérêt de l’ordre du tiers, et définitivement avons décerné acte de ce qu’il a été remis auxdits députés une minute du cahier commun de doléances, et une minute du présent procès-verbal, pour être présentées aux Etats généraux qui doivent se tenir à Versailles le 27 de ce mois. Fait et arrêté en la chapelle de la Congrégation, sous notre seing, celui de M. le procureur du roi; ceux de MM. Le Gendre et Mayot, députés; ceux de MM, les électeurs, et celui de notre secrétaire ; ainsi signé sur La minute le Gendre, Ildut Mayot, Le Goués, Malassis, Daniel Du Calboé, Guilhem aîné, Duret, Le Baron père, Siviniant, Le Sean, Le Ru, Tourot, Callot, Bérenger, Bermond Le Hir fils, Du-boye, Guesnoin, Marie Bersalle, Le Brousort, Gillard, Guesnet, Blad, Sabathier, Brichetde Kerillis, Demoutreux, Branda , Rion de Kal I et, Piriou Billard, Quémeneur, Le Moine, Hamon , Yves Le Goff, La-ligne pour Rivoal, Nevel, Amalric, avocat; Bourga-ran, Jean Pravost,Greach, Largouarich Guillaume-Thomas, Noël Le Guerranie, Efluch, Réné Menguy, Mathias Perrot, Bon Bertélé, Masson Guicher, François Kouanton, Jean Gabon, Jacob Galvarin, Jean Durant, Jean Perron, Nicolas-Frar�ois Le Hir, Guillaume Roseongar, Toby, Jean ’ Gourmelon, Yves Ragueues, François Lezouanen, Jean Jestin, Rivoal, Nedellec, Yves-François de Mogue, Leos-tic, Perrot, Joseph-Daniel-Nicolas Mengant, Pierre Lamour Kermaidic, Pierre Le Dreves, François Alle-guen, Prat, Breuterch, Jacques Corris,Jean Jacob, René, Thepaut, Quémeneur, Yves Basil, Corric, Yves Kouanton, Galvarin, Léostic, Leaustis, Jérôme Le Vaillant, Bolloré, Mevel, Gestin, Guillaume Léal, Pierre Gren, Hervé Mailloux, Claude Pri-gent, Kerboul, L’Abbé, Pierre Nicol, Le Mailloux, Guillaume Cail, Nicole, Quentel Fourne, Pallier Ta-larucein, Kermorgant, Quillivéré, Gouesnon Bou-uen, François Gorre, Azur, Jean-Anne Le Bris, uillaume Gestin, Jean-Michel Garo, Bergevin fils, procureur du Roi ; Bergevin de Lascoat, sénéchal ae Brest, et Mazé, greffier, secrétaire. CAHIER COMMUN Des doléances et représentations des différents corps et corporations composant le tiers�état de la ville de Brest. C’est pour affermir sùr des bases solides le bonheur de la nation, que le Roi a résolu de réunir les Etats généraux ; c’est pour rendre la monarchie française aussi florissante au dedans que respectable au dehors, qu’il a daigné convoquer cette auguste et solennelle assemblée. Pour les mettre à portée de jouir des avantages inestimables qu’ils ont droit d’en attendre, Sa Majesté, dans sa sollicitude paternelle, a voulu que tous ses sujets sans distinction fussent autorisés à faire leurs griefs et doléances auprès des Etats généraux et à en solliciter le redressement ; elle a dans cette vue fait publier les diverses lois émanées récemment de son conseil, et auxquelles les trois ordres de l’Etat s’empressent, en ce moment, de se conformer* Les députés des communautés, corps et corporations de cette ville ayant, en conséquence de l’article 26 du règlement du 24 janvier dernier, apporté à l’assemblée qui a eu lieu le 3 du présent mois les différents cahiers particuliers de leurs commettants, il a été procédé, par les commissaires nommés à cet effet, à la rédaction de tous ces cahiers en un seul, destiné à exprimer le vœu général du tiers-état de la ville de Brest. Pour remplir cet objet avec une sorte de satisfaction, l’espace trop court du temps et la multiplicité comme l’importance des objets n’ont paru permettre d’autre moyen plus convenable que celui de saisir l’esprit général des diverses énonciations éparses dans tous les cahiers, et de réunir sous un même point les pétitions unanimes ou relatives dans la direction qu’elles ont vers la cause et le but des Etats généraux. Ges doléances principales ainsi concentrées, ce! les particulières , et par conséquent moins intéressantes, mais cependant dignes de considération, ont été isoléesaela base fondamentale et reléguées à la suite de l’œuvre. C’est sur ces principes indiqués et adoptés par la majorité de l’assemblée que le présent cahierva être rédigé, et rempli, ainsi qu’il suit. DOLÉANCES GÉNÉRALES. Etats généraux. Les Etats généraux, dans la forme de leur composition actuelle, délibéreront par tête dans tous les cas, et pour établir celte décision préliminaire de la plus haute importance, la