148 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 juin 1790.J tières et notamment à Pont-de-Beauvoisin ceux qui sortent de France. M. le Président. M. de Montlosier est hors de la question que vous discutez en ce moment; je l’invite à rentrer dans l’affaire particulière qui nous occupe; pour le surplus, il peut dénoncer les faits qu’il révèle au comité des rapports et lui envoyer les pièces probantes qu’il peut avoir en sa possession. M. Carat, l'aîné. Le comité nous propose un projet de décret qui contient trois parties : je propose de n’en laisser subsister que la première et je crois, en même temps, qu’il y a lieu de blâmer les municipalités qui s’arrogent le droit d’arrêter le numéraire que l’on exporte. M. Rewbell. Il existe d’anciennes lois qui prohibent l’exportation du numéraire hors du royaume; comme ces lois n’ont pas encore été abrogées, les municipalités des frontières sont tenues de les faire exécuter. M. Carat, le jeune. Si ces lois existent réellement encore, il faut se hâter de les abroger et de les expulser de notre arsenal judiciaire. M. de Sérent. Je pense qu’il faut se bâter de détruire des lois aussi impolitiques que celles dont on nous révèle l’existence; leur exécution est impossible et leur effet se borne à arrêter l’essor du commerce. Gomment pourrait-on solder les grains que nous achetons à l’etranger, en temps de disette, si l’on ne pouvait exporter du numéraire hors de France f M. le Président met aux voix la division réclamée par M. Garat l’aîné. Elle est prononcée. Les deux dernières parlies sont écartées par la question préalable. Le décret est ensuite rendu dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des recherches, décrète que les piastres et les sommes d’or et d’argent arrêtées à Ghâlillon le 8 mars dernier, sur la réquisition de la municipalité de Nanlua, seront remises aux sieurs Pomerel fils et Cîe, et autres maisons de commerce de Lyon et de Paris, qui les avaient expédiées pour Genève. » M. de Pardieu, secrétaire , fait lecture d’une lettre de M. le curé de Saint-Germain-l’Auxer-rois, qui prévient l’Assemblée nationale que, conformément au désir du roi, la messe paroissiale sera célébrée jeudi dix, du présent mois, à dix heures précises, au lieu de neuf heures. Le même secrétaire a fait lecture d’une note des expéditions en parchemin des lettres patentes et proclamations sur les décrets de l’Assemblée nationale, pour être déposées dans les archives de l’Assemblée : « 1° De lettres patentes sur le décret du 21 du mois dernier, qui autorise la municipalité de Marseille à faire un emprunt de 1 ,500,000 livres ; « 2° De lettres patentes sur le décret du 27, relatif à ce qui s’est passé dans l’assemblée primaire de l’Arbrêle; « 3° De lettres patentes sur le décret du même jour, concernant les saisies et ventes de meubles contre les communautés ecclésiastiques, la remise des titres de leurs créanciers, et les procès relatifs aux fonds qui ont été déclarés être à la disposition de la nation; 4° De lettres patentes sur le décret du même jour, qui défend à toutes personnes d’exiger que le prix du gain soit taxé; 5° D’une proclamation sur le décret du premier de ce mois, concernant les élections faites dans les assemblées primaires du département du Haut-Rhin; 6° Et enfin de lettres patentes sur le décret du 2, concernant les poursuites à exercer et les précautions à prendre contre les brigands et les imposteurs qui séduisent, trompent et soulèvent le peuple, notamment dans les départements du Cher, de la Nièvre, de l’Ailier et de la Corrèze. Paris, le 8 juin 1790. M. Henry de Longuève, membre du comité des rapports, rend compte d’une affaire qui concerne la municipalité de Schelestadt. Plusieurs citoyens de la ville ont demandé la nullité de l’élection de la municipalité ; cette demande a eXcité la colère des officiers municipaux dont la nomi* nation était contestée, et ils se sont livrés à des coups d’autorité répréhensibles. Le rapporteur commence par rendre compte des irrégularités que l’on reproche dans l’élection des officiers