[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (29 avril 1791.1 449 les personnes et les objets? La circonstance do moment d’une grande opération présente sans doute une difficulté à vaincre ; mais tout doit plier sous la règle et céder à la nécessité d’un ordre invariable. TITRE III. Résultats des faits et des observations. Projet de décret. Les faits dont on a rendu compte sont des preuves à ajouter à la certitude d’une vérité dont personne ne doute, que l’administration du Trésor public laissait beaucoup à l’arbitraire des ordonnateurs et des chefs ; qu’il y avait des portes ouvertes à beaucoup d’abus ; que l’économie dans l’administration de la fortune publique, l’exactitude et la pureté des opérations, dépendaient uniquement de la probité, des principes, de la sévérité des personnes entre les mains desquelles elles étaient remises; mais que cette exactitude, cette économie ne résultaient nullement de la disposition des choses, ni d’une organisation fixe et invariable. Or, c’est un vice essentiel dans l’administration des finances, que ceux qui en sont chargés ne soient pas dans une impossibilitéabsolue de confondre des intérêts particuliers, leurs intérêts personnels, ceux de leurs amis, ceux de leurs proches, avec l’intérêt de la chose publique. Non seulement il ne faut pas les abandonner à une tendance trop habituelle vers l’intérêt personnel plutôt que vers l’intérêt public; il faut les armer d’une grande force contre toutes les sollicitations extérieures, contre toutes les demandes de personnes qui peuvent faire une impression quelconque sur eux. Un administrateur public doit souvent refuser; il faut lui donner la facilité de le faire, en étayant sa volonté de celle de la loi, et, s’il est des moments où son cœur cède, il faut que l’impossibilité de couvrir la contravention à la loi, qu’il serait sur le point de commettre, arrête sa main et devienne une barrière insurmontable à toute infraction de ses devoirs. Les commissaires ont déjà annoncé qu’ilsavaient vu, avec satisfaction, que l’exactitude personnelle du premier commis du grand comptant, avait suppléé, dans la circonstance particulière, au défaut de plusieurs règles qui devraient déterminer toutes les parties de fonctions aussi délicates; mais les erreurs auxquelles il n’a pas été possible d’échapper, et dont on peut dire qu’il est heureux qu’elles ne soient pas plus considérables, sont un avertissement de se prémunir, pour la suite, contre de plus grandes erreurs. Il est à espérer que, lorsqu’il s’agira de régler le détail des opérations du Trésor public, les commissaires de la Trésorerie prendront en considération l’exemple des abus passés pour les prévenir désormais; qu’ils feront attention surtout aux suites que peut avoir l’usage de recevoir et de faire au Trésor public des payements en papier ou effets commerçables, qui donnent lieu à des calculs d’intérêts ou d’escompte, qui laissent toujours du vague dans la réalité des sommes effectivement reçues ou payées, et qui ont dû exposer quelquefois le Trésor public à des pertes même de capitaux. Les commissaires de l’extraordinaire ne sauraient prendre sur eux de proposer à l’Assemblée nationale d’allouer comme bonne dépense les intérêts qui ont été comptés aux prêteurs au delà des termes stricts de la loi, non plus que les jouissances qui ont été accordées contre la rigueur de ces termes. Mais il leur paraît trop dur aussi de demander la radiation de cette dépense. Elle ne saurait leur paraître légitime dèg qu'elle n’est pas appuyée par la loi ; mais elle est excusable, eu égard aux circonstances dans lesquelles elle a eu lieu. Ils ne resteront pas dans cette indécision par rapport à l’admission de la reconnaissance de M. de la Noraiedans l’emprunt. Ici la contravention à la loi est trop formelle pour pouvoir être dissimulée : ou plutôt les contraventions sont trop multiples pour ne pas les punir. Il n’était dû de rentes de l’emprunt national, qu’à ceux qui remettraient argent et effets; M. delà Noraie n’a remis ni l’un ni l’autre. Le report des intérêts au premier jour du trimestre était la récompense d’un payement effectif et actuel ; on a accordé cette faveur à un payement qu’on permettait en même temps de n’exécuter qu’à la fin du trimestre. Les