iQ [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 janvier 1791.] M. le Président. Il faut auparavant délibérer sur la motion d’inscrire sur le procès-verbal l’explicatiou donnée par MM. l’abbé Grégoire et de Mirabeau. M. Duval d’Eprémesnil. Je demande la parole sur cette explication. M. Camus. Il n’est question ni de discussion ni d’explication, je demande seulement qu’on sache bien l’état de la marche de l’Assemblée, et que pour cela l’on fasse lecture du procès-verbal depuis l’ordre de deux heures. M. le Président. Le procès-verbal n’existe pas encore. La motion est de savoir si on y insérera les discours de MM. Grégoire et de Mirabeau. M. Duval d’Eprémesnil. L’explication donnée par M. Grégoire, et développée par M. de Mirabeau, est un monument de mauvaise foi, un piège tendu à la simplicité des personnes pour lesquelles cette explication est proposée. Je demande à le prouver. (On demande à aller aux voix.) Il est aisé de me fermer la bouche par un décret. Je promets de ne pas parler contre la loi. M. l’abbé Gouttes. Le serment doit être prêté sans préambule, sans restriction ; vous l’avez ainsi décrété ce matin. Il n’y a pas d’explication à discuter, à examiner. Consultez l’Assemblée. M. Tliouret. Je soutiens qu’il n’y a pas même lieu à consulter l’Assemblée. Toutes ces motions sont des moyens que l’incivisme emploie. Il s’agit d’un serment, chacun doit prendre pour règle sa conscience. (On applaudit.) M. le Président. M. Camus retire sa motion ; ainsi il n’y a pas d’obstacle à ce que je mette aux voix celle de M. Barnave. M. l’abbé Verdet. Je veux faire un amendement. Puisque l’Assemblée adopte l’explication de M. Grégoire, je demande qu’elle le déclare dans son procès-verbal. (La partie gauche murmure.) M. le Président; Permettez que je rappelle à l’Assemblée un fait qu’une grande partie ignore peut-être. Il a été décrété ce matin que je n’accepterais qu’un serment pur et simple, sans préambule, sans restriction, sans explication, sans commentaire; c’est parce motif que M. Camus a retiré sa motion, et que M. Verdet ne peut la représenter en amendement sans contrevenir au décret. Plusieurs voix de la droite : Pourquoi avez-vous entendu l’explication de M. l’abbé Grégoire? vous êtes vous-même en contravention ,au décret. M. l’abbé Verdet. J’ai demandé que l’Assemblée adoptât l’explication donnée par M. l’abbé Grégoire, parce que le législateur seul peut interpréter la loi... Si l’Assemblée regarde cette explication comme le correctif de la loi ..... (La voix de l'opinant est couverte par de longs murmures.) M. Riquetti de Mirabeau, l'aîné. On m’a demandé le résumé de l’explication de M. l’abbé Grégoire, telle que je l’entendais et que je l’ai développée. Je dis le résumé, parce qu’il m’est impossible de me rappeler mes propres expressions. Voici donc ce résumé. « La puissance civile ne pouvant exiger de chaque citoyen que la soumission à la loi et de chaque fonctionnaire public que le serment d’exécuter et défaire exécuter les lois en ce qui le concerne, l’Assemblée nationale n’a entendu, par son décret du 27 novembre, qu’assurer l’exécution des lois, laissant entière la liberté d’opinion et de conscience, qui ne peut être ravie à personne. » M. de Murinais. Je demande à M. de Mirabeau si on laisse la liberté de conscience en exigeant un serment. M. Alexandre de Eameth. Je demande la parole. M. l’abbé Maury. Je demande pourquoi M. de Lameth, député de Péronne comme moi, veut parler avant moi. (La première motion de M. Barnave est mise aux voix et décrétée.) M. le Président. En conséquence, j’interpelle les ecclésiastiques fonctionnaires publics, membres de cette Assemblée, de prêter serment en exécution du décret du 27 novembre. Ils répondront à l’appel nominal qui va être fait. (Quelques minutes se passent dans le silence. ) M. Gaultier -Diauzat. Je demande la permission d’observer que, quoiqu’il ne puisse être fait aucune interprétation... Plusieurs membres demandent l’exécution du décret. M. le Président. M. de Biauzat voulait dire que l’intention de l’Assemblée était qu’on retînt sur le procès-verbal la substance de l’explication donnée par MM. Grégoire et de Mirabeau. Un très grand nombre de voix : Non! non ! M. le Président. Un de MM. les secrétaires va faire l’appel nominal, pour que les ecclésiastiques fonctionnaires publics... M. de Cazalès. Voulez-vous entendre les cris qu’on pousse autour de cette Assemblée? On commence l’appel nominal. — M. l'évêque d'Agen. M. Dusson de Ronnac, évêque d’Agen. Je demande la parole... Plusieurs voix de la gauche : Point de parole ! prêtez-vous le serment, oui ou non? M. Dusson de Ronnac, évêque d’Agen. C’est le cœur navré de douleur... Beaucoup de membres du côté droit : Vous entendez, Monsieur le Président. M. de Blacons. Que M. le maire aille donc faire cesser ce désordre. Plusieurs voix : Il y est allé ; il est sorti. (Le côté droit est pendant quelque temps dans de vives agitations.) M. le Président. J’ai donné des ordres pour [4 janvier 1791. J [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 17 que nous soyons dans le calme qui convient à nos délibérations. Ces