n [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 mafl 1790.} tisme irrité et de la liberté en alarmes. Get assentiment presque universel d’une nombreuse commune s'est présenté à votre comité d’une manière imposante contre ceux qu’elle accuse : mais votre comité n’en a apporté qu’une attention plus scrupuleuse dans l’examen des pièces sur lesquelles l’accusation est appuyée. D’abord la publication simultanée de l’arrêt et dù réquisitoire, qui (et c’est à l’époque des élections) ont été répandus avec profusion dans les villes et les campagnes du ressort, avant même que ces actes fussent parfaitement connus à Bordeaux, a fait trouver à votre comité, entre le réquisitoire qui motive l’arrêt, et l’arrêt qui adopte les conclusions du réquisitoire, une connexité intime qui ne permet pas de séparer l’un de l’autre, et de regarder la cause des magistrats de la chambre des vacations comme étrangère à celle du procureur général. Votre comité a trouvé ensuite dans le réquisitoire qui semble avoir pour objet de réprimerdes désordres, le moyen te plus sûr de les fomenter, de les perpétuer même, en décourageant les milices nationales qui avaient marché pour rétablir le calme avec une activité et un courage sans exemple. Les expressions par lesquelles le procureur général désigne et attaque une constitution que le peuple français s’est donnée par le concours de ses représentants et du roi, qu’il a consacrée par son adhésion, que tous les citoyens et le procureur général lui-même ont juré de maintenir ; son silence affecté sur les décrets, sur le nom de l’Assemblée nationale; les circonstances qui environnaient ce magistrat; le moment qu’il a choisi pour oser déclarer ses dangereux principes, tous ces indices réunis ont présenté à votre comité l’idée d’un attentat contre la volonté nationale, contre la dignité des représentants de la nation et du roi. II me suffira de vous rappeler une phrase du réquisitoire, que vous trouverez également citée dans l’éloquent discours de M. Boyer-Fonfrède. Le procureur général adresse ces mots à la chambre des vacations : « Tout ce que le roi avait préparé pour le bonheur de ses sujets, cette réunion des députés de chaque bailliage que vous aviez sollicitée vous-mêmes, pour être les représentants delà nation, pour travailler à la réformation des abus, et pour assurer le bonheur de l’Etat, tous ces moyens si heureusement conçus et si sagement combinés, n’ont produit jusqu’à présentque des maux qu’il serait difficile d’énumérer. » . Votre comité ne peut-il pas, ne doit-il pas vous dire avec les citoyens de Bordeaux et avec la France entière : « Quoi donc, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la destruction de l’aristocratie féodale, l’abolition des privilèges, la suppression delà vénalité des ofiiees de magistrature », et tant d’autres décrets que l’amour de :a liberté a dictés, que l’amour de la liberté applaudit, doivent être mis au rang des maux qu'il ist difficile d’énumérer! Et c’est un magistrat,qui, clans une des plus importantes fonctions qui lui soient confiées, professeces incroyables maximes I Ce sont des magistrats qui les approuvent, qui veulent les consacrer par l’adoption des conclusions, par la publicité de l’arrêt! L’Assemblée nationale peut-elle laisser en leurs mains le dépôt des lois? Ils semblent méconnaître celles que l’Assemblée nationale a décrétées, que le roi a sanctionnées! La loi existe encore, disent-ils, comme si les lois nouvelles n'étaient rien pour eux! Gomme s’ils n’en voulaient admettre d’autres que celles auxquelles le peuple n’avait pas concouru, celles qui n'étaient pas l’ouvrage denses représentants, celles dont la réforme a été un de vos premiers devoirs, un de vos premiers bienfaits! L'Assemblée nationale peut-elle voir avec indifférence des principes que les ennemis seuls de la Révolution osent avouer, reparaître impunément dans le sanctuaire de la justice? Peut-elle souffrir que la constitution soit à chaque instant menacée d’un nouveau danger, par les efforts toujours renaissants de l'hydré parlementaire? Non, Messieurs; votre comité a pensé que l’Assemblée nationale ne devait pas attendre même l’époque très prochaine où elle va s’occuper de l’organisation du pouvoir judiciaire, pour arrêter son attention sur les délits individuels de quelques juges. Votre comité a pebsé que si une désobéissance passive à vos lois vous avait paru un motif suffisant