402 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 juillet 1790]. n’atténueront dans mon âme, mon dévouement à mon roi, et mon amour pour ma patrie. Mibabeau le jeune. N. B. Il sera déposé un exemplaire de cette dénonciation, signé de moi sur les bureaux de l’Assemblée nationale et de son comité des Recherches. QUATRIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 31 JUILLET 1790. Rapport des comités réunis des finances, des impositions et des domaines, sur les apanages , par M. Enjubault, membre du comité des domaines. Messieurs, l’Assemblée nationale, par un décret du mois d’octobre, a fixé provisoirement la dépense de la maison des princes, frères du roi ; et votre comité des finances, en mettant sous vos yeux le tableau raisonné de toutes les parties de la dépense publique, vous a proposé de rendre cette fixation définitive. Vous avez ajourné la question, et vous avez voulu, avant de prononcer, entendre votre comité des domaines, qui vous a annoncé depuis longtemps son travail sur les apanages. Il s’est empressé d’exécuter vos ordres; et pour se mettre d’autant plus en état de vous présenter un plan digne de vous et de son objet, il a demandé à se réunir à vos comités d’impositions et de finances. Us se sont rendus l’un et l’autre à cette iuviiation. Quatre commissaires, tirés de chacun de ces comités, se sont assemblés plusieurs fois pour traiter ensemble ce sujet important, et je suis chargé par l’honorable commission de vous présenter le résultat de ces conférences. Il n’est aucune partie de notre législation qui ait éprouvé d’aussi grands changements que celle qui a réglé le sort des enfants de nos rois sous les trois dynasties. Il n’eu est aucune sur qui le progrès des lumières ait obtenu une influence aussi marquée. Dans les premiers temps de la monarchie, le droit d’aînesse, étranger aux lois barbares, était absolument inconnu. L’Empire se partageait en autant de souverainetés, à peu près indépendantes, que le dernier monarque avait laissé d’enfants. Cette première division était suivie de divisions nouvelles dans les différentes branches ; et le royaume des Francs, réduit en portions infiniment petites, se serait bientôt anéanti, si la fortune, plus sage que la loi, n’avait fait naître des événements extraordinaires, propres à détruire l’effet de ces morcellements progressifs, en réunissant à plusieurs reprises tous les droits sur la même tête. Sous les Capétiens, la souveraineté devint indivisible. Le fils aîné du monarque régnant fut associé à la couronne du vivant de son père, et les puînés n’eurent en partage que des provinces que le régime féodal subordonnait au chef de leur maison ; mais, si l’on en excepte les droits souvent éludés de la suzeraineté et l’obligation stérile de l’hommage, iis étaient vraiment souverains dans leur territoire, et la loi salique, sans application à cet égard, ne les empêchait pas de transmettre leur patrimoine aux filles. Il n’est personne de vous, Messieurs, qui ne se rappelle, à ce sujet, la célèbre Mahaud d’Artois; et chacun sait que le comté de Dreux, donné en apanage en 1150 à Robert de France, quatrième fils de Louis-le-Gros, n’est rentré à la couronne quepar l’achat qu’en fit Charles Y, des filhs de Jeanne de Dreux, arrière-petites filles de Robert. Nous ne citons ce dernier exemple que parce qu’il prouve tout à la fois que les filles pouvaient succéder, et que les apanagistes pouvaient vendre. Louis VIII sentit le premier que ces démembrements multipliés, et dont l’effet était perpétuel, affaiblissaient la monarchie et qu’ils finiraient par l’anéantir. Il donna le premier exemple de l’apanage réversible à défaut d’hoirs. Cette heureuse innovation, adoptée par Philippe-le-Bel, fut perfectionnée par Philippe-le-Long ; et Charles V, qu’avant la Révolution nous appelions Charles le-Sage, en lit une loi de l’Etat. Celte loi, inspirée par une gage politique, fut accueillie avec transport, et elle n’a reçu jusqu’ici que de légères modifications. Sans nous attacher à la lettre de ce règlement., nous en avons pénétré l’esprit; il a servi de base à nos discussions; et pour procéder avec ordre, et obtenir un résultat complet, nous avons envisagé séparément le passé et l’avenir. Nous avons distingué les con« cessions possibles et purement éventuelles, des concessions déjà existantes. Par celte méthode, la question principale s’est divisée d’elle-même en deux branches. La première nous a conduits à examiner si, sous le nouveau régime, il serait encore concédé des apanages réels ; la seconde, si on laisserait subsister les anciennes concessions. La solution de la première partie de ce grand problème n’a éprouvé aucune difficulté; nous