[Assemblée pationale.J ARCHIVES PARLEMENT AIRES. (JO juillet 1790.) 43 Un de MM. les secrétaires lit une adresse signée Boyer , se disant procureur fondé des citoyens avi-gnonnais détenus à Orange. « Nous sommes obligés de recourir à l’Assemblée nationale, pour obtenir la liberté que nous u’avons pas mérité de perdre, lors des événements du 10 juiu. Nous avons été précipités dans des cachots, où nous attendions, à chaque instant, la mort. Le maire d’Orange crut apporter à Avignon des secours et des consolations ; il proposa a’emmener les prisonniers, et nous trouvâmes notre salut dans cette translation. C’est pour l’4s-serpblée nationale un devoir sacré d’ordonner notre élargissement. Nous ne sommes pas sur le territoire de notre véritable souverain ; et nous réclamons la protection de l’Assemblée nationale. Déjà deux étrangers ont été mis en liberté, parce qu’ils n’avaient pas été condamnés par les lois du royaume; les prisonniers détenus à Orange, sujets du souverain pontife, sont aussi étrangers; ils appuient leur demande sur la déclaration des droits de l’homme, ils sont hommes, ils ont droit de l’invoquer devant vous. Vous avez dit : « Nul homme ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Signé Boyer, procureur des prisonniers. » (On demande le renvoi au comité des rapports.) M. Malouet. Je fais la motion, et je ne la motive pas, parce qu’elle est dans les principes de l’Assemblée nationale et de la constitution française, d’ordonner sur-le-champ l’élargissement des détenus à Orange. (On demande, de nouveau, le renvoi au comité des rapports.) M, de Crillon jeune. Les principes de l’Assemblée ne laissent en effet aucun doute sur la motion du préopinant; ainsi, on ne saurait trop y faire droit; je demande que le rapport de l’adresse qu’on a lue soit fait demain à deux heures. M. l’abbé Maury. S'il y avait un corps de délit, un procès-verbal, une instruction juridique, je voterais moi-même pour le renvoi au comité des rapports ; mais il n’y a rien de tout cela. Immédiatement après les troubles d’Avignon, M. Desmares, maire d Orange, digne de remplir les fonctions municipales que vous avez environnées de tant de gloire, digne de l’approbation de l’Assem-semblée, déclara qu’il prenait les prisonniers sous sa protection, non pour leur donner une nouvelle prison, mais pour leur offrir un asile. Vingt-quatre citoyens, un octogénaire et deux septuagénaires sont depuis un mois détenus à Orange; aucune voix ne s’est élevée contre eux. Ils réclament la justice de l’Assemblée, qui ne voudra pas reconnaître de coupables, quand il n’y a pas de délit; qui ne voudra pas, aux yeux de l’Europe, être la geôlière des étrangers. Je réclame avec eux, en ce moment, votre justice. Je vous remercie, au nom de mes concitoyens, de la protection que vous leur avez accordée. Je vous remercie, vous dont l’humanité a, à votre insu, sauvé la vie à vingt-quatre citoyens. Je réclame pour eux l’humanité qui, dans des législateurs, ne doit être que la justice, (Le côté droit applaudit .) M. Robespierre. Vous ne pouvez juger sans connaissance de cause. Il est arrivé au comité des rapports des pièces importantes, qui vous prouveront que la liberté des prisonniers détenus à Orange tient à d’importantes questions. Vous vous doutez que des actions et des principes contraires au vœu et à l’intérêt des Avignôonais et de la liberté ont occasionné cet emprisonnement. Si vous adoptiez la proposition faite par M. Malouet et appuyée par M. l’abbé Maury, vous prononceriez contre le peuple d’Avignon... M-de Cazalès interrompt et demande la parole. M. Robespierre. Le seul point à décider est de savoir si l’Assemblée nationale veut prendre une connaissance exacte de l’affaire avant de la juger, ( L'opinant est interrompu par le côté droit d'où partent ces mots : « Elle ne le veut pas ! ») D’après les efforts que l’on fait pour que cette affairene soit pas exactement connue, il est évident que c’est ici la cause de l’aristocratie contre les peuples et contre la liberté; j'en atteste ceux qui murmurent et m’interrompent. (On demande le renvoi et l’ajournement.) M. de Cazalès. L’Assemblée nationale est-elle le juge des citoyens d’Avignon ? M. Malouet. Si l’Assemblée ne veut pas rétablir elle-même les lettres de cachet, il n’y a nul doute sur la question de savoir si la liberté sera rendue à des citoyens étrangers, détenus sans accusation. M. de Virleu. Les ennemis de la liberté individuelle peuvent seuls demander l’ajournement. M. Rouvier, député d'Orange. Je suis, en mon particulier, intimement convaincu de l’innocence des détenus; mais je ne crois pas que l’Assemblée puisse vouloir exciter une guerre civile entre Orange et Avignon-Les officiers municipaux d’Orange n’ont pu mettre le calme à Avignon, qu’en promettant au peuple que les prisonniers seraient jugés; est-ce par vous que cette promesse sera violée? est-ce par vous que la guerre civile sera allumée? (Il s’élève , dans la partie droite, un mouvement; on entend ces mots : « Allons donc! ») J’ai encore une observation essentielle à vous présenter : les prisonniers supposent, dans leur requête, qu’un compte a été rendu à l’Assemblée, qu’un procès-verbal a été mis sous ses yeux; ils ne demandent donc pas que vous décidiez sans connaître les pièces de cette affaire ; je propose d’en ordonner le renvoi au comité des rapports pour en rendre compte à jour fixe. La discussion est fermée. On demande que les députés d’Avignon soient entendus au comité des rapports sur l’adresse des prisonniers, afin de réunir le plus de lumières possible. M. l’abbé Maury s’oppose à cette demande. — Sans entrer dans la question, je déclare qu’àmes risques et périls, je me réserve de dénoncer les députés d’Avignon, comme députés d’une troupe d’assassins. (Il s'élève des murmures très tumultueux.) Si je suis un calomniateur, qu’on me punisse : j’ai une mission particulière pour les poursuivre et je les poursuivrai; sur quatre prétendus députés d’Avignon, trois ne sont pas citoyeqs de cette ville. Peut-on demander que les regards de l’Assemblée nationale de France soient souillés par la vue de ces gens-là! M. Camus. Il y a des faits dont vous n’êtes pas instruits, et qu’il est important que vous sa-