262 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j l4novembrl 17931 Voulland. Je n’ajouterai, citoyens, qu’une seule observation à toutes celles que vient de vous présenter le citoyen Julien notre collègue, qui avait été chargé, par le comité de sûreté générale dont il était membre, du rapport de la malheureuse affaire de Beaucaire. J’étais avec le citoyen Bonnier, notre collègue, sur les lieux en qualité de délégués de la Conven¬ tion, lorsque le sang des braves sans-culottes y fut répandu. Je pense, comme Julien, que le maire, mandé à la barre, aurait pu et dû sans doute, dans cette circonstance, déployer plus d’énergie; et si, malgré tous les efforts qu’il a faits pour sauver les patriotes, on est forcé de convenir qu’il n’est pas à l’abri de tout reproche, il faut avouer aussi que beaucoup de patriotes auraient été sacrifiés dans cette cruelle journée si le maire ne leur avait fait un rempart de son corps. Ceux qui ont été le plus en butte à la rage des malveillants ne peuvent se refuser, en rendant hommage à la vérité, de dire que, sans le généreux dévouement du maire, ils n’auraient pu que difficilement se soustraire au fer assassin d’une horde de malveillants. La Société des braves sans-culottes de la Montagne qui, à raison de ce titre glorieux qu’elle avait pris, avait appelé, contre tous ses membres, la fureur des fédéralistes de notre contrée qui s’annonçaient sous le nom imposant d’amis des lois, n’attend plus que le moment où le maire de Beaucaire aura satisfait à votre décret pour le recevoir au nombre de ses membres. Poultier et Rovere, nos collègues, délégués dans les départements du Midi, assurent que le maire a pour lui le témoi¬ gnage de toute la sans-culotterie de Beau-eaire. Au reste, citoyens, un rapport très étendu sur cette affaire a suffisamment éclairé votre religion et déterminé le décret que vous avez rendu. Ce rapport a été imprimé et ajourné, et vous avez, après une mûre discussion, dis¬ tingué les vrais coupables, et désigné ceux ue vous vouliez mettre sous la main vengeresse e la justice; en les envoyant en connaissance de cause au tribunal révolutionnaire, vous avez prononcé définitivement contre le maire dont le peu d’énergie vous a paru mériter la peine d’être mandé à la barre pour y rendre compte de sa conduite; il vient de s’y présenter. En lui rappelant ce qu’il a fait» vous lui avez appris ce qu’il devait faire. Il a exécuté le décret ; il y a satisfait, tout est fini pour lui. Je demande en conséquence que, sans autre examen et sans renvoi à votre comité de sûrété générale, il soit libre de se rendre dans ses foyers. Cette proposition est décrétée. TJn membre [Romme (1)], au nom du comité d’instruction publique, donne lecture des décrets rendus sur les écoles primaires. Après une dis¬ cussion sur l’ensemble des articles qui composent cette loi, et sur l’avantage d’en faire une révi¬ sion générale, la Convention rend les deux dé¬ crets suivants : « Un membre demande que le comité de Salut public soit chargé de présenter, dans la séance de demain, les listes des membres qui doivent (IJ (Qe membre est Homme, d’après les divers journaux de l’époque. composer les Commissions pour la révision du Code civil et de l’instruction publique décrétés par la Convention. « Cette proposition est adoptée. » « Sur la proposition d’un membre [Coupé (de l'Oise ) (1)], la Convention nationale décrète que le comité de Salut public présentera 6 membres de la Convention nationale qui formeront une Commission pour revoir les diverses parties du plan d’instruction publique, telles qu’elles ont été décrétées; d’en simplifier l’ensemble et d’en faire son rapport sous huit jours à la Conven¬ tion (2). » Compte rendu du Moniteur universel (3) ; Romme, au nom du comité d'instruction 'publique, relit le travail sur l’organisation des écoles primaires. Coupé (de VOise). Je demande qu’il soit nommé une Commission particulière pour revi¬ ser cette loi. (Décrété.) Clauzel. Je demande que cette Commission