804 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE. Séance du vendredi 28 août 1789, au matin. L’Assemblée a pris communication des adresses et des procès-verbaux du comité patriotique de la ville de Montauban en Haute-Guyenne, des adresses de félicitation , de reconnaissance et d’adhésion des villes deVillefranche en Rouergue; de Luynes ; de l’arrêté de la même ville, contenant acte de confédération ; d’une adresse du comité permanent de la ville de Dinan, qui rend compte de ses efforts pour empêcher l’événement affreux du 6 de ce mois ; d’une délibération des trois ordres des citoyens de la ville d’Auch ; de tous les citoyens de Toulon ; d’une délibération de la ville de Cheylard en Vivarais ; des trois ordres de la ville d’Apt; d’une adresse de la ville de Fresnay, d’un procès-verbal du comité permanent de Ferrières en Vivarais ; d’une délibération des trois ordres de Saint-Papoul ; d’une délibération de la communauté d’Aigalliers en Provence, qui se plaint d’un article de doléance inséré dans son cahier, et qu’elle rétracte ; d’une délibération du conseil général de tous les habitants de la communauté d’Antibes ; d’une adresse de félicitation de la communauté de Caylus en Querey; de la ville de Realville en Querey; de la ville de Mont-faucon en Anjou ; des habitants de la ville de Bain en Bretagne ; du corps municipal et électoral de la ville du Pont-de-l’Arche, de la ville de Gau-son, des communautés de Gaulon et Moulinet en Agénois; des officiers delà prévôté bailliagère de Montmédy ; delà ville deChalus; des officiers municipaux de la ville de Tonnerre ; de la ville de Yitry-le-François ; du sieur Bérenger, curé de Loriot ; des maîtres ès arts et de pension en l’université de Paris ; de la commune de Rhétel ; de la municipalité de la ville d’Arpajon ; des habitants de la paroisse de la Pommeraye ; de deux lettres d’adhésion, adressées à un des membres de l’Assemblée, par les officiers du bailliage et de la municipalité de Villers-la-Montagne, et par le lieutenant particulier du bailliage de Longuyon , d’une lettre du sieur Garnier de Saint-Julien, qui fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage dont il est l’auteur ; d’une délibération des notaires de la ville de Romans ; d’une lettre de M. le comte de Saint-Priest, qui annonce qu’il a donné des ordres à l’imprimerie royale pour qu’il fût déposé aux archives de l’Assemblée deux exemplaires de tout ce qui est imprimé relativement à la convocation, à la tenue et aux décrets; d’une adresse de la ville d’Ëxmes, qui rend compte de l’établissement d’une milice bourgeoise ; d’une lettre d’un habitant de la ville de Pont-Àudemer, qui annonce que la composition de la milice bourgeoise est achevée ; d’une délibération du comité permanent de Blois, qui annonce les précautions prises pour conserver le mobilier du château de Ghambord, appartenant au Roi. L'ordre du jour appelle la discussion sur la Constitution. M. Hou nier prend la parole au nom du comité de Constitution. Il représente qu’il convient de donner une marche simple et aisée à cette dis-[28 août 1789.] cussion ; que le comité a pensé que l’ordre doit être ainsi proposé : La déclaration des droits de l’homme et du citoyen; Les principes sur le gouvernement monarchique; L’organisation du Corps législatif; Celui du pouvoir exécutif; Celui du pouvoir militaire ; Enfin l’ordre judiciaire. M. mounier termine, en observant qu’il convient de n’énoncer que des principes simples sur la monarchie ; qu’il sont susceptibles de fort peu de discussions, puisqu’ils se trouvent dans les cahiers de tout le monde; que ce n’est pas là cependant qu’on peut trouver tout l’ouvrage de la Constitution, mais que l’Assemblée nationale suppléera dans sa prudence à leur silence sur des articles qu’elle croira pouvoir ajouter. M. llounler donne lecture du projet suivant; CHAPITRE II. Du gouvernement, français propose par le comité de Constitution. « Art. 1er. Le gouvernement français est un gouvernement monarchique. Il n’y * a pas en France d’autorité supérieure à la loi. Le Roi ne règne que par elle; et quand il ne commande pas au nom de la loi, il ne peut exiger obéissance. « Art. 2. Aucun acte de législation ne pourra être considéré comme loi, s’il n’a été fait par les députés de la nation, et sanctionné par le monarque. « Art. 3. Le pouvoir exécutif suprême réside exclusivement dans les mains du roi. « Art. 4. Le pouvoir judiciaire ne doit jamais être exercé par le Roi, et les juges auxquels îl est confié ne pourront être dépossédés de leurs offices pendant le temps fixé parles lois, si ce n’est par les voies légales. « Art. 3. La couronne est indivisible et héréditaire de branche en branche, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture. Les femmes et leurs descendants en sont exclus. Art. 6. La personne du Roi est inviolable et sacrée; mais les ministres et autres agents de l’autorité royale sont responsables des infractions qu’ils commettent à la loi, quels que soient les ordres qu’ils aient reçus. » M. mounier avertit l’Assemblée que ces articles sont tirés du projet de M. Champion de Ci cé, archevêque de Bordeaux. (Voy. plus haut, séance du 27 juillet 1789) et que le comité de Constitution s’est borné à les classer dans leur ordre naturel. M. Grégoire remarque d’abord que l’on a oublié de parler de la majorité des rois; qu’il est cependant dans la volonté de l’Assemblée de régler l’époque de cette majorité. M. mounier répond que le comité ayant divisé son travail, parlera de cet objet dans le chapitre qui concerne le pouvoir exécutif. M. Lanjuinais demande que l’on insère spécialement un article sur l’allodialité actuelle des rentes ; cette allodialité n’existera que par le remboursement. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 août 1789.] 