708 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j g Novembre T793 nés qui veulent être régénérés par vous. Hier, dans la salle de notre Société populaire, qui n’entendait, il y a quatre ans, que des absur¬ dités théologiques, et qui ne retentit plus au¬ jourd’hui que des sons mâles de la liberté, ils ont eux-mêmes brûlé au flambeau de la raison les monuments et les signes de leur aveugle cré¬ dulité ; et par un hasard que pourrait seule expli¬ quer la théologie, qui expliquerait tout, si elle subsistait encore, cet autodafé s’est exécuté aux pieds de la même chaire, qu’ils nommaient autrefois sacrée, et qui les avait armés de ces pouvoirs, qu’ils reconnaissent impies, corrup¬ teurs et attentatoires à tous les droits de la nature. Législateurs, n’est-ce pas là vraiment une amende honorable? (1) Notre assemblée fraternelle s’est chargée d’instruire tous les enfants de la section, et prin¬ cipalement ceux que l’orgueil et le vice appe¬ laient naguère Enfants de la Pitié, et que nous appelons aujourd’hui les vrais enfants de la nature et de la patrie. Vous les voyez devant vous, législateurs, ils vous jurent de défendre jusqu’à la mort la mère tendre qui les nourrit et qui les élève à la dignité d’hommes libres et républicains. Hymne patriotique, relative à V inauguration du Temple de la Baison, chantée par les orphelins des défenseurs de la patrie, de la Société des Jeunes Français, élèves de Léonard Bourdon, membre de la Convention nationale, à la séance du 20 brumaire, Vcm II de la Bépublique une et indivisible. Sur Vair chéri (la Marseillaise): Français 1 quelle métamorphose Transforme nos saints en lingots ! La raison est enfin éclose, Elle anéantit les cagots I (bis) . De leurs ridicules mystères Effaçons jusqu’au souvenir; Que notre dogme, à l’avenir Soit d’être heureux avec nos frères; Français ! La vérité qui brille à tous les yeux, La liberté, l’égalité, voilà quels sont nos dieux ! Voûte si longtemps profanée Par le plain-chant du calotin, Tu ne seras plus parfumée Que par l’encens républicain! (bis) Réjouis-toi, tes destinées, Loin d’un clergé sot et fripon, A la nature, à la raison Seront désormais consacrées ! Français ! La vérité qui brille à tous les yeux, La liberté, l’égalité, voilà quels sont nos dieux ! Sur le tombeau du fanatisme Et d’une absurde Trinité, Éclairons le patriotisme Du flambeau de la vérité, (bis) Aux discordes du culte antique Faisons succéder l’union, Et que notre religion Soit d’adorer la République ! Français ! La vérité qui brille à tous les yeux, La liberté, l’égalité, voilà quels sont nos dieux ! (!) On rit et on applaudit. (Ibid.) Le rapporteur du comité de Salut public [Barère (1)] fait part à la Convention d’un avan¬ tage remporté par l’armée française sur les ras¬ semblements de brigands commandés par Cha-rette à Noirmoutier; 1,200 braves ont mis en déroute les quatre armées de Charette, Jolly, Sa vin et Ducloudy. Insertion au « Bulletin » (2). Suit une lettre de la Commission administra¬ tive près V armée de VOuest, qui rapporte cet avan¬ tage (3) : La Commission administrative près V armée de VOuest, division des Sables, au comité de Salut public de la Convention nationale. « Saint-Gilles-sur-Vie, le 10e jour de la lre décade du 2e mois de l’an II de la République française une et indivisible. « Représentants du peuple, « Vive la Bépublique / Les quatre armées de Charette, Jolly, Savin et Ducloudy ont été mises en déroute par 1,200 braves. Hier matin, nous apprîmes que le poste de la Chaize-Giraud s’était replié sur Vairé. Peu de temps après, on nous avertit qu’il se faisait un rassemble¬ ment de l’autre côté de la rivière de Vie, sur les bords du marais du Perrier, Soulans et Saint-Jean-des-Monts. Nous passâmes à Croix-de-Vie, avec l’adjudant général chef de brigade Char-léry, commandant