délibération aura lieu individuellement et sans distinction d’ordres. Quoique, pour l’ordre et la facilité du travail, il devienne nécessaire d’établir des bureaux ou commissions particulières, le résultat sera toujours rapporté à l’assemblée générale 'et pour être, sur tous et chacun des objets, opiné dans la forme prévue ci-dessus. La décision ne pourra jamais être conférée ou référée à un nombre quelconque de commissaires ou commissions, mais devra toujours être prononcée par les Etats généraux assemblés, à une majorité de voix invariablement déterminée par la proportion de cinq à deux. Les bureaux ou commissions particulières seront composés sur les mêmes bases que les Etats généraux pour ce qui concerne les qualités de leurs 468 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Brest.] membres, et de manière que la moitié soit toujours prise dans le tiers-état. Il paraît essentiel que les Etats s’occupent d’abord de déterminer de la manière la plus précise et de sanctionner dans la plus grande efficacité les lois constitutionnelles et fondamentales du royaume, la puissance législative de la nation, l’administration générale ou le pouvoir exécutif, le règlement et la distribution des dépenses de l’Etat dans leurs différentes branches, la comptabilité et la responsabilité des ministres et autres objets de première importance, toutes lesquelles opérations devront être arrêtées dans l’assemblée et présentées au Roi, pour être, par Sa Majesté, vérifiées et successivement approuvées avant que les Etats puissent donner leur consentement à l’impôt. Le retour périodique des Etats généraux sera fixé à dix ans, et néanmoins, pour réparer les erreurs ou omissions et suppléer au défaut de certaines prévoyances qui auraient échappé à l’assemblée actuellement prochaine, celle immédiatement successive sera convoquée en cinq ans, 22 avril 1794. Pour l’intervalle desdites deux assemblées, il sera créé une commission représentative de la nation, laquelle sera chargée de prendre provisoirement les résolutions sur tous les doutes, interprétations et difficultés élevés ou qui pourront s’élever relativement à l’intelligence d’aucun article de la délibération générale. Cette commission intermédiaire, qui sera organisée sur le modèle des Etats généraux, tant pour le nombre proportionnel de ses membres de chaque ordre que pour le mode d’opiner, pourra convoquer lesdits Etats extraordinairement et avant le laps de temps périodique, au cas de péril de la chose publique, ou de besoin inattendu, soit d’un emprunt ou de la création d’un nouvel impôt. ORGANISATION FUTURE DES ETATS GÉNÉRAUX. A l’avenir, les Etats généraux ne seront composés que de deux ordres seulement, l’un des privilégiés, l’autre des non privilégiés. Le premier comprendra tous les individus d’extraction noble quelle que soit leur profession dans la société ; Je second tous les individus de naissance roturière, indistinctement ; le clergé ne sera plus en conséquence considéré comme un ordre distinct. Le rang qu’il a obtenu jusqu’à présent dans la hiérarchie civile n’étant évidemment qu’une simple prérogative attachée à l’importance de ses fonctions, il n’y aurait pas plus de raison de conférer le privilège d’un ordre particulier dans l’Etat à la profession du ministre des autels, qu’au métier des armes, à la magistrature, au commerce, à la finance ou aux autres professions quelconques que la nécessité de prévenir tout genre de divisions intestines ne permet pas d’ériger en ordres distincts et séparés. Mais pour établir une juste balance entre les deux ordres, dans l’Assemblée nationale, il convient que l’égalité numérique ne soit pas la règle de la représentation, attendu que le premier ordre réunissant par la naissance, les dignités personnelles et les richesses, tous les moyens d’obtenir la plus grande influence dans les délibérations, il serait aussi peu équitable que dangereux de n’opposer à chacun des votants privilégiés qu’un membre pris dans la classe à laquelle sa manière d’être dans l’ordre social refuse tous les moyens d’équilibre; pour ces considérations et pour celle qui naît de la différence prodigieuse de la population respective des deux classes, il sera ordonné que désormais l’ordre des non privilégiés sera représenté au moins en nombre double de