intérêts annuels ne pouvaient être que le prix de fonds effectivement fournis ; on les a accordés sous la condition d’une remise de fonds différée à une époque incertaine, et ces intérêts ont ainsi eu leur cours aux dépens du Trésor public. La promesse d’un particulier a pris, dans un emprunt national, ia place d’effets publics ; il a été payé, sur cette reconnaissance privée, des intérêts qui ne devaient être sacrifiés que pour l’allégement de la dette publique. Une contravention aussi formelle à la loi exige que l’Assemblée prenne les mesures nécessaires pour la punir et pour faire cesser le tort qu’elle cause au Trésor public. Les commissaires proposeront une disposition formelle à cet égard. Il restera un troisième point sur lequel l’Assemblée aura à prononcer. Le décret du 24 décembre 1790, en exécution duquel les commissaires viennent de faire leur rapport, porte qu’il sera procédé par eux au brûlement des effets rentrés au Trésor public par la voie de l’emprunt national ou de tous autres. Rien n’a fait connaître aux commissaires ces autres effets au brûlement desquels ils devaient faire procéder. Il semble que c’est aux commissaires de la Trésorerie à faire dresser d’abord l’inventaire des effets : les commissaires de l’extraordinaire rempliront ensuite ia mission qui leur a été donnée, en procédant à leur vérification et à leur brûlement. Voici donc le projet de décret que les commissaires proposent. Le premier article est rédigé sur 2 colonnes et dans deux sens différents, afin que l’Assemblée ait sous les yeux les deux dispositions entre lesquelles son choix peut être partagé. Art. 1er. « Seconde rédaction. « L’Assemblée nationale a fixé la recette et la dépense du montant des effets, admis dans l’emprunt national de 1789, à la somme de 25,499,713 livres. » a Première rédaction. a L’Assemblée nationale a fixé la recette da montant des effets, admis dans l’emprunt national de 4789, à la somme de 25,528,278 1. 49 s. 11 d.; la dépense à la somme de 25,499,713 livres. L’administration du Trésor public rendra compte de la somme de 28,565 I. 19 s. 11 d., dont la recette excède la dépense, sauf son recours contre qui il avisera. » « Art. 2. Les originaux des actes qui ont or*- 420 [Assemblée nationale.] donné l’admission de la reconnaissance du sieur Le Couteulx de La Noraie pour la somme de 1,400,000 livres, dans l’emprunt de 1789, et ladite reconnaissance, seront remis à l’agent chargé de la poursuite des recouvrements du Trésor public, à l’effet pour lui de se pourvoir contre telles personnes qu’il appartiendra, ordonnateurs et autres, pour faire rétablir au Trésor public, soit les bordereaux délivrés audit sieur Le Couteulx, jusqu’à la concurrence de 700,000 livres, soit des effets de la nature de ceux qui devaient être admis dans l’emprunt de 1789, jusqu’à concurrence de la même somme de 700,000 livres, et les intérêts indûment payé-* audit sieur Le Couteulx ou à se sayants cause, à compter du 1er octobre 1789, qu’ils ont eu cours jusqu’au jour de la remise effective des capitaux qui sera faite au Trésor public : sans entendre, au surplus, par cette disposition, rien préjuger sur les prétentions formées par les sieurs Le Couteulx et Haller, dont il est fait mention dans la reconnaissance dudit sieur Le Guuteulx. « Art. 3. Les commissaires de la Trésorerie, en faisant procéder à l’inventaire des effets du Trésor public, feront dresser inventaire, dans un chapitre à part, des effets qui y sont rentrés par diverses voies, pour être annulés, et il sera procédé à la vérification et au brûlement desdits effets, par les commissaires de la caisse de l’extraordinaire, aux termes du décret du 24 décembre dernier. » M. de Folleville. L’homme véritablement responsable dans cette affaire a quitté la France; il serait donc injuste de faire porter actuellement la responsabilité sur les subalternes. Vous devez d’ailleurs croire que c’est dans un motif louable, pour remplir l’emprunt, pour soutenir le crédit public, qu’on a accordé de grandes facilités. Après avoir laissé partir le vrai responsable, vous ne devez plus poursuivre cette affaire. Je demande que vous fassiez ce léger 8acrilice. M. Gaultier-Biauzat. Je demande la priorité {our le projet de décret le plus doux. Les faci-ités