pour mander ceux qui semblaient refuser d’en être les organes, ceux-là ne devaient pas être traités plus favorablement qui conservaient un ministère aussi sacré, mais en abusaient pour présenter au peuple des principes réprouvés par vous. C’est donc pour être conséquents à vos précédents décrets, pour donner un nouvel exemple de votre justice, qui ne veut pas que des coupables soient impunis, mais qui ne connaît pas de coupables s’ils n’ont été entendus et jugés; c’est en môme temps pour ne pas priver le peuple des tribunaux que vous voulez, que vous devez lui conserver jusqu’à ce qu’ils soient remplacés, que votre comité a l’honneur de vous proposer le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports sur la dénonciation faite par les officiers municipaux et les citoyens de la ville de Bordeaux, de l’arrêt de la chambre des vacations du 20 février 1790, et du réquisitoire du procureur général du roi; « Décrète que le président de la chambre des vacations et le procureur général du roi du parlement de Bordeaux, seront mandés à la barre pour rendre compte des motifs de leur conduite. « L’Assemblée nationale charge, en outre, son président de témoigner par une lettre aux officiers municipaux, à la milice nationale et aux citoyens de la ville de Bordeaux, la satisfaction avec laquelle l’Assemblée a reçu les nouvelles preuves de leur zèle et de leur patriotisme. » Plusieurs membres demandent à aller aux voix tout de suite. M. Mathieu de Montmorency. Je n’ai pas terminé. M. Dudon de l’Ëstraue fils m’a écrit pour me demander s’il pourrait être admis à la barre pour défendre son père. 11 vient, par une seconde lettre, d’insister sur cette demande. M.Le Chapelier. M. Dudon de l’Estrade fils n’est absolument rien dans l'affaire. Un intérêt de cœur ne peut donner à un homme le droit de défendre des actions qui lui sont personnellement étrangères. M. l’abbé Maury. Si l’Assemblée croyait pouvoir accorder à M. Dudon de l’Estrade fils sa demande, ce serait en ce moment qu’il faudrait le recevoir, pour ne pas interrompre la délibération. Je ne dirai pas, comme le préopinant, qu’un intérêt de cœur ne peut (Sonner, et*. Je dirai qu’il s’agit d’un devoir sacré de piété liliale ; qu’il est digne des législateurs de respecter ce sentiment, parce que la morale est le fondement des lois. Je 28 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 mars 1790.1 dis que tout homme qui a un père et qui sait combien cet être est sacré, doit respecter un fils gui veut partager les malheurs de l’auteur de ses jours. II est beau de faire marcher avant tout les droits de la nature. Il n’appartiendrait qu’à des âmes insensibles, et qui redouteraient la vérité, de repousser un fils qui vient parler pour son père, en lui opposant des fins de non-recevoir. M. le comte de Mirabeau. Il me semble que le préopinant se trompe également et dans l’objet qu’il nous suppose et dans les motifs de sa compassion vraiment généreuse� L’Assemblée juge-t-elle lorsqu’elle demande desmotifs? Au contraire, elle suspend sa délibération. Nul autre ne peut rendre compte des motifs du magistrat que le magistrat lui-même. Je vais plus loin ; si le réquisitoire est un délit, vous avez le corps de délit ; et, quels que soient les motifs qui ont dicté cet acte, il n’en est pas moins ce qu’il est; vous pourriez le juger. On vous propose de demander les motifs; cette modération convient toujours à une assemblée législative. Je ne crois pas que le président de la chambre des vacations mérite le même sort que le procureur général. Je ne trouve qu’une faute dans l’arrêt : l’injonction faite aux municipalités est inconstitutionnelle ; il faut apprendre aux parlements qu’ils n’ont rien à enjoindre et à ordonner aux municipalités. M. de Cazalès. Si la ville de Bordeaux s’était bornée à dénoncer ce réquisitoire, et n’avait pas interprété ses expressions, je serais de l’avis de M. de Mirabeau. Le fils du magistrat accusé vient défendre son père contre les interprétations calomnieuses : il paraît extraordinaire que quand tout citoyen est admis à dénoncer, le fils d’un citoyen accusé ne puisse prendre sa défense. (On ferme la discussion.) L’Assemblée délibère. M. Dudon de l’Estrade fils est admis à la barre. 