l’ordre des privilégiés ; que les délibérations continueront d’être prises par tête, et que la majorité dés voix sera déterminée par le rapport ci-dessus énoncé. Le règlement du 24 janvier 1789 pour la convocation actuelle offre des inégalités que le cours impérieux des choses ne permet pas de redresser, quant à présent, par rapport au terme pressant de l’élection des députés ; mais il sera observé dans les convocations futures de ne pas accorder aux paroisses de campagne, sur les villes, une prépondérance de nombre d’électeurs de soixante-dix à trente, et même plus, qu’il paraît avoir été suivie en général dans les dispositions dudit règlement. Cette distribution de pouvoir ne doit être déterminée que par deux motifs, ou par la règle de la plus grande population, ou par le rapport de la capacité des personnes ; et d’un côté la plupart des villes égalent au moins si elles ne surpassent pas le nombre des habitants de la campagne, composant l’arrondissement des sénéchaussées, et d’un autre côté, les habitants des villes, plus propres par leur éducation à faire un choix éclairé, sont en même temps moins sujets à l’erreur ; en . conséquence le nombre des électeurs sera désormais égal, pour le moins, dans les villes et les campagnes et ils ne pourront être pris, non plus que les députés, dans les nobles ou anoblis. L’assemblée formée supprimera tous les impôts actuels pour les recréer sur-le-champ, et. être perçus comme ils l’ont été par le passé, toutefois pour n’avoir lieu que pendant la durée des Etats généraux seulement, en sorte que si, par quelque événement, ces députés venaient à se dissoudre, les impôts cesseraient avec eux. LOIS FONDAMENTALES. Il sera rédigé une charte générale, portant comme lois fondamentales et constitutionnelles du royaume : 1° Que la loi salique et la succession héréditaire à la couronne recevront une nouvelle confirmation pour consacrer l’hommage de la nation et son inviolable attachement à la famille régnante et au souverain bienfaisant qui s’est si essentiellement occupé du bonheur du peuple français ; 2° Qu’à la nation seule appartient le droit d’établir et sanctionner les lois et les impôts ; 3° Que la liberté individuelle sera garantie à tous les Français indistinctement, qu’on ne pourra y apporter aucune atteinte, sous les peines les plus graves, que l’usage des lettres de cachet, et même de tous mandements coactifs à la suite de ha cour et des cours souveraines, toute détention, les exils et emprisonnements de la part du prince ou sous son nom, et toute déportation dans les colonies seront abolis, et que les ministres, magistrats supérieurs et agents quelconques du gouvernement qui se serviront de ces moyens odieux d’exercer le pouvoir coercitif, soient poursuivis extraordinairement et dénoncés à la nation comme violateurs des lois constitutives sur lesquelles repose la sûreté publique; 4° Que la propriété sera respectée et que le possesseur ne pourra en être déchu, pas même pour raison du bien public, à moins qu’il n’en soit dédommagé au plus haut prix, et le remboursement exécuté en l’endroit du contrat d’éviction. CLERGÉ ET RELIGIEUX. Selon les principes les plus constants, plus gé- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES;. [Sénéchaussée de Brest.] 469 néralement avérés de la religion, de la philosophie et de la saine politique, les ecclésiastiques ne peuvent ou au moins ne doivent avoir aucune attache aux choses temporelles; leur ministère, pour remplir sa véritable destination, doit donc être rappelé à son institution primitive, qui ne leur donne d’influence que sur les objets particulièrement consacrés au service divin et concernant les matières purement spirituelles. En conséquence, le clergé et en général tous ceux qui, dans l’état actuel, sont censés former le premier ordre de la société, demeureront déchus de cette prétention aussi incompatible au vœu d’humilité et de désintéressement qu’ils professent qu’à la bonne constitution du royaume; mais ils continueront à avoir la direction des objets purement spirituels et relatifs à la religion, ils rempliront non-seulement toutes les fonctions du saint ministère, mais seront chargés spécialement du maintien des dogmes de la foi et de la morale chrétienne. Ils n’auront aucune espèce de juridiction contentieuse