sommes unanimement-convenus des principes, et nous sommes arrivés de front aux mêmes conséquences. Nous avons tous reconnu que la nation, unissant irrévocablement à son domaine le patrimoine de ses rois, contractait, par cela même, l’obligation de fournir à leurs enfants puînés une subsistance proportionnée à l’éclat de leur rang et à la splendeur de leur origine; que, comme tout autre débiteur, elle avait le droit de s’acquitter de cette dette de la manière la plus convenable à ses intérêts, en leur abandonnant des jouissances foncières, ou bien en leur assignant des rentes annuelles sur le Trésor public. Ces principes adoptés, nous sommes encore tombés d’accord qu’un traitement pécuniaire devait, sous tous les rapports, obtenir la préférence : une foule de motifs, également puissants, semble, devoir le lui assurer. Nous ne croyons pas pouvoir nous dispenser de vous en rendre compte, parce qu’ils sont indépendants des décrets qui ordonnent laventedes biens domaniaux, et qu’ils doivent encore influer sur la solution de la seconde partie du problème. Autrefois les principaux revenus de la nation étaient tirés de ses domaines ; c’étaient surtout avec leurs produits que le monarque fournissait à ses dépenses personnelles, à celles de sa maison, et à l’entretien de ses enfants. Il était donc naturel, il était indispensable alors d’en détacher une partie , lorsqu’ils se mariaient, pour fournir à leur subsistance et aux frais du nouvel établissement. Aujourd’hui les domaines ne forment qu’une très mince portion du revenu public. Cette faible branche est même menacée d’une suppression totale. C’est avec les impôts que la maison du monarque est, depuis longtemps, défrayée; ce [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 juillet 1790. ] sont eux qui fourniront désormais à la liste civile. C’est de la même source que doivent sortir les traitements annuels qui seront accordés à ses enfants. La concession des apanages réels présente d’ailleurs des inconvénients capables de les faire à jamais proscrire. De grandes possessions territoriales sont toujours accompagnées d’une grande puissance; elles pourraient, dans des temps malheureux, favoriser l’ambition et conduire à une indépendance dangereuse. Les apanages réels coûtent beaucoup à la nation, et produisent peu à l’apanagiste. Ils coûtent à la nation qu’ils privent de la totalité du fonds concédé ; ils produi-duisent peu à i'apanagiste, parce que les frais de régie et d’administration absorbent pour lui la meilleure partie du produit. S’il subsistait quelques doutes sur la préférence due au traitement pécuniaire, l’établissement de la liste civile suffirait pour les dissiper. 11 serait contre toutes les convenances d’accorder aux princes des jouissances foncières, tandis que le monarque, chef de leur maison, serait réduit à un simple traitement annuel ; il en résulterait un contraste choquant qu’une Constitution sage peutdiffioilement admettre. L’uniformité des principes d’une bonne législation doit se communiquer à toutes leurs conséquences, qui n’en sont que des développements. Nous bornerons ici nos réflexions, parce que vous avez d’avance résolu le problème, en ordonnant la vente d’une portion considérable des domaines nationaux, en affranchissant les autres de l’ancienne loi de l’inalié-nabiiitê. Du reste, vos comités ont pensé que tout ce que les lois anciennes avaient sagement établi pour les apanages réels, pouvait s’appliquer à la rente qu’ils vous proposent de leur substituer; ainsi cette rente apanagère sera payée exclusivement à l’aîné, chef de la branche, sauf les aliments dus à ses puînés. Elle s’éteindra d’elle-même avec la postérité masculine du prince, premier concessionnaire ; elle ne sera susceptible d’aucune hypothèque en faveur des créanciers de l’apanagiste, qui ne pourront se venger que sur les arrérages échus de son temps. Cet affranchissement ne souffrira qu’une exception en faveur de la veuve, pour son douaire viager seulement ; et encore cette exception sera bornée à la moitié de la rente; l’autre moitié sera touchée par le successeur, franche et quitte de toute dette. Quelques membres des comités réunis ont cru voir dans cette transmission une substitution lidéi-commissaire, difficile à concilier avec ies principes de notre Constitution. Ils n’ont pas fait attention que cette rente n’est point une propriété ; qu’elle ne se transmet pointa titre héréditaire; que le prince, qui la touche, la reçoit des mains de la nation et ne la tient que d’eîle; qu’elle ne suit pas même l’ordre des successions; qu’en un mot, cette transmission, image de celle de la couronne, n’a rien de commun avec la substitution linéale. Vos