398 [Assemblée nationale.] places des professeurs, qui ont désobéi à la loi, et notamment aux deux chaires de théologie. Les professeurs de théologie expulsés répandent aujourd’hui dans la ville, que les successeurs qu’on leur a donnés seront bientôt contraints de leur céder la place. Les écoliers, croyant que leurs maîtres actuels cesseront bientôt de l’être, ont moins de ménagements et de respect pour eux. Les maîtres, à leur tour, n’osent pas se servir de toute l’autorité de leur piace, dans la crainte qu’on leur inspire qu’ils en seront bientôt dépouillés. De là naît une interruption dans l’enseignement public, une insubordination incroyable de la part des élèves, et une lutte scandaleuse et alarmante pour la ville, entre les ci-devant et les actuels professeurs. Votre comité des rapports m’a chargé d’avoir l’honneur de vous présenter le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que les professeurs de théologie du collège de Rodez, nommés par le bureau de ce collège en vertu d'une délibération du 8 mars dernier, seront maintenus provisoirement, jusqu’à ce qu’il ait été slatué sur ce qui regarde l’enseignement public. » (Ce décret est adopté.) Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre du chargé de pouvoir du ci-devant seigneur de Floyon; il se plaint de ce que le comité des rapports se soit fait servir, par la voie du garde de sceaux, les pièces d’un procès que ce seigneur a depuis dix ans avec la commune de Floyon et qui va être jugé par le comité contentieux des parties. M. Merlin. Le comité des rapports vous retrace dans ce moment l’image des anciens ministres de la justice qui, lorsqu’ils voulaient arrêter les suites d’un procès dont un tribunal était saisi légalement, en demandaient les pièces. Le procès dont on vous parle n’est pas le seul qui soit dans ce cas. Le ministre de la justice se plaint que, tous les jours, il lui arrive des lettres du comité des rapports qui suspendent le cours de la justice. Il est temps de réprimer ces abus ; l’établissement d’un semblable système serait le même que celui des lettres de cachet. Je demande que M. le Président soit chargé d’écrire au ministre de la justice que l’Assembléé n’ entend arrêter en aucune manière le cours de la justice contentieuse et qu’elle va donner des ordres à son comité pour que ce fait ne se renouvelle pas. Un membre : 11 y a un décret qui a renvoyé au comité des rapports l’affaire dont il s’agit. M. Merlin. Voici comment ce renvoi a été fait au comité. Chaque jour ou reçoit un très grand nombre d’adresses; on ne vient pas les lire a l’Assemblée. Les commis des bureaux eu prennent connaissance et mettent par apostille le nom du comité auquel l’affaire doit être renvoyée. C’est ainsi que celle dont on vous parle a été renvoyée au comité des rapports. Au surplus, cette affaire est entre les mains de la justice; l’Assemblée nationale ne peut donc autrement s’en occuper. M. Defermon. Je demande que le comité des rapports soit entendu. M. d’Aubergeon de Marinais. Il résulte de [26 mars 1791.] ce qui vient d’être dit que le comité des rapports est accusé. Souvenez-vous, Messieurs, que vous aviez décrété que les membres des comités seraient changés tous les quinze jours; j’observe que ce décret n’a pas été exécuté. J’observe, eu outre, que vous avez élevé au milieu de vous deux tribunaux d’inquisition : le comité des rapports et celui des recherches; et je crois que vous vous devez à vous-mêmes de les supprimer; mais je demande que vous en changiez du moins les membres. M. Chabroud. Les membres du comité des rapports sont prêts à abdiquer leurs fonctions quand on voudra; mais je soutiens que c’est à tort qu’on les a inculpés. M. le Président. Je vais mettre aux voix' la proposition de M. d’Aubergeou deMurinais. Plusieurs membres : L’ordre du jour! M. d’Aubergeon de Marinais. Je ne demande que l’exécution d’un décret. M. fiftewbell. C’est précisément parce qu’il y a un décret qu’il faut passer à l’ordre du jour. (L’Assemblée consultée adopte l’ordre du jour et décrète que ie comité des rapports sera entendu demain à l’ouverture de la séance pour rendre compte de l’affaire de Floyon.) M. SIébrard, secrétaire, donne lecture d’une lettre du ministre delà guerre, relativement à la situation actuelle des forces du royaume, aux dispositions faites pour le mettre en état de défense, aux mesures ultérieures à prendre pour le même objet, et à la dépense qui eu doit résulter. Voici des extraits de cette lettre : « L’Assemblée nationale a décrété, le 10 de ce mois, que le ministre de la guerre rendrait compte des mesures qu’il a dû prendre, en exécution des décrets pour la défense des frontières, ainsi que des mesures