[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juin 1790.] 9â tout ce que l’équité exigera d’eux, d’après les circonstances et les localités , » M. Telller. 0 me semble que l’Assemblée ne peut forcer les municipalités qu’à payer les dépenses nécessaires et non celles de luxe ou faites dans le but de satisfaire l’amour-propre de quelques individus, Pour ne citer qtf un exemple, je dirai que les dépenses faites dans le bailliage de Melun, par M. de Gouy d’Arcy, se montent de 6 à 7,000 livres.. Je conclus à ce que les dépenses faites par des particuliers, sans le consentement des assemblëeSt soient exceptées des sommes à payer. M-leittârqnis de 6oUy d’Arcy. Ma justification sera bien simple. J’ai réuni les trois ordres du bailliage, et les dépenses qui ont été faites à cette occasion n’ont eu d'autre objet que de donner un air plus imposant à l’assemblée auguste qui était convoquée. Au surplus, les ouvriers employés ont été la plupart payés de mes deniers, et si quelques dépenses minime? restent à acquitter, relatives à la construction des salles, c’est que j’ai cru qu’elles devaient être àla charge de la municipalité. M. Bouche. Je viens appuyer l’amendement ni a pour but de laisser à la charge des indivi-us les dépenses faites par eux. Cette disposition doit être mentionnée dans, le décret, afin d’éviter les abus, M. Démeunier. Le décret me semble prématuré, parce que les pouvoirs publics qui doivent assurer son exécution ne sont pas encore constitués. Je demande l’ajournement jusqu’à la formation des départements. (L’ ajournement est prononcé.) M. le Président lève la séance à trois heures et demie, après avoir indiqué la suivante pour demain, à neuf heures du matin. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 4 JUIN 1790. mémoire adressé a l’assemblée nationale PAR LE CORPS DES MINES (1). {Extrait de V arrêté du corps des mines . du 2 juin 1790.) Les membres du corps des mines, réunis à la Monnaie, considérant qu’il est du devoir de chacun des individus qui le composent de contribuer , de tous leurs efforts et de toutes leurs lumières, au bien général de la nation française, ont arrêté de rédiger, en commun, un Mémoire sur les deux questions suivantes et de l’adresser à l’AsBemblée nationale. Les membres du corps des mmea ont déclaré unanimement qu’ils saisissaient avec empressement cette occasion de témoigner leur adhésion et soumission absolue à tous les décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi. (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. Première question : Les mines doivent-elles être déclarées propriétés nationales ou non ? Seconde question : Les mines étant déclarées propriétés nationales, un corps et une école de mineurs sont-ils nécessaires ou non? Plan et division du mémoire. Avant de discuter la première question, nous attesterons l’existence des mines en France, et l’utilité de leur exploitation; nous défrairons ce que c’est que la propriété, d’où elle peut résulter légitimement ; nous définirons aussi, avec précision, les objets connus généralement sous les noms de mines et de minerais. Ces définitions bien pesées et bien senties, on connaîtra facilement s’il est juste ou injuste de réserver la propriété des raines à lanation, ou de les abandonner aux possesseurs des terrains superficiels. Nous examinerons ensuite s’il est avantageux ou non, pour la société, de faire exploiter les mines par ses agents, de les concéder en en conservant la surveillance, ou de les abandonner aux intérêts particuliers. Nous comparerons avec impartialité ce qui arriverait dans chacun des deux cas. Le résumé et le résultat de cette comparaison offriront la solution entière de la première question. Nous passerons à l’examen de la seconde. Utilité des mines. Nous n’emploierons pas un temps précieux à démontrer Futilité de l’exploitation des mines : tout le monde sait que les substances minérales sont les matières premières ou les principaux agents dans tous les arts; mais il est de notre devoir de faire remarquer aux représentants de la nation que nous ne manquerons pas de mines en France, malgré le préjugé contraire trop généralement répandu. Le royaume est entouré presque de toutes parts de chaînes de montagnes qui sont de même nature que celles dont les peuples qui nous avoisinent extraient les matières métalliques, pour lesquelles nous sommes honteusement leurs tributaires. Des prolongements de ces mêmes montagnes se montrent jusqu’au centre de la France. Les départements du Nord et plusieurs autres encore fournissent des charbons de terre en abondance; ce combustible devient plus intéressant pour nous que les métaux les plus brillants et les plus recherchés; enfin les naturalistes et minéralogistes, qui ont parcouru la France, y ont annoncé et décrit des filons et des minerais de toütés espèces. PREMIÈRE QUESTION PROPOSÉE. Les mines doivent-elles être déclarées propriétés nationales ou non ? Nous définissons la propriété: le droit de l’homme de disposer d’une chose etd’exercer sur elle toutes ses facultés. 