comités réunis n’ont pas cru devoir prendre sur eux de fixer la quotité des rentes apa-nagères qui seront concédées à l’avenir. Cette fixation éloignée et éventuelle doit porter sur des bases trop incertaines et trop variables. Elle dépend du degré de prospérité qu’atteindront un jour les finances nationales, de la quantité du numéraire que l'économie, les arts et le commerce doivent attirer dans cet Empire, de sa valeur comparée au prix des denrées, du nombre même 463 des princes qui seront alimentés par le Trésor public ; elle tient enfin à une foule de circonstances uu’il ne nous a pas été donné de prévoir. En 1630 Je produit des apanages fut porté à 200,000 liv. : cette somme, peut-être suffisante alors, serait aujourd’hui bien au-dessous des besoins réels. Ces motifs nous ont déterminés à nous en reposer sur les législatures qui seront alors en activité. La seconde branche du problème de droit pu-blic, que vos comités réunis ont eu à résoudre, a souffert de plus grandes difficultés. Lorsque, sous Charles V, les apanages réels furent soumis par une loi précise, à une perpétuelle réversion, cette innovation salutaire ne parut alors devoir opérer qu’une simple substitution, une espèce de majorât qui gênait la disposition, sans altérer la propriété. Les apanagistes continuèrent d’en exercer tous les droits; ils instituèrent comme auparavant, les officiers de justice; ils prirent les titres des seigneuries dont on leur avait abandonné la jouissance; ils firent et reçurent foi et hommage. Ces usages se sont perpétués; ils se sont transmis jusqu’à nous. On pourrait se laisser séduire par les apparences, et en conclure que les princes apanages sont vraiment propriétaires. Gar-duns-nous d’adopter cette opinion visiblement erronée : le chef de la maison régnante, simple administrateur des domaines nationaux, n’a pu transmettre à ses puînés des droits plus étendus que les siens. Il n’a pu leur conférer une propriété qui ne résidait pas sur sa tête. Ils sont, comme lui, réduits à une simple jouissance essentiellement précaire; ét la nation,' dont les droits nè peuvent être altérés par des actes qui ne sont pas émanés d’elle, a conservé ces droits précieux dans toute leur plénitude. La maxime que nous avons l’honneur de vous rappeler, n’est pas nouvelle. Chopin, l’un des premiers auteurs qui aient écrit sur le domaine, Chopin qui vivait dans un siècle où le régime féodal n’avait pas perdu toute son énergie, où les lumières philosophiques dont nous jouissons ne brillaient pas encore ; eh bien ! cet auteur, par la seule force de son génie, avait aperçu cette grande vérité, et avait en le courage de la publier. Il dit positivement dans son Traité du Domaine lib. 2, Ut. 3, n° 9, que l’apanage des enfants de France ne consiste plus qu’en une pension annuelle et pécuniaire, pour laquelle on délivre à 1 apanage une certaine quantité de fonds de terre, nummaria pensio pro quâ œstimati fundi prœstantur. Ce passage connu et souvent cité, d’un de nos plus anciens publicistes, fournit une réponse victorieuse à toutes les objections qu’ou nous prépare. La nation, obligée de fournir aux princes une subsistance convenable, a consenti qu’ils perçussent, pur leurs mains, le traitement annuel qui leur est dû. Elle leur a assigné, par l’organe de son premier mandataire, des domaines réels dont elle leur a abandonné la jouissance : c’est une simple délégation, dont l’effet doit cesser, dès l’instant qu’elle se soumet à acquitter elle-même cette dette sacrée. Si cette délégation renfermait un contrat entre la nation et le prince apanagé, ce que nous sommes bien éloignés d’admettre, ce serait une espèce d 'antichrèse, ou, selon l’expression usitée dans quelques provinces, un mort-gage qui, par sa nature, ne forme qu’un titre précaire essentiellement résoluble; et, si le corps constituant avait besoin, dans ses réformes, d’invoquer la loi civile, nous pourrions 464 lAssembiée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. multiplier ici des citations dont il est juste de vous épargner l’ennui. On pourra sans doute nous opposer des faits. Nous venons de citer nous-mêmes des exemples contraires; mais d’anciennes erreurs ne forment pas des droits; et si, dans des siècles moins éclairés que le nôtre, la chose a été envisagée sous un autre point de vue, nous devons moins nous déterminer par ce que nos pères ont fait, que par ce qu’ils auraient dû faire. Vous n’avez pas oublié, Messieurs, les principes qui nous ont conduits à la solution de la première branche de la grande question qui nous occupe. Ils trouvent encore ici une application bien naturelle. La modicité du produit actuel des domaines, la loi que nous nous sommes