ultérieures qu’on pourrait prendre. Je vais en conséquence lui exposer successivement et les dispositions faites et celles qui pourraient y être ajoutées. « L’Assemblée a accordé, le 15 décembre dernier, au département de la guerre, une somme extraordinaire de 4 millions pour subvenir aux travaux et aux approvisionnements à faire dans ies places de guerre. Les ordres ont été donnés aussitôt pour mettre ces places en état de défense. Les travaux ont commencé par les chemins couverts, par les palissades, et les chefs d’artillerie ont pris des mesures pour l’achat des bois. La saisou est peu propre à ces travaux. Néanmoins on les a pressés sur les frontières qu’on regarde comme menacées. « L’Assemblée a décrété aussi que les régiments seraient portés au complet. J’avais déjà, à cet égard, prévenu ses désirs et donné, dès le mois de décembre, ies ordres nécessaires. « Les ordres ont aussi été donnés sur-le-champ à 30 régiments d’infanterie, qui doivent être portés au complet de 720 hommes; et à 20 régiments de cavalerie qui doivent se porter au complet de 670. L’activité qu’ils mettent à exécuter ces ordres a le plus grand succès; et, avant le mois de mai, la plupart auront atteint le grand complet. « L’état de l’armée comprenait, au 1er mars, non compris les officiers, 130,728 hommes; ainsi le non-complet n’était que de 10,000 hommes. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 399 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (26 mars 1791.) Nous avons à peu près autant de bouches à feu qu’il en faut pour les garnisons; mais comme la répartition en avait été mal faite, on fait des transports, ce qui oblige de porter le nombre des chevaux d’artillerie à 1,000 au lieu de 300. Les entrepreneurs fourniront ces chevaux au 1er avril prochain ; la dépense en sera peu considérable. Les ordres ont été donnés depuis longtemps pour mettre en état de service les équipages d’artillerie. Ils léseront avant la saison. « Les fonderies ont reçu ordre de faire 300 bouches à feu; car il n’en existe actuellement dans les magasins que 195; nombre qui serait insuffisant, dans le cas où l’on armerait les auxiliaires. Le roi a en même temps ordonné aux manufactures d’armes d’en fabriquer autant qu’elles pourraient, outre les fournitures ordinaires. — 300,000 sacs de grains sont en magasin, et assurent la subsistance de l’armée pour 18 mois. La nécessité de faire ces approvisionnements m’a fait passer sur la répugnance que j’avais défaire des dépenses de cette nature sur l’ancien mode vicieux. — J’ai donné dès le 1er janvier des ordres pour faire mettre en état 100,000 caissons; ce qui sera exécuté au 1er avril. Des ordres ont été donnés aux hôpitaux ambulants et ordinaires : ceux de Metz, deStrasbourgsont approvisionnés... La situation des effets de campements n’est pas aussi satisfaisante; la répartition faite aux régiments en 1790, et le pillage qui en a été fait en différents lieux, ont vidé les magasins. D’ailleurs les troubles ont empêché les soldats d’en avoir tous les soins nécessaires. Il est donc indispensable de les renouveler : la dépense serait à peu près de 5 millions. J’ai déjà pris les ordres durai pour faire construire des tentes. « Je vais maintenant exposer à l’Assemblée les mesures ultérieures qu’il serait convenable de prendre... Il importe premièrement de hâter la levée des 100,000 auxiliaires, et je prie l’Assemblée de compléter ses décrets à cet égard. « L’organisation de la gendarmerie nationale est également urgente. Ce corps étant porté au complet, on ne sera plus obligé de morceler, pour le service de l’intérieur, les régiments des troupes de ligue; ce qui nuit à la discipline. Peut-être me dira-t-on que c’est à moi de hâter cette organisation; mais je prie l’Assemblée d’observer que ses précédents décrets ont adjugé au Corps législatif la répartition des brigades entre les départements, et le choix des hommes aux administrations : ils n’ont réservé au pouvoir exécutif que le choix des colonels, sur la présentation des départements. Je presserai cependant les corps administratifs; je leur présenterai mon aide, et je saisirai toujours avec empressement toutes les occasions qui seront offertes à mon zèle. ( Applaudissements .) « Je ne puis entretenir l’Assemblée de l’armée sans lui témoigner mon impatience de la voir organiser les commissaires des guerres, officiers absolument nécessaires, et qui ne peuvent être remplacés dans les principes de l’ancien régime. On ne peut d’ailleurs espérer un grand zèle des officiers qui sont prêts à être réformés ..... « Il me reste à dire que le Code militaire, annoncé depuis longtemps, n’existe pas encore. Cependant les cours martiales vont être en