[Élats généraux.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juin 1789.) 162 de nouveaux; ce sera une nouvelle marque d’at-tacliement que le clergé me donnera. « Sur ce, je prie Dieu, mon cousin, qu’il vous ait en sa sainte et digne garde. a Signé LOUIS. « Le 27 juin 1789. » En conséquence de cette lettre l’ordre du clergé prend l’arrêté suivant : « L’ordre du clergé, « Vu les articles 1, 6, 7, 8 et 9 de la déclaration du Roi du 23 de ce mois, concernant la présente tenue des Etats généraux, l’article premier portant : Le Roi veut que l’ancienne distinction des trois ordres de l’Etat soit conservée en son entier comme essentiellement liée à la constitution de son royaume ; que les députés librement élus par chacun des trois ordres, formant trois Chambres délibérant par ordre, et pouvant, avec l’approbation du souverain, convenir de délibérer en commun, puissent seuls être considérés comme formant le corps des représentants de la nation. « Par l’article 7, Sa Majesté exhorte, pour le salut de l’Etat, les trois ordres à se réunir pendant cette tenue d’Etats seulement, pour délibérer en commun sur les affaires d’utilité générale, en exceptant, par l’article 8, des affaires qui pourront être traitées en commun, celles qui regardent les droits antiques et constitutionnels des trois ordres, la forme de constitution à donner aux prochains Etats généraux, les propriétés féodales et seigneuriales, les droits utiles, et les prérogatives honorifiques des deux premiers ordres. « Par l’article 9, le consentement particulier du clergé sera nécessaire pour toutes les dispositions qui "pourraient intéresser la religion, la discipline ecclésiastique, le régime des ordres et corps séculiers et réguliers. « Vu aussi la délibération que l’ordre du clergé a prise le 25 du mois de juin, par laquelle il adhère purement et simplement à ladite déclaration, la lettre du Roi à Mgr le cardinal de la Rochefoucauld, président de l’Assemblée , conçue en ces termes... ( Elle est rapportée plus haut.) « L’ordre du clergé, toujours empressé de donner à Sa Majesté des témoignages de respect, d’amour et de confiance, et justement impatient de pouvoir se livrer à la discussion des grands intérêts d'où dépend la félicité nationale, a délibéré : 1° de se réunir dès aujourd’hui aux deux ordres de la noblesse et du tiers-état dans la salle commune, pour y traiter des affaires d’une utilité générale, conformément à la déclaration du Roi, sans préjudice du droit qui appartient au clergé, suivant les lois constitutives de la monarchie, de s’assembler et dé voter séparément, droit qu’il ne peut ni ne veut abandonner dans la présente session des Etats généraux, et qui lui est expressément réservé par les articles 8 et 9 de la même déclaration ; 2° d’adresser à Sa Majesté une lettre explicative des principes conservateurs de la monarchie, qui ont conduit l’ordre du clergé, et des sentiments d’union et de paix qui l’ont décidé à adopter les plans de conciliation proposés par Sa Majesté, ainsi qu’à se réunir avec les autres ordres dans la salle des Etats généraux. » Gomme cet arrêté ne pouvait être exécuté qu’a-Srès la délibération de l’ordre de la noblesse, I. l’archevêque d’Aix etM. l’abbé de Montesquiou ont été priés d’aller conférer avec la noblesse, en lui faisant part de l’arrêté qui venait d’être fait. Dans cet intervalle, lecture a été faite de l’arrêté proposé dans la séance d’hier ; il a été sanctionné par l’Assemblée tel qu’il suit : « L’ordre du clergé, jaloux de seconder avec le plus respectueux empressement les vues paternelles du Roi pour le bonheur de ses peuples, et considérant que le vœu unanime de ses commettants lui fait plus que jamais un devoir de confondre les intérêts temporels des ministres de la religion avec ceux de leurs frères et de leurs concitoyens; aujourd’hui que les abus du régime fiscal ne pèseront plus sur la patrie, et que la justice du souverain fait revivre, en faveur des deux autres ordres, les antiques libertés et franchises nationales conservées sans altération par les Eglises de France, dans toutes les époques de la