ni correctionnelle sur les gens étrangers à leur caractère, mais ils pourront dénoncer aux tribunaux de la nation les infractions en tout genre aux lois ecclésiastiques, et ces tribunaux prononceront vers les coupables qui en seront convaincus les réparations légales. Les ecclésiastiques et religieux conserveront, sur leurs membres la discipline constitutionnelle, pour ce qui concerne les fonctions du saint ministère et la morale chrétienne; mais dans toutes les occasions où ils auront porté du trouble et causé des désordres criminels contre la société civile, ils seront justiciables des tribunaux ordinaires et soumis aux peines légales comme tous les autres citoyens. Dans ce cas il sera loisible aux ecclésiastiques et religieux de présenter dans les tribunaux un nombre de commissaires de leurs classes égal à celui des magistrats civils, et ces commissaires concourront avec égalité de voix à l’énonciation des jugements, relativement à la conviction d’après laquelle l’application de la peine répara toire ou expiatoire sera faite et son exécution ordonnée par les seuls magistrats. Tous les biens-fonds ecclésiastiques et monastiques, en général, seront aliénés, et le produit de leur vente sera premièrement appliqué au remboursement des dettes auxquelles ces fonds ont été hypothéqués et affectés par leurs possesseurs, et secondement à l’acquit de la dette nationale. Gomme il faut fournir aux ministres tant supérieurs que subalternes de la religion les moyens d’une subsistance convenable, il leur sera fixé des appointements annuels, selon les degrés de leur hiérarchie présente ou future. Cet arrangement paraît le seul propre à détruire efficacement les vices de la pluralité des bénéfices et de la disproportion du traitement qui en résulte, au préjudice des individus mieux méritants. Ils seront déclarés inhabiles à exercer aucun emploi civil ou militaire, directement ou indirectement, et à voter personnellement dans telle occasion et sur tel sujet que ce soit étranger au dogme et à la discipline purement ecclésiastique; mais relativement à la conservation de leurs biens immeubles et autres droits patrimoniaux, il leur sera loisible de commettre dans l’un ou l’autre des deux ordres, noble ou roturier, telle personne qu’ils voudront suivant la qualité de leur naissance, et le fondé de leurs pouvoirs aura, en vertu de cette représentation dans les délibérations, soit particulières soit générales, une voix additionnelle à la sienne, quand il aura simultanément ses propres intérêts à défendre. Il leur sera assigné respectivement, dans la société, des rangs et des prérogatives, purement honorifiques qui les exemptent de toutes contributions aux charges et corvées publiques et leur conservent les égards et le respect que méritent la dignité de leur caractère et la sainteté de leurs fonctions. La cause principale, la plus commune et la seule légitime des propriétés et possessions immobilières des églises, abbayes et monastères, et autres maisons religieuses, avant pour base l’obligation de remplir les vœux des donateurs et concessionnaires primitifs de ces biens et de leurs successeurs dans la desserte perpétuelle ou limitée des fondations pieuses et religieuses qui en faisaient le but, les ecclésiastiques ou religieux conservés demeureront toujours chargés de cette obligation, et pour les indemniser de cette sorte d’exercice extraordinaire, le gouvernement national, dans la fixation des appointements annuels, prendra cette charge en considération et donnera un supplément à ceux qui en seront grevés. La promotion à toutes les dignités ecclésiastiques et monastiques sera faite, sans autre distinction que celle du mérite personnel, par la bonté de la conduite et les témoignages de l’intelligence en faveur des nobles, roturiers, soit que cette promotion ait lieu au concours, soit qu’elle soit autrement déterminée par la loi. Les ecclésiastiques et religieux qui, par infirmité, démence ou accidents, seront hors d’état de remplir les fonctions de leur ministère, seront susceptibles de recevoir du gouvernement des retraites et pensions proportionnées à la durée et à la bonté de leurs services, selon le degré de leur hiérarchie. Les corps politiques des paroisses seront chargés de l'entretien de leur église et de surveiller celui