municipaux ; il parle ensuite de l’emprisonnement illégal de deux citoyens arrêtés par les ordres des municipaux pour le seul fait d’avoir contesté l’élection. Le rapporteur établit le bien fondé des motifs sur lesquels se fondent les réclamants ; il rappelle les principes qui condamnent la conduite répréhensible des officiers municipaux vis-à-vis des deux personnes emprisonnées; enfin, il propose un projet de décret. M. Voidel. Je demande qu’il soit ajouté au décret une disposition portant que, dans la nouvelle élection qui aura lieu, les officiers municipaux coupables d’avoir attenté à la liberté des citoyens ne pourront être ni électeurs, ni éligibles. M. Barnave. Je demande que le maire soit mandé à la barre pour rendre compte de sa conduite. (Get amendement est adopté.) Le décret est rendu ainsi qu’il suit: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, a déclaré irrégulière et nulle l’élection de la municipalité de Schelestadt, faite le 27 janvier dernier et jours suivants; ordonne que, dans la huitaine de la notification du présent décret, des commissaires, nommés par l’assemblée du département du Bas-Rhin, se transporteront à Schelestadt pour y convoquer l’assemblée générale des citoyens actifs, à l’effet de procéder à la formation d’une nouvelle municipalité; laquelle assemblée ne pourra être tenue que huit jours après celui où elle aura été convoquée. « L’assemblée autorise les commissaires du département à maintenir la police de la ville et des assemblées pendant le cours des opérations et à veiller à l’exécution entière de tous ses décrets concernant les assemblées primaires, jusqu’à la nomination et installation des officiers municipaux qui seront élus. Les autorise pareillement à requérir, s’il est besoin, l’assistance des gardes nationales et troupes de' ligne. « Déclare les fonctions de maire, procureur de la commune et officiers municipaux, incompati- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 juin 1790.] UQ blés avec le tout ou partie des fonctions de syndic, de magistrat et de secrétaire-greffier de municipalité, et que ledit syndic ou greffier ne pourra prétendre voix délibérative dans les assemblées municipales, soit pour l’administration, soit pour le contentieux. « Eu ce qui concerne l’emprisonnement des sieurs Ambruchs et Furchs, l’Assemblée nationale déclare ledit emprisonnement et la procédure qui l’a suivi nuis et vexatoires ; « Ordonne que lesdits sieurs Ambruchs et Furchs seront élargis et remis sous la sauvegarde de la loi; « Réserve leurs droits à raison de leur détention, pour les exercer contre qui et ainsi qu’il appartiendra ; ((Ordonne que les officiers municipaux deSche-lestat, dont l’élection vient d’être annulée, seront, à l’exception des sieurs Zepfell, Fels et Maimbourg, mandés à la barre ; « Déclare que les officiers municipaux de Sche-lestat et tous autres ne peuvent priver aucun citoyen de sa liberté, si ce n’est dans les cas indiqués par la loi, et d’après les formes qu’elle a prescrites; « Déclare, au surplus, sur la réquisition des anciens préteur, magistrats et conseillers de Schelestadt, queUeur destitution faite, par les habitants au mois d’août dernier, ne porte aucune atteinte à l’honneur et à la réputation desdits officiers, ni aux droits qu’ils peuvent avoir à exercer: lesquels, ainsi que ceux de toutes les parties, demeurent à cet égard respectivement réservés. « L’Assemblée nationale charge son président de se retirer incessamment vers le roi, pour supplier Sa Majesté de sanctionner le présent décret, et de donner les ordres nécessaires pour sa prompte et entière exécution. » (La séance a été levée à onze heures.) ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE du 8 juin 1190. OPINION DE M. DUQUESNOY sur la suppression des chapitres de femmes (1). Lorsque, à la séance du 8 juin 1790, on allait délibérer sur l’article 31 du projet de décret du comité ecclésiastique, et prononcer la suppression de tous les établissements non conservés dans les articles précédemment décrétés, j’ai demandé que dans cette disposition on comprît formellement les chapitres, les abbayes, les prieurés de femmes. Cet amendement a été accueilli avec un tel empressement, qu’il n’a pas été nécessaire de détailler les motifs qui me le faisaient proposer; mais je crois devoir les exposer en très peu de mots, pour qu’ils soient connus de mes commettants. 