11 entre avec rapidité. M. Dndon de l’Estrade fils. Je savais bien, Messieurs, que la nature serait la plus forte ; et si quelque chose peut nuire à mes moyens, c’est la sensibilité dont je suis affecté. Je ne prendrai point la raideur de la discussion pour justifier ici mon père. Je regrette qu'il s’en soit servi dans son réquisitoire, puisqu’elle a donné lieu à d’aussi fâcheuses interprétations. S’il s’est livré à quelques expressions trop fortes, il faut donner quelque chose à la faiblesse humaine... (On entend quelques murmures.) Vous ne pourrez, par ces improbations, atténuer mes réclamations. M. le Président. Je vous prie de continuer purement et simplement l’apologie de votre père. M. Iludon de l’Estrade fis. Je pourrais l’excuser en vous retraçant sa vie tout entière. Le peuple qui le maudit aujourd'hui est trompé. Quand les parlements se sont opposés avec vigueur au despotisme ; quand mon père bravait les violences et les injustices des ministres, on l’applaudissait, on lui préparait des triomphes. Ce n’est pas un mauvais citoyen qui a employé toute l’autorité de sa place pour alimenter la ville de Bordeaux pendant l’hiver dernier. Si vous considérez le grand âge de mon père, si vous savez qu’il est malade en ce moment, vous le dispenserez d’un voyage qui altérerait encore sa santé. — - M. Dudon ajoute que les improbations qui se sont manifestées ne lui permettent pas d’entrer dans de plus grands détails sur la justification de son père. — 11 se retire. M. Alexandre de Eameth. Vous venez d’entendre M. Dudon de l’Estrade fils ; en rendant hommage à sa piété filiale, on ne peut se déguiser qu’il n’a pas justifié son père. Il nous parle de l’opposition des parlements au pouvoir arbitraire : il me semble qu’ils ont été moins les ennemis du despotisme que ses rivaux... Il faut, pour rendre la justice, être honoré dans l’opinion publique ; il faut que la justice soit rendue, et les provinces en sont presque privées. Je voudrais que, par une mesure provisoire, les parlements fassent remplacés par des tribunaux qui méritassent la confiance des citoyens. M. l’abbé de llarmond. Si je croyais qu’il fût nécessaire de disculper le parlement de Bordeaux, je rappellerais à l’Assemblée qu’elle ne peut être juge dans sa propre cause; mais je ne crois pas que cette cour ait besoin d’être défendue. Elle a enjoint aux municipalités d’user de tous les moyens qui sont en leur pouvoir pour ramener l’ordre. Quel était alors l’état du ressort du parlement de Bordeaux ? J’étais membre du comité de rapports ; nous recevions des procès-verbaux effrayants, qui constataient des brigandages, des massacres, des incendies ..... On confond ie réquisitoire, qui n’a rien de commun avec l’arrêt, et cet arrêt n’a rien de coupable. Voilà donc l’affaire réduite à un seul particulier, et ici la cause devient bien belle; elle a été plaidée par le fils de l’accusé, par un fils troublé par le respect que vous lui avez inspiré. Je dénie toutes les intentions qu’on croit voir dans son réquisitoire ; il n’a pas attaqué la constitution qu’il a juré de maintenir: il a demandé que la force publique fut employée pour arrêter les brigandages ..... C’est un citoyen respectable, âgé de quatre-vingts ans, et qui pendant cette longue carrière, a rendu de grands services à sa patrie : il n’y a que quatre ans qu’il gémissait sous une lettre de cachet, pour avoir défendu avec courage les intérêts de ses concitoyens.... Sa réponse est dans la dénégation que je fais en son nom des interprétations qu’on donne à une phrase de son réquisitoire. M. Ee Chapelier. Toutes les expressions du réquisitoire annoncen t l’intention des’élever contre vos décrets. Il est certain que les troubles étaient calmés lorsque le réquisitoire a été prononcé. Cette dernière assertion est fortement déniée. L’Assemblée commence à devenir très tumultueuse. On demande que la discussion soit fermée, qu’elle soit continuée, qu’elle soit ajournée. Après de longs débats, l’ajournement est rejeté. Plusieurs projets de décret sont présentés. — La priorité est accordée à celui du comité. M. de Sèze. La faiblesse de la santé de M. Dudon de l’Estrade et son grand âge ne nous permettent pas, en quelque façon, de le mander à la barre. M. de Eachèze demande la même grâce pour le président de la chambre des vacations. M. de Cazalès est d’avis que l’on supprime la partie du décret qui comprend les témoignages de la satisfaction de l’Assemblée pour le zèle patriotique de la milice nationale et de la municipalité de Bordeaux. M. le baron de Menou. Personne n’ignore les manœuvres des parlements contre les opéra-