[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1790.] M. d’Ambly {ci-devant marquis ). Beaucoup de membres ont demandé des congés ; on a déjà fait des motions pour qu’il n’en fut plus accordé; j’ai dit alors que ce n’était pas là la façon de mener l’Assemblée . c’est par l’honneur qu’elle se conduit. M. Duquesnoy. Je pense aussi que l’honneur doit être le principal mobile des représentants de la nation ; mais comment le concilier avec l’infraction du serment de ne quitter l’Assemblée que quand la Constitution sera faite? comment le concilier avec l’oubli du plus saint des devoirs celui de votre honneur et conscience dans cette assemblée ? Gomment ne se rappelle-t-on pas que le premier principe de l’honneur est de rester au poste oû la confiance publique nous a placés ; et pour me servir de l’expression ae M. Bouche, de ne la quitter qu’après la mort? Il importe que la nation connaisse ceux qui, fidèles à leurs devoirs, n’ont pas cessé de s’occuper des intérêts du peuple. Je demande, en conséquence, qu’on fasse dimanche un appel nominal. M. de Foucault. Je demande si le préopinant ne s’est pas lui-même absenté pour aller annoncer à M. Necker les détails de la Révolution ? Il faut passer à l’ordre du jour. (L’Assemblée décide qu’on délibérera sur la proposition de M. Lucas.) M. le Président fait lecture de la motion ainsi conçue : « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera fait dimanche un appel nominal, afin de connaître le nombre des absents. » M. de Foucault. Il n’est pas instant de rendre ce décret; plusieurs membres sont absents par congé, d’autres ont donné leur démission. Il serait dangereux qu’on interprétât.... (Une voix s’élève, qui dit : eh bien !) Dans ce cas, il n’y a plus qu’à piller, brûler, renverser.... (Toute la partie droite se lève et se répand confusément dans la salle, en demandant qui est-ce qui a dit) : eh bien ? M. Duval ( ci-devant d’Eprémesnil ). Je demande que celui qui a tenu ce propos soit indiqué par ses voisins. (Après quelque temps de tumulte, le Président parvient à se faire entendre). M. le Président. L’auteur de la motion m’avertit que, puisqu’elle peut avoir de funestes conséquences, il s’empresse de la retirer. M. de Donnay ( ci-devant marquis). Je crois que, vu la chaleur d’une partie de l’Assemblée, le meilleur moyen de l’apaiser c’est de lui faire voir que cette chaleur vient d’un malentendu. Je puis attester que le mot eh bien ! a été prononcé avant que M. de Foucault eût terminé sa phrase. M. de Faucîgny, A présent que vous avez entendu un impartial, faites-moi le plaisir d’entendre un aristocrate. M. de Ctazalès. Comme la différence de principes, que j’avoue très fort, ne peut faire de différence dans la manière de voir, quand il s’agit d’un fait, je pense aussi que le mot eh bien! n’a été prononcé qu’après la première partie de la phrase de M. de Foucault. Il me semble toujours que ce mot renferme des intentions coupables. 617 Quand M. de Foucault a dit qu’il était dangereux qu’on interprétât mal ..... Plusieurs voix : On n'a pas dit cela ! M. de Cazalès. Puisque le membre qui a tenu ce propos ne l’avoue pas, il serait indigne de l’Assemblée de s’en occuper davantage ; il ne reste pas de doute au public qui nous entend de l’improbation que donne l’Assemblée à une pareille expression : quoique absolument opposé à l’appel nominal, indigne de la majesté du Corps législatif, qui pourrait mêler quelque chose de désagréable à une fête qui n’est que le ralliement du patriotisme, je suis donc d’avis que la motion de M. Lucas soit mise aux voix, et qu’elle soit rejetée. On demande la question préalable sur la motion et sur ce qui a pu être décidé depuis. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer. La séance est levée à trois heures. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 2 JUILLET 1790. Premier rapport du comité [des pensions (1). Les réclamations s’élèvent depuis longtemps et de toutes parts contre la libéralité aveugle et prodigue qui épuise le Trésor public. Des ordres exprès ont élé donnés par la plupart des assemblées primaires à leurs représentants, de porter un œil attentif et sévère sur tant de grâces prodiguées sans discernement. L’Assemblée nationale a dû prendre en considération l’importante [ réforme des pensions et des autres dons de tout , genre qui seraient abusifs. Dès le mois d’août 1789, l’Assemblée nationale décréta que « sur le compte qui lui serait rendu de l’état des pensions, grâces et traitements, elle s’occuperait de concert avec le roi, de la suppression de celles qui n’auraient pas été méritées et de la réduction de celles qui seraient excessives : sauf à déterminer pour l’avenir une somme dont le roi pourra disposer pour cet objet. » Les 4 et 5 janvier, l’Assemblée a porté, sur le même sujet des pensions, un décret dont les dispositions sont distribuées en cinq articles. Le premier ordonne la continuation du payement de tous arrérages échus au 1er janvier dernier, de pensions, traitements conservés, dons et gratifications annuelles, qui n’excéderont pas la somme de 3,000 livres ; le payement provisoire de 3,000 livres sur ceux des mêmes objets qui excéderaient cette somme. Il porte une exception en faveur des septuagénaires; ceux-ci seront payés de ce qui leur a été accordé pour pension, quand il excéderait 3,000 livres, pourvu qu’il n’excède pas 12,000 livres; sur les pensions qui seraient supérieures à cette somme, il n’v aura qu’un payement provisoire de 12,000 livres. (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse de ce rapport 618 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (2 juillet 1790.] L’article 2 suspend, jusqu’au 1er juillet prochain le payement de tout don, pension, gratification, dont l’échéance serait postérieure au 1er janvier 1790; et il ordonne qu’à l’époque du 1er juillet le payement n’en sera fait que conformément aux décrets qui auront été prononcés par l’Assemblée. Le troisième article établit un comité, que l’Assemblée charge de lui présenter un plan, d’après lequel les pensions, traitements, dons, gratifications actuellement existantes devront être réduites, supprimées ou augmentées, et de lui proposer les règles d’après lesquelles les pensions devront être accordées à l’avenir. Deux autres articles, dans le même décret, ont pour objet de suspendre, à l’égard des Français absents du royaume, la perception de leurs pensions et des fruits de leurs bénéfices. Le troisième article, qui a été rapporté, forme le titre, la mission et la règle du devoir du comité. L'Assemblée l’a chargé de lui présenter un plan pour la réduction, suppression, augmentation des pensions existantes, et un corps de lois pour la concession des pensions qui seront accordées à l’avenir. Lorsque le comité a voulu exécuter ces ordres, il a senti qu’il ne proposerait que des plans imparfaits pour opérer sur les pensions existantes, s’il ne connaissait pas dans un grand détail leur état actuel, les différentes classes dans lesquelles elles pouvaient être rangées, les motifs d’après lesquels elles avaient été accordées, les sommes auxquelles les grâces pécuniaires montaient, et la manière dont elles étaient réparties. 11 a senti que, pour l’avenir, il ne présenterait que des bases arbitraires, inutiles, incomplètes, s’il ne les établissait pas sur une connaissance entière des abus passés, qui désigneraient les abus à prévenir. Et comme il était impossible que le comité remplît avec succès les vues de l’Assemblée, sans connaître les faits d’après lesquels il avait à former ses idées, il serait impossible aussi que l’Assemblée jugeât si les vues qui lui sont proposées sont sages et suffisantes, sans avoir les mêmes notions sur les faits; mais il y a cette différence entre le travail que le comité a dû faire, et le résultat qu’il doit offrir, que le comité a dû suivre, dans toutes leurs ramifications, les sentiers que la cupidité se fraie pour échapper aux lois d’une sage distribution des grâces, et d’une prudente économie des fonds "publics : il a dû porter ses regards sur tout ce qu’on lui dénonçait comme suspect ; au lieu que l’Assemblée ne doit fixer sa vue que sur le résultat des recherches de son comité. Ce ne sont pas les détails des abus qu’il faut décrire; il suffit d’en montrer l’ensemble et de citer quelques exemples frappants, qui, tantôt par leur importance, tantôt par leur singularité incroyable, démontrent la nécessité des réformes et des règles qui seront proposées à l’Assemblée. Ces observations indiquent deux parties bien distinctes dans le travail du comité : la connaissance des faits, et la proposition des règles. Les règles sont relatives, les unes aux pensions existantes qui sont à confirmer, à réduire, à supprimer ou à augmenter ; les autres aux pensions à accorder à l’avenir.. Les règles se subdivisent, d’ailleurs, eu égard à la nature des dons qui peuvent être, ou des gratifications passagères et momentanées, ou des dons accordés pour la vie, et qu’on désigne plus particulièrement sous le nom de pensions et de traitements; eu égard aussi aux personnes et aux services qu’on récompense : services militaires, services civils, découvertes utiles aux arts, célébrité dans les sciences. En reprenant toutes ces divisions successivement, le comité des pensions se propose de présenter à l’Assemblée : 1° Des vues générales sur les grâces qui s’accordent à quelque titre que ce soit, sur les caisses publiques, et sur les règles établies, à différentes époques, pour prévenir les abus dont leur concession est susceptible; abus qui, malheureusement, ont été presque toujours plus forts que les règles qu’on leur opposait. 2° Des principes propres à servir de base à des règles nouvelles, supérieures enfin aux abus dont l’expérience découvre la multiplicité et les formes diverses. Ces règles générales seront présentées à la délibération, par articles de décrets à prononcer. 3° Un troisième rapport développera les vues particulières aux pensions à accorder pour le service dans les armées de terre, et les décrets à prononcer d’après ces vues. 4° Un quatrième, les vues particulières aux pensions que mérite le service de mer, et les décrets relatifs à cette classe de pensions. 5° Un cinquième, les vues et les décrets propres aux pensions à accorder pour récompenser les services rendus dans des emplois civils. 6° Un sixième, les vues et les décrets relatifs aux pensions que les savants et artistes peuvent mériier. 7° Enfin, dans un dernier rapport, on proposera ce qui est à faire par rapport aux pensions actuellement existantes. La combinaison de la sévérité des règles justes, avec l’indulgence, que les fautes passées exigent, formera la base de cette partie du travail du comité. Ainsi, l’Assemblée nationale, après avoir acquis, par les faits qui lui seront présentés, une connaissance exacte de la partie d’administration qu’elle doit régler ; après avoir reconnu, par la comparaison qu’elle en fera avec les principes dont elle est pénétrée, la solidité des bases qui lui seront proposées, fixera d’une manière invariable des règles, telles que les abus ne pourront se perpétuer ni même s’introduire : et elle jugera jusqu’à quel point elle peut s’écarter des règles pour ne pas réduire au désespoir des personnes dont l’existence fragile ne résisterait pas à l’action rigoureuse des principes vrais, mais austères. Vues générales sur les grâces qui s’accordent sur les caisses publiques. Abus dont elles sont susceptibles. Efforts inutiles faits pour les réprimer : leur progression successive. État actuel de la somme et de la distribution des grâces pécuniaires. Abus de l’état actuel : réflexions sur les causes de ces abus. I PREMIER. Des grâces qui s'accordent sur les caisses publiques, et des abus dont elles sont susceptibles. La société doit des récompenses à ceux qui lui sacrifient ou leurs talents, ou leur fortune, oü leur vie. L’honneur, qui est le résultat du témoignage public de l’approbation donnée à une belle action, est, sans contredit, la première et la plus grande récompense que la société puisse accorder [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1790.j à ses membres. Que ne peut-il être la récompense unique ! Mais l’homme est sujet à des besoins journaliers; et l’un des effets du sentiment qui honore une personne étant de désirer et de procurer sa conservation, la juste reconnaissance que les belles actions inspirent, doit porter à mettre celui qui en est l’auteur, au-dessus des embarras du soin d’une subsistance difficile et précaire. D’un autre côté, le dévouement d’un citoyen pour sa patrie entraîne souvent des pertes et des dépenses dont il est juste de le dédommager sur les fonds publics. De là la nécessité d’accorder dans la société, et aux dépens de la société, des récompenses pécuniaires dedeux classes différentes : les unes, pour fournir aux besoins de la vie, tant que la vie se conservera; ce sont les pensions : les autres, pour fournir des dédommagements passagers, effets d’un besoin momentané; ce sont les gratifications. Gardons-nous bien de confondre ou ces dédommagements, ou ces récompenses accordées au mérite et à un besoin plus ou moins pressant, avec les partages qui se font entre des vainqueurs après une conquête. Il existe alors une masse de biens à distribuer; et comme elle doit être partagée entière, chacun prend non à raison seulement de ses besoins, mais bien