et celle qui doit revoir le Code civil soient nom¬ mées demain par le comité de Salut public. (Décrété.) On admet à la barre les membres du tribunal de cassation, qui viennent témoigner que leurs principes ne sont pas changés, qu’ils sont tou¬ jours attachés à la liberté et à l’égalité, et qu’ils suivent la marche de la Révolution. Ils remet¬ tent sur le bureau leurs brevets signés de Capet et une médaille de bronze représentant d’un côté la figure du dernier tyran, et de l’autre l’aboli¬ tion des privilèges sous l’Assemblée nationale constituante, à l’époque du 4 août 1789 (4). Suit la demande d'admission à la barre du président du tribunal de cassation (5) : « Citoyen Président, « Le tribunal de cassation est venu pour présenter à la Convention nationale son hom-(1) Ce membre est Coupé (de VOise), d’après la minute du décret qui se trouve aux Archives natio¬ nales, carton C 277, dossier 723. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 316. (3) Moniteur universel [n° 46 du 16 brumaire an II (mercredi 6 novembre 1793), p. 186, col. 2]. D’autre part, l 'Auditeur national [n° 409 du 15 bru¬ maire an II (mardi 5 novembre 1793), p. 3] rend compte de la lecture du décret sur les écoles pri¬ maires dans les termes suivants : « Romme, organe du comité d’instruction publique, a fait une lecture générale des articles décrétés sur les premières écoles de l’instruction publique. « D’après la proposition de Coupé, la Convention a décrété qu’une Commission de 6 membres sera chargée de reviser cette loi. Le comité de Salut public présentera demain la liste de ces membres, ainsi que de ceux qui doivent également reviser le nouveau Code civil. » (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 317. (5) Archives nationales, carton C 279, dossier 750. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j �rumaire an « 263 mage et ses félicitations. Il te prie de communi¬ quer son vœu à l’Assemblée. « Le président du tribunal de cassation. « Legendre. « Ce 14 brumaire de l’an II de la République française une et indivisible, » Adresse du tribunal de cassation (1) : « Citoyens Président et représentants, « Aussitôt que le peuple souverain vous eut envoyés, nous vînmes honorer en vous sa représentation la plus éminente et nous dîmes : « C’est à la Convention nationale que tout « Français qui ne veut pas déchirer le sein de sa « patrie doit se rallier : nous nous y rallions, a nous qui voulons vivre et mourir libres. » « Nous le dîmes, et par fidélité au principe qui soumet chaque citoyen à la nation, et par ce sentiment naturel à tout homme généreux, qui le rend satisfait et glorieux de l’ accroisse¬ ment de la liberté publique, Nous le dîmes encore par devoir civique, car, dans les secousses inséparables du mouvement régénérateur, celui-là n’est pas quitte envers la patrie qui s’abs¬ tient, évite de se prononcer et s’isole. « Nos principes, nos sentiments, notre devoir n’ont pas changé. Ce sont eux qui nous ramè¬ nent à l’occasion des décrets par lesquels vous avez anéanti quelques-uns de nos jugements. Nous souffrons de la seule idée qu’il fût pos¬ sible que, soit le patriotisme à qui l’on a donné tant de motifs d’inquiétude, soit le royalisme qui s’entretient des illusions par lesquelles il se plaît à grossir les listes de ses partisans, méconnus¬ sent à quelle cause nous restons attachés. « Tout ce qu’ont voulu et tout ce que veulent les plus sincères patriotes nous le voulons avec eux et comme eux : nous voulons le succès et l’achèvement de la Révolution : et comme elle n’admet aucun mouvement rétrograde, tous les efforts que l’intérêt populaire exige pour affermir l’établissement de la Constitution républicaine, nous les voulons, nous y adhérons, nous y concourrons. « Pourrions-nous craindre que des inductions tirées de quelques-uns de nos actes judiciaires pussent balancer cette profession solennelle de notre foi politique? « Pendant que notre révolution s’est avancée à pus de géant, la législation restée