100 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Toute propriété a résulté, dans son origine, on d’un partage fait entre des hommes, ou d’un travail constamment appliqué par l’homme sur un objet, sans opposition de la part des autres. Nous appelons mines tous les lieux desquels on extrait les matières minérales ou métalliques employées aux arts et dans le commerce. Nous appelons minerais toutes ces matières encore brutes ou non travaillées. Les minéraux ou les métaux sont disposés ou par couches ou en filons. Un filon ou une couche de minerais quelconque peut être considéré comme ayant rempli une scissure perpendiculaire ou inclinée dans une masse de terrain, ou comme une couche entre d’autres couches supérieures et inférieures parallèles. Les profondeurs qu’occupent ces solides sont infinies par rapport à nous. Leur épaisseur varie beaucoup. Leurs directions rapportées à la surface de la terre s’étendent presque toujours à plusieurs lieues. D’après cette manière d’être des minerais dans l’intérieur du globe, on sent qu’il faut ouvrir le sein de la terre et s’y enfoncer profondément, pour obtenir ces matières si nécessaires à la société. Ces masses de richesses enfouies ne montrent quelquefois à la surface des terrains que de très légers vestiges de leur existence, vestiges qui induiraient souvent en erreur, et auxquels l’homme de l’art même ne saurait se livrer avec sécurité, sans avoir reconnu des indices multipliés sur un assez grand espace ou sur une distance assez longue. Le plus souvent et surtout pour les minerais par couches, aucune marque extérieure n’existe absolument. 11 faut avoir enlevé la terre végétale, avoir pénétré bien des couches inférieures avant d’arriver à la certitude du minerai qu’on cherchait. Cet état naturel des choses bien entendu et bien senti, le droit de propriété sur les terrains étant le résultat d’un partage fait, ce partage a-t-il pu s’étendre sur les mines? Représentons-nous une colonie s’établissant dans une région inhabitée jusqu’alors. Les colons peuvent faire entre eux le partage des terres; mais ils ne peuvent faire entrer dans ce partage les mines que la nature a déposées dans les profondeurs. Us ne les connaissaient pas ; et s’ils entendaient les comprendre dans les lots (les mines n’étant pas également répandues dans la masse de la terre), leur partage se trouverait par là même inégal et inexact. En considérant la propriété des terrains comme résultant d’un travail constamment appliqué sans opposition, ce travail a-t-il pu être appliqué aux mines par l’homme isolé ? Les premiers besoins de l’homme dépendent d’objets existant à la surface de la terre. C’est là que son travail a été dirigé, c’est là qu’il doit exercer son droit de propriété. L’homme isolé n’a pas dû, n’a pas pu extraire les matières minérales pour en faire usage. Ses efforts eussent été impuissants. 11 a fallu une réunion de combinaisons et de forces qu’il n’avait et ne pouvait appliquer seul, et qui supposent une société déjà formée et active. Ce n’est donc pas l’homme seul; mais la réunion du génie, des forces de plusieurs, mais la société enfin qui a pu extraire et élever des couches inférieures de la terre les matières métalliques, qui a pu porter à douze ou quinze cents pieds de profondeur, une somme d’activité et de force capable de résister à des pressions énormes, à des amas [4 juin 1790.] de liquides qui tendent continuellement à y pénétrer avec une rapidité destructive, et aux difficultés d’v entretenir un air respirable. Il n’est donc pas injuste que la propriété des mines soit distinguée de celle des terrains superficiels, puisque cette propriété n’a pu être com - prise dans un partage originairement fait des surfaces, puisqu’elle n’a pu résulter pour l’homme delà direction de son travail qui n’a été appliqué qu’à cette surface, et qui n’a pu l’être à l’exploitation des mines fsans le concours de plusieurs ou de la société. Mais, dira-t-on, si l’homme, dans l’état de société, a pu appliquer son travail à l’extraction des minerais, les mines exploitées par le premier occupant ne sont-elles nas pour celui-ci une propriété à juste titre? Non, sans doute; cardans la société nulle chose n’est sans maître. Ce qui n’est pas aux particuliers est à la communauté entière; tous ses membres y ont droit également. On n’aurait donc pu exploiter des mines sans les envahir sur la société, puisque auparavant elles n’étaient pas aux particuliers qui ne les connaissaient pas. D’ailleurs, point de société, point de propriété constante, sans lois. Les lois d’une société ont pour but de procurer aux individus leur sûreté personnelle, celle de leur propriété appuyée sur l’ordre général, et le plus grand avantage de tous, en subordonnant l’intérêt particulier au bien commun. Si nous cherchions ce qui s’est pratiqué dans l’antiquité relativement aux mines, ou ce qui se pratique chez les peuples modernes, nous trouverions que partout les mines ont été et sont conservées, soit à la société indivisément, soit à la puissance qui agissait ou qui agit à sa place. Mais i’exemple des autres peuples ne serait pas une raison suffisamment déterminante aux yeux des législateurs de la France. Examinons ce qui est le plus avantageux à la société, ou d' abandonner les mines aux propriétaires des terrains superficiels , ou de s'en réserver la disposition comme propriétés publiques. Comparons ce qui arrivera dans l’un et dans l’autre cas ;le résultat de cette comparaison doit offrir une solution satisfaisante. Supposons qu’un propriétaire de trente ou cinquante arpents de terre attaque un filon qui traverse son champ; tant que la direction de ses travaux n’excédera pas ses limites, ou qu’ils ne s’étendront pas, suivant l’inclination du filon ou de la couche des minerais, au delà des perpendiculaires à ses limites, ce propriétaire pourrait tirer parti de l’exploitation, si elle est assez productive en aussi petite masse, pour remplir des frais d’établissement de puits, usines, fourneaux s’il y a lieu, etc.; personne n’aurait droit de le troubler; mais si ce même