plutôt à raison, soit de ses forces, soit du consentement que donnent les copartageants à ce que celui-ci ou celui-là prennent telle ou telle part dans les biens vacants. Il n’en est pas ainsi des grâces pécuniaires qui se distribuent dans une société formée et subsistante. Comme elles se prennentsur les fonds ou sur les caisses publiques; comme elles sont une délibération de ce qu’on a laissé en commun, ou de ce qu’on apporte journellement pour les charges publiques; comme elles opèrent un retranchement plus ou moins direct sur les jouissances propres et personnelles, la facilité de donner des récompenses pécuniaires à ceux qui ont bien mérité de l’État, est nécessairement restreinte par les principes de justice, qui ne permettent ni de dépouiller un citoyen pour en enrichir un autre, ni d’ôtér la subsistance de l’un, pour donner l’aisance à l’autre, ni même de trop ôter de l’aisance qu’un citoyen acquiert par son travail personnel, pour ajouter beaucoup aux commodités de la vie d’un autre citoyen. Deux vues, l’une et l’autre également de justice, doivent donc être continuellement présentes à l'esprit de quiconque distribue des grâces pécuniaires sur les fonds de l’État. Il faut considérer le mérite et le besoin de celui qu’on représente ; il faut respecter le droit de propriété de celui sur les biens duquel on fait un retranchement. La conabinaison de ces idées produisit une sage économie chez les anciens peuples. On y fournissait, aux citoyens qui avaient bien mérité de leur patrie, le logement dans des édifices publics; on leur donnait la nourriture aux dépens des fonds publics. La récompense était bornée à l’étroit nécessaire, mais elle était décernée par le vœu commun de la cité : les suffrages unanimes du peuple y ajoutaient beaucoup, et la mettaient au niveau des grands hommes qui la recevaient. Disons plus de la modicité même de la récompense dont le citoyen qui avait bien mérité de sa patrie, savait se contenter, il sortait pour lui un nouveau sujet de gloire. Il prouvait qu’au feu du génie qui inspire (les grandes actions, il joignait la sagesse du cœur, la modestie qui se contente de peu, la force d’un esprit supérieur à de prétendus besoins auxquels le vulgaire sacrifie avec tant de bassesse. Chez des peuples modernés, dânk 619 les lieux où un grand luxe avait banni les vertus sévères, le choix et le désir des récompenses fut égaré par des passions que l’aisance et les commodités de la vie fomentaient. On eut intérêt de croire que l’honneur résultant des récompenses pécuniaires, augmenterait dans la proportion de îa somme qu’on recevrait; ce qu’on eut intérêt de croire, parut vrai, et cette idée une fois établie, l’ambition qui désire de grands honneurs, la cupidité qui convoite de grandes sommes d’argent, s’accordèrent pour solliciter de fortes récompenses pécuniaires. Il était facile de prévoir, dès lors, que ceux qui prétendraient aux récompenses pécuniaires oublieraient qu’on ne leur donnait de l’argent qu’en l’ôtant à leurs concitoyens. Mais ce premier mal n’était pas le seul à prévoir. Le double avantage arraché aux récompenses pécuniaires, commodité et honneur, devait engager à les arracher par d'importunes sollicitations, quand on ne les méritait pas par de belles actions. Il est des personnes d’un caractère digne de la grandeur de l’homme, auxquelles il coûte plus de solliciter les distributions des grâces, qu’il ne leur coûte d’exposer leur fortune et leur vie. Ils savent mériter; ils ne savent pas demander. Mais combien d’autres s’élancent en rampant, et se courbent dans le faux espoir de s’élever! Ceux-ci consument, dans des intrigues, la petite activité de leur esprit : ils assiègent les rois en les flattant : ils trompent les ministres, ou sont d’intelligence avec eux; ils épuisent la substance du pauvre, et la dissipent sans remords, parce qu’ils n’ont pas connu les fatigues et les peines qu’elle lui coûte. Heureux si les succès trop brillants des hommes vils n’eussent pas quelquefois tenté ceux même qui avaient des titres légitimes à la reconnaissance publique! Delà sont découlés les abus dont le torrent a sans cesse grossi, malgré les obstacles trop faibles qu’on mettait à son cours. § 2. Abus qui ont eu lieu à l'égard des grâces pécuniaires sur les caisses publiques; efforts faits pour les réprimer; état des grâces pécuniaires à différentes époques, progression successive des sommes auxquelles elles se sont portées . Pour bien juger des abus relatifs aux grâces pécuniaires, il ne faut pas considérer ces grâces seulement dans des temps où déjà grand nombre d’abus étaient introduits; on serait exposé à prendre des abus pour des usages uniformes, constants; et on les croirait légitimes, parce qu’on ne connaîtrait pas d’exemples contraires. Remontons à une époque à laquelle, à raison de quelques circonstances particulières, les vices de la constitution de l’Etat aient été moins actifs. Que faisait-on alors ? Eu quoi, dès ce temps, était-on en opposition avec les principes ? Le commencement du siècle dernier est l’époque à laquelle nous nous fixerons. Henri IV régnait; Sully était son ministre : les grandes qualités du prince donnait de la valeur aux récompenses qu’il distribuait : la sage économie du ministre ne permettait pas que tes contributions fournies par les peuples, pour les besoins de l’Etat, fussent dévorées par les fantaisies des courtisans. Avant Sully, le Trésor public étant épuisé, et les solliciteurs des grâces ne pouvant obtenir de l’argent, parce qu’il n’y. en avait pas dâhs le 620 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Trésor, avait demandé, pour dons et pensions, des rentes qu’ils avaient fait créer à leur profit. Sully anéantit, en 1604, ces constitutions de rentes établies sans capital : il en fil prononcer l’extinction en 1609. (Recherches de Fortbonnais, torn.I, p. 63.) Lorsqu’il eut rétabli l’ordre dans les finances, les pensions se trouvèrent monter, tant par rôle que paracquits-patents, à 2,506,486 livres; les dons par acquits-putents, à 1 ,684,522 livres; les bienfaits et aumônes, à 85,598 livres (extrait du compte de l’épargne, rapporté par Fortbonnais, tome I, p. 117 et suivantes). La somme totale de la recette du Trésor public était de 32,589,659 liv. : la somme totale de ce qui était donné était de 3,826,606 liv. Le roi donnait donc un peu plus du neuvième de ce que ses peuples versaient dans le Trésor public; et si l’on considère la proportion de la valeur du marc d’argent à cette époque, avec la valeur au temps présent, Henri IV donnait environ 10,000,000 liv. de notre monnaie actuelle. C’était sans doute donner beaucoup que de donner le neuvième des contributions publiques : mais il y a deux remarques à faire. Henri avait été obligé de soutenir de longues guerres; il tenait la couronne de sa naissance ; il l’avait placée sur sa tête par sa bravoure; elle y avait été affermie par les efforts continus d’une multitude de Français, qui, pour défendre leur roi, avaient perdu leurs revenus et leurs propriétés; les grâces pécuniaires étaient, à leur égard, de justes indemnités. D’ailleurs, à cette même époque, Sully trouvait, sur les contributions du peuple, de quoi former un fonds réservé aux accidents imprévus; et quels que soient les revenus dont on jouit, on est riche lorsque l’on peut thésauriser. C’était donc dans un état de richesse qu’Henri donnait 1 0,000,000 livres de nos valeurs actuelles, formant à peu près le neuvième des revenus publics. Henri mourut. (Recherches de Fortbonnais, tom.I, p. 138.) Les Etats du royaume furent convoqués en 1614; et déjà le montant des pensions accordées depuis le nouveau règne, excitait les réclamations. La somme des pensions était de 5 millions 650,000 livres: les dons aux princes avaient été augmentés de 50,000 livres, les gratifications, de 1,100,000 livres. On donnait 9,020,100 livres, au lieu de 3,826,606 liv., quoique les perceptions fussent demeurées à peu près les mômes. Des Etals demandèrent que les pensions fussent réduites sur le pied de 2,000,0, 0 livres. On n’en fit rien : mais l’excès des grâces empêcha bientôt qu’elle ne fussent payées, et Concini profita de cette détresse même, pour faire du bien à de nouvelles créatures. (Ibid., p. 152.) En 1615, il fit créer trois charges de trésorier des pensions, qui lui valurent un million. La disette du Trésor public ouvrait une branche de commerce très riche aux trésoriers. D’accord avec leurs protecteurs, dit Fortbonnais, ils achetaient à bas prix les créances sur le Trésor, et la dépense entière en était portée sur le registre, à leur profit. D’un autre côté, lorsqu’on vit qu’il fallait abandonner une partie de ses pensions pour toucher le surplus, on les sollicita plus fortes. Le président Jeannin déclara aux notables, assemblés en 1617, qu’elles se portaient à six millions. (Ibid., p. 157.) Les Etats demandèrent la réduction à trois millions, et ils proposèrent des règlements : de ne point payer les pensions sur de simples brevets , à moins qu’elles ne se trouvassent sur l’état signé de la main du roi ; de supprimer les charges de trésoriers des pen-[2 juillet 1790.] sions, sources d’une infinité de malversations; de n’employer aucune espèce de dons dans les acquits de comptant qui se font pour la nécessité des affaires ; d’obliger tous ceux qui solliciteraient des dons et bienfaits du roi d’exprimer , dans leurs placets, les dons qu’ils avaient déjà reçus, à peine d’être privés de la dernière grâce. Ces règles s’exécutèrent mal; les réductions ne furentqu’imnarfaites. (Recherches de Fortbonnais, tom. 1, p. 207.) Les notables, assemblés en 1627, se trouvèrent forcés d’être sévères : ils demandèrent que l’état des pensions fût réduit à deux millions, si Sa Majesté ne jugeait pas dIus à propos de les supprimer en totalité. Les plaintes contre les acquits de comptant furent vives : on rappela les anciennes ordonnances qui en défendaient l’usage, pour être par iceux, couverts et ensevelis les plus grands abus qui peuveut être commis en l'ordre des finances. L’article 274 de l’ordonnance de 1629, prononça que « fis Etats, entretennement et pensions, « seraient réduits à une somme si modérée, que « les autres charges de l’Etat pussent être préala-« blement acquittées; qu’il serait fait un état par « chacune année, qui contiendrait le nom de ceux « qui en devaient jouir, et hors lequel personne « ne serait reçu à les prétendre, quelque brevet « ou ordonnance qu’il en pût obtenir, ni être « employé dans ledit état qu’en vertu de let-« très patentes enregistrées à la Chambre des « comptes. » On estime qu’en 1642 (Fortbonnais, p. 241 , d’après le testament du cardinal de Richelieu), le revenu de l’Etat montant à 79,000,000 de livres, les pensions étaient de 4 millions; les dons ordinaires du roi , de 5 0,000 liv., et les acquits-patents, de 400,000 liv. : les dons étaient à peu près le quatorzième des revenus nets. Il est difficile, faute des éléments nécessaires, de suivre l’état des pensions pendant la minorité de Louis XIV; mais, à une époque très brillante de son règne, après la paix d’Aix-la-Chapelle, en 1670, on a un état des dépenses, qui porte le total des pensions, gages du Conseil, appointements d’officiers, appointements de maréchaux de France, acquits de comptant, à 3,432,000 livres : le total des revenus nets étant de 70,483,834 livres. On ne donnait pas le vingtième du revenu; l’argent était à 27 livres le marc : on ne donnait pas 7 millions de nos valeurs actuelles ; et cependant on sortait d’une guerre, dans le cours de laquelleun nombre considérable de belles actions avaient mérité et obtenu des récompenses. ( Histoire universelle t. 31, p. 438.) On commençait à jouir d’une paix que Louis XIV employait à faire refleurir les sciences, les arts , les manufactures et le commerce. En 1672, les grâces pécuniaires reçoivent quelque augmentation : 2UO.OOO livres sont employées en gratifications pour l’armée. Louis XIV faisait avancer cent mille hommes vers le Rhin : la guerre se prolongea, et Louis XIV, devenant de jour en jour plus absolu, abrogea, en 1678, les règlements qui avaient précédemment eu lieu pour la concession des pensions. Il décida qu’elles ne dépendraient que de sa volonté, et il ne tarda pas à éprouver les surprises auxquelles est sujet un prince accessible à la flatterie, et disposé à tout sacrifier au fantôme de sa gloire. La somme des pensions s’élevait avec rapidité, mais il devenait plus difficile d’en saisir la masse et l’ensemble, parce qu’on la dispersait à dessein, sous une multitude de dénominations différentes. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1790.] 621 C’était, en 1684, des récompenses f Fortbonnais , t. 2. p. 40) ...... 160 490 1. Offrandes et aumônes ........... 159,708 Gratifications aux troupes ........ 1,439.935 Des pensions proprement dites. . . 1,452,839 Gag�s du conseil ................ 2,0/6,781 Des gratifications par comptant... 2,747,886 Des affaires secrètes ............. 4,681,064 Des acquits-patents ............. 227,700 Des menus dons ................ 627,519 Total ........ 13,573,922 1. Le total des revenus nets ne se montait cependant alors qu’à 106,250,432 livres {Fortbonnais, t. 2, p. 8) ; et au lieu de n’en donner que le vingtième, on en donnait plus du neuvième. En 1690 (livre du roi) les pensions et gratifications ordinaires étaient montées à ............. 2,354,860 1. 