[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mars 1790.] 378 soit à ses créanciers, qui auraient fait les diligences, et se seraient mis en règle pour toucher. Et cette administration bienfaisante durera pendant trois années, passé lequel temps, le propriétaire, manifestant une volonté absolue d’abandonner sa propriété, elle sera mise à l’enchère avec le moins de frais possible, et les administrateurs se rempliront de leurs capitaux et déboursés. M. Lanjuinais. Je demande que ce plan soit imprimé et renvoyé au comité des impositions. M. Dnpont {de Nèmours). Ce projet n’est pas neuf ; il est connu de tout le monde, c’est celui de M. Ferrières, de M. l’abbéd’Espagnac, deM. Rei-gnier ; en un mot, c’est la banque d’Ecosse, Je considère ce plan comme dangereux dans son organisation et dans ses effets ; j’ajoute qu’il a un très grand inconvénient, celui d’être inexécutable. J’ai dit que ce plan était dangereux, parce que si tous les propriétaires ont la possibilité d’emprunter, ils emprunteront presque tous ; et c’est une règle générale, que les prêteurs s’enrichissent quaud les emprunteurs se ruinent. J’ajoute que ce ne serait pas remplir le vœu des contribuables, que de verser leurs contributions dans les caisses des prêteurs territoriaux ; j’ajoute aussi que cette caisse n’aura jamais la possibilité de remplir tous ses engagements. Je conclus à ce que le projet soit renvoyé à l’examen de la dixième législature. M. Rœderer. Je ne pense pas avec M. Dupont que le plan qui vous est présenté doive être renvoyé à la dixième législature. Je conviens cependant avec le préopinant que ce plan présente peut-être, dans le mode d’exécution, tous les inconvénients qu’il vous a fait remarquer; mais j’observe aussi qu’il présente d’un autre côté des avantages bien grands ; je le crois digne d’une sérieuse discussion, et j’en demande le renvoi, non au comité des impositions, mais au comité des finances. M. Lanjuinais. Vous ne voudrez pas condamner, Messieurs, d’après l’avis d’un seul homme, le plan de M. Pétion de Villeneuve. Il est bien connu que ce plan a deux sortes d’ennemis, les économistes et les marchands d’argent. Moi, qui ne suis ni l’un ni l’autre, j’ai cru voir, dans l’exécution de ce projet, des avantages incalculables ; je demande donc qu’il soit imprimé, renvoyé au comité des finances, et discuté ensuite dans l’assemblée générale. M. Fréteau appuie l'avis de M. Lanjuinais, et conclut delà même manière que lui. M. lie Coultéuxde Cantelen. Je connais ce plan depuis longtemps; je l’ai médité avec réflexion, et j’avoue que jai été séduit des avantages qu’il présente. Mais j’avoue aussi qu’il m’a paru toujours défectueux, relativement aux hypothèques. Je demande donc qu’ilsoit nomméune commission chargée de s’occuper de la partie des hypothèques. Le travail de cette commission devra s'accorder avec le reste du plan. M. Bonchotte. Le comité des finances est surchargé de travail. Je demande que ce plan soit renvoyé au comité d’agriculture et de commerce. M. le marquis dé Foucault demande qu’on nomme un député par département pour l’examen de ce plan. L’Assemblée décrète : 1» que le comité des finances et celui d’agriculture et de commerce nommeront chacun six membres pour examiner le plan présenté par M. Pétion de Villeneuve ; 2° que l’auteur du plan sera admis dans le comité, pour répondre aux différentes questions qui pourraient lui être faites; 3* que ce plan sera imprimé et distribué. M. le Président fait lecture d’une lettre datée de Lausanne, en Suisse, dans laquelle M. d’An-traigues se disculpe des propos qu on lui impute d’avoir tenus en passant par la ville de Bourg-en-Bresse. Cette lettre est ainsi conçue : Lausanne, le 20 mars 1790. Monsieur le Président. C’est avec la plus grande surprise que j’ai appris ce matin, 20 mars, en lisant les papiers : Nouvelles de France, que j’étais inculpé dans l’Assemblée nationale et que les motifs de cette inculpation étaient les propos incendiaires que l’on m’accuse d’avoir