propriétaire fait un pas hors des perpendiculaires àses limites, alors, fût-il à cinquante toises de profondeur, et par conséquent ne pouvant nuire à la superficie, on l’arrêtera, et son voisin, qui n’aura employé ni industrie, ni numéraire aux travaux, qui même jamais n’aurait tenté une exploitation, exigera ou l’abandon des travaux, ou une part dans les profits. Si les travaux sont abandonnés, le particulier qui exploitait y perd le fruit de ses dépenses antérieures, et la société y perd aussi sensiblement. Si les travaux sont continués aux nouvelles conditions du propriétaire voisin, la matière extraite augmente nécessairement de prix, et il est avantageux à l’Etat d’obtenir de son sol les matières premières, au plus bas prix possible, afin de n’avoir pas à craindre l’importation, et d’avoir [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juin 1790.1 101 à espérer au contraire l’exportation de ces matières façonnées par nos arts. Si le propriétaire voisin de celui qui a entrepris une exploitation, veut aussi exploiter sa portion, les frais desdeux petites exploitations étant proportionnellement plus considérables que ceux qui embrasseraient les deux terrains par une seule entreprise, le prix de la matière extraite se trouve encore augmenté. Il naîtra, entre les deux voisins, des discussions et des procès qui iront encore au détriment de la chose. La multiplicité des petites exploitations nuira beaucoup plus aux productions de la surface que ne le ferait une grande entreprise (1). Le particulier ne gagnera que peu à sa petite exploitation, si même il peut soutenir la dépense des travaux préliminaires, et l’Etat risquera de perdre beaucoup par le haut prix auquel seront les matières premières. Il résultera sûrement de ces exploitations partielles, que la surface des mines sera criblée et enlevée, comme on en a déjà en France la triste expérience en plusieurs endroits, à cause de la négligence sur cette partie de la part de l’administration, quoiqu’elle en ait été instruite par les officiers des mines. Les entrepreneurs, après avoir ainsi extrait à la surface, et par là avoir rendu les exploitations bien plus difficiles, plus périlleuses et plus dispensieuses pour la suite, ne se soucieraient pas de les continuer, ou ne seraient même pas en état d’en faire les frais ; il arrivera que, dans trente ans, la plupart des mines ayant été exploitées jusqu’à quarante ou cin-qante toises, seront alors abandonnées ou trop coûteuses à exploiter, et qu’il faudra recourir aux étrangers, pour nous fournir tous les minéraux et les métaux dont nous aurons besoin. Les mines laissées aux propriétaires de fonds pourraient être profitables aux particuliers seuls qui posséderaient de suite mille ou douze cents arpents de superficie, et qui seraient en état de faire des avances pécuniaires considérables ; mais combien y a-t-il en France de particuliers dans cette position? Sera-ce précisément dans leurs terres que se découvriront les mines, et quand il s’y en trouverait ne seront-ils pas le plus souvent avides d’augmenter promptement leurs richesses en dévorant, pour ainsi dire, les minerais voisins de la surface pour abandonner bientôt le reste devenu plus coûteux à obtenir. Un petit nombre d'hommes pouvant seuls accumuler subitement de grosses fortunes, et la société qui leur en aura donné les moyens, perdra pour l’avenir, des ressources précieuses à son activité, et qu’il lui était de la première importance de conserver. Ce qui arrivera, les mines étant réservées à la nation et exploitées ou concédées par elle. Si l’Etat faisait exploiter les mines, ayant à employer des gens instruits, et les comptes étant rendus exactement à un comité national des mines, cela serait le plus simple, le plus avanta-(1) Il ne faut pas croire, comme quelques auteurs l’ont annoncé mal à propos, que les terrains supérieurs aux mines soient stériles, ou moins productifs que d’autres. Quand cela a lieu, ce n’est point à cause de la présence des mines, mais parce que la terre végétale manque souvent sur les rochers. geux, et le mieux possible (1); car l’Etat aurait au moins les mêmes avantages en grand que les compagnies, pour les exploitations qui donnent un bénéfice, et, de plus, il pourrait et devrait même faire exploiter aussi les mines qui produiraient seulement la rentrée des frais; parce qu’il y aurait toujours alors une augmentation dans le commerce, et une plus grande activité entretenue (2). Mais les circonstances ne permettent pas de songer aux avances qui seraient nécessaires, cela pourrait s’établir par la suite. Les nfines seraient concédées; mais on les maintiendrait sous la protection de loissagement faites, qui, en excitant et encourageant l’activité sur ce point, tiendraient à en conserver et perpétuer les ressources. Un comité, toujours en activité, serait chargé de veiller à tout ce qui est relatif aux mines, et aussi à ce qu’on appelle Bouches à feu (3). Il serait accordé un encouragement quelconque à tout particulier qui aurait découvert ou déclaré, le premier, la découverte d’une nouvelle mine, dès que cette découverte serait constatée utile. On ne concéderait plus à des solliciteurs, bien souvent plus intrigants que capables, de grandes entreprises de provinces entières. Les concessions seraient resserrées dans l’espace nécessaire à l’établissement et au soutien de grands travaux. Elles pourraient être multipliées sur une masse de minerais d’une certaine étendue : l’espèce de rivalité qui en résulterait, donnerait de l’émulation et serait utile au commerce. Des