à Saint -Gilles, sur les 5 heures du soir, pour vérifier ces rapports, et d’après les renseignements qu’on nous donna, nous eûmes la certitude que déjà 5 à 600 brigands avaient filé sur le village de Buet, un peu au delà de Saint-Hilaire-de-Rié. De retour à Saint-Gilles, nous n’avions eu que le temps de rentrer dans nos domiciles lorsqu’une patrouille de chasseurs à cheval et de gendarmes nous apprit que le poste du Pas-Opton, après avoir été dé¬ busqué par les rebelles, à coups de canon, se repliait sur nous, et qu’une forte colonne s’avan¬ çait pour nous attaquer. On courut aux armes; chacun se rendit à son poste; nos retranche¬ ments furent hérissés de baïonnettes; une pièce de 36, sept de 4 et une de 3 les défendaient contre les attaques de cette horde de bandits. A 8 heures du soir, ces scélérats battirent le pas de charge et se présentèrent à la gauche de nos retran¬ chements. Un feu de file bien nourri et la canonnade la plus vive les eurent bientôt re¬ poussés ; trois quarts d’heure de silence de part et d’autre succédèrent et nous firent présumer que les brigands allaient changer leur attaque pour se porter sur un autre point. Effective¬ ment, l’affaire s’engagea au centre de nos re¬ tranchements, tandis qu’une partie de la co¬ lonne ennemie continuait la première attaque. Le feu croisé de nos pièces de campagne et de celle de 36, l’ardeur et la précision de nos braves " (1) D’après les divers journaux de l’époque. (2) Procès-verbaux de la Convenlion, t. 25, p. 127. (3) Archives nationales, carton C 279, dossier 752. Bulletin de la Convention du 10e jour de la 2e décade du 2e mois de l’an II (dimanche 10 novembre 1793); Moniteur universel [n° 53 du 23 brumaire an II (mer¬ credi 13 novembre 1793), p. 214, col. 2]; Journal des Débals el des Décrets (brumaire an II, n° 418, p. 276), [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. brumaire an il 709 1 J ' I 10 novembre républicains eurent bientôt triomphé de tous les obstacles, et l’action ayant cessé, à minuit, nous pensâmes qu’à la pointe du jour nous ferions danser la Carmagnole à l’armée catho¬ lique. Mais quel fut notre étonnement d’ap¬ prendre par un de nos volontaires fait prison¬ nier, le même jour, au Pas-Opton, et échappé de leurs mains, après avoir été pillé, que ces gueux étaient en pleine déroute, qu’ils fuyaient à toutes jambes, en jetant armes, bâtons, fourches, chapeaux, souliers, sabots, etc., et que malgré leurs sollicitations et leurs menaces, les chefs n’avaient pu réussir à les rallier pour re¬ venir à la charge. Ce matin, à la pointe du jour, nous avons reconnu que nos canonniers savaient très bien ajuster, malgré la pluie et l’obscurité; quatre brigands mordaient la poussière à trente pas de nos pièces, et s’il avait fait jour, nous aurions jonché les chemins et les champs de leurs cadavres. La trace du sang et plusieurs cervelles de ces royali-fanatiques nous ont fait juger qu’il y en avait une très grande quantité de blessés et qu’ils avaient emporté leurs morts. Nos volontaires sont occupés actuellement à ramasser les fusils, les piques et les chapeaux de ces soldats de Jésus-Christ. « La colonne qui se portait sur Croix-de-Vie n’a fait qu’une seule décharge sur nos valeu¬ reux républicains qui, méprisant leur feu, les ont attendus de pied ferme, sans riposter, et, par leur fière contenance, les ont forcés de se retirer. « Cette journée s’est terminée à la satisfac¬ tion de tous les républicains. Officiers, soldats et canonniers, chacun a justifié la haute idée que les troupes de la République inspirent à leurs ennemis. Nous ne pouvons trop nous louer du sang-froid et de la précision de l’adjudant général chef de brigade Charlery qui, parcou¬ rant toutes les lignes des retranchements, fai¬ sait passer dans tous les cœurs ce feu brûlant qui doit