372 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAMES. (25 mars 1791. | où il se trouve du droit à Ja Couronne,- une trop grande influence, un trop grand crédit pour en être privé plus longtemps. Un roi de 18 aos, sous la surveillance de l’Assemblée nationale, est déjà assez formé pour pouvoir exercer les importantes fonctions qui lui sont confiées. Je suis donc absolument de l’avis du comité et je demande que la majorité du roi soit fixée à 18 ans. (. Applaudissements . ) Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! M. Pétion de Villeneuve. Le préopinant a posé des principes que je suis fort éloigué de combattre; mais ii en a tiré une cou séquence que je ne puis pas admettre, li vous a dit en effet que vous ne deviez pas vous attendre maintenant à des régences aussi orageuses que celles qui ont toujours troublé l’empire. Cela est vrai, mais je regarde que les régences seront au contraire des intervalles salutaires. Je regarde qu’un bomme qui n’a qu’une autorité temporaire, qui surtout peut aspirer lui-même an trône, aura intérêt de plaire à la nation, aura intérêt de conserver sa liberté; et par conséquent je ne suis point effrayé de la durée des régences. Dès lors, il faut revenir au principe vrai, écarté si souvent dans cette discussion par des considérations qui font fait vaciller à chaque instant. Quel est le principe? C’est que le roi doit être regardé comme tous les autres citoyens de l’empire, que la raison d’un roi n’est pas plus tôt perfectionnée que la raison de tout autre citoyen. (Murmures.) Je ne crois pas avoir dit une chose extraordinaire, eu prétendant que la raison des rois n’était pas plus tôt perfectionnée que celle des autres citoyens. Peut-être que leur éducation les tient encore dans une plus longue enfance. ( Applaudissements .) Vous ne vous dissimulez pas sans doute que les fonctions qu’ils ont à remplir som assez importantes pour qu’une grande maturité soit nécessaire, et je vous observerai, Messieurs, que saint Louis ne fut déclaré majeur qu’à l’âge ae 21 ans. Ce sera peut-être Page de majorité que vous déterminerez pour tous les autres citoyens ; mais enfin je demande que le roi ne puisse être déclaré majeur plus tôt que tons les autres citoyens de l’empire, et par conséquent qu’il ne soit déclaré majeur qu’à 21 ans. ( Murmures prolongés .) M. d’Estourmel. La majorité étant fixée à 14 ans, il est incontestable que, jusqu’à cette époque, le régent peut écarter de la personne du roi les conseillers qui chercheraient à abuser de sa confiance; mais si vous fixez la majorité à 18 ans, je crains que l’intervalle de 14 à 18 ans ne soit un temps fécond en orages. D’après l’inviolabilité du roi, je demande que la majorité reste fixée à 14 ans. M. Garat aîné. Toutes les considérations qui ont été présentées sur cette question doivent porter l’Assemblée à ne pas reculer plus loin de 18 ans la majorité du roi, puisque, pour les autres citoyens, c’est le commencement de la majorité dans plusieurs pays. Le grand Condé n’avait guère plus lorsqu’il ordonnait les apprêts de la bataille de Rccroy ; Voltaire n’avait pas cet âge, qu’il s’était déjà déclaré le successeur de Racine. D’ailleurs, l’éducation des enfanls des rois va charger et se perfectionner, et l’histoire bous apprend que les peuples ont toujours été heureux sous les jeunes rois. M. Goupil de Préfeln. Un roi de 18 ans ne peut avoir ni gardien ni gardienne. (L’Assemblée ferme la discussion.) Un membre demande la question préalable sur la motion de M. Pétion de Villeneuve. M. de Cazalès. J’appuie la question préalable; car, selon Montesquieu, on ne doit pas régler par le droit civil ce qui doit être réglé par le droit politique. Or, la majorité des rois tient à l’intérêt de la nation et à son intérêt politique. Plusieurs membres demandent la priorité pour l’article du comité. (L’Assemblée accorde la priorité à l’article du