ordres sont sûrement exécutés maintenant. M. de Saint-Simon. Je déclare, au nom de mes commettants, que l’Assemblée n’est pas libre. M. Dnfraisse-Ducliey. Vous entendez ces scélérats qui, après avoir détruit la monarchie par d’in famés moyens, veulent maintenan �anéantir la religion. Je déclare que l’Assemblée n’est pas libre, et je proteste... Un très grand nombre de voix : Laissez faire l’appel ; laissez exécuter le décret. M. Dusson de Bonnac, évêque d' A g en. N ous avez fait une loi. Par l’article 4, vous avez dit que les ecclésiastiques, fonctionnaires publics, prêteraient un serment dont vous avez décrété la formule. Par l’article 5, que s’ils se refusaient à prêter ce serment, ils seraient déchus de leurs offices. Je ne donne aucun regret à ma place, aucun regret à ma fortune; j’en donnerais à la perte de votre estime que je veux mériter ; je vous prie donc d’agréer le témoignage de la peine que je ressens de ne pouvoir prêter le serment... ( Une partie du côté droit applaudit.) On continue l’appel nominal. — il/. Fournetz, curé de Puy-Miélan. M. Fournetz. Je dirai, avec la simplicité des premiers chrétiens : Je me fais gloire et honneur de suivre mon évêque, comme Laurent suivit son pasteur. On appelle M. Leclerc, curé de la Combe. M. licclerc. Je suis l’enfant de l’Eglise catholique... ( Bruits . — Murmures.) M. Rœderer. L’interpellation de prêter le serment ne permet pas d’autre réponse que de le prêter ou de refuser de le prêter. M. Faydel. Quand vous avez reçu le serment de M. l’abbé Grégoire, vous lui avez permis une explication. M. le Président. Pour se conformer au dé' cret, les fonctionnaires publics ecclésiastiques appelés doivent répondre : je jure, ou : je refuse. M. de Foucault de Fardimalie. C’est une tyrannie. Les empereurs qui persécutaient les martyrs leur laissaient prononcer le nom de Dieu et proférer les témoignages de leur fidélité à leur religion. M. de Bonnay. Il est de fait que l’appel nominal commencé n’a pas été décrété ; il est de fait que ce mode a été choisi par M. le président, pour exécuter le décret. Je n’ai pas l’honneur d’être de V ordre ecclésiastique. {Il s'élève beaucoup de murmures.) Vous avez connaissance d’un faux, commis dans la proclamation de la loi. On a voulu le réparer, mais il n’a pu l’être complètement. Cette erreur très grave a excité dans l’esprit des malintentionnés une animadversion très forte contre les ecclésiastiques, et un danger réel pour les fonctionnaires publics qui ne prêteraient pas le serment... Plusieurs serments individuels ont été prêtés ; les noms des ecclésiastiques qui s’y sont soumis sont con-lre Série. T. XXII. signés au procès-verbal. Le délai est expiré ; il ne reste donc plus qu’à demander collectivement aux autres fonctionnaires publics ecclésiastiques, membres de cette Assemblée, de se présenter à la tribune. Cette forme n’a pas les dangers de l’appel nominal. On inscrira sur le procès-verbal ceux qui auront prêté le serment; ceux qui ne s’y trouveront pas auront encouru la destitution. M. Cliasset. Vous ne pouvez vous dispenser d’adopter cette proposition. Le décret porte que chaque ecclésiastique fonctionnaire public, membre de cette Assemblée, sera tenu de retirer du procès-verbal et d’adresser à sa municipalité le certificat de son serment, à peine de déchéance de son office. Plusieurs membres demandent la question préalable sur la motion de M. de Bounay. (L’Assemblée décide qu’il y a lieu à délibérer ; et cette motion est adoptée.) M. le Président. En conséquence des ordres de rassemblée, j’interpelle les ecclésiastiques fonctionnaires publics, membres de cette Assemblée, présents, et qui n’ont pas prêté le serment décrété, de monter à la tribune pour se conformer au décret. Voici la formule : « Je jure de veiller avec soin sur les fidèles du diocèse (ou de la cure) qui m’est confié, d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi. » Ceux qui voudront prêter le serment diront : Je le jure. M. Fandrin, curé de Garencières. Je prête le serment conformément au décret. {On applaudit.) M. Couturier, curé de Salives. J’offre de prêter le serment, en réservant ..... M. de Bonnal, évêque de Clermont, paraît à la tribune. Plusieurs voix .-Prêtez le serment pur et simple sans réserve. M. de Bonnal, évêque de Clermont. Il est bien étonnant qu'un certain nombre de membres s’arrogent la parole et nous obligent à rester comme des statues ; il est bien étonnant qu’on nous ferme fa bouche, pendant que d’autres parlent tant qu’ils veulent. Adoptant le sentiment de l’Assemblée que je prends pour modèle, et qui a dit n’avoir pas entendu toucher au spirituel, je prétends faire ainsi mon acte. M. le Président. L’Assemblée a décrété, dans toutes les circonstances, qu’elle n’entendait pas toucher au spirituel. {La partie gauche applaudit.) M. de Cazalès. Le devoir du président est de déclarer le vœu de l’Assemblée. Je demande si c’est là son vœu, et je fais la motion qu’elle le déclare positivement. M. le Président. Ne se présente-t-il plus personne pour prêter serment ? (Il se passe un quart d'heure dans le silence.) M. de Cazalès. Je demande que l’Assemblée 2