tant des monastères que des autres établissements nécessaires à l’exercice de la religion et de son culte, qui seront aux frais de la nation, de manière que les ecclésiastiques et religieux n’aient plus à leur charge que leurs logements et leurs vestiaires tant ordinaires que sacerdotaux, laquelle charge doit servir dé règle pour la distribution de leurs honoraires en appointements et suppléments avec les autres considérations ci-devant désignées. D’après les moyens qui viennent d’être indiqués ]30ur assurer non-seulement la subsistance convenable, mais même le sort le plus avanta-eux aux ministres de la religion, et ces moyens evant être fournis par une contribution générale sur le public, toutes les rétributions, soit à titre de gages, honoraires et émoluments, qui ont eu lieu jusqu’à ce jour, seront et demeureront supprimées. noblesse. La noblesse, tenant à la constitution de la monarchie et devant être considérée comme une récompense de services distingués rendus à la patrie et un but d’émulation susceptible de développer le germe des vertus etv des talents et de donner plus d’énergie aux efforts du zèle bien intentionné, prendra dans la société le rang du premier ordre et jouira de la préséance sur le second que jusqu'ici on a improprement appelé le tiers-état. Mais cette prééminence, étant purement honorifique, ne pourra dans aucun cas donner au noble la prépondérance lorsqu’il s’agira d’opiner 470 [États gén. 1789. Cahiers,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Brest.] dans les commissions, tribunaux, assemblées particulières ou générales. L’ordre de la noblesse, en raison de la minorité du nombre de ses membres, pourra continuer à jouir de la prérogative de s’assembler individuellement toutes les fois qu’il s’agira de nommer des députés et n’en commettra cependant pas , en aucune circonstance, autant que le second ordre ou le tiers-état, mais chacun de ces deux ordres aura des présidents et autres officiers ministériels pris dans son corps, avec une influence commune dans toutes les affaires qui exigeront leur concours. La noblesse ne sera plus conférée à prix d’argent, ni spécialement attachée à aucun emploi par privilège ; mais tous ceux qui, dans les différentes classes de la société auront, dans l’exercice de leurs emplois, attiré les suffrages de la nation par une conduite irréprochable et par des services distingués, seront inscrits dans la liste de la noblesse , sur les propositions qui en seront faites et la discussion stricte et authentique des titres qu’ils pourront produire pour mériter cette illustration, Cette inscription donnera à celui qui en sera honoré la faculté de jouir de tous les droits et prérogatives réservés à l’ordre de la noblesse dans lequel U se trouvera dès lors incorporé. Quoique l’avantage seul de la naissance ne doive être considéré moralement que comme pur accident de la nature, comme il tient cependant à la politique d’entretenir l’élasticité de ce ressort, dans toutes les circonstance où le concurrent joindra à cet avantage un mérite réel et égal il aura pour tous les emplois la préférence sur son compétiteur du tiers-état ou du second ordre, Les nobles pourront exercer tous emplois, arts libéraux et fonctions, autres que les professions mécaniques, sans dérogeance, Les grandes charges de la cour et de la couronne ne devant être que purement honorifiques, il sera proposé aux nobles les plus opulents de les remplir gratuitement. ' JUSTICE ET LÉGISLATION. Il sera fait un code général de lois tant civiles ue criminelles, relatives aux mœurs, à la con-uite et à l’opinion actuelle du peuple français, qui dispense de la nécessité humiliante où l’on a été jusqu’ici de se diriger par les lois romaines ou celles de dos voisins -, il est plus que temps que la France soit, à cet égard, indépendante comme elle l’est par la force de sa puissance. Il sera défendu à toutes cours et juridictions de se permettre aucune extension ou modification de ces lois, Aucun Français ni regnicole nu pourra, sous tel prétexte et dans telle affaire que ce soit, être traduit hors du ressort de sa province, pas même hors de sa juridiction naturelle, en première instance, quand il s’y serait soumis volontiers soit par la force d’une convention dont le titre aurait exprimé une attribution