1° L’article 31 du comité ecclésiastique était équivoque, et en portant suppression de tous les établissements non conservés, etc., il semblait comprendre les établissements de femmes. Cette équivoque ne convient en aucune manière à l’As-(1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. semblée nationale ; elle a dû s’expliquer comme elle l’a fait toujours, avec vérité et sans détour. 2° Les chapitres de femmes sont entièrement inconstitutionnels. L’esprit de la Constitution est d’anéantir toute corporation particulière, de réunir tous les citoyens de l’Empire par des liens communs : il faut qu’en France, comme dans la nature, il n’y ait pas de classes ; il faut qu’il n’y ait que des individus qui forment un tout. L’existence des chapitres est incompatible avec ces principes. 3° Rien n’est plus opposé aux premiers éléments d’une bonne organisation sociale qu’un établissement qui invite au célibat, qui le rend agréable, en attachant à ce célibat même une existence aisée et honorée. 4° Le motif que l’on donnait sous l’ancien régime, pour conserver les chapitres, pour les enrichir chaque jour, était qu’ils pouvaient servir de secours à la pauvre noblesse, car alors on faisait pour la pauvre noblesse beaucoup d’établissements dont la noblesse très riche profitait seule; mais ce motif, ou plutôt ce prétexte, n’existe plus. Il est bien reconnu aujourd’hui que l’Etat doit à tous ses membres des moyens de subsistance, c’est-à-dire du travail aux valides, des aliments à ceux qui ne peuvent pas travailler et qui n’ont pas de quoi vivre. Mais ces charges indispensables de la société peuvent sans doute être fort bien remplies sans chapitres de femmes. Il est même assez difficile de concevoir en quoi peuvent aider à les remplir les chapitres qui donnent 50,000 livres à une abbesse déjà très riche, qui assurent des prébendes à des femmes nées dans l'opulence, etc., etc. 5° On a dit que ces chapitres étaient utiles parce qu’ils faisaient vivre les villes, les cantons où ils sont placés, et où se dépensent les revenus. Gela me parait bien loin d’être exact. Certainement, la suppression des maisons religieuses était, dans l’ancien ordre de choses, une opération nuisible aux lieux où existaient ces maisons. Un exemple expliquera cette idée. On a supprimé à Metz les Jésuites, les Gélestins et les Antonistes. La portion de revenu que consommaient ces trois ordres, a été tirée de la ville de Metz ; elle n'y a plus été dépensée, et les impôts de cette ville n’ont pas été diminués. Mais quand de la suppression des maisons religieuses résulte une diminution dans l’impôt, parce que leurs possessions servent à rembourser des capitaux dont l’Etat payait l’intérêt; quand ces revenus ne seront pas dépensés hors des lieux où sont situés ces biens, puisque l’acquéreur, assimilé à tous les autres propriétaires, résidera comme eux dans son champ, je ne vois pas en quoi la suppression des maisons religieuses peut être nuisible. On a dit sans cesse, on a répété jusqu’au dégoût, que les établissements religieux, les chapitres, etc., faisaient vivre beaucoup de monde. Gela n’est pas vrai : c’est la consommation d’une telle quantité de revenus sur les lieux qui fournit des moyens de subsistance à ceux que font travailler les possesseurs de ces revenus. Mais qu’importe, sous ce point de vue, qu’ils soient dépensés par un corps ou par des individus ? Ge que doivent désirer les habitants du canton, c’est que les revenus soient dépensés sur les lieux. Or, plus ils seront divisés, plus il est probable qu’ils ne seront pas dépensés au loin. Voilà ce qui n’a pas été assez senti dans tous les cantons qui ont demaudé la conservation d’établissements religieux de monastères, de chapitres, etc.