6 s. 8 d. Les gratifications aux officiers ............... 1,552,164 6 9 Les gratifications par comptant, et autres dépenses ................ 2,201,241 4 1 Les acquits patents. . . 226,450 Les menus dons, etc. 265,437 6 4 En 1700 ( Fortbonnais , l. 2, p. 171) ces dépenses se portaient à 21 ,886,661 livres comme il suit : Offrandes et aumônes ........ 341,817 Récompenses ................ 333,383 Gratifications aux troupes.... 1,807,009 Pensions .................... 3,122,890 Gages du Conseil ............. 2,330,106 Affaires secrètes ............. 1,113,710 Gratifications par comptant.... 11,616,296 Acquits-patents-............. 2 1 7,0ü0 Menus dons .................. 375,449 Dépenses du roi et de la reine d’Angleterre ................... 600,000 Les revenusnets n'étaient que de 69,041,711 livres. Ce defaut de proportion entre les dons et les revenus est un des caractères du désordre qui s’introduisit alors dans les finances, et qui, bientôt, fut général. Le vide du Trésor royal ne permettant plus qu’il fournît aux récompenses méritées par les militaires, on fit de nouvelles retenues sur leur solde. Des arrêts du Conseil du 17 février 1682 et du 12 mars 1700, avaient établi une retenue de trois deniers pour livre sur toutes les dépenses des troupes, pour la subsistance et entretien des soldats reçus à l'Hôtel des Invalides. Un édit du mois de novembre 1704 ordonna la retenue d’un quatrième denier, pour servir de fonds aux gratifications à accorder aux militaires, dont l’état serait dressé tous les ans. Le même édit porte création de trois trésoriers généraux, payeurs des pensions des officiers des troupes ; de trois principaux commis de ces trésoriers, et de trois contrôleurs. Les créations d'offices étaient, à cette époque, le palliatif de l’épuisement des revenus de l’Etat, comme les emprunts l’ont été à une autre époque. La progression des dons et des pensions devenant plus minutieuse à suivre, à mesure qu’ils augmentent, il suffira d’observer qu’en 1715 il avait été ajouté aux articles qui existaient en 1700, ceux que voici : Pensions de M. le duc de Chartres. . . 150,000 1. De Mme la duchesse douairière ....... 190.000 De M. le duc ...................... 110,000 De Mme la princesse de Conti ........ 100,000 De Mme la princesse de Conti, seconde douairière ....................... 60,000 DeM. le prince de Conti ............ 70,000 De M. le duc du Maine ............. 100,000 De M. le comte de Toulouse ......... 90,000 Total ................ 870,000 1. Lorsqu’au commencement de la régence de Louis XV ( Fortbonnais , t. 2, p. 453), la nécessité força de mettre de l’ordre dans les finances, on fut très embarrassé à former une masse de toutes les pensions dispersées dans une multitude de départements divers, et déguisées sous une infinité de noms. On prit d’abord le parti d’établir des règles pour l’avenir. Le conseil de régence fit publier, sur ce sujet, une déclaration Je 30 janvier 1717 : dans le préambule on rappelle les anciens règlements destinés à empêcher la concession trop facile des pensions, notamment l’article 174 de l’ordonnance de 1629. On rappelle aussi la déclaration du 30 décembre 1678, par laquelle Louis XIV avait abrogé les anciennes règles, tant, avait-il dit, qu’il prendrait le soin et l’administration de ses finances. Le conseil de régence n’hésite pas à dire qu’aux termes de l’ordonnance de 1629, et en suivant l’esprit de la déclaration do 1678, les pensions accordées par le feu roi étaient éteintes de plein droit au jour de son décès; que l’intention de Louis XIV n’avait point été d’engager les revenus de la couronne par des dons et libéralités, au delà du cours de son règne. La condition de ceux qui sont chargés du poids des impositions lui paraît exiger qu’ils soient soulagés; elle invite à ne pas les charger de nouveau d’une contribution dont la libération semble leur être acquise; mais une considération arrête le conseil: c’est celle des motifs qui ont fait accorder les pensions ; elle porte à les regarder, en quelque manière, comme dettes de l’Etat. Le conseil de régence se croit obligé, par ces motifs, à conserver une partie des pensions, et, au lieu de retrancher absolument une dépense si considérable, de se contenter de la diminuer d’après des principes que les articles qui vont être analysés feront suffisamment connaître. L’article premier confirme les pensions existantes, sans obliger leurs possesseurs à obtenir de nouveaux brevets, mais sous les conditions et réductions qui doivent suivre. L’article 2 déclare qu’il ne sera plus accordé, à l’avenir, aucune ordonnance particulière pour les pensions personnelles, ni pour les gratifications ordinaires; toutes seront employées dans un état général, par chapitres distincts et séparés, suivant la différence des personnes qui en devront jouir et la qualité de leurs emplois. Get état général (art. 3) sera arrêté au mois de décembre de chaque année, et il en doit être expédié deux doubles, l’un pour le garde du Trésor royal, l’autre pour être enregistré à la chambre des comptes. L’article4 ordonneque toutes les pensions et gratifications ordinaires, accordées à une même personne, seront réunies en un seul article : il réduit graduellement les pensions; celles de 10,000 livres et au-dessus, aux trois cinquièmes; celles au dessus de 600 livres jusqu’à 1,000 livres, 622 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1790.] aux cinq sixièmes; les pensions intermédiaires proportionnellement. Celles de 600 livres et au-dessous ne sont assujetties à aucune réduction. L’article 5 excepte de la réduction les pensions de l’ordre de Saint-Louis, celles qui sont attachées aux corps des troupes, celles dont jouissent les officiers des troupes de la maison du roi, qui sont attachées aux emplois et non aux personnes : il excepte aussi les pensions attachées aux charges des officiers des cours. La forme particulière du payement de ces pensions exceptées est établie dans l’article 6. Les pensions de l’ordre de Saint-Louis seront employées dans l’état, général, mais dans un chapitre particulier. A l’égard des officiers de la maison militaire� du roi et des officiers des cours, ils doivent être payés parles trésoriers de la maison du roi et par ceux des cours. Les articles 7 et 8 ne sont relatifs qu’au mode de payement des pensions pour l’année 1716. L’article 9 porte que dans le cas où ceux qui seront employés aux états des pensions et gratifications obtiendraient du roi quelques emplois ou établissements, ils seront retranchés de l’état de l’année qui suivra leur nomination. L’article 10 défend d’accorder aucune pension ou gratification ordinaire à qui que ce soit, jusqu’à ce que toutes celles qui subsistent soient réduites à 2,000,000 de livres, non compris, dans cette somme, les pensions exceptées par l’article. 5. La réduction étant opérée, l’article 11 ordonne qu’il sera établi différentes classes de pensions. En attendant que la réduction ordonnée mette en état d’accorder de nouvelles pensions, il est réservé au roi la faculté d’accorder des gratifications extraordinaires à ceux qui pourront les mériter, jusqu’à concurrence de 500,000 livres paran. Les réductions ordonnées par la déclaration du 30 janvier 1717 ne procurèrent pas à l’Etat un soulagement sulfisant. Un édit du mois d’août ordonna la retenue d’un cinquième sur toutes les pensions, en les comptant sur le pied où elles se trouvaient réduites d’après la déclaration. Bientôt on rendit inutiles toutes ces dispositions. Les apparences trompeuses d’une opulence qui n’existait pas en effet (1), portèrent le roi à rétablir, par un arrêt du conseil du 23 février 1720, les pensions sur le même pied qu’elles étaient avant les réductions de 1717; mais il ne fut pas possible de maintenir longtemps cet état de fausse opulence. Le 20 novembre 1725, une nouvelle déclaration rétablit les dispositions de la déclaration de 1717, concernant la réduction des pensions ; elle ajouta même la réduction d’un cinquième sur la somme à laquelle les pensions se trouveraient fixées paria réduction, mais elle abrogea les autres dispositions relatives à la forme dans laquelle les pensions devaient être accordées, et aux états qui devaient en être dressés. On donna pour prétexte trop de difficulté à exécuter ces dispositions. Un arrêt du conseil du même jour, 20 novembre, établit un ordre pour le payement des arrérages des pensions alors échues. La disposition du seul article 2 mérite d’être remarquée : elle veut que « ce qui « est dû des années 1724 et 1725 soit payé en « viager, par forme d’augmentation de pension, « sur le pied du denier 25 du montant de ce qui « est dû à chaque pensionnaire pour chacune « desdites années. » (1). Ce sont les propres termes de l’arrêt du conseil qui va être cité. La réduction des pensions à la somme de 2,000,000 de livres, ordonnée par l’article 10 de la déclaration de 1717, ne paraît pas avoir jamais été effectuée. D’un autre côté, il ne paraît pas que, sous le ministère du cardinal de Fleury, ni même plusieurs années après, les pensions aient éprouvé de grandes variations. Il serait difficile de donner des notions exactes et précises des sommes auxquelles elles montaient, parce que, dans les comptes du Trésor royal, elles sont réparties sous plusieurs chapitres, et que, dans quelques-uns de ces chapitres, elles se trouvent mêlées avec d’autres dépenses : mais les totaux des chapitres qui comprennent, dans différentes années, des dépenses du même genre, éprouvant peu de variations, il est à croire que les pensions en éprouvaient également fort peu. Un état de finance dressé en 1758 ( Collection de comptes rendus, p. 7) pendant l’administration de M. de Boullongne, calcule « les pensions des princes « et princesses du sang en cette qualité et pour « récompenses de services; celles des ordres du « Saint-Esprit et de Saint-Louis; celles particu-« iières sur le Trésor royal; celles assignées sur « les affaires et dépenses militaires, et autres « pensions, à9, 800, 000 livres.» On payait d’ailleurs, au roi de Pologne, une pension de 1,500,000 livres. Le total des revenus ordinaires, à cette époque, était de 236,000,000 livres. Il y avait 37,000,000 de livres dereveüus limités à temps. La masse des pensions était au-dessous du vingt-quatrième de tous ces revenus. M. de Silhouette évaluait, en 1759, les revenus à la somme de 286,547,037 livres, et les pensions à 8,000,000 de livres seulement (Ibid. p. 46 et suivantes), c’est-à-dire au trente-cinquième et même au-dessous : mais, comme les revenus de l’État se trouvaient déjà affectés de très grandes créances, la proportion des pensions avec les revenus nets aurait été beaucoup pins forte. Aussi, dans les économies que M. de Silhouette proposa en 1759, il compta pour beaucoup les diminutions à faire sur les pensions. Une déclaration du 17 avril 1759 répète dans son préambule ces principes déjà souvent rappelés et oubliés, mais toujours frappants par leur grande vérité : Que les dons, pensions et gratifications accordés à quelques Français, ne doivent point nuire à la justice que les autres ont droit d’attendre ; que « les ordonnances rendues rela-« tivement aux pensions sont autant de monu-« ments qui constatent que les importunités ont « souvent préjudicié au vrai mérite de la distri-« bution des grâces , et interverti, au détriment du « service public, la juste proportion qui doit être « établie dans les récompenses. Tous les rois « nos prédécesseurs, dit Louis XV, ont fait exa-« miner, à diverses reprises, les dons obtenus « sans titres légitimes. Pour les annuler, ils ont « voulu qu’à l’avenir toute grâce fût nulle, à « moins queles placets présentés pour l’obtenir, et « le brevet qui l’accordait, ne continssent les deros « et grâces déjà reçus par ceux qui les sollici-« taient ; ils ont enfin ordonné, dans tous les « temps, que ces sortes de dons ne fussent payés « qu’à la fin de l’année, sur les fonds restants « après l’acquittement des charges de l’État. » Le roi indique les ordonnances de plusieurs de ses prédécesseurs ; et après avoir fait mention des déclarations de 1717 et de 1725, il avoue que s’il s’est laissé entraîner à se relâcher de cette règle, et à condescendre aux prières qui lui ont été faites, sans en approfondir rigoureusement le tjtrg, plutôt que de s’exposer à laisser up seul service [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1790.] sans récompense, il n’en est pas moins obligé à modérer son inclination bienfaisante, par les égards de justice qu’il doit au besoin de ses peuples et de ses affaires. L’article premier de la déclaration de 1759 ordonne à tous ceux qui jouissent de dons, pensions, augmentations de pensions et gratifications annuelles, de se pourvoir par devers le secrétaire d’Etat de leur département, et par devers le contrôleur général, relativement aux pensions accordées en finances, pour, sur l’examen qui sera fait, et le compte qui sera rendu au roi, obtenir la confirmation de leurs dons et pensions, s’il y a lieu. L’article 2 exige de ceux qui demanderont la confirmation de leurs dons et pensions, une déclaration contenant un état exact des différentes grâces, honneurs et dignités qu’ils ont reçus du roi, et des revenus et émoluments qui y sont attachés, comme aussi l’exposition des motifs sur lesquels lesdits dons, etc. leur ont été accordés; faute de quoi, les dons, pensions, etc. seront rayés