qu’on a données pour remplir cet emprunt ont été données pour le bien de la nation ; elles n’ont pas pu tourner au profit de ceux qui les ont accordées, et qui d’ailleurs n’ont fait que suivre les usages anciens. Je crois donc qu’il serait injuste de vouloir répéter, contre l’ordonnateur du Trésor public, les intérêts du bordereau dont on vous a parlé, et je demande la priorité pour le projet de décret le moins sévère. M. Moreau appuie cette demande de priorité. (L’ Assemblée, consultée, décrète la priorité demandée par M. Gaultier-Biauzat.) M. Camus, rapporteur. Voici, en conséquence, le projet de décret que nous vous proposons : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport des commissaires de la caisse de l’extraordinaire, décrète ce qui suit : Art. 1er. « La recette et la dépense du montant des effets admis dans l’emprunt national de 1789 sont fixées à la somme de 25,499,713 livres. Art. 2. « Les originaux des actes qui ont ordonné l’admission delà reconnaissance du sieur Le Cou-[29 avril 1791.] teulx de la Noraie, pour la somme de 1,400,000 livres dans l’emprunt de 1789, et ladite reconnaissance seront remis à l’agent chargé de la poursuite des recouvrements du Trésor public, à l’effet par lui de se pourvoir contre telles personnes qu’il appartiendra, ordonnateurs et auires, pour faire rétablir audit Trésor soit les bordereaux délivrés audit sieur Le Gouteulx, jusqu’à la concurrence de 700,000 livres, soit des effets de la nature de ceux qui devaient être admis dans l’emprunt de 1789, jusqu’à la concurrence de la même somme de 700,000 livres, et les intérêts indûment payés audit sieur Le Gouteulx ou ses ayants cause, à compter du leP octobre 1789 qu’ils ont eu cours, jusqu’au jour de la remise effective des capitaux, qui sera faite au Trésor public; sans entendre, au surplus, par cette disposition, rien préjuger sur les prétentions formées par les sieurs Le Gouteulx et Haller, dont est mention dans la reconnaissance dudit sieur Le Couteulx. Art. 3. « Les commissaires de la Trésorerie, en faisant procéder à l’inventaire des effets du Trésor public, feront dresser inventaire, dans un chapitre à part, des effets qui y sont rentrés par diverses voies, pour être annulés; et il sera procédé à la vérification et au brûlement desdits effets, par les commissaires de la caisse de l’extraordinaire, aux termes du décret du 24 décembre dernier. » (Ce décret est adopié.) M. le Président. La parole est à M. Alexandre de Beauharnais, pour faire un rapport au nom des comités de Constitution , militaire , des rap-orts et des recherches , sur l'affaire de Wissem-ourg. M. Alexandre de Beauharnais, au nom des comités de Constitution , militaire , des recherches et des rapports. Les événements malheureux survenus dans la ville de Wissembourg ont donué lieu au ministre de la guerre et àM. Kellermann, officier général employé, de réclamer un décret de l’Assemblée nationale qui explique d’une manière précise ses intentions, sur la question de savoir si les soldats peuvent aller aux sociétés des amis de la Constitution. Les lettres qui s’accordent sur Futilité d’une décision, et sur la nécessité de lever promptement tous les doutes à cet égard, ont été renvoyées par vous à quatre de vos comités réunis. Les comités rassemblés par vos ordres ont, dans l’objet de leur réunion, distingué les malheurs arrivés à Wissembourg, dont la connaissance appartient au pouvoir exécutif et aux magistrats chargés du maintien des lois, et les doutes qui se sont élevés sur une disposition générale de votre décret interprétée différemment dans plusieurs corps militaires : doutes qu’il est important de détruire promptement, puisqu’ils entretiennent une division funeste entre les officiers et les soldats. Le décret qui interviendra à cet égard, réglant l’autorité des uns, et l’usage que les autres peuvent faire des moments de liberté que leur laisse leur service militaire, concourra au maintien de l’ordre par les mesures qui ont le plus d’effet : par l’accord indispensable à établir entre toutes les parties de la force publique. Vos comités ont donc cherché les principes qui devaient servir de base à cette décision ; et a cet effet ils ont considéré avec attentiou quelles étaient les fonc-ÀRCH1VES PARLEMENTAMES,