associations se formeraient pour l’exploitation des mines, on partagerait les mises de fonds en un grand nombre de petites actions. Cette manière de former des entreprises, la plus commode aux particuliers, est aussi la plus utile à l’Etat: elle tend à diviser les profits, à conserver la similitude des fortunes (4). Toute souscription, toute association proposée relativement aux mines, devraitavoir l’approbation du comité, qui veillerait alors à ce qu’il ne fût proposé au public que des entreprises fondées sur des découvertes constantes (5), et sur des combinaisons équitables d’intérêts ; ce serait le moyen d’empêcher que des gens adroits et peu délicats, (1) On objectera peut-être que le gouvernement a toujours beaucoup dépensé dans les entreprises sans profit; on répondra à cela que l’état des choses est bien changé, et que si nous avions encore des dépréciations à craindre pour l’avenir, nous serions réduits à regretter l’ancienne forme d’administration. (2) L’activité entretenue par les mines augmente la population. Nous avons beaucoup d’exemples en France de lieux qui n’étaient point habités et peu habitables, qui sont devenus très peuplés par les exploitations. (3) Cette partie d’administration n’aurait jamais dû être séparée de celle des mines, puisqu’elle exige des connaissances indispensables pour les officiers des mines, et qu’elle y tient aussi d’ailleurs par la nature des choses. (4) On sait que l’accroissement subit des richesses chez quelques particuliers amène bientôt le luxe, la dépravation des mœurs et la ruine de la société. (S) Dans ce siècle si éclairé, nous avons, aux environs mêmes de la capitale, des preuves de l’influence de la charlatanerie, ou des imaginations exaltées et faciles à égarer. N’y avons-nous pas vu dépenser des sommes considérables à des recherches fondées sur des propriétés personnelles très occultes, malgré l’improbation d’une académie célèbre dans l’univers, par la somme de ses connaissances, malgré les réclamations répétées du corps des mines ? 102 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juin 1790.] ou à une imagination exaltée, ne séduisissent des gens crédules et ne les ruinassent. Les concessions ne seraient accordées quê sur le rapport du comité des mines. Les discussions, la longueur des procès étant surtout très nuisibles aux entreprises d’exploitations de mines, on rédigerait avec soin un code de lois relatives, qui tendraient à éviter les discussions ou à abréger du moins les procès inévitables. On aurait pour l’agriculteur tous les égards et toutes les déférences dues à l’art utile qu’il professe. Il serait amplement indemnisé toutes les fois qu’il aurait fallu le gêner dans la culture de la moindre partie de son champ. Le gouvernement dirigerait enfin sur les mines, des soins, des lumières et une surveillance juste. Alors la confiance renaîtrait, de nombreuses compagnies d’exploitations se formeraient. Ce genre d’industrie acquerrait bientôt chez nous le degré de vigueur et de mouvement dont 11 est susceptible. Alors notre numéraire s’écoulera moins. 35 millions et plus exportés annuellement pour nous fournir des métaux et des minéraux resteront bientôt en circulation chez nous. ÎÜous n’entretiendrons plus de bras étrangers. Notre population s’augmentera, les arts fleuriront davantage chez nous. L’agriculture y gagnera encore, et nous obtiendrons toutdenotre contrée, l’unedes plus fécondes, à tous égards, et des plus heureusement situées de l’Europe. Résultat de la comparaison des effets que produirait l’abandon des mines aux propriétaires particuliers, ou la réserve des mines à la, société comme PROPRIÉTÉS NATIONALES. Eu abandonnant les mines aux propriétaires des surfaces, cet abandon serait inutile à la plupart, un très petit nombre seulement de particuliers déjà riches, augmenteraient peut-être leurs fortunes. L’Etat y perdrait, et cette perte aurait des conséquences funestes à l’industrie, au commerce et à l’ordre général : Les mines étant déclarées propriétés nationales, l’Etat, ou des concessionnaires, dont les plans et les moyens d’exécution seront connus et dirigés par un comité d’hommes instruits et expérimentés dans l’art, exploiteront avec prudence, économie et avantage. Elles seront lucratives à un grand nombre de particuliers. Elles fourniront et perpétueront des ressources à l’industrie nationale, diminueront au moins, si elles n’annihilent pas l’exportation annuelle de 35 millions de numéraire. Cette comparaison nousoffre, d’un côté, l’avantage incertain de quelques riches particuliers au détriment du bien général; de l’autre, l’avantage public sous tous les points de vue et le profit de beaucoup de particuliers. Nous avions vu précédemment que le droit naturel, et d’après la manière d’être des mines, la propriété n’eu peut être attribuée à personne : que lorsqu’une société s’est formée les mines n’ont pu être partagées; et le résultat de notre comparaison nous démontre que lorsqu’une société se donne des lois, elle doit se réserver collectivement la propriété des mineâ, pour empêcher que l’on en abuse, et pour qù’en jes concédant, on exploite, avec le plus grand avantage possible : les mines doivent être déclarées propriétés nationales en France. secondé QiÆsfibN. Les mines étant déclarées propriétés nationales , un corps et une école de miheuTS sûût-ils nécessaires ou non? Si la nation française déclare les ipines propriétés nationales , c’est ou popr les exploiter par agents, ou pour les concéder en surveillant ces concessions, comme l’exige le bien piibjjc. t Dans