des états, sans qu’ils puissent y être rétablis. Le payement des pensions est suspendu par l’article 4, jusqu’à ce que, sur l’examen qui en aura été fait, elles aient été confirmées. Après l’examen, il doit être dressé deux doubles de l’état de celles qui seront confirmées, l’un, pour être remis au garde du Trésor royal, afin d’être par lui acquitté ; l’autre pour être envoyé à la Chambre des comptes, avec des lettres patentes qui en ordonnent l’allocation. L’article 5 fixe le fonds des pensions, pour l’avenir, à trois millions, et déclare qu’il n’eo sera accordé aucune jusqu’à ce que leur masse soit réduite à cette somme. L’article 3 excepte des dispositions relatives aux autres pensions, à peu près les mêmes qui avaient été exceptées dans la déclaration de 1717; savoir, celles qui sont accordées aux princes du sang, à l’ordre de Saint-Louis, aux corps des troupes, aux officiers des troupes de la maison du roi, par formes d’appointements et de suppléments de solde, et qui sont attachées, non pas à leurs personnes, nyns à leurs emplois; celles qui font partie des attributions de charges de plusieurs officiers de cours supérieures; celles qui sont attachées aux académies, corps et facultés d’études établies dans la capitale; les pensions de 600 livres et au-dessous, accordées aux officiers des troupes de terre et de mer, de la maison du roi et à leurs veuves. L’article 6 déclare que les personnes qui, étant employées dans les états des pensions, obtiendront du roi quelque autre emploi, établissement, grâces, charges ou dignités, seront diminuées en proportion, ou retranchées dans l’état qui sera arrêté pour l’année qui suivra immédiatement leur nomination, et qu’il ne sera accordé aucune pension nouvelle, dons, etc. que ceux qui devront les obtenir n’aient remis une déclaration signée du roi, de tous les dons, pensions, grâces et emplois qu’ils auront ci-devant obtenus. S’ils y manquent, ou s’ils émettent dans leurs déclarations une partie des dons par eux ci-devant obtenus, ils seront non seulement déchus des nouvelles grâces qui leur seraient accordées, mais encore de toutes celles qui leur auraient été accordées précédemment. L’article 7 établit, sur le fonds des pensions qui restera libre au moyen des réductions ordonnées, la réserve d’un fonds d’un milliou, pour être distribué en gratifications extraordinaires. Mais, 623 dans la vue d’empêcher qu’on ne les convertisse en gratifications ordinaires et annuelles, l’article8 déclare que personne ne pourra être porté sur leur état deux années de suite, et ne pourra y être jamais porté plus de trois fois, même avec l’intervalle de deux années. Les dispositions de la déclaration de 1759 ne furent apparemment pas exécutées plus longtemps que leur auteur ne demeura en place. Les pensions ( Collection des comptes, p. 51 et suivantes), loin de baisser à la somme de trois millions, comme il avait été ordonné, s’élevèrent, en 1764, à dix millions; en 1768, à onze, et déjà le déficit des finances commençait à se faire remarquer d’une manière sensible. En 1766 on s’était trouvé dans l’impuissance d’acquitter les arrérages échus. Les arrérages arriérés au premier janvier 1766 furent convertis en intérêts viagers, à 6 0/0 (1). En 1767, on inséra, dans un arrêt du conseil du 30 octobre, qui prescrivait les règles et les formalités à observer tant par les parties prenantes que par les payeurs des états du roi, une disposition qui tendait à ramener l’ordre : c’était qu’à compter de 1767 aucune pension ne serait portée sur les états du roi, mais qu’elles seraient toutes acquittées au Trésor royal (art. 6) . Un arrêt du conseil, du 29 janvier 1770, rendu sur le rapport de l’abbé Terrai, ordonna que les pensions et gratifications de 600 livres et au-dessous seraient sujettes à la retenue du dixième ; de 600 livres à 1,200 livres, à un dixième et demi ; de 1,200 livres à 1,800 livres, à deux dixièmes; de 1,800 livres à 2,400 livres, à deux dixièmes et demi; toutes les pensions supérieures, à trois dixièmes. Quant aux intérêts à 6 0/0, des anciens arrérages suspendus en 1766, ils furent déclarés sujets seulement au dixième ordinaire. L’arrêt porte un effet rétroactif : il ordonne que les retenues prescrites pour les pensions au-dessus de 600 livres auront lieu à compter de celles qui sont échues en 1768. M. Terrai assure que l’exécutiou de cet arrêt procura un soulagement, pour la finance, de 1,800,000 livres. Ce ministre ne porte les pensions qu’à 6,500,000 livres dans un état de dépenses pour l’annee 1773 et uour i’année 1774, ce qui, en comprenant 1,800,000 livres de réductions, fait seulement un total de 8,300,000 livres, au lieu de 1,100,000 livres ( Collection des comptes, pag. 89 et 111). Mais, à cette même époque, on découvre qu’il existait un abus : c’était celui d’obtenir des pensions par déduction sur les revenus de l’Etat avant qu’ils lussent parvenus au Trésor royal; de destiner même certaines parties de revenus uniquement à des pensions, et enfin de former, de certaines pensions, une classe particulière, qui ne passait pas eu compte avec les autres .(Collection des comptes , p. 99). Ainsi, dans l’état des revenus de 1779, on porte eu déduction, pour pensions et gratifications sur les deniers à fournir au Trésor royal par les Etats de Languedoc, 280,110 livres; par les Etats de Bretagne, 80,000 livres; par ceux de Bourgogne, 9,000 livres ; par ceux de Provence, 14,500 livres ; pour les pensions des princes, 64,900 livres. On voit de plus (Ibid., p. 106 et 107) que le prix d’une ferme de petits domaines, donnée à un nommé Hacquin, et qui montait à 130,000 livres, est employé entièrement eu pen-(1) La décision qui a réglé cotte operation n’a pu être trouvée dans les bureaux du contrôle général. (Voyez la lettre de M. de La Fontaine, du 5 mai.) 624 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1790.] sioos, et que sur la ferme du Port-Louis, 27,200 libres avaient la même destination. Ces sommes, réunies aux 6,500,000 livres de pensions de 1774, donnent un total de 7,689,810 livres. Nous aurons occasion de revenir sur ces fonds destinés à des pensions et gratiticatioDS. M. Turgot (Mémoire sur la vie et les œuvres de M. Turgot, part, i, p. 140), appelé au ministère en 1774, avait calculé la ressource des économies sur les pensions. Dans une lettre, devenue célèbre, qu’il écrivit au roi le 24 août, il lui disait : « Votre Majesté sait qu’un des plus grands obsta-« clés à l’économie est la multitude des demandes « dont elle est continuellement assaillie , et que « la trop grande facilité de ses prédécesseurs à « les accueillir a malheureusement autorisées. Il « faut, Sire, vous armer, contre votre bonté, de « votre bonté même; considérer d’où vous vient « cet argent que vous pouvez distribuer à vos « courtisans, et comparer la misère de ceux aux-« quels on est quelquefois obligé de l’arracher « par les exécutions les plus rigoureuses, à la « situation des personnes qui ont le plus de titres « pour obtenir vos libéralités. » M. Turgot dénonçait en même temps un autre abus au roi : ce qu’on appelle croupes et intérêts dans les affaires. « Ces grâces, lui disait-il, sont de toutes les plus « dangereuses et les plus abusives. Tout prolit « sur les impositions, qui n’est pas absolument « nécessaire pour leur perception, est une dette « consacrée au soulagement des contribuables ou « aux besoins de l'Etal. Ces participations au « profit des traitants sont une source de corrup-« tion pour la noblesse et de vexation pour le « peuple, en donnant à tous les abus des protec-« teurs puissants et cachés. » Il entra ensuite dans les plans de M. Turgot (Mémoire sur la vie et les œuvres de M. Turgot , part, il, p. 247), de réduire les pensions à une somme fixe de dix millions. La réduction paraît modique, si l’on s’arrête à la som me de 10,670,450 livres, pour laquelle les pensions sont portées dans un état de l’année 1775 ; mais cet état n’est nullement exact. ( Recueil des comptes, p. 141 et suivantes.) Les pensions montaient alors au moins à seize millions, en y comprenant celles qui étaient payées sur des parties non versées au Trésor royal, ou avant qu’elles y fussent versées. L’état de 1775, dont nous parlons ici, est imprimé dans la collection des Comptes rendus, pages 127 et 163; les pensions y sont énoncées, en plusieurs articles, à différentes pages. On observe, dans un avertissement placé en tête, que ce fut un premier travail, d’après lequel M. Turgot fit faire un second tableau, où les dépenses du Trésor royal furent fixées et arrêtées. En calculant les pensions portées dans ce second tableau, pages 165 et 167, on trouve qu’elles se montent à 14,41 1,580 livres. M. de Galonné a pareillement observé, dans la réponse à l’écrit de M. Necker, page 145, que les pensions portées dans les comptes de M. de Clugni, en 1776, à 9,746,533 livres, sont de 5 millions 533,467 livres au-dessous de la réalité; il les évalue par conséquent, pour 1776, à 15 millions 280,000 livres, et il faut encore joindre, soit à la somme de 14 millions, soit à celle de 15 millions, environ 1,200,000 livres de pensions payées sur les parties non versées au Trésor royal, ou avant le versement de ces. parties. M. Necker était convenu, dans l’écrit publié contre M. de Galonné, page 52, que les pensions avaient été portées à une somme trop faible dans le compte de M. de Clugni. Il assigne, pour cause de cette erreur, la division des pensions dans une multitude de caisses. M. Taboureau, devenu contrôleur général à l’époque de 1776, sentit, comme ses prédécesseurs, la nécessité de rétablir un ordre dans la concession des grâces pécuniaires. De là un règlement du 22 décembre 1776, dans lequel le roi annonce qu’il a vu avec peine que des libéralités successives avaient extrêmement chargé l’étal de ses finances, et qu’il a senti la nécessité de prévenir cet inconvénient pour l’avenir. Le roi propose différents moyens, tirés la plupart des anciens règlements dont il a été rendu compte, pour s'assurer la possibilité de ne jamais refuser des faveurs justement méritées, et d’aller même au-devant des hommes modestes, qui ne demanderaient ni la récompense de leurs services, ni l’encouragement auquel des talents distingués peuvent prétendre. Enfin, le roi annonce qu’il proscrira absolument, pour l’avenir, les croupes ou intérêts dans les affaires de finance, parce qu’il veut dissiper l’obscurité à la faveur de laquelle on cache souvent l’étendue de ses demandes, et qu’il désire, au contraire, donner aux grâces cette publicité qui retient les sollicitations indiscrètes et procure aux bienfaits mérités un nouveau prix, l’approbation publique. M. Necker, placé à la tête des finances à la fin de 1776, fut frappé de la confusion et de l’incertitude qui résultaient de l’établissement des pensions sur un grand nombre de parties. Il fit rendre les lettres-patentes du 8 novembre 1778, dont le principal objet est de faire cesser cette confusion. « Étant informé, dit le roi, que le « payement des pensions, des gratifications an-« nuelles et de toutes les grâces viagères, est « assigné sur une multitude de caisses diffé-« rentes, et qu’il résulte de cette subdivision une « obscurité contraire à l’ordre et à l’économie, « nous avons cru essentiel d’ordonner que, doré-« navant, toutes ces grâces, sans distinction, « seront payées par un des gardes du Trésor « royal. » Le roi expose ses vues ultérieures : c’est de faire dresser un tableau des pensions, où toutes les parties qui appartiennent à* divers départements soient classées à part, de manière qu’il soit possible de fixer les remplacements qui auront lieu sur les extinctions. Les articles du dispositif contiennent les moyens de parvenir au but que le roi se proposait. Ôn y remarque la défense très expresse, à la Chambre des comptes, de passer en dépense, sous quelque prétexte que ce soit, dans les comptes de tout autre comptable que ceux du garde du Trésor royal, aucun payement de pensions ou autres grâces viagères (art. 3.) L’article 4 ordonne aux divers départements, dépositaires des décisions en vertu desquelles les pensionnaires jouissent des grâces viagères, d’en faire passer i’ampliation au département des finances, pour y être enregistrée et former les étals d’après lesquels les pensions seront payées. Au moyen de cette formalité, l’article 7 dispense les pensionnaires de la nécessité d’obtenir une ordonnance particulière chaque année. Les autres articles ont pour objet de faire dresser des tableaux des pensions, à l’effet de parvenir à des états de réduction. Une déclaration du 7 janvier 1779 prononça l’exécution des différentes parties du plan qui avait été annoncé l’année précédente. L’article premier ordonne, de la manière la plus générale, que le sieur Savalette, garde du Trésor royal, [Assemblée nationale.l ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1790. J payera toutesles pensions, gratifications annuelles, retraites, appointements conservés et autres grâces annuelles possédées à titre purement gratuit, sous quelque dénomination et dans quelque département qu’elles aient été accordées. Le règlement contient quatre articles : par le premier, toutes les demandes des grâces pécuniaires, sous quelque forme qu’elles soient présentées, ne pourront être mises sous les yeux du roi, que dans le mois de décembre de chaque année. Les pensions et grâces pécuniaires