[Etats généraux.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 juin 1789.] 153 que je la suivrais. Je ne puis aujourd’hui révoquer en doute que le plus grand nombre des députés du clergé ne soit réuni dans cette Chambre pour vérifier les puuvoirs en commun : je m’y réunis par devoir et par inclination, et je remets mes pouvoirs sur le bureau. M. Guédan a dit qu’il était chargé d’une déclaration de M. Bottex, curé de Neuville-sur-Ain, député du bailliage de Bresse, dont la teneur suit : « Je soussigné, curé de Neuville-sur-Ain, député dû clergé de Bresse aux Etats généraux, déclare que pour cause de maladie, ne pouvant me présenter aujourd’hui dans l’Assemblée nationale, je prie M. Guédan, curé de Saint-Trivier mon collègue, d’assurer en mon nom, que mon désir est de soumettre à ladite Assemblée la vérification de mes pouvoirs, et de concourir, autant qu’il est en moi, au bien général du royaume, demandant avec instance que mon collègue remette dès aujourd’hui mes pouvoirs à ladite Assemblée, la suppliant de l’accepter pour en faire la vérification; promettant de ratifier et de signer tout ce qui sera fait à ce sujet. A Versailles, dans la ma-itinée du 25 juin 1789. » Signé : Bottex, curé de Neuville (1). M. Vallet, curé de Gien , a dit (2) : .Messieurs, j’aidemandé au clergé du bailliage royal de Gien, lorsqu’il s’est agi de travailler à la rédaction de notre cahier, s’il voulait se réunir à MM. de la noblesse et à MM. du tiers-état, pour compléter l’opération ensemble. Mais ce clergé a répondu, unanimement, qu’il procéderait seul à la confection de son cahier et à la nomination de son député, comme cela est prouvé par l'acte qui se prouve à la tête de mes pouvoirs. En conséquence, j’ai toujours cru remplir l’intention de mes commettants, en restantdans la salle du clergé, et en demandant qu’il vérifiât en particulier des pouvoirs qu’on n’a pas voulu me donner en commun. Je n’étais pas dans la salle du clergé quand on a pris la délibération de vendredi. Je ne suis revenu de Paris que le 24. Mes pouvoirs ôtant pour la délibération en commun et le vote par tête, je les apporte moi-même dans la salle, où je trouve le plus grand nombre des membres dix clergé, pour les soumettre à la vérification. M. Dumoucliel, recteur de V Université de Paris, député de la ville de Paris; et M. Périer, curé d’Etampes, député du bailliage d’Etampes, se présentent également, et portent l’un et l’autre la parole. M. le recteur dit (3) : Messieurs, c’est avec la plus vive douleur que j’ai vu s’éterniser les malheureuses discussions qui ont divisé jusqu’ici les trois ordres, et consumer en vains débats un temps précieux, dont nous devons un compte rigoureux à la nation. Il me tardait depuis longtemps de sortir de l’état d’inaction dans lequel nous avons été plongés jusqu’ici, et de nous voir travailler de concert au grand ouvrage de la régénération de l’Etat, pour lequel nous sommes tous appelés. Tant qu’il m’a été permis d’espérer que les voies de conciliation, proposées et discutées i - - - - (1) La déclaration de M. Bottex n’a pas été insérée au Moniteur. (2) Le discours de M. Vallet n’a pas été inséré au oniteur. (3) Le discours de M. Dumouchel n’a pas été inséré au Moniteur . 1 à diverses reprises, pourraient avoir leur effet, je me suis cru obligé à ne faire aucune démarche qui pût contrarier en rien les conditions qui m’avaient été imposées par mes commettants. Mais dans les circonstances présentes, je ne me pardonnerais pas à moi-même, de persister dans un éloignement que je crois aussi opposé à la raison qu’aux intérêts de la patrie. Je viens donc parmi vous, Messieurs, je viens jouir du spectacle de vos vertus et de vos talents, et m’éclairer au flambeau du génie et des connaissances qui régnent dans cette auguste Assemblée. Puissé-je, en marchant sur vos traces, concourir à la prospérité de la nation et au bonheur d’un monarque qui n’en connaît d’autre que celui de ses sujets 1 M. Périer dit (1) : Messieurs, porteur d’un cahier qui me prescrit le vœu par ordre, qui m’enjoint de déclarer que le clergé du bailliage d’Etampes, que j’ai