animer des hommes fibres lorsqu’ils combattent des esclaves. Ce n’est aussi qu’en rendant la justice qui est due au capitaine Canon, chef de l’artillerie, que nous vous parle¬ rons de son ardeur, de son courage et de sa pré¬ cision à diriger le feu de ses pièces, et à exciter ses canonniers, en montant sur les retranche¬ ments et affrontant tous les dangers. « TJn brigand de Saint-AncLré-Gout-d’Oie, qui s’est présenté ce matin à nos avant-postes en répondant aristocrate, au Qui vive ! de la senti¬ nelle, et qui vient d’être fusillé, nous a appris que les trois armées de Charette, Savin et Jolly étaient réunies, et que ces trois chefs de bri¬ gands étaient partis le matin de Challans avec 18,000 hommes et 2 pièces de canon, pour venir nous attaquer. Deux autres qui se sont rendus volontairement au poste de Croix-de-Vie et que le général vient de renvoyer à la Commission militaire, aux Sables, nous ont également dit que la colonne du Marais était forte de 2,000 hommes et qu’elle était commandée par Ducloudy, Dabbaye et Guerry-Fortinières, Nous croyons ces rapports, sur le nombre des rebelles, très exagérés, mais il est à présumer que c’est un de leurs derniers efforts, si on sait profiter des circonstances pour marcher sur le marais et s’emparer de la côte. « Vous voyez que nos ennemis avaient tout fait et tout employé pour nous vaincre; mais, malgré la nuit la plus obscure, une pluie con¬ tinuelle et le vent le plus impétueux, chacun a fait son devoir, et le champ d’honneur nous est resté. Réjouissez-vous avec nous, pas un répu¬ blicain n’a été tué ni blessé. Ce matin, on a distribué de l’eau-de-vie; nos braves défenseurs sont toujours sur le qui-vive ; gare aux brigands s’ils retournent à la charge. « Salut et fraternité (1). « C.-P.-M. Rouillé, président; Lausier, secrétaire. » Compte rendu du Moniteur universel (2). Parère, au nom du comité de Salut publia Au moment où l’Assemblée se dispose à aller célébrer le triomphe de la raison sur le fana¬ tisme, il est à propos de lui faire part d’une vic¬ toire remportée sur les fanatiques. ( On applau¬ dit.) La Commission administrative près l’armée de l’Ouest, division des Sables, écrit de Saint-Gilles -sur-Vie, le 10 brumaire. (Suit le texte de la lettre que nous insérons ci-dessus d'après un document des Archives na¬ tionales. ) La situation actuelle de Bayonne, Saint-Jean de-Luz et de tous les départements qui avoisinent l’armée, est on ne peut plus satisfaisante : tout y est à la hauteur de la Révolution, grâce aux mesures salutaires de nos braves représen¬ tants, qui ont tout régénéré de concert avec les sans-culottes qui se sont joints à eux. Le rapporteur du comité de Salut public [Barère (3)] annonce que les nouvelles reçues de l’armée de Bayonne sont très satisfaisantes. L’armée est tout à fait régénérée et à la hauteur des circonstances (4). (1) Applaudissements, d’après le Mercure uni¬ versel [21 brumaire an II (lundi 11 novembre 1793), p. 170, col. 1]. (2) Moniteur universel [n° 53 du 23 brumaire an II (mercredi 13 novembre 1793), p. 214, col. 21. D’autre part, le Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 418, p. 276) rend compte du rapport de Barère dans les termes suivants : « Barère, au nom du comité de Salut public. Au moment où vous allez célébrer le triomphe de la raison sur le fanatisme, le comité de Salut public me charge de vous annoncer une victoire sur les fanatiques qui s’étaient retirés dans le district de Challans et dans Noirmoutier. (On applaudit.) « La Commission administrative près l’armée de l’Ouest, division des Sables, écrit de Saint-Gilles-sur-Vic, le 10 brumaire. » (Suit le texte de la lettre que nous insérons ci-dessus d'après un document des Archives nationales.) (3) D’après les journaux de l’époque. (4) Procès-verbaux de la Convention t. 25, p. 127.