le premier cas, il faut des hommes instruits et sûrs, en état de bien conduire les exploitations dans les diyers départênieuts ; dan§ l£ second cas, pour surveiller les minés concédées a des compagnies, U faut encore des officiers des mines en état d’apprécier Futilité des travaux des concessionnaires, de les éclairer, de les diriger de la manière la plus avantageuse pour eux et pour l’Etat, capables, surtout de leq jpettre à l’abri des tentatives et des propositions insidieuses des charlatans, qui ont nui d’une manière effrayante et incalculable à l’exploitation des mines en France. De manière ou d’autre, on ne peut se passer d’un comité d’administration, pour toutes jes mines du royaume, afin de les réunir et de faye tendre leur activité commune apt bien général des arts et du commerce. Ce comité, ou jugera les opérations des officiers des mines employés par l’Etat à ses exploitations, ou entendra jes rapports faits par les surveillants des concessioqs, et jugera les difficultés d’après ces rapports et les demandes des concessionnaires. De toutes façons, on voit qu’if est indispensable d’avoir un comité et mi corps de mineurs, ej par conséquent une école dans laquelle on puisera les connaissances multipliées qu’exige l’état d’ingénieur des mines. Qu’on ne s’effraye pas ici de la dépepse qu’entraîneront un corps et une école des mipes, il ne faut pas préjuger ce que serait cette dépense, par ce que coûtait et coûte l’îndïïiinistratipq actuelle des mines. Nous ne retracerons pas à cette auguste As - semblée les dépradations scandaleuses des ministères antérieurs. Tout lui est coqnu. Elle a tout scruté. Puisse la France oublier bientôt, dans la prospérité, ces moments déchirants pour elle, où des ministres sacrifiant tout à leurs intérêts ou à ceux de leurs créatures, préparaient ayec insouciance la ruine de la patrie 1 Nous observerons seulement que l'administration des mines, telle qu’elle existe, doit être pon-sidérée sous deux divisions très distinctes. La première ou la plus riche comprend l’intendance, les bureaux, les pensionnaires, les places de faveur, etc. La seconde partie est le corps des mifles, composé de personnes reconnues suffisamment instruites pour être en activité directement utile aux mines. Cette partie la plus nombreuse, la plus nécessaire, ne coûte pas à l’Ëtât le tiers de ce que coûte la première partie qiii est presque entièrement inutile. Le corps des mines a toujours réclamé contre les abus administratifs qui avaient lieu. Il a présenté des moyens de les écarter. Toujours il a demandé un comité. Les différents mémoires remis aux chefs successifs de Cé département attesteront cette vérité, mais un comité d’officiers de mines aurait bientôt pris la supèriorifé pur Jes chefs du département, qui, ne connaissant [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (4 juin 1790.} 103 rien à ce qu’ils devaient diriger, y étaient parfaitement inhabiles. L’autorité arbitraire eût été affaiblie, la place d’intendant des mines aurait perdu de sa dignité et de son agrément, et c’était l’intendant des mines, même entre les mains duquel ces mémoires passaient, qui jugeait que le comité n’était pas nécessaire. On était obligé de prendre quelquefois les avis des officiers des mines : alors on les consultait, on recevait, avec bonté, leurs lumières, mais individuellement, et, pour ainsi dire, dans lë Secret. L’autorité arbitraire prenait de ces avis ce qui était convenable à ses vues seulement ; le reste était mis en oubli. M. de la Millière, intendant dès mines depuis deux ou trois ans, en avait trouvé l’administration dans cet état. Ce magistrat, intègre et franc, mérite, par ses qualités, l’hommage du coips des mines, mais soit incertitude de sa part, soit que, dans ces derniers temps, les variations perpétuelles du gouvernement, et l’embarras des finances, tinssent tout en stagnation, le corps des mines dont il eût fallu augmenter l’activité pour le bien des exploitations, est Pesté dans la plus fâcheuse inertie. Il est aisé de démontrer cependant que lorsque des ministres ont porté des regards d’eùcburage-ment sur la partie des mines en France, on n’a pas tardé à en ressentir les heureux effets, par l’introduction d’une nouvelle masse de matières minérales ou métalliques, soumises aux fabrications et portées de plus en circulation dans le commerce. Dans les années 1755 à 60, à 68, les mines produisirent annuellement de 15 à 20,000 marcs d’argent, de 4 à 600 milliers de cuivre, sans compter les produits immenses des mines de plomb, fer, etc.... On n’avait pdurtant encore alors en France qu’un très petit nombre d’hommes instruits sur cette partie (1) ; mais on avait su les mettre en activité. Que serait-ce donc si on employait à présent avéc ces mêmes hommes célèbres et existants, lés sujets instruits et plus nombreux, formés à l’École des mines et qu’on pourrait multiplier encore sous peu d’années. Bientôt les 35 millions (2) de numéraire exporté annuellement pour l’acquisition des matières minérales, où métalliques, resteraient en grande partie et peut-être mêmé totalement chez nous. La somme de 60,000 livres à laquelle pourrait être bornée la dépense d’iih corps et d’une école de mineurs, qui, s’ils étaient dirigés utilement, empêcheraient l’exportation de sommes si considérables, doit être considérée comme peu de chose pour un royaume comme la France, relativement au bénéfice qu’il eu retirerait. Il est une chose, surtout, sur laquelle nous ne saurions trop fixer les idées, c’est que detoutesles substances minérales, le charbon de