l’honneur de représenter aux Etats généraux, entend demeurer inviolablement uni au premier ordre, se conserver dans son intégrité, et protester contre toute scission; j’ai cru de mon devoir et du respect que je dois à mes commettants, de rester jusqu’à ce jour et de voter dans la Chambre de l’ordre du clergé. De nouvelles instructions changent, en ce moment, ma position. Je viens m’unir à vous, et particulièrement à la majorité de mon ordre, duquel je ne cesserai jamais de défendre et de soutenir l’existence, les prérogatives et les intérêts. MM. du clergé qui venaient de se présenter, ont remis leurs pouvoirs sur le bureau, et pris place sur les bancs du clergé. M. Baudouin, nommé dans la séance du jour d’hier imprimeur de l’Assemblée nationale, se présente et prête serment entre les mains de M. le président, de bien et fidèlement se comporter dans la charge qui lui a été confiée. À dix heures, plusieurs de MM. de la noblesse entrent dans la salle nationale. Ils se placent sur leurs bancs. M. le comte de Clermont-Tonnerre prend la parole, et dit: Messieurs, les membres de la noblesse qui viennent en ce moment se réunir à l’Assemblée des Etats généraux, cèdent à l’impulsion de leur conscience, et remplissent un devoir. Mais il se joint à cet acte de patriotisme un sentiment douloureux. Cette conscience qui nous amène, a retenu un grand nombre de nos frères. Arrêtés par des mandats plus ou moins impératifs, ils cèdent à un motif aussi respectable que les nôtres. Vous ne pouvez, Messieurs, désapprouver notre tristesse et nos regrets. Nous sommes pénétrés de la sensibilité la plus vraie pour la joie que vous nous avez témoignée. Nous vous apportons le tribut de notre zèle et de nos sentiments, et nous venons travailler avec vous au grand œuvre de la régénération publique. Chacun de nous se réserve de faire connaître à l’Assemblée le degré d’activité que lui permet sa position particulière. M. le Président leur répond en ces termes: Messieurs, votre présence répand ici la consolation et la joie. Nous disions, en recevant MM. du clergé, qu’il nous restait des vœux à (t) Le discours de M. Périer n’a pas été inséré au Moniteur, 154 [Étals généraux.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 juin 1789.] former, qu’il manquait des frères à cette auguste famille. Ces vœux ont été presque aussitôt remplis que formés. Nous voyons un prince illustre, une partie importante et respectable de la noblesse française. Nous nous livrons à la joie de la recevoir, à l’espérance d’y voir réunir la totalité de celte noblesse. Oui, Messieurs, ce qui nous manque nous sera rendu: tous nos frères viendront ici. C’est la raison et la justice, c’est l'intérêt de la patrie qui les appellent et qui nous en répondent. Travaillons de concert à la régénération du royaume, au soulagement du peuple. Nous porterons la vérité au pied du trône, et sa voix sera entendue par un Roi dont la religion peut être surprise, mais dont les intentions sont justes et la bonté inaltérable. On fait l’appel de MM. de la noblesse, et Messieurs qui se trouvent présents, sont inscrits, savoir : MM. le duc d’Aiguillon, député de la sénéchaussée d’Agen. D’André, député de la sénéchaussée d’Aix. Le marquis de Toulongeon, député du bailliage d’Amont en Franche-Comté. Le chevalier d’Esclans, idem. Bureau de Puzy, idem. Le marquis de Lezay de Marnezia, député du bailliage d’Aval en Franche-Comté. Le vicomte de Toulongeon, idem. Le comte de Crillon, député du bailliage de Beauvais. Le vicomte de Beauharnais, député du bailliage de Blois. De Phélines, idem. Le vicomte Desandrouins, député du bailliage de Calais et Ardres. Le marquis de Lacoste, député du bailliage de Gharolles. Le comte de Castellane, député du bailliage de Châteauneuf en Thimerais. Le duc d’Orléans, député du bailliage de Crépy en Valois, Le marquis de Blacons, député du Dauphiné. Le marquis de Langon, idem. Le comte de Lablache, idem. Le comte Antoine d’Agoult, idem. Le comte de Virieu, idem. Le comte de Morge, idem. Le baron de Chaléon, idem. Le comte de Marsanne, idem. De Burle , député de la sénéchaussée de