nouvelles ne seront accordées que sur le Trésor royal, se payeront au bout de l’année révolue, et ne seront sujettes à aucune réduction {art. 2). Il sera fait, à compter de 1777, un fonds annuel de 500,000 livres pour liquider les arrérages de pensions arriérées (art. 3). Le roi défend toute demande et attribution d’intérêts dans les fermes ou régies de ses revenus, ainsi que dans toutes espèces ' d’affaires de finances, à moins qu’on n’en soit administrateur (art. 4). Les pensionnaires doivent remettre entre les mains des secrétaires d’Etat des départements respectifs les titresdes grâces dont ilsjouissent, etle détail des différentes grâces (art. 6). Sur le rapport qui lui en sera fait, le roi confirmera les grâces, et il en sera expédié de nouveaux brevets (art. 7) Toutes les grâces seront comprises dans un même brevet (art. 9). Les pensions et grâces viagères sont déclarées non saisissables, sans préjudice des ordres particuliers qui pourraient être donnés par les secrétaires d’Etat, pour les arrêter (art. 13). L’article 10 porte qu’il sera dressé un rôle de toutes les pensions accordées antérieurement, et qu’à l’avenir il sera expédié, chaque année, un rôle des pensions accordées dans l’année, lequel sera adressé à la chambre des comptes et enregistré par elle. Par rapport aux arrérages échus, il ne doit en être payé, sur l’arriéré de chaque pension, qu’une seule année, et il doit être fait un décompte du surplus; lequel décompte, est-il dit, sera payé des fonds qui y seront destinés extraordinairement, aussitôt que les circonstances le permettront ; et, à défaut, au décès des pensionnaires (art. 2,3 et 4). L’article 17 excepte de tous les articles précédents les soldes, demi-soldes et récompenses militaires accordées pour retraites aux soldats et bas-officiers invalides, les pensions attachées aux charges, plusieurs autres pensions militaires (1). (1) Voici le texte de l’article : « Conformément aux exceptions portées par nos « lettres patentes du 8 novembre 1778, nous n’enten-« dons pas comprendre dans les dispositions de notre « présente déclaration les soldes et demi-soldes et « récompenses militaires accordées pour retraite aux « soldats et bas-officiers invalides, ainsi que les pente sions et gratifications annuelles, attachées invariable-« ment à différentes charges*; les suppléments d’ appointe tements fixés lors de la nouvelle composition des troupes en 1776, aux maîtres de camp de cavalerie, « û*s hussards, des dragons, et à quelques colonels « commandants, colonels en second des régiments d’in-« fantene et autres officiers en activité, pour les in-« demniser &<» partie d’appointements qu’ils ont perdus a en passant d grade à un autre, lesquels supplé-« ments d'appointements s’éteindront lorsque lesdits a officiers passeront à &«§ grades supérieurs ou quitte-« ront leurs corps ; les retraites dont jouissent les office eiers étrangers, ci-devant à notre service, retirés dans « leur patrie, et qui sont payées par la voie de nosam-« bassadeurs ; et enfin, les pensions ou retraites accor-lre Série. T. XVI. 625 Il porte aussi que les pensions assignées sur le domaine de Versailles, et dont les fonds ont une destination particulière, continueront d’être payées sur ces fonds. Aux termes de l’article 18, il ne doit plus être accordé à l’avenir, aux officiers des troupes, aucune retraite ni pension, sous la domination de traitements des officiers entretenus dans les places, ni à la suite des corps ; ordonne néanmoins que ceux qui ont obtenu, par le passé, des traitements à la suite des places, continueront à en jouir. Le 8 août 1779, il fut donné une autre déclaration, pour régler les faits à établir de la part des pensionnaires, lorsqu’ils se présentent pour recevoir. Oa peut y remarquer l’article 3, (Recueil des comptes , p. 27.) qui autorise les pensionnaires à donner quittance sans aucune autorisation, même de la part des maris à leurs femmes. M. Necker déclare, dans le compte qu’il a rendu en 1781, que l’expérience lui a fait connaître de plus en plus combien il était utile de fixer une seule époque pour la distribution des pensions. « Cette méthode, qui réunit sous les yeux du » monarque tous les objets en masse, doit néces-» sairement lui en rendre l’étendue plus sensible, » et le mettre à portée de comparer la somme » des demandes avec la mesure de ses moyens ; » d’ailleurs, Il est une multitude de ces demandes » auxquelles le moment prête une grande » force, mais dont l’impression s’affaiblît lors-» qu’un peu de temps permet de juger plus froi-» dement de la justice des sollicitations. » Il ajoute que la réunion de toutes les grâces dans un même brevet, leur enregistrement à la chambre des comptes, préviendront une multitude d’abus. Ces formes avaient déjà servi à faire connaître l’étendue des grâces : « Votre Majesté « elle-même a été surprise d’apprendre que ces « différentes grâces formaient actuellement une « charge pour les finances, d’environ 28 millions. « Je doute si tous les souverains de l’Europe en-« semble payent, en pensions, plus de moitié « d’une pareille somme (1): c’est même un genre « dées et qui le seront par la suite, aux officiers reçus à et l’hôtel des Invalides, pourvu toutefois qu’elles n’excè-cc dent pas 400 livres par an : le payement de toutes tt lesquelles grâces continuera d’être fait par le trésorier « de la guerre, comme par le passé ; et nous voulons « aussi que les pensions assignées sur notre domaine « de Versailles, et dont les fonds .ont une destination « particulière, continuent d’ètre payées sur ledit a fonds. » (1) M. Necker s’est exprimé avec bien plus de force encore contre l’excès des pensions (traité de l’administration des finances, t. II, p. 390), dans son traité de l’administration des finances, imprimé en 1784. Après avoir rappelé l’évaluation de 28 millions, qu’il regardait encore comme juste, mais comme portée au plus haut terme, il dit : « Je n’aurais pas besoin, je le pense, de grands ef-« for s pour faire sentir l’effet d’une pareille munifi-« cence ; on dirait, â voir cette profusion, que l’or et « l’argent sont apportés par les flots de la mer, au lieu « que les richesses des souverains sont les produits des » Le produit connu des gouvernements monte à la somme de 2,562,393 liv. (1). La sixième classe des grâces pécuniaires sera composée des encouragements donnés sous le nom déprimés , ou sous toute autre dénomination. On peut en évaluer le montant à la somme de 3,990,330 liv. (2). La septième classe sera formée des gratifications extraordinaires et momentanées, qui ne s’assignent que pour une fois, quoiqu’elles se réitèrent souvent en faveur de la même personne. Quelquefois elles se donnent en meubles ou autres objets; le plus souvent en argent. En réunissant plusieurs années de ces gratifications pour en faire une année, moyenne (états à la suite du rapport, n° IX), dous' pensons que cette année moyenne peut être évaluée à 932,082 liv. Voilà déjà une masse totale de 58,836,721 liv. qui est donnée annuellement dans le royaume; mais il y a une grande addition à faire, pour des objets dont les uns peuvent être évalués d’une manière précise : les autres ne présentent pas une valeur connue quant à présent, et offrent néanmoins, soit seuls, soit par leur réunion avec d’autres parties, un aperçu considérable. 1° L’Assemblée nationale ayant décidé que les biens, dont les ecclésiastiques jouissaient précédemment, étaient des biens nationaux, ne doit-on pas regarder comme pris sur les fonds nationaux les revenus des abbayes et des prieurés en com-mende, à la possession desquels il n’était attaché aucune résidence ni aucun service, et pareillement les pensions que le roi accordait sur les bénéfices ? Il faut laisser au comité ecclésiastique à donner l’évaluation du revenu des bénéfices possédés en commende. Quant aux pensions sur les bénéfices, on peut, d’après les états qui ont été envoyés, en établir l’aperçu à 1,622,472 livres (3). 2° Il existe des juifs à Metz. On sait que ceux-là ne jouissent pas encore du droit de cité. Ils avaient besoin, dans certaines occasions, d’être défendus contre les suites funestes de préjugés aveugles et barbares, et cette protection qui leur était due, leur a été vendue. Le malheur de leur état est devenu un fonds sur lequel ou a assis un produit annuel en argent. Louis XV, ou plutôt le régent, par des lettres patentes du 31 décembre 1715, accorda à la comtesse de Fontaine et au Pour l’indemnité de la non-jouissance 1. s. d. des lapins du Vézinet, suivant l’arrêt du conseil du 29 octobre 1754 . . . . 3,600 » » Pour autre indemnité accordée par arrêt du 15 janvier 1789 ......... 6,000 » » Sur le Domaine. Comme capitaine du château de Saint-Germain .............. 40 19 4 Idem ................. 180 A lui, pour récompense et pension. . , 248 12 1 Total ....... 43,376 1. 1 s. 4. Outre ces attributions, le gouverneur a la jouissance de tout le domaine de Saint-Germain et des droits sei-neuriaux, montant environ à 25,000 liv. suivant une écision du conseil. (Note envoyée par M. de Mathagon, le 1er avril 1790, en réponse aux éclaircissements qui lui ont été deman dés par le comité.) (4) Etats à la suite du rapport, n° VIL f2) Ibidem, n° VIII. (3) Voyez les états à la suite du rapport, a* X. 632 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1790.] duc de Brancas la cession de ce qui devait être payé au roi par les juifs de Metz, pour droit d'habitation, protection et tolérance, par chaque famille juive établie dans la ville de Met%. Ce droit a été abonné à 20,000 liv. par an. La première cession avait été faite pour trente années ; elle fut renouvelée pour trente autres années, par un brevet du 15 décembre 1732, en faveur du mariage que M. le duc de Lauragais était sur le point de contracter avec Mlle de Mailli. Quoique le renouvellement ne dût expirer qu’au 31 décembre 1775, la maison de Brancas a pris la précaution d’obtenir, dès 1750, le 1er mai, un nouveau brevet de prorogation jusqu’en 1805 (1). 3° Des charges à la bienséance de personnes favorisées (Voyez le Livre rouge, p. 19), étaient vacantes aux parties casuelles; on les obtenait gratis ; et au moyen d’une ordonnance de comptant, on les levait avec une feuille de papier, au lieu de verser dans le Trésor public les sommes pour lesquelles l’office avait été créé. 4° C’est encore un don, que la remise des retenues qui devaient être faites sur les pensions aux termes des arrêts du conseil de 1770 et de 1787. Un grand nombre de pensionnaires ont abusé du crédit dont ils jouissaient, pour obtenir l’affranchissement de ces remises. Quelquefois il a été accordé sur le prétexte que la somme que l’on touchait était un traitement plutôt qu’une pension; mais dans d’autres circonstances ce sont de véritables pensions qu’on a exceptées des retenues. C’était bien sur une pension de 15,000 liv. (vu l’original), que M. Coster a été affranchi des retenues par une décision du 3 mai 1789. De pareilles grâces ne s’accordaient pas à des pensionnaires éloignés de la capitale ; on ne les accordait pas à des militaires, sur leurs modiques pensions. Il y avait plusieurs manières d’obtenir l’affranchissement des retenues. Quelquefois une décision formelle prononce la franchise ; on vient de le voir par rapport à M. Coster ; d’autres fois, on faisait expédier une ordonnance de comptant, pour couvrir du montant des retenues (p. 33 et 58) : on a des exemples pour Mme de Polignac, dans les états de comptant de 1783. Un troisième moyen était de faire refaire, sous une date postérieure à 1787, les brevets d’une date antérieure; parce que, comme nous l’avons remarqué ci-dessus, p. 38, les pensions accordées après le 1er mai 1787 n’étaient pas sujettes aux retenues. Il nous est tombé sous la main deux exemples de cette opération. M. de Fourcroi, directeur dés fortifications (vu l’original de la décision), a 13,000 liv.de pensions par un brevet du 26 novembre 1788 : ce brevet en remplace Un qui était de 1785. Le 17 janvier 1789, M. Coindet, secrétaire de M. le premier ministre des finances, (idem) expose qu’il jouit, en vertu d’une décision du 4 juin 1781, d’une pension de 4,000 liv.; qu’il jouit, de plus, d’une gratification de 2,000 liv. sur les fermes. Il observe que ces pensions étant sujettes aux retenues, sont hors de proportion avec les services qu’il a rendus (2), et surtout avec la manière honnête et désintéressée dont il les a rendus. Il demande à être exempt des retenues et il prie M. le premier ministre des finances d’approuver qu’un nouveau brevet lui soit expédié. Au pied (1) Mémoire imprimé pour les juifs de Metz et distribué à l’Assemblée nationale. Toutes les pièces à l’appui de ce mémoire sont déposées au comité des rapports, sous les numéros 2,357, 293 et 3,269. (2) Depuis 1776. de ce mémoire est, de la main de M. de Necker, approuvé ; et de la main du roi, bon. Le nouveau brevet a été expédié sous la date du 17 janvier 1789. Le traitement de M. Coindet, comme secrétaire de M. le premier ministre (vu le brevet), est de 12,000 liv.; il est porté d’ailleurs sur le registre des ordonnances de 1789, pour une gratification de 12,000 livres. 