230 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 juin 1791. à la colonie les lois qui seront décrétées pour Tégler les rapports entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire dans les villes de garnison. Art. 6. « Ces rapports, entre le pouvoir civil et militaire, et la somme à supporter par la colonie pour la dépense des troupes de ligne, ayant été déterminés, tout ce qui concerne les troupes, leur nombre, leur solde, leur organisation, leur service, leurs mouvements militaires, le nombre et la hiérarchie des officiers nécessaires pour les commander, ne pourra être réglé que par le Corps législatif et le roi, sans que l’assemblée coloniaieet aucunautre corps administratifou judiciaire puissent exercer à cet égard aucune autorité même provisoire. Art. 7. « Les états-majors de place seront supprimés; leurs fonctions militaires seront exercées parles commandants des troupes de ligne, et leurs appointements leur seront continués, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur leur retraite. Art. 8. « Les commandants en second dans les divisions du nord, de l’ouest et du sud, continueront d’exister et exerceront les fonctions militaires qui leur sont actuellement attribuées. § 13. Gendarmerie nationale. Art. 1er. « La maréchaussée de la colonie et les corps dits de police seront supprimés, et il sera établi à leur place une gendarmerie nationale. Art. 4. « Le nombre d’hommes qui doit former la gendarmerie nationale de la colonie, ainsi que la paye qui leur sera attribuée, sera proposé et provisoirement déterminé par l’assemblée coloniale, avec l’approbation du gouverneur : ce nombre ne pourra être ni au-dessous de 400, ni au-dessus de 700. Art. 5. « L’assemblée coloniale déterminera également provisoirement, avec l’approbation du gouverneur, la composition et l’organisation de ce corps, en se conformant aux bases suivantes. Art. 6. « La gendarmerie nationale sera composée en artie d’hommes à cheval et en partie d’hommes pied; ces derniers seront particulièrement . destinés à la police des villes. Art. 5. « L’admission de tout gendarme ou sous-offi-cier aura lieu par le choix du directoire de district, entre 3 sujets qui lui seront présentés par l’officier commandant la gendarmerie nationale du district. Art. 6. « S’il y a plusieurs grades de sous-officiers, l’avancement aura lieu de l’un à l’autre, moitié par l’ancienneté, moitié par le choix de l’officier commandant la gendarmerie nationale du district. Art. 7. « L’admission au grade d’officier aura lieu par le choix du gouverneur, sur 3 sujets qui lui seront présentés par le directoire de district; une place sur quatre au moins sera donnée aux sous-officiers, d’après le choix qui aura lieu suivant la même forme. Art. 8. « Les officiers ayant été nommés sur la présentation des directoires de district, leur avancement aura lieu, aux deux tiers par l’ancienneté, et l’autre tiers par le choix du gouverneur; et quant aux récompenses et aux décorations militaires, ils seront assimilés aux troupes de ligne employées dans les colonies. Art. 9. « L’unifonne delà gendarmerie nationale dans la colonie sera celui qui a été décrété pour toute la gendarmerie nationale de France. Art. 10. « Les individus actuellement employés dans la maréchaussée et dans les corps de police, seront conservés dans la gendarmerie, avec un grade au moins égal à celui dont ils sont actuellement en possession, excepté ceux que l’assemblée coloniale et le gouverneur seraient d’accord de ne pas admettre dans la nouvelle formation. Art. 11. « La gendarmerie nationale est essentiellement destinée à agir pour le maintien de l’ordre public, pour donner main-forte à la loi, sur la réquisition des magistrats à qui l’exécution en est confiée, et ne pourra se refuser à cette réquisition; la colonie proposera ses vues sur les moyens les plus propres à assurer l’efficacité du service de la gendarmerie nationale. Art. 12. « La gendarmerie nationale sera sous les ordres et l’inspection du gouverneur, quant à la police intérieure du corps et à la discipline; elle pourra, dans les cas où un besoin urgent l’exigerait, être employée par ses ordres à la défense extérieure et militaire de la colonie. TITRE IX ET DERNIER. Article unique. « L’assemblé coloniale proposera ses vues sur ce qui concerne le clergé et les biens ecclésiastiques, les réunions et concessions de terrain, les établissements publics et autres objets d’utilité générale. » M. Defermon, rapporteur. Voici maintenant notre projet de décret : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture des instructions proposées par les comités réunis des colonies, de marine, de Constitution, d’agriculture et de commerce, « Décrète que son président se retirera par devers le roi, pour le prier de les faire adresser, ainsi que le présent décret, au gouverneur de la colonie de Saint-Domingue, pour servir de mémoire et d’instruction seulement; « Que l'assemblée coloniale pourra mettre pro- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 juin 1791 .J 231 visoirement à exécution, avec l’approbation préalable du gouverneur, les dispositions des instructions et des différents décrets de l’Assemblée nationale qu’ils croiront pouvoir convenir à la colonie. « À cet effet, et pour mettre l’assemblée coloniale à même d’user de