particulière, de laquelle il sera relevé. Toutes les évocations, commissions et autres attributions, sous quelque dénomination que ce soit et sous prétexte de privilèges d’état ou autres, seront à jamais proscrites, tant au civil qu’au criminel ; elles seront déclarées illégales etincon-stitutionneiles, comme tendantes à éloigner le justiciable de son juge naturel, et particulièrement sera rappelé et soutenu le privilège constitutionnel de cette province à cet égard. Les conseils du Roi et surtout les bureaux des ministres ne pourront connaître des intérêts des particuliers, même dans les objets où le gouvernement aurait, soit directement, soit indirectement, intérêt à la contestation, si ce n’est dans le cas où on se pourvoirait auxdits conseils en cassation d’arrêts du Parlement ou autre cour souveraine, Les affaires qui, contre les dispositions des deux derniers articles, seront dans quelque tribunal étranger à celui naturel des parties intéressées, seront dès à présent renvoyées auxdits juges naturels, devant lesquels les derniers errements seront suivis, indépendamment de toutes raisons de connexité avec la procédure originale et principale qui fixe toujours la compétence du tribunal, quelle que soit la nature et le privilège des intérêts accessoirement intervenus. 11 ne sera, dans aucun temps et sous quelque prétexte, fait par les conseils du Roi de changement, augmentation, diminution ou interprétation aux lois sanctionnées par la nation assemblée, et, s’il y était contrevenu, défenses seront faites à tous Français et juges d’y avoir égard, lesdits arrêts ou déclarations seraient-ils revêtus de lettres patentes surprises à la religion du souverain. Les propriétés, l’honneur, la liberté et la vie des citoyens de tous les ordres et de tous les rangs ne seront soumis qu’aux décisions des tribunaux réglés et inamovibles, dans quelque cas et sous quelque prétexte que ce soit. La nation assemblée s’occupera des moyens propres à concilier les intérêts des différentes provinces, des seigneurs, des propriétaires et de combiner les avantages ou les inconvénients d’avoir dans le royaume une même loi; un même poids et une même mesure. Toutes les juridictions seigneuriales seront supprimées, la justice devant toujours se rendre au nom du souverain de la nation. Il est contre l’ordre de la société qu’un sujet soit justiciable d’un sujet comme lui, et ces juridictions sont évidemment onéreuses au public en l’obligeant à passer souvent par quatre ou cinq tribunaux avant d’avoir une décision absolue. Il y aura trois degrés de juridiction, au plus, dans les matières importantes; les juges présidiaux seront autorisés à juger en dernier ressort jusqu’à quatre mille livres de principal ou deux cents livres de rente, et, sauf l’appel au Parlement, jusqu’à six milles livres de principal et trois cents livres de rente. On demandera la suppression des fiefs et de tous devoirs seigneuriaux et féodaux, et que le franc-alleu soit généraT, à la charge du vassal d’indemniser les propriétaires, indemnité qui, en Bretagne, sera réglée d'après la disposition des articles 248, 249 et 250 de la Coutume de cette province, parce que le vassal aura la liberté de rembourser à sa volonté le montant de cette indemnité ou d’en payer l’intérêt sur le pied de 5 p. 0/0 jusqu’au remboursement. On demandera aussi la suppression de banalité de four et suite de moulin, ainsi que des droits de fuies et garennes, de chasse, pêche, pêcherie particulières, et généralement de toutes les traces, qui subsistent encore du régime féodal, parce qu’à l’égard des moulins seulement les propriétaires seront indemnisés à raison de 10 sols par chaque tête dans les étages ci-devant détraigna-bles, laquelle indemnité sera payable en nature de rente en attendant le remboursement au denier vingt. Aucun tribunal provincial subalterne, interné- 474 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Brest.] diaire, supérieur ou souverain, ne pourra être déplacé ni interrompu en totalité ou en partie sans le consentement de la nation assemblée. Dans toutes les cours souveraines créées ou qui pourraient l’être, il sera admis un nombre égal de membres des ordres privilégiés et non privilégiés et le mérite déterminera le choix des magistrats, qui sera fait dans chaque province