505 Cette réflexion anticipant trop sur l’avenir n’a aucun succès. Un ecclésiastique développe ensuite les principes de toute société. La société domestique, dit-il, est la première de toutes les sociétés. Plusieurs Ramilles se sont ensuite réunies : c’est là qu’a commencé la société politique. En se réunissant ainsi, les hommes sont convenus de certaines règles ; ces règles sont des lois, et ces lois .supposent une autorité quelconque qui en maintient l’observation. Cette société s’est étendue ; elle a fait partie d’une autre société, et alors ce n’est qu’une portion d’un Etat ; ou elle se gouverne seule, et alors elle fait un corps politique : elle a le pouvoir absolu et indépendant. C’est du placement de ce pouvoir que dépend la constitution des Etats, Ce pouvoir réside dans le peuple, et alors c’est le gouvernement de la démocratie. Il réside dans quelques hommes privilégiés, et alors c’est l’aristocratie. Enfin, il réside dans un seul,etc’est la monarchie. Ce sont moins les termes que les choses qui constatent leur nature. Les termes changent, mais les choses sont invariables. Aussi un monarque cesse-t-il de l'être, quant à l’effet, s’il agit arbitrairement; cesse-t-il de l’être encore, s’il n’a plus d’autorité. Dans la monarchie les pouvoirs dépendent essentiellement du monarque. . . De grands cris rappellent l’opinant à l’ordre ; une voix se fait entendre au-dessus des murmures : Il s’agit de la monarchie, et l’opinant Iraite le gouvernement despotique. Cette réflexion fait descendre l’opinant de la tribune. Un autre ecclesiastique prend aussi la parole : Nous allons donc enfin nous occuper de la Constitution. Il est temps de consacrer à jamais la religion que nous professons. . . . Gette motion tendant également à établir le despotisme, des réclamations se font entendre de toutes parts, et ce second orateur quitte la tribune comme le premier, sans terminer son discours. M. Fabbé d’Eymar prend la parole pour appuyer le sentiment du préopinant, mais en écartant les expressions qui avaient choqué l’Assemblée. M. de Talleyrand-Pérlgord, évêque d’Au-tun, en terminant la discussion sur la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, annonce que tout ce qui concerne la religion catholique commencera la discussion. M. Fabbé d’Eymar. Je demande donc que l’on mette comme premier article de la Constitution que la religion catholique est la religion de l’Etat. M. Bouche. J’observe à l’opinant que Phara-mond régnait avant Clovis. La motion de M. l’abbé d’Eymar est rejetée. La discussion s’ouvre sur le premier article. M*** . C’est ici que l’on doit réfiéchir sur l’esprit national. Il y a près de quatorze cents ans que les Français, libres de se diriger par l’esprit républicain , préférèrent les douceurs du gouvernement monarchique aux orages d'un gouvernement républicain. Aujourd’hui cette circonstance se présente encore : la nation est rassemblée; forte de l’estime publique, n’ayant au dehors que des princes qui consument leurs forces dans la mollesse ou dans des guerres qui nous vengent de nos souffrances ; au dedans, aucun prince, aucun homme puissant qui puisse se déclarer l’appui du trône, il allait s’écrouler aujourd’hui, comme il se serait écroulé du temps de Pépin et de Hugues Capet ; mais les mêmes sentiments, la même impulsion viennent de le relever encore. Louis XVI n’est plus sur le trône par le hasard de la naissance ; il y est par le choix de la nation, elle l’y a élevé, comme autrefois nos braves aïeux ont élevé Pharamond sur le bouclier Personne ne conteste le gouvernement monarchique. Tous les cahiers sont formels, cela est vrai; mais il semble que ce n’est pas là le point d’où il faut partir ; c’est du vœu actuel de nos commettants qui, armés jusqu’aux dents, viendront à bout de se constituer en monarchie mitigée. Mais qu’est-ce que cet esprit national? c’est le résultat d’un grand nombre de causes. Les unes sont fixées dans le climat que l’homme habite ; les autres le sont par les erreurs et les préjugés, et quelques autres par la raison. Si ces causes agissent en sens contraire, l’homme est malheureux ; si elles s’accordent avec sa position physique, alors il se montre dans la splendeur et l’opulence qu’il peut se promettre du libre usage des ressources locales. 11 faut l’avouer : le seul gouvernement qui convienne à nos mœurs, à notre climat, à l’étendue. de nos provinces, c’est le gouvernement monarchique. Plusieurs membres critiquent l’article premier, quant à la rédaction. M. Boache propose d’y substituer ce qui suit : « La France est un Etat monarchique, c’est-à-dire un Etat où un seul gouverne par des lois fixes et fondamentales. » L’Assemblée témoigne un sentiment de préférence pour cet article. Il est plus expressif, dit un membre, et il définit du moins ce que c’est que monarchie; car, certes, à Constantinople, où il n’y a qu’un sultan, l’on peut dire que c’est là aussi le gouvernement monarchique. M. Desmeuniers. J’appuie l’article de M. Bouche. H est tellement nécessaire de donner une définition du pouvoir monarchique, que l’on peut en abuser bien facilement. Il y a deux ans que nous étions aussi* sous un gouvernement monarchique; il n’y a qu’un instant, on nous présentait dans cette même tribune le gouvernement monarchique comme le despotique. Ilconvientdoncd’annoncer que le gouvernement français est une monarchie tempérée par les lois ; tel est l’amendement que je propose à la motion de M. Bouche. M. de Eubersac, évêque de Chartres , censure le dernier membre du premier article qui porte que «le Roi ne peut exiger d’obéissance qu’autant qu’il commande au nom de la loi. » Il prétend qu’il y a une certaine obéissance provisoire qui est toujours due au Roi. M. le duc de Earochefoucauld présente