activité, et seront lorcées de se servir des anciennes lois faites dans un temps où l’on s’embarrassait fort peu de rendre justice à une certaine classe d’hommes, où les peines n’étaient ni égales pour tous, ni proportionnées aux délits. Il serait d’une extrême injustice de suivre encore des lois qui appliquent les mômes peines à toutes les espèces de crimes, d’où il ne pourrait résulter que des mécontentements, des insurrections. Si au contraire les juges prenaient sur eux de modiüer la loi, de l’adoucir, ils tomberaient dans l'arbitraire, inconvénient également à craindre. Ces observations font voir la nécessité que le Code pénal soit fait le plus tôt possible... « Je passe aux autres mesures ultérieures. La France est tout environnée de places fortifiées, et ces fortifications sont très précieuses à entretenir depuis qu’elles ne nécessitent plus une aussi grande quaniitéde troupes de ligue. Plusieurs ne pourraient pas en ce moment soutenir de siège, et il est important de les mettre en état de défense. Qu’on ne croie pas que je propose des travaux immenses, que je veuille faire de chaque place un chef-d’œuvre de l’art : cela n’est nullement nécessaire. Comme les moyens despuissances voisines ne sont pas infinis, les nôtres n’ont pas besoin de l’être. Les dépenses de ces réparations monteraient environ à 20 millions payables en 4 années... Les dépenses extraordinaires pour cette année s’élèvent, d’après l’état ci-joint, à 10,177,485 livres; les dépenses d’entretien et de solde à 596,214 livres par mois, selon les memes états dont je demande que les fonds me soient remis chaque mois. » (L’Assemblée décrète le renvoi de cette lettre aux comités militaire et des finances, réunis, pour en rendre compte incessamment.) M. Muguet de Hanthou, au nom du comité des rapports. Messieurs, je demande la parole pour répondre aux accusations de M. Merlin ; le comité des rapports a été inculpé ; sa réponse sera simple. Tous les jours, le comité reçoit 20 à 30 pétitions qu’il est de son devoir d’examiner, mais dont il est de sa prudence de ne pas toujours vous rendre compte. Il en a reçu une de la commune de Floyon, où l’on articulait des faits dont il a voulu prendre connaissance et dont la preuve résultait de pièces contenues dans le dossier d’un procès pendant au conseil. Le comité a demandé ces pièces à M. le garde des sceaux; mais il n’a pas demandé de surseoir; il n’a rien prescrit. Son unique intention était de s’instruire : le ministre était parfaitement libre. En ce qui concerne la motion qui a été faite de remplacer les membres des comités, j’y consens très volontiers. M. Merlin. Je n’ai jamais eu l’intention d’inculper le comité des rapports, au zèle et au patriotisme duquel je me plais à rendre hommage. J’observe toutefois que le 24 de ce mois, il n’y avait pas d’autre affaire au conseil que celle de la commune de Floyon, et que c’est précisément le 22 que le comité a écrit pour s’en faire communiquer les pièces. Je renouvelle donc les conclusions que j’ai énoncées au commencement de la séance, et je demande que M. le président soit chargé d’écrire au ministre de la justice que l’Assemblée n’entend arrêter en aucune manière le cours de la justice contentieuse, et qu’elle va donner des ordres à son comité pour que ce fait ne se renouvelle pas. M. Vieillard. M. Merlin connaissait l’affaire, tandis que le comité, qui ne la connaissait pas. avait dû s’en faire instruire. 400 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 mars 1791.] M. Chabroud. C’est le procès d’une communauté contre son seigneur. Plusieurs membres observent que l’Assemblée a déjà passé à l’ordre du jour sur cet objet. M. Muguet de Nantliou, rapporteur, fait lecture de la lettre écrite par le comité au garde des sceaux. M. Boutteville-Dumetz. Je propose le renvoi de l’affaire au pouvoir exécutif, et je demande que les ministres soient tenus désormais de donner au comité la connaissance de tous les faits relatifs aux affaires sur lesquelles il lui demande des renseignements. M. Chabroud. Je demande qu’il soit décrété que le conseil des parties cessera à l’instant toute espèce d’instruction sur l’affaire de Floyon, qui est un assemblage de sept procès différents et une cause de vexations affreuses. M. de Tracy. J’observe que M. Chabroud, qui d’abord ne connaissait iras celle affaire, se trouve maintenant la connaître assez pour demander la suspension de la procédure. M. Gaultier-Biau*at. Je demande qu’il soit décrété que le conseil des parties cessera à l’instant toutes fonctions. Le tribunal de cassation va entrer dans 8 jours en activité; et, dans ce moment, ceux qui ont intérêt à ne pas être jugés par les tribunaux nationaux se