[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. camp pour retraite , conformément aux décrets des 15 février et 9 mars 1791. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. de Broglte, au nom du comité militaire. Messieurs, le comité militaire a appris qu’ou avait mis hier à l’ordre du jour la question relative aux règles d 'admission aux places de l'armée; il m’a chargé de vous présenter les motifs qui lui paraissent devoir faire différer son rapport sur cet objet. La première rkison de cette demande d’ajournement, c’est que vous avez décrété en principe que nul ne peut entrer au service eu qualité d’officier qu’en vertu d’un examen et d’un concours. Il est évideut, dès lors? qu’il faudra des établissements, des maisons militaires, et sous ce rapport l’admission appartiendra essentiellement à l'instruction publique. D’après cela, le comité a pensé qu’il était nécessaire que le rapport du comité de Constitution sur l’instruction publique générale du royaume vous ait été soumis et que vous en eussiez décrété les bases, avant de vous proposer lui-même ses vues sur les admissions. D’un autre côté, Messieurs, vous avez déterminé... (Mouvements divers.) Veuillez bien écouter avec attention, Messieurs; c’est par respect pour les institutions de l’Assemblée nationale, et pour qu’elles soient parfaitement accomplies, que le comité militaire a différé son rapport sur l’admission -, ces institutions sont justes ; elles doivent être observées avec la plus grande exactitude ; elles ont pour objet de détruire les privilèges, de faire que tous les citoyens soient admis indistinctement aux places d’officiers. Vous avez déterminé, disais-je, que, provisoirement, la moitié des places vacantes actuellement dans l’armée seraient remplies par les sous-offleiers ; l’autre moitié par les citoyens enrôlés dans les gardes nationales. Si, au lieu de cela, nous vous proposions en ce moment de n’accorder ces places qu’à l’examen, qu’arriverait-U? Ces examens exigeraient nécessairement une certaine instruction théorique, et, comme cette instruction ne peut être actuellement acquise que par ceux qui s’y eont préparés de longue main, il en résulterait que tous ceux qui se présenteraient aujourd’hui à l’examen auraient été ou élèves de l’école milhtaire, c’est-à-dire de ci-devant gentilshommes, ou des fils de ci-devant privilégiés : ainsi le but de l’Assemblée nationale aurait été manqué. Les bases de l’éducation nationale, telles qu’elles vous seront présentées par le comité de Constitution, présenteront un moyen de concours qui évitera ces inconvénients. Votre comité croit donc, par ces motifs, devoir demander à l’Assemblée qu’elle veuille bien l’autoriser à ne lui faire le rapport sur l’admission aux places de l’armée qu’immédiatement après que les bases de l’instruction publique auront été établies, afin qu’il y ait une parfaite analogie avec l’éducation militaire et les autres parties de l’éducation publique. (L’Assemblée approuve les conclusions de M. de Broglie et fixe à jeudi le rapport du comité de Constitution sur l’instruction publique.) M. Barrère, au nom du comité des domaines, fait un rapport sur les domaines nationaux de Vile de Corse , et s’exprime ainsi : Messieurs, La Corse est libre, la Corse est française ; les [5 septembre 1791.] 205 tyrans ne l’opprimeront plus ! c’est à vous de la régénérer l Elle a été riche et peuplée sous les Romains, malheureuse et ensanglantée sous les Génois, pauvre et inculte sous notre ancien gouvernement. Elle présente cependant tous les moyens physiques et moraux d’une brillante et solide régénération. Ce peuple est idolâtre de la liberté, et il n’est vraimentlibre que depuis la Révolution française; il aime les lois, et il est sans civilisation ; il a un grand caractère, et il éprouve tous U s maux attachés à la faiblesse; il a un territoire fertile, et il est pauvre; il a une situation de commerce admirable, des ports nombreux, des pêcheries abondantes, et cependant son commerce languit et son industrie est nulle. De tous les peuples de l’Europe, les Corses sont aujourd’hui dans les circonstances les plus favorables pour jouir des bienfaits de la liberté et recevoir les avantages d’une belle Constitution. Le long oubli des lois, les désordres qui ont suivi les guerres civiles, leurs révolutions successives, leurs longs malheurs, tout tend à favoriser l’usage des moyens que votre justice prévoyante et généreuse emploiera pour le bonheur de cette île. Sans moines et sans fiefs, délivrée des maux inséparables du monarchisme, et n’ayant jamais connu le fléau de la féodalité, quia si longtemps attesté notre barbarie, cette île peut parvenir aussi facilement que les autres départements du royaume, à uu haut degré de prospérité, quoiqu’elle soit, dans ce moment, la plus reculée en trois sens. Le moment de régénérer cette île est arrivé; les esprits sont préparés par les révolutions qu’ils ont éprouvées. Il suffira de leur montrer le bien, et le bien sera fait. Ce peuple n’a que les défauts de la vie sauvage, et ceux que la tyrannie donne; mais de bonnes lois les feront bientôt disparaître. On corrige plus difficilement les défauts des nations polies et corrompues. Les peuples sauvages conservent plus de mœurs dans leur rusticité, et tiennent de plus près à l’homme de la nature. Que ne peut l’influence d’une nation riche et libre sur de tels hommes, en ne régnant sur eux que par les lois, en ne voyant que par les yeux des administrateurs populaires, choisis par eux. Elle peut employer toute sa force, tous ses moyens à donner à ce peuple le bonheur, la paix et l’aisance à laquelle les hommes réunis en société peuvent atteindre. Pour y parvenir, un grand moyen se trouve dans votre Constitution: c’est la disposition des biens nationaux ; ils sont immenses en Corse, mais ils sont sans valeur; ce sont des plaines considérables qui réclament la main de l’homme pour devenir salubres et couvertes de moissons ; ce sont des forêts antiques qui appellent l’exploitation pour fournir à la marine et au commerce des secours abondants. Mais plusieurs parties de ces domaines ont été distraits du domaine national par des concessions, des inféodations, des dons, des accensements. Il faut les retraire en payant les indemnités légitimes. voilà le principal objet de ce rapport. Ce n’est pas tout d’avoir des domaines, il faut des hommes pour les cultiver, des propriétaires qui s’y attachent, des colonies qui s’y établissent, des communications qui les rapprochent, des encouragements qui les aident. Voilà le second objet qui demande des vues