For-calquier. D’Eymar, idem. De Nompair de Champagny, député du bailliage de Forez. De Prez de Crassier, député du bailliage de Gex. Le marquis de Biencourt, député de la sénéchaussée de Guéret. D’Aguesseau, député du bailliage de Meaux. Fréleau, député du bailliage de Melun. Le comte de Latouche, député du bailliage de Montargis. Le comte de Montmorency, député du bailliage de Montfort-l’Amaury. Le chevalier de Maulette, idem. Le comte de Clermont-Tonnerre, député de la ville de Paris. Le duc de la Rochefoucauld, idem. Le comte de Lally-Tollendal, idem. Le comte de Rochechouart, idem. Lo comte de Lusignan, idem. Dionis du Séjour, idem. Duport, idem. Le marquis de Montesquiou-Fezensac, idem. Alexandre de Lameth, député du bailliage de Péronne. Le marquis de Latour Maubourg, député de la sénéchaussée du Puy. Le marquis de Sillery, député du bailliage de Reims. MM. Le baron d’Harambure, député du bailliage de Touraine. Le duc de Luynes, idem. Le marquis de Lencosne, idem. Le baron de Menou, idem. M. le marquis de Sillery demande la parole, et dit: Messieurs, c’est avec transport que nous reconnaissons parmi vous nos plus chers compatriotes. Au moment de nos élections dans nos provinces, l’amitié avait suivi l’estime que chacun de vous nous avait inspirée ; et, collectivement, nous réclamons de nos concitoyens les mêmes sentiments que nous avons pour eux. Nous ne cherchons pas à nous prévaloir d’avoir devancé peut-être de quelques jours, dans cette salle, le reste des membres de la noblesse: la sévérité de quelques-uns de leurs mandats, l’examen du plan proposé par le Roi, les empêchent encore de nous joindre; mais l’esprit de justice et l’amour du bien public, qui les dirigent, les ramèneront sans doute bientôt au milieu de nous. Oublions, Messieurs, les premiers moments d’inquiétude qui nous ont éloignés. Faisons voir à l’univers que la nation française a conservé son antique caractère. Entraînés* par nos passions, rassemblés de toutes les parties de ce vaste empire, ayant tous des intérêts à défendre, tenant à nos opinions, et voulant les soutenir impérieusement; malheureusement il en devait résulter l’effervescence qui, pendant quelques moments, nous a agités. Mais envisageons la tempête d’un œil calme et serein ; que nos âmes se calment à proportion des dangers qui nous environnent; portons un œil attentif sur tous les abus que nous devons réformer; n’ayons devant les yeux que le bonheur des peuples qui nous est confié, et que ces motifs sacrés soient le ralliement de nos cœurs et de nos pensées. Ne perdons jamais de vue le respect que nous devons au meilleur des Rois, si digne par ses vertus personnelles d’être à jamais l’amour de ses peuples. Il nous appelle ses enfants: ah! sans doute nous devons tous nous regarder comme une famille réunie, ayant des détails différents dans notre maison paternelle. Il nous offre la paix: acceptons-la sans balancer, et qu’il ne voie pas flétrir et sécher dans ses mains le rameau d’olivier qu’il nous présente. C’est en présence de la nation rassemblée que nous rendons au clergé les hommages que nous devons à ses vertus. La plupart de vous, Messieurs, témoins des peines et consolateurs des habitants des campagnes, vous nous instruirez des détails attendrissants de leurs souffrances, et vous nous aiderez de vos conseils pour trouver les moyens les plus prompts de les soulager. Et vous. Messieurs, qui réunissez dans votre sein des citoyens distingués dans tous les états, des magistrats éclairés, des littérateurs célèbres, ' des commerçants fidèles, des artistes habiles, ' vous nous aiderez de vos lumières et de votre instruction pour procurer à la France les lois nécessaires à la régénération de l’ordre. Je m’arrête, Messieurs, et mes yeux se fixent sur les habitants des campagnes qui sont parmi vous, dont les travaux respectables servent à nourrir et enrichir les citoyens de tous les ordres. Si la noblesse de France se glorifie d’avoir le droit de marcher à la tête des légions pour la défense de la patrie, elle honore également cette milice formidable qui fait la gloire et la sûreté de cet empire.