terre est la plus précieuse à la France -, parce que ce combustible, en épargnant le reste de nos forêts, (1) MM. Jars, Duhamel et Monnet. (2) M. de Laumont, inspecteur des mines, a donné l’état des importations de matières métalliques, et aussi l’état des mines aciucllement exploitées, qui sont à sa connaissance, dans un mémoire très détaillé et très utile à connaître, qui a été remis, non imprimé, à plusieurs membres de l’Assemblée nationale. Il a été remis de même à plusieurs députés, des mémoires relatifs aux mines par MM. Duhamel, Monnet, Besson, Sage et d’Hellencourt, inspecteurs et ingénieurs des mines. On y trouvera quelques détails qu’on n’a pas dû insérer dans celui-ci. donne un feu beaucoup plus actif que le bois, et qu’il est bien plus avantageux à employer dàns presque tous les travaux en grarid. Ne perdons pas de vue qu’il est du plus gt*and intérêt bour l’Etat, pour obtenir de son sol les matières au plus bas prix, de les fabriqiier âuséi ateC îë rhôins de frais possible. D’après Ces principes, le commerce pourra enrichir le royaume. Si lés Anglais ont eu cet avantage sur bous, c’est parce que leurs mines de charbon produisent immensément et à peü de frais, c’est enfin pafpë que leurs matières premières ne Sont pas chargées d’impôts, comme elles le soht chez nous, que ce peuple industrieux à pu nous soutirer une si grande quantité de nütnéraire. Le corps des mines doit présehter, ici qüelqûes réflexions Sur Une partie dü projet de rapport ctli comité dés finances qüi est relative aux thîriës. L’honorable membre, qui a rédigé ce rapport, nous semblé y avoir traité légêremeht les inities. M. Lebrun n’aUrait-il pas arrêté ses idées sur l’emploi et la nécessité continuelle des rpinêi’aüx et des métauX dans tous ÎCS arts et dahs toutes les manufactures; ü’aurait-il pas ëü côniiaissâhce de la somme exportée annuellement dans l’état présent des choses, pour nous proeürër ceâ matières chez les autres peuplés ? On propose la réunion du corps et de l’école des mines à ceux des ponts et chaussées, la translation de la collection minéralogique de la Monnaie au cabinet du roi, et tin conserve un professeur de docimasiè et de métallurgie, Le transport de la collection minéralogique de la Monnaie au jardin du roi enlèverait du eentre de la capitale une collection précieuse pour l’étude, par le choix des morceaux et par l’ordre que M. Sage y a mis. On abandonnerait, on détruirait un établissement dont la dépense est faite, et qui est utile oà il est, pour l’éloigner en le réunissant à un autre qui ést déjà surchargé. Gela ne serait pas sûrement une économie, mais plutôt un moyen d’augmenter les dépenses dü jardin du roi. Quant à la réunion du corps et de l’école à ceux des ponts et chaussées, il ne suffit pas de réunir les noms, il faut appliqué!? les individus aux choses , et nous croyons par là cette réunion impraticable pour à présent et pour l’aveniPi Pour le moment présent, les membres du corps des mines conviennent qu’fis seraient de très médiocres ingénieurs des ponts et chaussées, et ils croient, malgré la masse d’instruction et de lumière dont MM. les ingénieurs des ponts et chaussées font preuve tous les jours, malgré les monuments imposants qui attestent leur juste célébrité, qu’ils seraient aussi à leur tour de très médiocres ingénieurs des raines. Il suffira, peur s’en convaincre* de jeter les yeux sur le tableau comparatif des connaissances qu’il faut posséder dans chacune de ces parties, On exige à l’école des ponts et chaussées le dessin pour la figure, rarchitecture en grand et la carte. L’écriture pour les plans, les mathématiques, la coupe des pierres et ,1a construction. La physique, la mécanique, l’hydraulique. La connaissance des propriétés extérieures des pierres et des terres. La dureté, la densité des pre? mières, la connaissance des divers effets que peuvent produire sur les dernières les variations de sécheresse et d’humidité. Enfin la langue latine qui fait partie de la première éducation. A l’école des mines oh exige le dëssîù pour la carre, de bons éléments de géométrie, applicables à la géométrie souterraine et au nivellement-, 104 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juin 1790. deux parties que l’ingénieur des mines doit posséder de manière à opérer avec la plus grande exactitude, soit pour diriger des galeries souterraines sur tel ou tel point, soit pour percer un puits qui tombe précisément sur une galerie (l). La mécanique et l’hydraulique sont aussi indispensables aux mineurs, une connaissance étendue de la physique générale et de l’histoire naturelle, et une étude très détaillée de la minéralogie, enfin la chimie, la docimasie et la métallurgie. Car, excepté les mines de charbon, quand le chef de mines a fait extraire du sein de la terre les matières métalliques, il n'a fait souvent que le plus aisé : il faut alors qu'à l’aide de la chimie et de la docimasie, il connaisse parfaitement la nature de son minerai, dans lequel sont combinées quelquefois cinq ou six substances métalliques différentes. Il faut qu’il juge d’après ses essais, la manière de le traiter en grand. G’est alors que comme métallurgiste le chef de mines a besoin de la plus saine physique et d’une vigilance assidue pour obtenir avec la plus sévère économie tout le produit possible de son minerai. Ou engage les élèves des mines à l’étude des langues anglaise et allemande, parce que beaucoup d’ouvrages sur la minéralogie et la chimie sont écrits dans ces langues. Ou voit combien de connaissances exigent l’état d’ingénieur des ponts