par la voie de l’élection ; dès à présent, même dans les tribunaux où le nombre des magistrats de la classe privilégiée est plus considérable, et en attendant que par mort, démission ou autre cause, on puisse y compléter le nombre d’officiers de l’ordre non privilégié, il y sera admis une quantité déterminée de sujets de cette dernière classe; les places vacantes leur seront de plein droit dévolues selon la primogéniture, et jusqu’à cette époque ils rempliront tous les devoirs et fonctions de la magistrature dont tous les honneurs leur seront communs avec les titulaires à qui seuls les émoluments seront réservés. Ces surnuméraires paraissent assez dédommagés par la perspective qu’on leur assurera de devenir eux-mêmes gratuitement titulaires et de réunir alors les avantages honorifiques et lucratifs ;• en conséquence, la nation sera invitée à supprimer la vénalité des charges et à donner aux pourvus d’offices de magistrature un traitement annuel proportionné à leur rang et à l’importance de leurs fonctions ; par ce moyen la justice serait administrée gratuitement au public. Dans le cas où il ne se trouverait pas dans la classe non privilégiée assez de sujets qui acceptassent ces places de surnuméraires soit par défaut de fortune ou autre cause, l’ordre des avocats, dans les lieux où lesdits sièges supérieurs seront établis fournira, alternativement et par chaque semaine ou autrement, ainsi qu’il en conviendra, un nombre suffisant de ses membres choisis dans la classe du tiers pour faire lesdites fonctions de magistrats surnuméraires. On réformera les abus qui existent des écoles de droit, de manière à assurer mieux la capacité des sujets dans l’ordre des avocats. On n’accordera jamais de lettres de compatibilité au sujet qui voudra posséder un office de magistrature dans le même siège dont un de ses parents ou alliés, au degré prévu parla loi, serait membre. Tout officier public, comptable, sera tenu, avant d’être reçu, de justifier de sa propriété de 150 livres de rente quittes de toutes charges et hypothèques, ou de fournir caution réciante solvable et solidaire d’une somme de trois mille livres. FINANCES. La profusion aussi énorme que scandaleuse des pensions et bienfaits surpris au préjudice de la nation, exige que son assemblée générale s’occupe de l’examen réfléchi et sévère des motifs et moyens de leur obtention ; elle supprimera ou réduira les objets suivant la nature des abus. On y agitera la résiliation de tous les contrôles d’acquisition, vente, échange, afféagement, engagement et autres traités qui ont porté et portent préjudice à la nation. On réclamera la poursuite juridique, en réparation de tous les dommages et dépenses qu’ils auront occasionnés, envers les auteurs, participes, fauteurs de ces actes. On fera tous les efforts convenables pour obtenir et effectuer une pénétration impartiale dans toutes les partie� du déficit qui a si considérablement grevé la nation; on tâchera de se procurer les pièces originales de sa comptabilité active et passive, sinon des documents certains sur lesquels on établira des recherches strictes et rigoureuses contre les ministres et autres qui ont été les causes médiates ou immédiates des déprédations des finances, et l’on pourra s’occuper du recouvrement des fonds divertis. Pour éviter de pareils désordres à l’avenir, il sera arrêté de rendre les ministres, contrôleurs-généraux, directeurs et tous autres qui auront la manutention des finances, responsables sous des peines capitales de l’emploi des fonds commis à leur administration. La dette nationale une fois épurée, sera considérée comme un objet sacré, et dont l’acquittement absolu devra tenir autant à la gloire qu’à l’intérêt de la nation, respectivement aux regni-coles et aux étrangers; d’après sa consolidation, il paraîtrait que la répartition proportionnée de sa solde sur chaque province, avec faculté de traiter de gré à gré avec les créanciers, offrirait le moyen le plus sûr et le moins onéreux de terminer cette liquidation. On observera que l’administration des finances peut être rendue non -seulement plus expéditive, plus claire et moins onéreuse à l’État, mais même plus avantageuse aux particuliers, en employant immédiatement les fonds des contributions et des impositions dans chaque province au payement