hâtent de se faire juger par les anciens tribunaux ; ceux de ces derniers qui subsistent encore jugent on ne sait comment, ni sur le rapport de qui, et rendent des jugements qui sont une source de vexations. M. Merlin. J’observerai à l’Assemblée qu’elle s’est imposé la loi de ne jamais revenir sur ses décrets et qu’en instituant le tribunal de cassation, elle a décrété que le conseil subsisterait jusqu’à l’installation de ce tribunal. D’après cela, je m’en rapporte à sa prudence. Plusieurs membres réclament l’ordre du jour. (L’Assemblée décrète l’ordre du jour.) M. le Président. Messieurs, le résultat du scrutin pour la présidence n’a point donné de résultat, aucun des candidats n’ayant obtenu la majorité. Le résultat pour la nomination de trois secrétaires a donné la majorité à MM. Boissy-d’Anglas, de Vismes et de Rancourt de Villier. En conséquence, MM. Boissy-d’Anglas, de Vismes et de Rancourt de Villièrs sont élus secrétaires en remplacement de MM. Hébrard, Salle et Charles Cochon. L’ordre du jour est la discussion du projet de décret du comité de judicature , relatif au classement qui doit déterminer V évaluation rectifiée des offices de procureurs dans les divers tribunaux du royaume (1). M. Guillaume. Le comité de judicature propose de fixer à 15,389 1. 15 s. 7 d. la finance des (1) Voyez ci-dessus, séance du 19 mars 1791, page 204, le rapport de M. Telliersur cet objet. offices de procureur au ci-devant parlement de Paris, et ses calculs sont fondés sur deux déclarations du roi, des 8 novembre 1772 et 18 février 1776, qui déterminent effectivement à cette somme la finance de chacune de ces charges. Mais, de ce que le comité est obligé de prendre pour bases des lois émanées de l’autorité ministérielle, il résulte une première vérité bien importante pour les procureurs au parlement de Paris, et bien féconde en conséquences, c'est : qu'ils n'ont pas fait d' évaluation en exécution de l'édit de 1771 . Si donc la fixation de leur finance par le gouvernement est fautive, si elle est inférieure aux sommes que ces officiera ont réellement versées dans le trésor de l’Etat, ces omissions ne doivent pas leur être imputées, et rien ne saurait s’opposer à ce qu’ils rectifient des erreurs qui ne sont pas de leur fait. La question se réduit dès lors à ce point infiniment simple : « Les évaluations des offices de procureur au parlement de Paris, faites pour eux par le ministère en 1772 et 1776, sont-elles justes ou ne le sont-elles pas? » Or, pour prouver qu’elles sont erronées, je n’argumenterai que des pièces authentiques, et déposées à la chambre des comptes. A la vérité, les quittances des finances originaires payées par les procureurs au parlement de Paris n’existent pas, mais elles sont suppléées par un arrêt du conseil du 13 décembre 1687, qui liquide ces finances à 12,000 livres. Depuis cette époque, ces officiers ont versé dans le Trésor public différentes sommes pour réunions d’offices, pour attributions de droits, pour maintenue d’hérédité, pour concession, pour confirmation de privilèges, et sous d’autres prétextes dont l’ancienne fiscalité ne manqua jamais pour pressurer les corporations comme les individus. En 1772, le gouvernement fit le calcul de ces sommes additionnelles à la finance primitive, et les fit monter à 1,222,579 1. 13 s. 4 d. Il reconnut en outre que la communauté se trouvant libérée des dettes qu’elle avait contractées en nom collectif, pour satisfaire à ces differentes exactions, ces suppléments de finance appartenaient, et sans aucune charge, à ses membres. En conséquence, la déclaration de 1772, après avoir fixé à 3,056 1. 8 s. 11 d. la part afférente à chacun des 400 procureurs qui existaient alors au parlement de Paris, dans les 1,222,579 1. 13 s. 4 d. de supplément de finances, fixa d’office à 15,056 1. 8 s. 11 d. le remboursement de chacune de ces charges. Telle était l’état des choses eu 1772. En 1776, on supprima 100 offices de procureurs au parlerai nt de Paris, et cetle suppression devait s’opérer par la mort ou par la démission des titulaires. Sous ce prétexte, on exigea 100,000 livres de la communauté ; cette somme fut répartie entre les officiers alors existants et l’ajoutant à l’évaluation qu’on avait faite pour eux en 1772, et que i’on se garda de soupçonner d’ii exactitude, on porta leur finance à 15,389 liv. 15 s. 7. d. Ce sont ces calculs, qu’à défaut d’évaluation de la part des procureurs au ci-devant parlement de Paris, le comité de judicature a adoptés comme hases de leur remboursement; et pour s’autoriser dans le parti qu’il a pris à cet égard, il oppose aux procureurs au parlement de Paris, que loin de critiquer cette évaluation, ils l’ont prise eux-