monarchie, a délibéré : « 1° Qu’à l’avenir, les bénéficiers, corps et communautés ecclésiastiques, contribueront dans la même proportion que les autres citoyens à tou tels les charges royales, provinciales et municipales, et aux impositions consenties en conséquence par les trois ordres ; « 2° Que les propriétés de l’Eglise, soumises, comme les biens laïques, au payement des taxes nécessaires pour la défense et la prospérité dp l’Etat, serviront également d’hypothèques et de gages à l’acquittement de la dette nationale, lorsqu'elle aura été reconnue et dûment vérifiée ; « 3° Que, conformément aux dispositions bienfaisantes annoncées par le Roi dans la séance du 23 de ce mois, Sa Majesté sera suppliée d’abolir entièrement et sans retour dans le royaume ie nom de taille, l’usage de la corvée et les droite de main-morte ; de rendre le tirage de la milicb moins onéreux au pauvre peuple des villes et des campagnes ; enfin de convertir les chargés personnelles en subventions pécuniaires aux-quelles l’ordre du clergé consent d'être assujetti ; « 4° Qu’en rappelant, sur le fait de l’impôt, les établissements les plus utiles et les plus favorables à la loi de l’égalité proportionnelle, il est juste d’indemniser par des suppléments de dotation, et les hôpitaux que la jurisprudence présente affranchit des tributs publics, et les cures à portion congrue, taxées, selon les réglements actuels du clergé, sur un pied bien inférieur à celui qui sert à fixer la quote-part des autres contribuables. » Lecture a été faite du mémoire que les commissaires avaient été chargés de rédiger dans la séance d’hier, approuvé par l’Assemblée ; il a été délibéré et arrêté que M. le secrétaire serait chargé de le faire imprimer et d’en déposer la minute avec celle des procès-verbaux, aux archives du clergé. L’ordre du clergé, instruit que celui de la noblesse avait fini sa délibération, lui a envoyé une députation composée suivant l’usage. De retour, M. l’évêque d’Uzès a rendu compte que l’ordre de la noblesse allait se rendre dans la salle des Etats généraux, et qu’il attendait MM. du clergé. L’Assemblée alors est sortie ayant le cardinal de la Rochefoucauld à sa tête, et s’est réunie aux deux autres ordres pour former l’Assemblée nationale. NOBLESSE. L’ordre de la noblesse reçoit communication d’une lettre du Roi ainsi conçue : A M. le duc de Luxembourg, président de l'ordre de la noblesse. « Mon cousin , uniquement occupé de faire le bien général de mon royaume , mais désirant par - ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juin 1789. J 163 [États généraux.] i dessus tout que l’Assemblée des Etats généraux s’occupe des objets qui intéressent toute la nation, d’après l’acceptation volontaire que votre tordre a faite de ma déclaration du 23 de ce mois, j’engage ma fidèle noblesse à se réunir sans délai |avec les deux autres ordres. « Signé LOUIS. « Le 27 juin 1789. » En conséquence de cette lettre, et malgré la protestation de 45 membres, l’ordre de la noblesse décide qu’il se réunira aux communes. COMMUNES. i Présidence de M. Bailly. ; La séance est ouverte par M. le président. . M. de la Rochenégll, prieur de Saint-Honoré de Blois, et M. Chabaud, curé de la paroisse de Saint-Victor, tous deux députés du clergé du bailliage de Blois, entrent dans l’Assemblée, mettent leurs pouvoirs sur le bureau, et prennent place avec MM. du clergé. M. Weytard, curé de Saint-Gervais, député du clergé de la ville de Paris, vient aussi prendre séance, et remet ses pouvoirs. I M. le comte de Pardieu, député de la noblesse du baillage de Saint-Quentin, et M. le marquis de Rourau, député de la noblesse de la sénéchaussée d'Agen, se rendent également dans l’Assemblée, remettent leurs pouvoirs sur le bureau, et prennent place avec MM-de la noblesse. i M. le comte de Pardieu prononce le discours suivant : Messieurs , vivement pressé par le sentiment intime de ma conscience, de venir me placer parmi les membres de cette auguste Assemblée, je ne me permeltrais cependant pas cette démarche si je ne croyais répondre au vœu des gentilshommes que j’ai l’honneur de représenter. Je