cette faculté, il lui sera adressé un exemplaire des décrets de l’Assemblée nationale, acceptés et sanctionnés par le roi, à titre d’instruction seulement, et sans qu’aucune disposition des décrets qui n’auraient pas été laits pour les colonies, puisse y être appliquée avec ou sans modifications, par rassemblée coloniale qu’avec l’approbation provisoire du gouverneur. » M. Pétion de Villeneuve. L’ouvrage que l’on vient de vous lire est immense; il contient l’organisation entière de nos colonies, régime intérieur, régime extérieur, lois réglementaires, et je ne crains pas de le dire, il n’est personne dans l’Assemblée, autre cependant que ceux qui ont participé à la rédaction de ce travail, qui puisse, avec la moindre connaissance de cause, y donner son adhésion, car pour nous, nous ne îe connaissons pas. Je suppose que les colonies les admettent telles qu’elles sont rédigées, l’Assemblée se trouvera engagée, puisqu’on aura adopté son propre ouvrage. On y dit bien que les hommes de couleur sont citoyens actifs, mais on n’y dit pas qu’ils sont éligibles. Je demande donc, qu’afin de savoir à quoi ces instructions nous engagent, elles soient imprimées et discutées avant d’être envoyées dans les colonies. M. l’abbé Grégaire. Il est bien évident que l'Assemblée nationale ne peut pas, d’après une simple lecture, envoyer dans les colonies cette espèce d’encyclopédie législative. 11 est pressant d’envoyer des forces pour assurer l’exécution du décret "sur les hommes libres de couleur. Je demande... M. ILavie. Vous avez envie de mettre le feu dans les colonies... {Murmures.) Vous, évêque, ministred’un Dieu de paix, vousêtesunboutefeu... (Bruit). Vous perdrez les colonies, Monsieur, par vos discours et par vos écrits. (Bruit.) La majorité du côté gauche rappelle à grands cris M. Lavie à l’ordre. M. l’abbé Grégoire. Puisqu’on m’interrompt d’une façon si malhonnête... M. Cigougne. C’est une calomnie ! M. Lavie. C’est une vérité ! M. l’abbé Grégoire. Je n’ai jamais prêché aux colonies que la soumission à la métropole, et je ne sais pas si les colons en font autant. Après avoir appuyé de toutes mes forces le décret que vous avez rendu en faveur des gens de couleur, j’ai cru entrer dans les vues de l’Assemblée en adressant aux gens de couleur une lettre par laquelle je les engage plus que jamais à resserrer les liens qui les unissent à la France. Je défie à quelqu’un de bonne foi de voir dans celte lettre autre chose qu’une intention pure et sincère d’attacher les gens de couleur à la mère patrie. J’en appelle à votre témoignage, puisqu’elle a été distribuée à tous les membres de l’Assemblée nationale (1). ( Applaudissements .) Après avoir exposé ce fait, je demanderai qu’on vous représente la lettre de M. de Gouy d’Arsy, par laquelle il a Pair d’émettre son dernier cri de désespoir. Qu’il me soit permis actuellement de lire 4 lignes de cette lettre qu’on me reproche, puisque j’ai été inculpé d’une manière indécente et calomnieuse. M. ILavie. C’est une vérité! (Murmures.) Plusieurs membres : A l’ordre, Monsieur Lavie ! C’est un calomniateur ! M. Gombert. Monsieur Lavie, vous êtes un vil et intéressé calomniateur ! M. l’abbé Grégoire. Voici, Messieurs, les derniers mots de ma lettre : « Religieusement soumis aux lois, inspirez-en l’amour à vos enfants; qu’une éducation soignée développant leurs facultés morales prépare à la génération qui vous succédera des citoyens vertueux, des hommes publics, des défenseurs de la patrie. « Comme leurs cœurs seront émus, quand les conduisant sur vos rivages vous dirigerez leurs regards vers la France en leur disant : Par delà ces parages est la mère patrie ; c’est de là que :œnt arrivés chez nous la liberté, la justice et le bonheur; là sont nos concitoyens, nos frères et nos amis; nous leur avons juré une amitié éternelle. Héritiers de nos sentiments, de nus affections, que vos cœurs et vos bouches répètent nos serments; vivez pour les aimer, et, s’il le faut, mourez pour les défendre. » (Vifs applaudissements.) M. de Foîlevilte. C’est un mandement et et une usurpation d’un évêque de département pour faire ia Constitution. M. le Président. A l’ordre, Monsieur 1 II n’y a point là de mandement. M. Fa vie. Lisez donc le haut de la page 9 (2). Plusieurs membres : Nous l’avons lu. M. l’abbé Grégoire. Après en avoir hautement appelé à l’opinion publique de la pureté de mes sentiments, je conclus en demandant que l’on se hâte de faire partir au plus tôt pour les colonies et votre adresse, et votre décret, et les commissaires; et, si on ne juge pas à propos de faire droit à la pétition de la ville de Bordeaux, je demande qu’on la renvoie au plus tôt au ministre de la marine afin que, sur sa responsabilité, il assure la tranquillité et l’exécution du décret. (Applaudissements à gauche.) M. llalouet. Je ne crois pas qu’il se trouve un ministre aussi hardi que le préopinant pour, sur sa responsabilité, vous garantir la paix dans les colonies. Il est sans doute bien fâcheux pour les colonies d’avoir été depuis trop longtemps travaillée par le zèle apostolique... (1) Voyez cette lettre ci-après aux annexes de la séance, page 232. (2) Voyez ci-après, aux annexes de la séance, p. 234, lre colonne, le passage de la lettre de l’abbé Grégoire, commençant par ces mots : « Elle est bien étrange. . . »