faite de les aliéner; les inconvénients, les dangers même de les abandonner à d* s mains privées, et, plus que tout cela, l’établissement de la liste civile qui ne peut compatir avec les apanages réels, toutes ces considérations réunies nous ont commandé ; elles nous ont forcé de vous en proposer la suppression actuelle. Nous ne devons pas vous dissimuler, Messieurs, que l’opinion que vos comités réunis ont enfin adoptée, a éprouvé, dans leur sein même, de fortes contradictions. La matière est trop importante, pour que nous puissions nous dispenser de rappeler ici les principales objections que nous avons eu à combattre. La première a été tirée du texte même de l’ordonnance de 1566, qui, en frappant d’uae inaliénabilité 'absolue les domaines nationaux, en excepte le cas de l’apanage, et ajoute que les biens ainsi donnés retourneront à la couronne, en cas de décès de i’apanagiste sans hoirs mâles. Pour donner plus de force à l’objection, on a eu soin d’observer que ce règlement pouvait être considéré comme une loi nationale, parce que la nation l’avait elle-même proposée aux Etats d’Orléans en 1560, et l’avait confirmée aux Elatede Blois en 1576. Nous avons répondu qu’en vertu de ce règlement, dont la légalité ne serait cependant pas au-dessus de toute critique, les concessions d’apanage pouvaient être considérées comme des titres réguliers, dans ce sens, que fi s princes ne doivent aucun compte des fruits qu’ils ont perçus, quoiqu’ils aient excédé de beaucoup la rente annuelle qui leur avait été accordée; mais que ces concessions n’en étaient pas moins révocables, parce qu’elles ne renfermaient qu’une indication du mode de payement; indication qui n’a rien de synallagmatique et qui, par sa nature, doit cesser de subsister, des que la nation juge à propos de s’acquitter d’une autre manière. Il est iüutile de vous faire remarquer, Messieurs, que, pour combattre cttte objection, nous l’avons présentée dans toute sa force, et que nous avons négligé, pour la réfuter, une partie de nos avantages. 11 nous aurait été certainement bien facile de démontrer que, malgré la sagesse de ses dispositions, l’ordonnance de 1566 n’avait pas les caractères augustes qui constituent une loi vraiment nationale. Noire silence sur cette supposition gratuite ne doit au moins pas être pris pour un aveu. Nos moyens nous restent; nous vous avons laissé, Messieurs, le soin d’y suppléer. A cette objection tirée des expressions mêmes delà loi, en a succédé une seconde qu’on a fait résulter de la nature de l’apanage. Ou a dit que c’était une véritable légitime ; quelle représentait la portion héréditaire que la loi civile et le droit [31 juillet 1790.] naturel déféraient aux enfants de nos rois, dans ces domaines immenses que leur maison a réunis à la couronne, et qu’elle leur a, en quelque sorte, apportés en dot. Pour faire valoir cette objection, on a fait une longue liste des vastes possessions qui ont appartenu à Hugues Gapet et à ses descendants, et que leur union à la couronne a convertis en domaines nationaux. De ce détail, on a conclu que l’apanage de nos princes était bien inférieur à ce qui leur serait revenu à titre purement successif. Pour détruire cette objection, il suffirait, sans doute, de répondre que nos rois meurent toujours sans patrimoine, puisque les lois de l’Etat confondent leurs biens particuliers avec ceux de la nation. Cette maxime vous est d’autant plus familière, que vous l’avez récemment décrélée : mais quand cette union légale n’aurait pas lieu; quand la loi politique, d’accord avec la loi civile, déférerait aux princes du sang français une part héréditaire dans les biens patrimoniaux de leur maison; le plus léger examen ferait connaître que, dans cette supposition même, les droits de la branche régnante seraient infiniment au-dessous de l’opinion qu'on s’en est formée. Henri IV, chef de la branche de Bourbon, est parvenu au trône à l’extinction de celle de Valois; mais comme il était successeur de Henri III, en vertu de l’ancienne loi salique, sans être son héritier dans l’ordre civil, il n’aurait eu aucune part dans les biens patrimoniaux de cette branche, si la loi politique ne les avait transformés en domaines nationaux. Un orateur l’a prouvé dans cette tribune, pour la Bretagne : on en peut dire autant de la Provence, de la Guyenne, du Bourbonnais, de la Marche, etc., et, en général, de toutes ces belles et nombreuses provinces dont le royaume s’est agrandi sous les règnes des Valois. En remontant plus haut, Philippe VI, chef de cette dernière branche, n’était pas lui-même héritier de Charles IV, son prédécesseur immédiat. Ainsi les Bourbon-Vendôme, qu’une foule de branches dont il