station¬ naire, et nous garottant par des forines qui n’ont pas assez changé, a tenu tout le système de la. judicature en station avec elle; et plus d’une fois nous nous sommes vus obligés de prononcer comme juges, ce que nous aurions désiré, comme citoyens, pouvoir décider autre¬ ment. « Plusieurs lois, dont une assez longue pra¬ tique n’a pas encore suffisamment éclairé les effets, nous ont aussi présenté, tant sur l’intelli¬ gence des textes que sur l’application à des espèces imprévues, des points de dissentiment sur lesquels il pourrait être aussi difficile de s’accorder qu’excusable de se tromper. « Tout homme, sujet par sa nature à la faillibilité humaine, ne peut répondre que de ( 1 ) Archives nationales, carton Ç 279, dossier 750. l’ exactitude constante de ses intentions. Ce n’est point de quelques erreurs sur une masse de 2,000 jugements que nous venons nous défem dre. C’est la droiture de l’intention que nous avons désiré de vous exposer. Nous fûmes, nous sommes et nous resterons fidèles à V Égalité par qui seule chaque homme jouit de toute la dignité de son être; à la Liberté, sans la¬ quelle il n’a plus qu’une existence dégradée; à la République une et indivisible dont le peuple français est digne, et parce qu’il l’a voulue, et par tout ce qu’il fait pour la maintenir. « Yos derniers décrets sur l’ abolition des traces de la royauté nous ont rappelé qu’à l’époque où nos départements nous élurent une patente royale fut surajoutée au vrai titre de notre mission populaire. Nous vous appor¬ tons ces reliques d’un régime abjuré afin que leur destruction solennelle provoque celle dç tous les' parchemins semblables qui, sortis de la même source, méritent le même sort, « Plusieurs d’entre nous ont une médaille frappée à l’occasion des décrets de la nuit du 4 août 1789, par laquelle le dernier des Çapet est proclamé le restaurateur de la Liberté , Nous déposons aussi ce monument, démenti par les faits postérieurs : il fut le gage d’une confiance odieusement trahie, il ne pourrait plus servir qu’à tromper la postérité. « Le Gendre, président; Thouret, président. » Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (1) : Le tribunal de cassation demande à être admis à la barre. On l’introduit. (1) Journal des Dêbals el des Décrets (brumaire an II, n*> 412, p. 197). D’autre part, les Annales patriotiques el littéraires [n° 308 du 15 brumaire an II (mardi 5 novembre 1793), p. 1431, col, 2]' rendent compte de l’admission à la barre du tribu¬ nal de cassation dans les termes suivants ! « Les juges du tribunal de cassation, ayant Thou¬ ret à leur tête, renouvellent leur attachement à la représentation nationale, et jurent d’être fidèles à la liberté, sans laquelle l’existence de l’homme est dégradée, et à la République, dont le peuple fran¬ çais s’est montré digne. « Un autre objet nous amène vers vous, dit Thou¬ ret, c’est l’anéantissement de quelques-uns de nos jugements. Tout homme est faillible par sa nature, il ne peut répondre que de la droiture de ses inten¬ tions. Nous déposons entre les mains de la Conven¬ tion quelques médailles frappées en 1789, et sur les¬ quelles Louis Capet est appelé le restaurateur de Ïq liberté française. Nous en demandons l’anéantisse¬ ment. « Thuriot, qui occupait le fauteuil, a fait la ré¬ ponse que voici aux membres de ce tribunal : « Dans up temps calme, la philosophie ne doit « marcher qu’avec toute la prudence dont l’esprit « de l’homme est capable; mais en révolution, le « philosophe ne temporise point. Il ne prend conseil « que du civisme le plus ardent. Votre devoir est « de rendre une prompte et sévère justice. La Con* « vention juge tous les hommes : elle saura appré-« cier vos sentiments; elle applaudit à votre dé-« marche; elle fera anéantir les monuments du des-« potisrne que vous venez de lui remettre; efie.ne « veut plus laisser exister en France rien de ce gu* « pourrait rappeler la tyrannie ou la superstition; « elle vous accorde les honneurs de la séance. »