comité et décrète cet article.) M. Thouret, rapporteur. Nous revenons, Messieurs, à l’article 19 ainsi conçu : « Le roi, parvenu à l’âge de 14 ans accomplis, assistera au conseil sans y avoir voix délibérative. » .M. Duport. Je crois que la rédaction de cet article peut donner lieu à des inconvénients. Le comité a voulu, sans doute, dire que quoique le roi ne soit pas majeur, il pourra cependant avoir entrée au conseil ; cela me paraît de toute justice; mais je trouve de l’inconvénient à dire que le roi entrera à 14 ans au conseil. D’abord c’est déterminer une époque précise où il commence à être quelque chose; et cependant, jusqu’à 18 ans, le roi doit être considéré comme un mineur, presque comme un enfant. Il ne faut donc pas lui attribuer de droits jusqu’à cette époque. J’ajoute que cet objet trouvera sa place lorsque l’Assemblée s’occupera de l’éducation du roi. Je crois donc qu’il faut ajourner l’article jusqu’à ce moment. (Murmures.) M. Thouret, rapporteur. Ce n’est pas comme une fonction politique que le comité a entendu faire décider l’entrée du roi au conseil sans voix délibérative; c’est comme une précaution nécessaire à l’éducation même du roi; c’est pour procurer à la nation l’accélération des lumières du chef qui doit la gouverner. Si nous nous taisons sur ce point, le régent pourrait empêcher le roi, âgé de 17 ans et demi, d’entrer au conseil. 11 est possible de renvoyer i’artide au décret sur l’éducation du roi ; cependant l’article étant bien entendu dans son véritable sens, il est tout aussi possible de le décréter à présent. M. Duport. Alors je demande que l’âge ne soit pas fixé. M. de Cazalès. Je pense qu’il y aurait beaucoup d’inconvénients à laisser le roi mineur entrer dans le conseil; car il se pourrait fort bien qu’à l’âge de 15, 16, 17 ans, il fît, dans le conseil même, un parti contre le régeDt; l’inconvénient seiait très grave. Ainsi je pense, avec M. Duport, qu’il vaut beaucoup mieux ajourner cet arlicle. Vous le pèserez avec pins de sagesse et de maturité, lorsque vous déterminerez les règles d’éducation. Certainement, un des grands objets de l'éducation du roi sera de l'initier aux mystères [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 mars 1731. | 373 politiques, de l’associer à toutes les idées de la nation et de la Constitution sur l’administration de l’Empire. Ainsi j’appuie l’ajournement. M. Thouret, rapporteur. L’intention du préopinant me paraît être que le roi mineur pourrait être exclu entièrement du conseil. 11 nous semble au contraire impossible de l’empêcher d’y assister à IG ou 17 ans. On n’a donc besoin d’ajournement que sur le mode. Quant au principe, on peut décréter seulement que le roi, quoiqu’il ne soit pas majeur, aura entrée au conseil. M. de Crillon jeune. Je pense qu’il faut conserver la première rédaction du comité, car il pourrait y avoir des inconvénients à laisser entrer le roi au conseil, à 12 ans, par exemple. M. Martineau. Je crois que c’est en apprenant de bonne heure ce que t’on doit faire toute sa vie, que l’homme se perfectionne; en conséquence, je regarde comme infiniment essentiel au bonheur de l’Etal que les rois aient entrée au conseil dès qu’ils en seront capables. Quant à l’indiscrétion qu’un peut craindre, je dis, Messieurs, que la fiction de Télémaque est d’une grande vérité : Les hommes apprennent à garder un secret lorsqu'on les accoutume à le garder dès l’enfance. Nos rois entreront au conseil à 12 ou 13 ans, et, en leur faisant sentir de quelle importance il sera pour eux de garder un secret, ils s’y accoutumeront. M. Cloupil-Préfehi. Fixer un âge pour l’admission du jeune roi au conseil, c’est mettre dans la Constitution un germe de division entre le régent et le roi mineur. Il vaut mieux ajourner l’article. M. Prieur. J’appuie l’ajournement. (L’Assemblée, consultée, repousse l’aiourne-ment.) M. Duport. Je répète ma motion, qui tend à ce qu’il n’y ait pas deux espèces de majorité du roi, l’uue à 14 ans pour entrer au conseil, et l’autre à 18 ans pour être roi ; mais qu’il soit dit simplement que le roi, avant sa minorité, pourra entrer au conseil pour son instruction seulement. M. de Mirabeau. Je suis tout à fait de l’avis de M. Duport. 