existe des représentants, devançaient dans l’ordre de primogéniture et qui sont issus d’un des derniers rameaux de la descendance de Robert de Clermont, sixième fils de Louis IX, auraient été réduits par la loi commune à une portion infiniment petite de ce vaste héritage. C’est par les maisons d’Albret, de Foix, d’Alençon, de Vendôme, etc., que leur sout échus les biens que, possédait Henri IV, lorsque, de roi titulaire de Navarre, il est, pour le bonheur de l’Empire, devenu roi des Français. Quant à cette masse imposante de possessions territoriales que les Capets ont donnée à la France, elle se serait divisée à l’infini, et réduite en parcelles, si la loi de l’union domaniale, cette loi conservatrice, à qui la France doit sa puissance et sa splendeur, ne l’avait pas soustraite aux lois des successions ordinaires ; et le plus ancien des apanages aujourd’hui existants, surpasse de beaucoup la portion que les Bourbon-Vendôme auraient pu y prétendre, en y réunissant même, si l’on veut, les propriétés qu’ils doivent à leurs alliances particulières. J’ajouterai, Messieurs, qu’il est des provinces données en apanage, et distraites au moins passagèrement du domaine national, dont les députés sout expressément chargés de réclamer contre cette distraction, qu’ils soutiennent être contraire à leurs droits et au texte des chartes par lesquelles ces provinces ont été réunies à la France. Le Poitou est dans ce cas ; j’en fais l’observation, parce que j’en ai été personnellement requis, et que j’ai la main à l’extrait des cahiers de cette [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [31 juillet 1790.] 435 province qui en a imposé l’obligation à ses représentants; ce sera à eux de faire valoir leurs prétentions, aprè3 que l’Assemblée nationale aura exprimé son vœu sur la question générale. Je finirai, Messieurs, cette trop longue discussion par quelques réflexions simples, mais décisives, tirées d’un ouvrage distribué, au nom du comité des domaines, sous le titre d’ Observations sur les apanages. On y voit avec surprise que, quoique le produit net de chacun d’eux soit fixé par les édits de concession à 200,000 livres de rente, on a trouvé le secret d’élever, par des évaluations frauduleuses, le produit effectif des trois apanages réunis à plus de 6 millions; et ils sont répartis avec tant d’inégalité, qu’il en est un dont le revenu, pris séparément, excède seul celui des deux autres. Parmi les produits partiels, dont la somme totale est formée, on trouve pour près de 2 millions d’impôts indirects, quoiqu’il soit généralement reconnu que des droits de cette nature ne sont ni cessibles ni communicables, qu’ils cessent même d’être légitimes, dès qu’ils sont passés dans des mains privées. Enfin, ces observations nous apprennent que la meilleure partie du revenu des princes consiste en coupes de futaies, dont les unes sont annuelles et les autres ex traordinaires : mais les ordonnances de 1566 et de 1579, que les défenseurs des apanages réels ont citées avec tant de conliance, prononcent la nullité de ces sortes de concessions, et défendent aux apanagistes de couper les bois de haute-futaie , et de toucher aux forêts. Les deux derniers édits de concession d’apanage ont eux-mêmes expressément réservé les bois et forêts, ou du moins ils n’ont permis aux concessionnaires d’en user que pour l'entretien et réparation des édifices et châteaux de l'apanage. On sait combien celte clause limitative a été souvent enfreinte. L’Assemblée nationale ne peut pas laisser subsister ces extensions abusives; et si elle se déterminait à conserver les apanages réels, ils éprouveraient une telle réduction, que les princes se verraient forcés d’en solliciter eux-mêm s biens meubles ou immeubles réclamés par le roi, la reine et l’héritier présomptif de la couronne (1). Art. 10. Les baux à ferme ou à loyer des domaines, et droits réels compris aux apanages supprimés, ayant une date antérieure de six mois au moins au présent décret, seront exécutés selon leur forme et teneur; mais les fermages et loyers seront payés à l’avenir aux trésoriers des districts de la situation des objets compris en iceux, déduction faite de ce qui sera dû à l’apanagiste sur l’année courante, d’après la disposition de l’article 5. Art. 11. Les biens et objets non affermés seront régis et administres comme les biens nationaux retirés des mains des ecclésiastiques. Art. 12. Les décrets relatifs à la vente des biens (1) On faisait autrefois renoncer l’apanagiste aux successions ; cette formule était vicieuse : on ne succède point à des personnes qui ne possèdent rien eD propre, parce que l’existence politique a fait cesser pour elles l’existence civile.