528 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [3 septembre' 1790.] combat s'engagea entre les soldats rebelles et les soldats qui se dévouaient pour la loi ; il fut sanglant. D’autres traîtres se retirèrent dans leurs maisons pour tirer par leurs fenêtres ; la plupart des tués le furent par ces lâches ennemis de la loi, les dernières horreurs se sont commises sur les cadavres ; on achevait ceux qui n’avaient pas succombé sous le premier coup ; nous ignorons encore le nombre des glorieuses victimes de leur amour pour la patrie, leurs dignes camarades ont saisi le premier moment de la victoire, pour annoncer devant les maisons mêmes où les plus grands excès de cruauté s’étaient commis, leurs dispositions généreuses. « Citoyens, criaient-ils à ceux dont les fenêtres étaient fermées, ouvrez vos fenêtres, reconnaissez vos amis, c’est pour vous que nous sommes venus, c’est contre une garnison désobéissante à la loi, qui menaçait votre sûreté, qui vous forçait à vous exiler de vos foyers! » Le calme et la tranquillité ont été aussitôt rétablis, et l’espoir renaît dans le cœur des habitants. La conduite de notre garde citoyenne est ce qui nous afflige ; les scélérats, qui avaient pillé les arsenaux, s’y étaient réunis ; et des compagnies de 78 hommes se sont trouvées être de 250. Ces malintentionnés ont empêché les autres d’agir : ni les exhortations des chefs, du commandant surtout, qui a failli être la victime de son zèle, ni celles des amis de la loi, qui ont couru les mêmes dangers et qui formaient le plus grand nombre des anciennes compagnies, n’ont pu changer les dispositions de ces hommes barbares : et le directoire a reçu des plaintes et des dénonciations amères de différents commandants des gardes nationales étrangères à cette ville, qui l’ont invité de venger, par des informations, et par la punition des coupables, l’honneur des gardes nationales du département. La garde nationale de Metz a fait des prodiges de valeur : et plusieurs citoyens, quelques-uns pères „ de famille, sont, dit-on, restés sur la place. M. de Bouillé, devenu maire de la ville, a fait sortir dans la nuit même l’ancienne garnison ; il n’est resté que les prisonniers. Tels sont, Messieurs, les faits dont nous nous empressons d’instruire l’Assemblée nationale. Nous espérons, au moyen de réformes nécessaires, jouir enfin de quelque tranquillité. Depuis que le directoire existe, nous sommes dans des agitations et des dangers continuels, bien contraires à l’expédition des affaires et à la marche rapide que nous voudrions donner à la Constitution. Nous désirons, Messieurs, que nos démarches aient mérité votre approbation. Nous les avons calquées sur les circonstances ;nous avons cherché à sortir des difficultés successives qui se présentaient, en assurant l’exécution de la loi et en nous occupant des moyens de garantir le succès d’une entreprise que nous regardions comme attaché à celui de la Constitution. Nous avons l’honneur d’être avec un respectueux attachement, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. Les membres du directoire du département de la Meurthe, Signé : COLLENEL , président-, breloü, secrétaire-greffier. M. Prngnon. Je demande l’impression de la lettre du directoire, pour deux raisons : 1° les gardes nationales ont montré la plus grande valeur ; il est bien important d’apprendre aux nations étrangères que nous avons un million d'hommes de cette trempe ; 2° il *est nécessaire d’instruire le peuple que l’armée est la première vengeresse de la Constitution, et que 150,000 hommes sont prêts à marcher contre les ennemis des lois. Je demande qu’il soit volé des remerciements à la garde nationale ; accordé des tributs de regrets aux citoyens qui ont péri, et assuré que l’Assemblée nationale veillera au sort de leurs veuves et de leurs enfants. J’en dirais peut-être davantage, mais les grandes douleurs sont muettes... Je demande également que l’Assemblée applaudisse au zèle et aul courage du directoire, de la municipalité et de M. de Buuillé. (L’Assemblée applaudit.) M. de Beanharnais. L’Assemblée nationale, dans la circonstance affligeante où l’ont placée les événements malheureux arrivés à Nancy, n’a pu prendre des mesures que de deux espèces différentes. Les unes sont de sévérité, et telles que le réclamait la nécessité de maintenir la subordination militaire. C’est dans ces vues que vous avez rendu le décret du 16 août, qui a autorisé le pouvoir exécutif à nommer un général, qui, quoique indignement calomnié, est aussi recommandable par ses vertus que par ses talents militaires. (On applaudit.) L’autre espèce de mesure était celle qui tendait à mettre en usage des moyens de conciliation et de pacification que les Français doivent toujours se plaire à employer, surtout avec leurs concitoyens. C’est à ces mesures que vous vous êtes arrêtés, il y atroisjours, sur la sage opinion de M. Barnave. L’intervalle du 16 au 31 a rendu trop tardives les dispositions du second décret. Le premier était exécuté d’après les événements, et les mesures de pacification auraient été infructueuses. Celles de rigueur ont rétabli le calme. Je n’en regrette pas moins que le général n’ait pas eu à obéir au décret du 31. Il a fait exécuter celui dul6à la lettre, comme tout bon militaire le devait : une obéissance passive à la loi était son devoir. On lui reprochera peut-être de n’avoir pas parlementé ; mais à quel titre un régiment suisse aurait-il empêché des gardes nationales, des citoyens français d’entrer dans la ville de Nancy; à quel titre un régiment infidèle à sa patrie, qui le repousse à présent de son sein, aurait-il acquis le droit de faire la loi dans nos murs, de faire feu sur les gardes nationales qui se présentent en vertu de la loi pour entrer dans une ville française ?... Les chefs, les soldats, les citoyens ont dû obéir ; si le mouvement de la nature était contraire à la rigueur, l’obéissance n’a été que plus difficile : ils n’en ont pas moins mérité des éloges. Je propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que les mesures indiquées par le décret du 31 août auront leur plein et entier effet ; et néanmoins l’Assemblée nationale, instruite des événements arrivés successivement à Nancy, et des mesures prises en vertu du décret du 16 août dernier, pour le rétablissement de l’ordre, déclare qu’elle approuve la conduite des gardes nationales et des troupes, qui, par leur courage et leur obéissance, ont concouru à la tranquillité publique ; déclare qu’elle approuve la conduite de M. de Bouillé, et que la liste des gardes nationaux morts dans cette affligeante circonstance sera envoyée au comité des pensions. » (V Assemblée applaudit.) M. de Praslin jeune. J’adhère, entièrement à la proposition du préopinant. Quand on a cherché à intimider par des bruits dont on n’ignore pas les