ne puis voir, Messieurs, sans attendrissement le tableau majestueux et touchant de la réunion si désirable de la plus grande partie des représentants de cette nation dont le bonheur futur fait votre unique ambition. i C’est avec la joie la plus vive, que je me plais à penser que bientôt tous les ordres, animés du même désir et réunis par les mêmes seutiments, n’auront plus qu’un même vœu. C’est cette époque que tout citoyen patriote attend avec la plus grande impatience, comme le seul moyen de donner au Roi les marques les plus tendres de notre amour, et de payer à la nation le tribut qu’elle a droit d’attendre de nous. | Les secrétaires font lecture du procès-verbal des séances des mardi, mercredi, jeudi et vendredi 23, 21, 25 et 26 juin. La délibération de l’ordre de la noblesse, dont une copie a été laissée hier sur le bureau de V Assemblée, a été introduite par M. Pison du Galand, Second secrétaire, dans le procès-verbal de la séance du 26 juin. M. Camus, secrétaire. J’observe qu’il faut la retirer, attendu que, si l’Assemblée prouve qu’elle en a eu connaissance, elle doit se hâter et ne peut même se dispenser de protester contre les principes faux, anti-constitutionnels y contenus, et que ces protestations doivent suivre le procès-verbal dans la teneur de la délibération. D’après l’arrêté du 23, il est inutile de faire des protestations; il est aussi inutile d’insérer la délibération. Les observations de M. Camus sont approuvées d’un côté, rejetées de l’autre. Un membre observe en leur faveur qu’une pareille pièce étant contraire à la constitution de 1 Assemblée, portant atteinte à ses droits, aux principes de la monarchie, l’on ne peut la laisser subsister dans les registres de l’Assemblée sans manifester les sentiments de réprobation qu’elle inspire à l’Assemblée nationale. Un autre membre oppose à ces réflexions qu’un procès-verbal est un récit simple de tous les faits d’une Assemblée; qu’ainsi l’on peut insérer la délibération de la majorité de la noblesse sans aucun danger; qu’au surplus l’on n’a qu’à la repousser par des protestations fortes et énergiques ; que l’on a fait mention de la députation des électeurs de Paris, que l’on y a inséré leur discours, et que l’on peut, sans aucune conséquence lâcheuse, en user de la même manière pour la députation de la majorité de la noblesse. M. Fanjuinafs. J’ajoute qu’autrefois l’on disait : Nous ordonnons , nous voulons ; que le 23, le Roi avait dit pour la première fois : Je veux , for-donne ; les éloges prodigués par la noblesse à cette innovation qui, à la vérité, et fort heureusement, n’existe que dans les mots, ne doivent pas se trouver dans le procès-verbal de l’Assemblée ; il suffit d’y insérer les protestations. M. Bailly. Je propose un autre avis , celui d’insérer seulement la réponse faite à la noblesse. Ce moyen, qui n’a ni les inconvénients de l’inscription de la délibération, ni la force des protestations insérées, a été encore combattu enfin, l’on huit par décider que la délibération de la noblesse sera purement et simplement insérée au procès-verbal. M. Le Franc de Poinpignan, archevêque de Vienne, observe que plusieurs ecclésiastiques demandent que l’on prenne un ecclésiastique de chaque généralité, pour le faire entrer dans les comités formés par les généralités. L’Assemblée approuve cette observation. M. Bailly présente à l’Assemblée la requête des habitants de Versailles. Le bailliage demande une députation directe aux Etats généraux. La requête est envoyée au comité de vérification. M. Bluget, curé des Riceys , fait rapport de plusieurs pouvoirs examinés au comité de vérification tenu la veille. Ces pouvoirs sont ceux de M. l’archevêque de Paris, de l’évêque d’Orange, de MM. Mayet, curé de la Roche-Taillée, député de la sénéchaussée de Lyon ; de M. Goubert, prévôt du chapitre d’Aubusson, député de la sénéchaussée de Guéret et Haute-Marche; de M. de Champagny, député de Forez; de M. de Prez de Crassier, député du bailliage de Gex ; de M. de Grecy, député de la sénéchaussée de Ponthieu. M. le rapporteur annonce que ces pouvoirs ont été trouvés en