11 me semble que le temps est passé, quoiqu’il ne soit pas bien éloigné, car c’est sous Louis XIII, où Ton disait à des cours, on les appelait souveraines alors, dans un écrit émané de l’autorité de la régente, que, des grâces particulières d’état répandant sur les princes des lumières anticipées, le roi devait entrer à 14 ans au conseil. Ces ehoses-là ont été écrites, dites, applaudies, révérées même ; ce temps est passé et, j’imagine, pour toujours. lt est cependant trop extraordinaire de penser ou qu’un enfant de 14 ans puisse entrer au conseil, ou même qu’un régent fût assez impérite pour que, s’il était obligé de le faire entrer au conseil, à 14 ans, il s’agitât autre chose que des fariboles. Je crois donc, Messieurs, qu’il est extrêmement sage de ne point fixer d’âge, et de dire seulement que l’enfant royal entrera au conseil quand le régent le voudra. (Murmures.) Plusieurs membres : Non ! non ! M. lia Poule. Je demande la parole. M. de Mirabeau. Je retire mon amendement si M. La Poule le combat. (Rires.) M. lia Poule. La modestie de M. de Mirabeau n’a jamais mieux paru que dans cette occasion. Mon intention, Messieurs, était d’appuyer ce qu’il venait de dire, et je voulais l’appuyer, en proposant cette rédaction-ci : « Le roi mineur pourra assister au conseil pour sa particulière inriruc-tion. » (La discussion est close.) L’Assemblée, consultée, adopte l’article 19 du comité avec l'amendement de M. Duport, dans tes termes suivants : Art. 19. « Le roi, parvenu à l’âge de 14 ans accomplis, pourra assister au conseil pour son instruction seulement. » M. Thouret, rapporteur , donne lecture de l’article 21 du projet du comité, qui est ainsi conçu : « Aussitôt que le roi sera devenu majeur, il annoncera, par une proclamation publiée dans tout le royaume, qu’il a atteint sa majorité et qu’il est entré en exercice des fonctions de la royauté. » M. Alexandre de Lameth. Je ne donnerai pas un grand développement à la proposition que j’ai à faire, non pas que je ne la regarde comme très importante, mais parce que j’espère qu’elle ne souffrira pas de difficultés. Les principes adoptés par l’Assemblée sur les questions que nous agitons ont été que la régence était l’exercice d’une royauté intermédiaire, et d’après l’extrême importance de cette fonction, vous avez cru qu’on devait exiger du régent, avant d’entrer en exercice, le serment d’être fidèle à la Constitution. Il me semble que nous devons statuer qu’il eu sera de même pour le roi ; c’est-à-dire que, au moment où le roi sera majeur, et qu’il le publiera par une proclamation, cette proclamation renfermera le serment à lu Constitution et la promesse de le réitérer aussitôt que le Corps législatif sera rassemblé. Si cette proposition était combattue, je réclamerais la parole pour la soutenir. M. de Mirabeau. La proposition n’est pas susceptible de contradiction ; mais il y en aurait peut-être une autre. 11 est question d’une proclamation qui annonce la lin de la régence, c’est-à-dire qui annonce l’avènement de la majorité; je crois que cette proelamution-là doit être faite par le Corps législatif; je crois que c’est lui qui doit être l’organe... Plusieurs membres : Et s’il n’est pas assemblé? M. de Mirabeau. Ce 11’est pas là une objection, car il peut l’être pour une telle époque, qui est très déterminée, très connue. Je crois qu’il serait infiniment plus conforme aux principes que ce fût le Corps législatif, véritable organe de la loi, qui proclamât l’époque de la mtjorité. J’appuie toujours la proposition de M. dé Lameth, car je veux, comme lui, que la