5° Nous devons compter parmi les dons, les abonnements de vingtièmes accordés aux princes. (Pag. 15). On a le relevé de ces abonnements dans l’état des revenus fixes. Monsieur, M. le comte d’Artois, M. le duc d’Orléans, M. le prince de Gondé, M. le prince de Gonti et M. le duc de Penthièvre, payent pour les vingtièmes de leurs biens-fonds 188,700 livres, ce qui ne les supposait propriétaires que de 5,887,000 liv. de revenus en fonds. Il n’est pas difficile de sentir quelle faveur c’est d’obtenir de pareils abonnements; mais pour mieux le concevoir encore, il faut y comparer ce que le Trésor public paye pour raison des mêmes abonnements. C’est une énigme à expliquer. Les abonnements accordés aux princes ne peuvent pas avoir leur effet dans les pays d’Etats dont les revenus sont, en quelque manière, séparés de ceux du Trésor public, où se versent les abonnements. Les fonds que les princes possèdent dans ces provinces, y -sont imposés; mais on tient compte, par une remise, qu’on ‘fait aux trésoreries des pays d’Etats, des sommes qu’ils devraient toucher des princes, qu’ils ne touchent pas. Ainsi l’on remet au trésorier des Etats de Bretagne 41 ,897 liv. (état des dépenses fixes, p. 153.) pour les vingtièmes qu'il devrait toucher, à cause des fonds possédés par M. de Penthièvre dans cette province; et l’abonnement de M. de Penthièvre étant de 57,000 liv., il s’ensuit que le prince ne paye que 15,203 liv. de vingtièmes pour tous les biens qu’il possède en fonds hors de la Bretagne (le duché d’Am-boise, Vernon, Armainvilliers, Sceaux, l’hôtel de Toulouse, etc.). 6° Quand l’abonnement n’a pas paru assez favorable, on a pris l’impôt d’une main et on l’a rendu de l’autre. C’est l’objet de deux articles (entre autres) qu’on trouve dans les états de comptant. AM. de Maupeou, chancelier de France, (états de 1783, p. 59) pour indemnité des dixièmes et capitation dont la retenue lui a été faite au Trésor royal sur son traitement, 15,525 livres; àM. Miro-mesnil, garde des sceaux, idem , 12,400 livres. Des impositions ainsi perçues sont loin d’être productives à l’État : non seulement il n’en reste rien dans le Trésor, maisencore il faut payer ceux qui comptent et de leur entrée et de leur sortie : on gagnerait plus à ne pas imposer, qu’à imposer pour rendre. 7°. Plusieurs titulaires de charges, dans la maison du roi et ailleurs, obtiennent des brevets de retenue sur leur charge. La décision du roi, par laquelle, en cas de mort ou de démission du titulaire, celui qui le remplace, doit payer à ce titulaire ou à ses héritiers une somme portée dans le brevet, est un don. Le brevet de retenue n’est pas l’indemnité d’une somme versée dans le Trésor public; c’est une pure. gratification en faveur de celui qui le premier obtient un brevet de retenue sur sa charge. Nous disons le premier, parce que, quand on obtient un brevet de retenue sur une charge déjà grevée d’une pareille grâce, ce n’est alors qu’une indemnité, une assurance du remboursement de ce que le titulaire a payé à son prédécesseur; mais il reste à faire remplacer 1e brevet subsistant par un nouveau 633 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1790.] brevet de plus forte somme, et l’on n’a pas manqué de faire usage de cette ressource. Passons à des intrigues uu peu plus compliquées . Les uns ont présenté les demandes qu’ils formaient, (Voyez à la suite du rapport les pièces cotées n° XI.) comme une juste indemnité à raison de pertes dans des entreprises faites pour l’Etat. Beaucoup de personnes réclament aujourd’hui, sur ce fondement, la conservation de leurs pensions. Tant que les sommes accordées pour de pareilles causes sont encore sur la liste des pensions, le comité a dû les comprendre dans le calcul général des pensions; mais quand elles auront été rayées de ces listes, comme n’étant pas de véritables pensions, ce sera au comité de liquidation à juger des motifs de les conserver, de les réduire ou de les supprimer. D’autres personnes, au lieu de solliciter des pensions, ont demandé des concessions de domaines, des échanges ; elles ont proposé la vente d’objets dont elles étaient propriétaires ; et alors la faveur ou l’intrigue ont augmenté le prix: comme quand on a payé, en vertu de la décision du 24 juillet 1785, 16,000 liv., à M. de Beaumarchais, pour de vieux parchemins qu’il avait fait transporter à la bibliothèque du roi (1) (Voyez à la suite du rapport la pièce cotée n° IX.) On a demandé le remboursement soit de pensions, soit de rentes viagères ; d’autres ont demandé le prix de la rétrocession d’objets qui leur avaient été donnés (2). La plupart de ces opérations recèlent des libéralités, tantôt libres et volontaires de la part du roi, tantôt surprises par les concessionnaires. C’est au comité des domaines à rendre compte des déprédations qui ont lieu à cet égard. On s’est fait donner des gratifications annuelles, pour être indemnisé du profit d’abus qui avaient été sagement supprimés . Nous avons vu l’enregistrement d’ordonnances déjà expédiées pour cette année même 1790, mais non encore payées, à trois des garçons de la chambre de la reine, de 15,600 \i\.tpour indemnité du retour des bougies supprimées , auxquelles ils avaient droit. Semblable ordonnance de 20,000 livres aux deux premières femmes de chambre de Madame Elisabeth, pour le même objet. Les prêts-pour le Trésor royal sont une autre source de libéralités; car on conçoit bien que les prêts de ce genre ne sont pas toujours exacte-ment rendus. Le comité a demandé à connaître le montant de ce qui était dû à ce titre : jusqu’à présent il n’a pu en obtenir l’état (3). Sans doute, (1) Registre des décisions, t. XII, fol. 40. (2) Le marquis de Courcy avait obtenu, en 1763, la concession des marais de Georges Duplessis et autres en Normandie. En 1786, il se plaint de ne pas pouvoir en jouir, il les rétrocède au roi, et obtient, le 22 octobre 1786, 12,000 livres de rentes, réversibles par moitié à sa femme, et 120,000 d’argent, payables en 1787 (Registres des décisions, tom. XII, fol. 54). Voyez d’ailleurs les deux arrêts du Conseil des 13 septembre 1763 et 10 septembre 1786. (3) Voyez la correspondance du comité avec M. Dufresne. 11 y a un exemple de ces sortes de prêts dans le registre des décisions, tom. 13, fol. 155, à la date du 26 août 1787. Le comte de Jarnac expose qu’il doit au Trésor royal 140,000 liv. qui lui ont été prêtées en 1785, et qu’il ne peut pas acquitter cette somme actuellement. Il demande à rembourssr 6,000 livres en 1787 et 12,000 livres chacune des années suivantes, jusqu’à parfait ement, sans intérêts. Il l’obtient. existe un autre exemple dans le même registre, en établissant la nouvelle comptabilité du Trésor royal, on prendra les précautions nécessaires pour la rentrée de ces sommes. On a sollicité et obtenu une remise soit des droits seigneuriaux, soit des droits de marc d’or, et autres de ce gen re. Et qu’on ne s’imagine pas qu’il s’agisse que de sommes modiques : nous voyons, dans l’état de comptant des six derniers 'mois 1775 (arrêté le 26 septembre 1787), une ordonnance de 158,121 liv. à M. de Lambesc, pour remise des droits féodaux pour l’acquisition de Limours ; et dans l’état de comptant des six premiers mois de la même année, une ordonnance de 169,603 livres, en faveur du comte de Luzace, pour les droits de partie du marquisat de Pons ; plus 15,000 liv. pour les droits dus au bureau des hypothèques, à raison de la même acquisition (l). Monsieur a obtenu le 29 avril 1787, une ordonnance de 136,660 liv., pour remise de droits, à cause de l’acquisition de la baronnie de Sainte-Assise. On se tromperait encore si l’on pensait que de pareilles libéralités ne causent d’autre dommage au Trésor public, que le défaut de rentrée de fonds ; elles causent une sortie effective de fonds, parce que plusieurs officiers des domaines ayant à prendre, dans les droits seigneuriaux, une part qui leur a été abandonnée, pour les exciter à veiller au recouvrement, on leur paye cette part sur les droits dont le roi fait grâce, comme elle leur serait payée sur une recette effective. 11 est un genre de dons qui a laissé peu de vestiges : ce sont les sommes données dans les divers départements sur les fonds assignés pour les dépenses secrètes et imprévues. M. Necker nous a appris, dans son Traité de V administration des finances, à nous défier de l’emploi des sommes assignées aux dépenses imprévues. « Cette dé-<* pense, dit-il (tom. II, p. 513), dépend et des cir-« constances et de la sagesse de l’administration; t car c’est dans un pareil article que peuvent se « ranger et l’acquit des dettes des princes et des « grands seigneurs, et les gratifications, et les fêtes, « et les bâtiments extraordinaires, et tous les sa-« crifices de libéralité, de profusion, de négligence « et de maladresse. » Ailleurs, il dit que l’article des dépenses imprévues est celui sur lequel chacun croit avoir des droits, et que, par cette raison, il ne faut jamais élargir. On donnait, sur ces dépenses imprévues, des gratifications; on faisait payer des pensions sur ces fonds ; nous en avons la preuve (2) ; mais il est impossible d’évaluer la somme de leur montant. tom . XII, fol . 285, en faveur du sieur Dessein, aubergiste à Calais, auquel M. de Calonne fait prêter par le roi, le 26 mars 1786, une somme de 90,000 liv. (1) Notez que M. le comte de Luzace jouissait alors même, par ordonnance du 31 décembre 1775, d’un traitement annuel de 150,000 liv. (Etat de comptant des six derniers mois de 1775, chapitre des dépenses diverses). Une décision du 17 octobre 1784, lui fait une nouvelle remise de droits seigneuriaux (Registre des décisions, tom. 11, fol. 258); et le 22 juillet 1787, il fut accordé à mademoiselle de Luzace, pour son mariage avec M. le marquis d’Esclignac, 25,000 liv. de rente viagère, à titre de douaire, sur les 150,000 liv. de son père (Registre des décisions, tom. XIII, fol. 157). (2) Copie d’une lettre de M. Dufresne, datée de Versailles, le 19 janvier 1787, écrite à M. d’Assaux, envoyée au Comité des pensions, le 3 mai 1790, par M. d’Assaux, et certifiée par lui. « Vous pouvez, Monsieur, faire présenter à M. de « Sainte-James, trésorier de la marine, votre quittance « pour l’année de votre pension de 300 livres sur les dé- 634 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1790.] Souvent il a été donné des sommes considérables pour le payement de dettes de particuliers. ( Registre des décisions, tom. XI, fol. 364.) Par exemple, on accorde, le 13 Mars 1785, 200,000 livres àM. de Sarlines pour payer ses dettes. Il avait demandé 300,000 livres; le roi l’avait refusé. M. de Sartines expose sa situation plus en détail ; il promet de payer à sescréanciers 100,000 livres en dix ans; il représente qu’alors il ne lui restera plus que 54,000 livres de revenu : il obtient 200,000 livres, payables en quatre ans, de semestre en semestre (1). Le 13 janvier 1780 (vu la décision au bureau des affaires étrangères), le baron de Breteuil, ambassadeur à Vienne, expose que les secours passagers, obtenus à différents temps de Sa Majesté, n’ont pu le mettre en état de se libérer; qu’il reste encore chargé d’une masse considérable de dettes dont le poids l’inquiète, particulièrement d’une somme de 160,000 livres que le sieur d’Har-velay, garde du Trésor royal, a bien voulu lui prêter, et dont il désire vivement être soulagé. Il supplie le roi de daigner recevoir à sa charge la dette de 160,000 livres ; le roi y consent et paye la dette. En 1785, M. O’Dunoe, ambassadeur à Lisbonne {ibidem), obtient du roi 220,000 livres, tant pour son retour en France que pour servir à la libération de ses dettes. Le comte d’Adhémar, ambassadeur du roi en Angleterre {ibidem), avait reçu 150,000 livres pour frais de voyage et premier établissement. Le 30 avril 1784, il présente un mémoire dans lequel il expose que son établissement lui a coûté plus de 400,000 livres. Le ministre déclare qu’il est obligé de désapprouver l’imprudence avec laquelle M. l’ambassadeur s’est laissé entraîner à des dépenses fort au-dessus de ses moyens; cependant, pour prévenir l’humiliation et le scandale des poursuites ou des réclamations, le ministre détermine le roi à accorder au comte d’Adhémar 100,000 livres par forme de supplément aux dépenses de son premier établissement. On n’a pas oublié, sans doute, les dons faits et les engagements pris pour payer les dettes de M. le comte d’Artois, qui sont rapportés dans le livre rouge : on se rappelle que ces dettes montaient à 14,600,000 livres de sommes exigibles (livre rouge, pag. 13); 74,740 livres de rentes constituées; 908,700 livres de rentes viagères. On a donné, et trop souvent, des rentes constituées sur l’Etat à des personnes qui ne fournissaient aucun capital. Cette forme de donner est dangereuse, parce que, commeelle ne tire point du Trésor royal ce qui n’y serait pas, ou ce qui aurait une destination fixe, il est possible de consentir à de tels dons dans le temps de la plus grande pénurie du Trésor public. Elle est dangereuse, parce que rien n’annonce alors au public l’apparence d’un don : celui qui a obtenu le don se trouve transformé, par la nature même du don, en créancier de l’Etat; il estau niveau du citoyen honnête qui a prêté son argent au Trésor public à un in-« penses secrètes, qui commencera à courir du 13 fé-« vrier prochain. Il est autorisé à en faire le payement, « et vous n’éprouverez aucun retard. J’ai l’hon-« neur, etc. » (1) Voici cependant quel a été le sort de M. de Sartines. Quand il fut appelé au ministère, il jouissait de dix pensions, montant à 19,290 livres. On y ajouta 18,000 livres net de la pension de ministre, 