des diverses dépenses qui la concernent et en lui faisant verser le reliquat dans la caisse générale de la nation. Gomme la multiplication excessive qui s’est faite depuis le rétablissement de la paix de promotions inutiles de maréchaux de France, d'of-, ficiers généraux et commandants de provinces, généralités, villes, châteaux et places du royaume, n’a pu que contribuer à la déprédation des finances, l’assemblée générale devra s’occuper des moyens de mettre des bornes assurées tant à ces promotions arbitraires qu’aux dépenses excessives qu’elles occasionnent. A la suppression, ou au moins à la réduction des appointements et autres traitements de ces membres superflus de l’Etat, doit se joindre une économie non moins digne de considération : celle de donner à tous les chefs tant militaires que civils une somme annuelle pour remplacer leurs loge-m�ats en nature, dontla construction, lesembel-lisRmentset l’entretien sont, de notoriété publique, d’une dépense exorbitante; il conviendra également d’ôter, à tous les grands emplois surtout, la faculté abusive qu’ils exercent de se faire fournir en essence les comestibles et toutes sortes d’approvisionnements; si ces objets font cependant partie d’un traitement juste et raisonnable, il sera pourvu à la compensation par un règlement pécuniaire. Quand la nation assemblée aura sous les yeux l’état, au vrai , des recettes et dépenses générales et particulières du royaume, elle trouvera sans doute un plus grand nombre d’objets susceptibles d’une sage économie, qu’elle ne manquera pas de saisir. Le produit des édifices et dépendances qui, par ces dispositions, seront dans le cas d’être promptement aliénés, pour éviter le’ dépérissement et antres inconvénients , sera aussi appliqué aù payement de la dette nationale. Tout le monde connaît les abus qui résultent de la jouissance abandonnée aux commandants, états-majors et autres chefs ou subalternes militaires, des terrains et édifices de fortifications intérieures 472 [États gén. 1789. Cahiers.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Brest. j ou extérieures des villes; il sera donc proposé de leur ôter cette jouissance, et d’aliéner, au profit de la nation, les parties de ces terrains et édifices dont la conservation n’aura pas été jugée indispensable pour la défense des places, et dans le cas contraire, ces terrains et édifices seront affermés provisoirement par les municipalités pour en appliquer le revenu à l’embellissement et aux ouvrages utiles des villes. 11 sera également proposé d’aliéner tous les domaines corporels et réels de l’Etat, dont on sait que l’entretien a toujours été aussi abusif qu’onéreux. Les produits de toutes ces aliénations seront immédiatement versés dans la caisse nationale pour être employés à l’acquit des dettes de l’Etat, a la décharge commune des provinces . Les ordonnances si connues malheureusement pari l’abus énorme qu’on en a fait, pour couvrir les déprédations des finances et les vices de comptabilité sous les désignations de bon du Roi et de comptant seront à jamais proscrites. Les récompenses pécuniaires, sous tels prétextes et dénominations que ce soit, ne seront plus lais-• sées à la seule disposition médiate ou immédiate des ministres; mais elles seront proposées par eux, en faveur des individus méritants, sur des réclamations fondées et authentiques, dont les motifs, ainsi que le prix, seront soumis à la décision des commissions intermédiaires. COMMERCE. Cette partie si essentielle à l’Etat, celle qui fixe en tous temps l’attention des autres gouvernements, qui n’a trouvé en France depuis si longtemps que des entraves au lieu d’encouragements, espère sa restauration des Etats généraux. MM. les députés sont invités à solliciter le redressement d’une foule d’abus, trop multipliés pour les détailler ici, mais qu’on se propose de leur faire connaître par des mémoires circonstanciés. Ils voudront bien faire valoir, en attendant ces moyens succincts d’arrangements, l’exportation continue du superflu des comestibles, la circulation libre dans tout le royaume par le renvoi des barrières aux frontières et la prohibition des matières premières pour l’importation chez l’étranger. Ils demanderont : 1° Qu’il soit permis aux administrateurs, négociants et marchands du royaume d’établir