et chaussées et l’état d’ingénieur des mines. On voit surtout des connaissances distinctes et particulières à chacun d’eux. Doit-on espérer de rencontrer souvent des sujets capables de L’énergie nécessaire pour être perfectionné dans toutes ces parties? Non. Ne nous faisons point illusion. Le génie de l’homme, en dirigeant son activité sur beaucoup d’objets, ne saurait les pénétrer autant que s’il l’avait porté seulement sur un petit nombre. Dans l’état actuel des choses, il est déjà très rare, si même il n’est pas impossible de trouver dans des corps d’ingénieurs, un sujet qui possède, dans un même degré, toutes les connaissances exigées, que sera-ce donc si on confond deux corps différemment instruits, et qu’on exige l’union ét la perfection de toutes leurs connaissances respectives? Si les membres du corps des mines ne considéraient ici que leur intérêt particulier, ils devraient désirer la réunion aux ponts et chaussées , car ce corps ayant eu jusqu’ici une activité plus grande, les traitements pécuniaires y sont plus forts-, et à moins de faire une injustice criante, et de sacrifier les élèves des mines qui, depuis 7 à 8 ans, sont victimes de la versatilité des opérations du gouvernement, et qui, après avoir acquis de l’instruction, ont perdu une partie de leur fortune en attendant l’effet des promesses ministérielles, on ne pourrait les faire passer aux Îionts et chaussées que comme ingénieurs, pour es uns, ou comme gradués pour les autres, suivant l’état qu’en remettrait au directeur de l’école des ponts et chaussées celui de l’école des mines. Malgré donc les avantages qui se présenteraient naturellement dans la réunion, pour les individus du corps des mines, leur devoir, leur désir étant d’être rendus utiles, ils réclament contre ce qui leur paraît nuisible au bien général, et c’est d’après ces sentiments qu’ils réclament contre la (1) On sent que la moindre divergence dans le commencement de ces opérations écarterait bien loin du but proposé, et occasionnerait des dépenses énormes qn’il faudrait recommencer. réunion des ingénieurs des mines aux ingénieurs des ponts et chaussées. Tout Français sent combien il est nécessaire et indispensable de faire des réformes considérables dans les dépenses de l’Etat; mais on sent aussi que ces réformes mêmes, si elles tombaient sur des choses utiles, produiraient des effets plus fâcheux encore que toutes les dépenses passées. Qu’on supprime donc dans l’établissement des mines tout ce qui n’y est pas en activité nécessaire, que le corps et l’école soient seuls conservés. On aurait alors, à Paris, un comité des mines, comme on l’a proposé pour les ponts et chaussées. Ce comité serait composé : D’un chef ; De quatre inspecteurs-, De quatre ingénieurs. Le professeur de chimie et docimasie de l’école des mines, et celui de métallurgie seraient toujours pris dans les membres du comité (1). Un nombre nécessaire d’ingénieurs des mines seraient envoyés dans les départements qui en auraient demandé, et ils seraient aux frais des départements. Ces ingénieurs départis remettraient aux assemblées de département et enverraient au comité des mines un tableau minéralogique raisonné de chaque département. Ils y indiqueraient l'état des mines et tous les moyens d’en tirer parti. Us feraient dans le chef-lieu, tous les ans ou tous les deux ans, un cours de minéralogie et de chimie. Ces ingénieurs contribueraient de tout ce qui est en eux à l’amélioration et à la plus grande activité des mines, ils rendraient compte aux départements et au comité des mines, contradictoirement avec les concessionnaires, des difficultés qui se seraient élevées, et mettraient tous leurs soins à ce que ces procès fussent vidés le plus promptement possible. U ne pourrait y avoir à l’école des mines, à Paris, plus de douze élèves gradués ; leur traitement alors serait de ........ , jusqu’à ce qu’ils fussent placés dans un département. Le chef du comité serait élu parmi les quatre premiers membres, ou inspecteurs généraux ; ceux-ci seraient pris dans les ingénieurs du comité ; les ingénieurs du comité dans les ingénieurs des départements, et les places des départements seraient données aux plus anciens gradués. RÉSUMÉ GÉNÉRAL. 1° On ne peut pas regarder comme une injustice que les propriétaires des surfaces ne soient eD même temps propriétaires des mines ; 2° Il est du plus grand avantage de la nation française de se réserver les mines et de les exploiter ou d’en concéder l’exploitation à des grandes compagnies capables de ces grandes entreprises ; 3° Un corps et une école de mineurs sont né-(1) On n’aurait pas besoin à l’École des mines d’autres professeurs, parce que les mathématiques et les autres connaissances exigées doivent faire partie de la première éducation, et qu’on a d’ailleurs pour les mathématiques et la physique, des chaires publiques remplies par les premiers hommes de l’Europe. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juin 1790.] 10S cessaires pour l'exploitation et la surveillance des exploitations des mines; 4° On doit supprimer la partie de l’administration des mines qui n’est pas absolument utile. Conserver le corps et l’école, former un comité, détruire les anciennes lois sur les mines, établir un nouveau code de lois plus précises et mieux combinées pour le bien général. Les dépenses annuelles de la nouvelle administration des mines proposée pourrait être bornée à 66,000 livres. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 4 JUIN 1790. OBSERVATIONS SUR L’ARMÉE , PAR M. AGHARD DE BONVOULOIR, député du département de la Manche , ci-devant Cotentin (1). Messieurs, dans un moment où tout annonce que nous allons avoir besoin de l’armée pour défendre les limites de l’empire, tout nous invite à prendre dans une sérieuse considération le maintien de la discipline et la position affreuse où se trouvent les officiers qui en sont le nerf. Jamais peut-être la France n’a eu plus de besoin d’avoir de bonnes armées, et jamais ses armées, tant de terre que de mer, n’ont été dans un état plus critique. Une armée sans discipline n’est qu’un ramassis d’hommes incapables de résistance. Occupons-nous donc de cette grande considération, afin que nos ennemis, voyant notre contenance, renoncent à des projets qu’ils n’ont peut-être fondés que sur la supposition de notre faiblesse dans un moment où les liens de la discipline militaire paraissaient avoir été brisés exprès pour nous livrer à leur discrétion. Empressons-nous de les rétablir* Si nous tardons, nous n’aurons plus réellement d’armée; nous l’aurons détruite nous-mêmes. Et si quelque partie de ce beau royaume devient la proie de nos voisins, nous devons en être responsables. Nous pouvons avoir à combattre demain des armées aguerries, et surtout disciplinées. Il serait insensé de se flatter qu’il suffit du nombre, du courage des individus et de quelques séductions pour les vaincre. C’est l’ensemble, et non la multitude, c’est l’ordre et la tactique qui gagnent les batailles. Ce sont les batailles qui décident du sort des empires. C’est la discipline qui conserve les armées. C’est la conduite des officiers et l’obéissance des soldats qui les rendent victorieuses. Ceux qui vous diraient le contraire, ceux qui croiraient pouvoir impunément démonter tous les ressorts de la force publique, et les rétablir à leur gré ; ceux qui vanteraient des ressources justement suspectes, comme si elles étaient éprouvées; ceux qui hasarderaient de nous laisser ainsi à découvert devant un ennemi entreprenant, et ne craindraient pas d’exposer d’aussi grands intérêts : ceux-là seraient les véritables ennemis de la patrie, qu’ils compromettraient par malice on par ignorance, mais toujours de fait. (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. Ce seraient des traîtres ou des insensés également d’accord avec nos ennemis pour nous livrer sans défense. Cette discipline qui fait la force des armées n’est point le fruit d’un moment. Elle a pour base les mœurs; elle se mûrit par l’habitude; elle dépend beaucoup de l’opinion. Ce n’est qu’à la longue qu’un officier acquiert la 1 confiance de sa troupe ; ce n’est qu’à la longue que l’esprit de corps se forme et qu’un régiment devient bon. Tous les jours nous entendons le récit de nouveaux attentats. Tous les jours on cite des soldats révoltés, des officiers massacrés. N’est-il pas temps d’arrêter le cours de tant de crimes ? Tous ces excès dérivent de la même source et se perpétuent par la même cause. Des factieux les commandent, et notre indifférence les autorise. Les officiers du régiment de Beauvoisis attaqués, blessés, mis en fuite par leurs soldats; M. de Macnemara massacré par des grenadiers ; le brave Mauduit coupé en morceaux par son propre régiment, dont les remords ne peuvent réparer la perte, et cent autres traits pareils qui nous ont été dénoncés, demeurent sans vengeance. On dirait que dans ces temps malheureux le crime seul trouve des défenseurs; il trouve au moins des apologistes qui savent le pallier; et personne n’élève la voix pour l’ordre et la justice!.. . Faut-il le dire enfin? Les jurys militaires ne trouvent pas un coupable, surtout lorsque le crime est capital. L’Assemblée nationale fait des lois : mais’ à quoi serviront-elles, si nous les laissons sans force? Non seulement on nous reproche cette inexplicable indifférence, mais on va même jusqu’à oser nous accuser de renfermer dans notre sein les instigateurs qui suscitent les peuples à les violer. C’est sans doute une calomnie. Mais de grands crimes se commettent sous nos yeux, nous les voyons, et nous ne les empêchons pas! Des clubs, sous le faux nom d’amis d’une Constitution qu’ils renverseront par leurs excès, sollicitent publiquement les soldats à l’insubordination, à la révolte contre leurs officiers, à les chasser, à les assassiner. « Chassez vos officiers, dit-on aux sous-ofliciers, et vous aurez leurs places... » Et c’est à des soldats, à des hommes dont on dit qu’on cherche à relever l’existence, qu’on veut rendre dignes du nom honorable de citoyen, qu’on ose proposer de devenir officiers en marchant sur le corps de ceux auxquels la loi leur ordonne d’obéir! On sait que, dans une grande garnison, des soldats français ont été dire à des Suisses : « Si nous renvoyons nos officiers, renverrez-vous « les vôtres?... » Ces braves Suisses ont répondu avec indignation: « Nous?... nous serons « fidèles aux lois qui nous ordonnent de leur « obéir; » et ils ont été aussitôt renouveler à leurs officiers l’assurance de leur attachement et de leur fidélité. Malheureux et trop braves soldats de Château-vieux, qui avez dû expier votre erreur par le supplice... que je vous plains! On avait osé vous dire qu’en vous révoltant vous seriez plus honorés : on vous avait peint vos officiers comme des traîtres; vous vous êtes laissé surprendre par des imposteurs; vous avez payé votre erreur de la vie.. Mais ceux qui vous ont conduits dans cet horrible précipice, à quels tourments ne devraient-ils pas être dévoués. Us sont responsables de votre sang. C’est à vos compatriotes, s’ils I peuvent les connaître un jour, c’est à la France