50,000 livres, de pensions particulières, 150,000 livres en argent, 12,000 livres réversibles à sa femme, 6,000 livres à son fils-(Décis. du 5 uov. 1780. Reg, des décis . t. X. fol. 55.) térêt légitime, quelquefois même à un intérêt inférieur au taux ordinaire; enfin, cette forme est dangereuse, en ce que les rentes ainsi données étant une fois entrées dans le commerce, et ayant passé de main en main, celui qui les perçoit n’offre plus aux yeux du public la personne drun homme qui a pillé le Trésor public, mais la personne d’un acquéreur légitime auquel il serait injuste de faire supporter la peine d’une faute qui lui est étrangère. Des dons de cette espèce ont eu lieu à l’occasion de plusieurs emprunts : ils ont été singulièrement multipliés à l’égard d’une constitution de rentes à 4 0/0 établie en 1770. Il aurait été excessivement long et extrêmement difficile de reconnaître tous les dons faits sur les diverses créations de rentes (1) : mais le comité a cru devoir faire quelques recherches particulières sur les rentes de la création de 1770, et devoir produire les exemples d’une fraude dont il avouera qu’il lui a été impossible de connaître toute l’étendue. Un édit du mois de février 1770, donné sous le ministère de M. l’abbé Terrav, annonce que le roi (Louis XV) voulant faire cesser enlin les anticipations portées à un excès qui causait des pertes considérables à l’Etat, et rembourser des créances liquidées, a résolu dese procurer des fonds créant en 6,400,000 livres de rentes à 4 0/0, au capital de 160 millions, dont quatre-vingts seront fournis en capitaux de rentes provenant des effets convertis en contrats, en vertu de l’édit de novembre 1767, et quatre-vingts en deniers comptants ou en rescriptions et assignations suspendues. Ces rentes devaient être payées à l’hôtel de ville. L’édit accorde aux nouvelles rentes toute la faveur et tous les privilèges qu’il est d’usage d’accorder aux personnes qui viennent au secours de l’Etat en lui donnant l’usage de leurs fonds. On peut remarquer la prévoyance que le parlement eut, dans son arrêt d’enregistrement, de supplier le roi « de vou-« loir bien tenir la main à ce que le produit de « cet emprunt fût employé, sans aucune distrac-« tion ni aucun divertissement, au rembourse-« ment des engagements que le roi s’était proposé « d’éteindre ». Cette prévoyance était inutile ; les supplications étaient vaines : le fonds des rentes créées fut, entre les mains du ministre et de ses successeurs, un trésor qui servit à toutes les libéralités comme à tous les payements qu’ils voulurent faire; tellement qu’au* lieu de ne payer, conformément à l’édit de création que 6,400*000 livres de rentes, l’Etat en a payé jusqu’à 8,400,000 livres. Le capital de cet emprunt est aujourd’hui de 21 1,175, 176 livres 8 sols 9 deniers. Les objets au remboursement desquels l’emprunt était destiné n’ont pas été soldés (2) ; et le Trésor public est grevé de la (1) En voici seulement quelques indications. Le livre rouge, p. 20, en date du30avril 1786, rapporte le don de 60,000 livres de rentes viagères aux sieur et dame de Long-champ, dans l’emprunt de mars 1781. Dans le Registre des décisions , tome XIII, fol. 190, v°, on en trouve une du 11 novembre 1787, qui, confirmant à la demoiselle Marie-Anne de Valois le don d’une somme de 28,000 livres, ordonne que l’emploi en sera fait en rentes constituées par le roi à son profit. (2) La preuve en est dans l’état n° 16, joint à la réponse de M. de Calonne à l’écrit de M. Necker {Etat des dépenses pour Vannée 1783), où l’on porte, p. 39, n°12: a Remboursement annuel des rescriptions suspendues « en 1770, 3,000,000 de livres ; intérêts des 38,700,000 a livres desdites rescriptions dues au premier avril 1773, « 1,935,000 livres. » - [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1790.] somme de 211,000,000 delivres, au Heu d’une dette de 160,000,000 de livres (1). (1) Le comité des finances, dans l’extrait raisonné de ses rapports, Part. 2, pag. 4, ne porte les capitaux de l'emprunt de février 1770 qu’à 187,741,200 livres. Nous parions ici d’après des renseignements postérieurs, que M. de Souches, l’un des premiers commis du Trésor royal, a remis au comité. Le 15 mai 1790, le comité lui avait écrit la lettre suivante : « Le comité des pensions désirerait, Monsieur, avoir le relevé exact des contrats et bordereaux de l’emprunt de février 1770, qui ont été délivrés à différentes époques. Il désirerait particulièrement connaître quelle somme de ces contrats a été délivrée en payement ou remboursement de créances, et, s’il en reste des traces, quelle somme a été délivrée en pur don. Le comité pense, Monsieur, qu’il doit y avoir à votre bureau des registres qui constatent l’émission de ces contrats. Il vous prie de satisfaire à sa demande, ou de lui indiquer dans quel autre bureau il pourra trouver ce qu’il recherche. » Le même jour, M. de Souches apporta au président la note que voici : « Par édit de février 1770, registre au parlement le « 16 mars suivant, il a été ouvert un emprunt de 160 « millions, produisant 6,400,000 livres à 4 pour cent. « Par arrêt du conseil du 29 octobre 1786, et lettres « patentes du 2 décembre suivant, registrées à la cham-« bre des comptes le 23 juin 1787, le roi a fixé cet em-« prunt à 100 millions. « L’administration, trouvant toujours un avantage a réel à donner de cet emprunt en payement de ce a qu’elle doit, en a disposé successivement en faveur de « ceux qui ont bien voulu s’en contenter, de manière « qu’aujourd’hui, non seulement les 200 millions ont été « employés, mais il en a été donné, en outre, pour la a somme de 11,175,176 liv. 8 s. 9 d. Situation de cet emprunt au 15 mai 1790. « Les bordereaux délivrés, tant par le sieur Garat, « commis du grand-comptant du Trésor royal, que par « ses prédécesseurs, montent, suivant son registre, à la « somme de 211,175,176 liv. 8 s. 9 d. « Les bordereaux rapportés au Trésor royal, consti-« tués en différents temps et avec diverses jouissances, « s’élèvent à la somme de 210,916,943 1. 8 s. 1 d. « Les bordereaux dans le public, et restants à consti-« tuer, montent à 258,233 1. 8 d. a La recette de cet emprunt a été justifiée dans les « états au vrai des différents comptes du Trésor royal, « arrêtés par le roi, pour les années 1769, 1771, 1773, « 1775, 1777 et 1779, jusqu’à concurrence de la somme « de 197,725,743 1. 10 s. 2 d. « On n’en a point employé dans les comptes faits, a mais à arrêter, pour les années 1781 et 1783. « Le compte pareillement à arrêter pour l’exercice \ p. 332 .......... Etat imprimé des pensions sur divers départements, p. 23 ...................... État des pensions, 3e classe, p. 332 ....... (Voyez ci-dessous, un article de 5,250 livres de deniers comptants, omis ici). Etat de la maison du roi ...................... Ibid. Ibid 28 Septembre 1783. Pension avec réversibilité à sa femme ................................................. Gratification annuelle ........ ............................ 4 avril 1784. Par décision du 28 septembre 1783 ........ 8 janvier 1786. Remboursement du droit de Huitain, dû au fief de Puipaulin ................................. Ordonnance au porteur, pour prix du domaine de Fenes-trange ............................................. 1 D"e de Polastron, duchesse de Polignac, gouvernante des enfants de France. Gages. ...................... . ... Ordonnances particulières ................................. . Dépenses ordinaires de la garde-robe et chambre ............................. 328,000 livres. Pour ses services auprès de M. le dauphin et de Madame Sophie. (Brevet du 1er mars 1789) ................... ... Louis-Héraclius-Melchior, vicomte de Polignac. Pension de retraite de l’ambassade de Suisse ........................ 4,000 livres sont réversibles à sa fille. Appointements conservés eomme gouverneur du Puy-en-Velay. (Brevet du 1er janvier 1781). ...................... 100,000 800,000 ,200,000 80,000 30,000 7,200 14,400 7,200 20,000 3,000 Diane-Augustine, comtesse de Polignac, fille du précédent, dame d’honneur de Madame Élisabeth. Gages en cette qualité ........................................ Ordonnances particulières .............................. Dépenses de la chambre ............... 60,000 livres. 7,200 4,500 De cette part 2,100,000 285,900 662 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {2 juillet 1790.] N° XIV. Pension pour cessation de service. 23 octobre 1785. M. le garde des sceaux désire que Je sieur Dessain, directeur général des droits de traites, se démette de son emploi en faveur du sieur Brak, instituteur de son fils. Gel emploi est un des plus importants de la ferme générale. Le sieur Dessain demande, pour sa retraite, une pension de 10,000 livres, ou l’assurance d’une place de fermier général. Il cite l’exemple de ses prédécesseurs, qui tous ont été fermiers généraux ; et ses anciens services le rendent très digne de la même faveur. Je prendrai incessamment les ordres de Votre Majesté sur les conditions du nouveau bail, et sur le nombre de ses cautions. Mais si Votre Majesté ne croit pas devoir y comprendre le sieur Dessain, une pension de 10,000 livres qu’elle lui accorderait à titre de récompense et de dédommagement, n’excéderait pas les justes proportions. Je supplie Votre Majesté de me faire connaître ses intentions. De la main du ministre : Le roi approuve que la pension soit assurée dès à présent pour le moment où le sieur Dessain quittera la direction générale des traites, à moins qu’il ne soit alors nommé à une place de finance du premier ordre. N«> XV. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1790.] 663 N° XV. ÉTAT de la dépense occasionnée par les changements de ministres , en 1787 et 1788. 664 [Assemblée nationale. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1790. J (Ce n’était pas aux seuls ministres qu’on accordait des sommes considérables pour leur établissement; on en accordait aux commandants de province. La décision qui suit montre une gratification de 100,000 livres accordée, en 1784, au commandant de Bretagne pour son établissement: bien entendu que cette gratification ne préjudiciait pas à celle de deux ou trois cent miile livres qui avait lieu pour la tenue des Etats. La décision du 23 janvier 1785, qui suivra également, en fournira la preuve.) 30 mai 1784. M. le comte de Montmorin supplie Votre Majesté de le mettre en état de faire la dépense de son établissement en Bretagne. Le roi accordait anciennement une gratification de 60,000 livres à son principal commissaire, pour l’indemniser de toutes dépenses lorsqu’il assistait à l’assemblée des Etats de Bretagne, et Sa Majesté accordait 40,000 livres lorsqu’il les tenait pour la première fois, ce qui faisait 100,000 livres. Les denrées de toute espèce ayant augmenté, et les assemblées des Etats étant devenues beaucoup plus longues et plus difficiles, les gratifications ont été augmentées en proportion : on joint l’Etat de celles qui ont été accordées depuis 1752. M. le duc de Fitz-James est le premier commissaire du roi à qui il a été donné une gratification séparée pour la dépense de son établissement. Cette gratification n’avait d’abord été fixée qu’à 80,000 livres, et il avait été convenu qu’il lui serait payé, en outre, 50,000 livres par mois pour ses autres frais; mais sur ces représentations, que ces dépenses de toute nature avaient excédé les sommes fixées de 99,560 livres, il lui fut accordé, par bon du roi, du 23 août 1875, un supplément de 100,000 livres. En 1776, M. le maréchal d’Aubeterre a obtenu 100,000 livres pour la dépense de son établissement. Votre Majesté trouvera, sans doute, juste d’accorder la même somme à M. le comte de Montmorin. De la main du roi : BON pour cent mille livres. 23 janvier 1785. M. le comte de Montmorin supplie Votre Majesté de le mettre en état de s’acquitter des avances que le trésorier des Etats de Bretagne [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1790,] @£5 Jui a faites et continuera (le lui faire pendant l’Assemblée, Il est d’usage de rembourser au commandant en Bretagne les dépenses que chaque tenue lui occasionne. M. le comte de Montmorin ne dit pas à quoi montent les avances que le trésorier lui a faites jusqu’à présent; mais il espère que ses dépenses, au moyen de l’économie qu’il y met, n’excéderont pas 300,000 livres. Il observe que celles de la dernière Assemblée ont monté à 185,000 livres, quoiqu’il n’y eut pas de tables. Il est question de mettre le trésorier dans le cas de retenir les avances dont il s’agit, sur les fonds qu’il a à verser au Trésor royal au commencement de ce mois. Gomme on ne pourra connaître qu’après l’Assemblée l’objet de ces avances, Votre Majesté pourrait se borner, dans ce moment, à ordonner un payement provisoire de 250,000 livres à valoir sur l’indemnité qui sera due à M. le comte de Montmorin pour ses dépenses pendant l’Assemblée. De la main du roi : BON. N° XVI. Gratifications avant la naissance AU ROI. Né sans fortune, et plus encore dénué de titres personnels pour réclamer les bontés du roi, Croismare, cependant, ose supplier Votre Majesté de vouloir bien lui accorder une grâce qui fixera à l’avenir l’établissement de l’un de ses enfants. L’ordre de Malte offrait un asile à son second fils, et il avait eu recours, pour en acquitter les frais, à des emprunts déjà fort onéreux pour lui. Cette ressource, également utile au troisième enfant qui doit naître en juillet, deviendrait nulle pour lui, sa fortune ne lui permettant pas d’emprunter une nouvelle somme dont le remboursement lui deviendrait impossible. Croismare supplie le roi de daigner accorder à cet enfant (s’il est garçon) une somme de sept mille cinquante livres pour payer le droit de passage, fixé par l’ordre de Malte. Assuré des bontés du roi, Croismare ferait inscrire cet enfant à Malte à sa naissance, et il lui apprendrait, dès son enfance, les bontés du roi et les obligations auxquelles elles l’engagent. De la main du roi : BON. (Mme de Croismare accoucha d’une fille, mais la grâce qui avait été sollicitée ne fit que changer de forme : lisez ce qui suit. ) 14 août 1785. M. le vicomte de Croismare a présenté à Votre Majesté, dans le mois de juin dernier, un mémoire, par lequel il a exposé que la médiocrité de sa fortune l’avait forcé de recourir à des emprunts, afin d’acquitter, en faveur de son second tils, le droit de passage fixé par l’ordre de Malte. Il touchait alors au moment d’être père d’un troisième enfant; et comme il se proposait de le faire également inscrire à Malte (si c’était un garçon), Votre Majesté voulut bien lui accorder la somme de 7,050 livres pour le droit en question. Mais Mme de Croismare vient de donner naissance à une fille. Persuadé qu’en cette circonstance, l’intention de Votre Majesté n’est pas de détruire l’effet de ses bontés pour M. de Croismare, je prends la liberté de lui proposer de transporter cette grâce sur le second de ses fils. De la main du roi : BON-N° XVII. Notice des rôles de 1775, 1779, 1783. EXERCICE DE 1775. Rôle des six premiers mois. Comptables ........................... Voyages et vacations ................. Dons, aumônes et récompenses ........ Pensions, gages, états et appointements Deniers payés par ordonnances ........ Remboursements et intérêts ............ Ambassades ........................... Comptant du roi ............... ....... Comptant de Mesdames ................ Chambres et garde-robes de Mesdames... 109,398,667 241,034 29,086 1,882,654 3,363,374 10,398,886 1,388,714 600,000 654,000 330,259 » s. 5 d. 19 8 » )) 10 12 8 5 3 8 10 8 8 Total des six premiers mois 128,286,677 1. 5 s. 6d. 666 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |2 juillet 1790.] Rôle des six derniers mois. Comptables ..................... ...... .......................... 48,434,741 1.4 s. 9 d. Voyages et vacations .............................................. 391,869 3 3 Dons, aumônes et récompenses. • ........ ......................... 40,285 11 1 Pensions, gages, états et appointements ........ .................... 869,520 13 6 Deniers payés par ordonnances .................................... 6,919,654 9 11 Remboursements et intérêts ....................................... 3,666,262 4 » Ambassades ................................................... 1,410,146 13 4 Comptant du roi .................................................. 600,000 » » Chambre et garde-robe du roi ..................................... 105,683 17 « Chambres et garde-robes des princes et princesses ................... 361,862 12 4 Total des six derniers mois ........................ 62,800,026 1. 9 s. 3 d. Rôle des restes. Comptables ..................................................... 203,169,579 1. Ils. 2 d. Récompenses ..................................................... 216,197 8 4 Pensions, gages et appointements ................................ 8,227,360 9 » Deniers payés par ordonnances ................ ................... 8,087,278 14 10 Remboursements et intérêts ....................................... 5,481,965 12 11 Total des restes .................................. 225,182,391 16 3 RÉCAPITULATION DE L’EXERCICE 1775. Rôle des six premiers mois 1775 .................................. 128,286,677 1. 5 s. 6 d. Idem, des six derniers mois ....................................... 62,800,026 9 2 Idem des restes ............................... - ................. 225,182,391 16 3 Total général .................................... 416,269,095 1. 10 s. 11 d. EXERCICE DE 1779. Rôle des douze mois. Comptables ...... , ........... ..................................... 273,046,369 1. 12s. » d. Voyages et vacations ............... . ............................ 300,070 10 Dons, aumônes et récompenses ......... .......................... 184,456 » » Pensions, gages et appointements ............... ................... 382,658 12 7 Deniers par ordonnances ..... . .................................... 4,926,605 17 7 Remboursements et intérêts .............................. ........ 4,566,591 10 6 Ambassadeurs ........................... ........................ 2,070,295 » » Comptant du roi .............. ...... .............................. 1,209,000 » » Comptant de Mme Elisabeth et de Mesdames .......................... 684,000 » » Chambres et garde-robes ................................ . ......... 1,059,605 19 6 Total des douze mois .............................. 288,429,653 1. 2 s. 2 d. Rôle des restes. Comptables. .... .................................................. 395,166,662 1. 19 s. 5 d, Récompenses ............................................... • ..... 108,967 10 11 Pensions, gages, états et appointements ....................... ..... 37,593,242 7 6 Deniers payés par ordonnances .......................... . ......... 5,351,975 » 1 Remboursements et intérêts ................... .... ............... 6,731,970 18 1 Total des restes 444,952,818 1. 16 s. 10 d. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1790.) 067 RÉCAPITULATION. Total du rôle des douze mois ...................................... 288,429.653 1. 2 s. 2 d. Total du rôle des restes .......................................... 444,952,818 16 10 Total général EXERCICE DE 1783. Rôle des douze mois. Comptables ...... . . ................. ..... . Voyages et vacations ........................ Dons, aumônes et réeumpeuses ............... Gages et appointements ................. ...... Deniers payés par ordonnances ................ Remboursements et intérêts .................. Ambassades .................... . ............ Comptant du roi ............................. Comptant de Mesdames ........................ Chambre et garde-robe du roi ................. Chambre et garde-robe de la reine ............ Chambres de M. le Dauphin et de Madame ...... Chambres de madame Elisabeth et de Mesdames Total de douze mois Rôle des restes. Comptable3 .................. . Récompenses .................. Pensions, gages et appointements Deniers payés par ordonnances.. Remboursements et intérêts ..... Total des restes . RÉCAPITULATION. Total du rôle des douze mois Total du rôle des restes ..... Total général Nota. Il est à observer que l’on ne doit pas calculer, dans la dépense effective de l’année, le total des sommes portées au chapitre des comptables. Ce sont des sommes en masse, dont le comptable donne une quittance uniqne, mais qu’il emploie ensuite pour le dû de sa charge, et dont le compte se trouve détaillé dans les comptes de l’année de son exercice; de manière qu’on ferait un double emploi, si l’on comptait la somme en masse, et les dépenses en particulier. Par exemple, dans le chapitre des comptables, aux restes de 1789, il est porté un article en ces termes: « Au sieur Savalette de Langes, 213,479,799 liv. 18 s. pour employer aux dépenses de son exercice 1782. » Cela signifie que de l’exercice 1783, on a reversé cette somme sur 1782; mais il ne faut pas ia compter comme consommée en 1783: elle l'a été en 1782. 668 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juillet 1790.] Il est plus difficile de concevoir d’autres articles qui suiventimmédiatement celui.qui vientd’être rapporté. «Au sieur Savalette de Langes, 260,481,891 liv. 12 s. 6 d., pour employer’ aux dépenses de son exercice 1784 » . . . . « A lui, 30,000 liv. pour employer aux dépenses de son exercice 1788. » Cela signifie que l’exercice 1783 ayant une surabondance de recette, à cause de quelque opération de finance, comme un emprunt, et le compte de 1783 n’étant pas clos, on reverse l’excédent de la recette sur toutes les années soit postérieures soit antérieures qui en ont besoin. Cela vient, dit-on, de ce que la chambre des comptes exige que le compte du Trésor royal soit toujours dressé de manière que la dépense absorbe la recette. C’est un système dont il est difficile d’apercevoir l’utilité: et il est manifeste, au contraire, qu’il y a de très grands inconvénients à faire chevaucher ainsi les comptes des années les unes sur les autres : c’est là ce qui en a fait une machine très compliquée, et ce qui empêche qu’on ne puisse connaître, au moment où on le veut, avec clarté, l’état de la dépense et de la recette propres à chaque année. Voici un exemple de ce que comprend le chapitre des deniers payés par l’ordonnance : il est de l’exercice 1779, et a paru assez curieux pour être rapporté. Au vicomte de Polignac, pour gratification et pour son assistance aux Etats de Languedoc, en octobre 1778, dont le roi l’a dispensé ................. ..................... ........ 5,250 liv. Au marquis de Caslries, pour idem, ............................................. ... 5,000 A lui, pour idem ................................................................. 2,250 A M. le duc d’Uzès, pour idem ..................................................... 2,250 Au sieur comte du Roure, pour idem , en qualité de baron de Tour de Gévaudan, pour sa baronnie de Florac ............................................................ . . 2,250 A lui, pour idem , à cause de sa baronnie de Barjac ...................... . ............. 2,250 A M. le maréchal de Mouchy, pour idem ...... ................................... 2,250 A M. le comte de Roquelaure, pour idem .................................... ...... 2,250 Au sieur vicomte de Beaumont, pour idem , en novembre 1777 ...................... 2,250 Au sieur comte de la Tour-Mauhourg, pour idem , en octobre 1778 .................... 2,250 Au sieur comte de Murviel, pour idem .................................. ........... 2.250 Au sieur comte de Rochechouard, pour idem ...................... ................. 2,250 Au sieur vicomte de Bernis, pour idem .................. . ...... . ................... 2,250 Total 35,000 liv. SECOND RAPPORT DU COMITÉ DES PENSIONS-Principes fondamentaux et règles générales. Messieurs, En vous instruisant de l’énormité des abus qui se sont glissés dans la distribution des grâces créées pour la récompense des services rendus à l’Etat, votre comité des pensions a rempli le premier de ses devoirs. Pour se conformer littéralement à votre décret du 4 janvier, il devrait maintenant vous présenter le plan d’après lequel les pensions, dons, traitements et gratifications existantes, seront supprimées, réduites ou augmentées. Mais avant tout, il a jugé nécessaire de poser les bases et d’établir les principes qui doivent déterminer la concession des pensions futures. En effet, Messieurs, comment porter une décision, fondée en principe, sur les pensions actuelles ? Gomment parvenir à juger les motifs qui les ont fait accorder, si nous ne mettons pas d’abord sous vos yeux des règles générales, d’après lesquelles vous puissiez, en connaissance de cause, eu égard au temps et aux circonstances de leur concession, prononcer les suppressions, réductions et augmentations convenables ? Voici, Messieurs, quelles sont ces bases et ces principes. L’Etat a deux manières de reconnaître les services rendus au corps social, les récompenses honorifiques et les grâces pécuniaires. Les premières conviennent mieux à la fierté d’une nation libre. Les secondes ne doivent être accordées que pour le soutien honorable du citoyen qui a bien mérité de la patrie, ou pour lui tenir lieu des sacrifices faits à l’utilité publique. Les récompenses pécuniaires sont de deux espèces : les traitements annuels et viagers, connus sous le nom de pensions , et les gratifications passagères et momentanées qui s’accordent en considération d’une perte, d’une blessure, d’un accident grave, ou comme récompense d’une action distinguée, d’un service éclatant. Pour mériter les unes ou les autres, il faut avoir, ainsi qu’on l’a déjà dit, rendu service au corps social. On ne doit pas confondre ce service avec celui qu’un individu rend à un autre individu, et qui ne peut être considéré comme intéressant la société entière, qu’autant qu’il est accompagné de circonstances qui en font réfléchir l’effet sur toute la nation. Cette confusion a été la source de bien des abus, l’origine de beaucoup de pensions encore existantes. Pour qu’elle ne puisse pas, en se reproduisant, opérer le même effet, votre comité a déterminé, d’une manière précise, ce qu’on devait entendre par services rendus au corps social ; il a désigné ceux qui peuvent prétendre aux bienfaits de la nation : il a raDgé dans cette classe le guerrier, l’administrateur, le magistrat, le savant, l’artiste, il a enfin posé pour principe, que tout citoyen qui a servi, défendu, illustré ou éclairé sa patrie, ou qui a donné un grand exemple de dévouement à la chose publique, peut prétendre aux récompenses honorifiques ou pécuniaires. Après avoir ainsi distingué les différentes manières de récompenser un citoyen vertueux, les différentes espèces de services qui lui donneiP