tenus à Bourg-en-Bresse, et notamment d’avoir excité les citoyens à ne pas payer la contribution patriotique, de les avoir menacés de la banqueroute, en blâmant les décrets de l’Assemblée. Je ne peux répondre à ces allégations, qu’en vous exposant quelle fut ma conduite à Bourg-en-Bresse. J’y arrivai malade, le 5 mars, à sept heures du soir. Je fus conduit dans une chambre où je restai sans en sortir un seul instant, jusqu'au lendemain 6 mars, que je partis à 6 heures du matin. Je n’ai vu pendant tout ce temps qu’une seule personne qui habite le bourg en ce moment, que je priais de me venir voir, et qui passa deux heures avec moi. Nous causâmes seuls sur les affaires publiques; et pendant ce temps, il se peut que le maître du logis soit entré dans ma chambre; mais eût-il, lui ou tout autre, écouté toute notre conversation, je vous donne ma parole que je ne tins pas un seul des propos que l’on m’impute et que je parlai beaucoup plus des troubles intérieurs des provinces et de leur origine, que de ce qui se passait à Paris. Questionné ainsi que le sont maintenant tous les voyageurs, j’ai dit qu’il fallait espérer que tout s’arrangerait; et c’est tout ce que je peux dire sans trahir mon opinion. Je n’ai caché mon nom nulle part ; je n’ai point recommandé de le taire et ce ne peut être un tort, car ceux qui voyagent avec les coupables projets de soulever les peuples et de les rendre furieux, agissent beaucoup, mais ils ne se nomment pas. Pardon, Monsieur le Président, de vous occuper de ces détailssi petits, si minutieux; mais pouvais-je les éviter? L’accusation elle-même est une inquisition odieuse ; il faut bien que je vous dise ce qui s’est passé dans ma chambre, puisque je n’en suis pas sorti un seul instant, et avec qui j’ai parlé pendant mon séjour à Bourg-en-Bresse, puisque je n’y ai vu personne, autre que celui que j’ai prié de me venir voir. Après avoir justifié mes discours, j’en prouve la vérité par ma conduite extérieure. Je n’ai pas toujours été de l’opinion quia formé tous les décrets de l'Assemblée et je pense encore comme je pensais en m’y opposant ; mais en gardant mon opinion, j’ai toujours soumis ma conduite aux décrets. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 127 mars im] 374 Dès le mois de février, j’ai remis ma déclaration à la municipalité d’Aysac en Vivarais ; vous pouvez ordonner qu’elle vous soit envoyée ; vous y verrez que je ne déclare pas la quotité de ma fortune en bloc, comme le décret m’y autorisait, mais je la déduis article par article en appuyant chaque article de la preuve justificative. Vous savez, Monsieur, que ne touchant rien de mes droits féodaux, quoique tous remboursables, j’ai pris des arrangements pour que le quart de ces revenus, qu’on me retient, soit payé pour payer le quart que nous donnons tous, pour cette protection de la loi, que je n’ai pas encore obtenue pour toucher la totalité. Tels furent mes discours, telle a été ma conduite; je désire qu’en tout temps elle soit soumise à toutes les inquisitions imaginables. Mes opinions sont à moi; je n’en peux changer, mais mes actions doivent être conformes à la loi ; elles n’y seront jamais contraires. Veuillez, si vous le jugez convenable, lire ma lettre à l’Assemblée. Je suis avec respect, etc. Signé : le comte d’àntraigues, député. M. de Foucault. On a inséré l’autre jour dans le procès-verbal la plainte qui avait été faite contre M. le comte d’Antraigues. Je demande que sa lettre y soit insérée aujourd’hui. M. Gautier des Orcières. Avant d'être sûr si le comte d’Antraigues est entièrement disculpé, je demande qu’on attende des renseignements qui doivent m’être fournis par la municipalité de Bourg en Bresse, dont j’ai l’honneur d’être député : j’observe que cette municipalité fait actuellement informer contre M. le comte d’Antraigues. (L’Assemblée ne délibère pas sur l’insertion de la lettre au procès-verbal.) Plusieurs membres demandent que la discussion de l’instruction pour les colonies soit remise à lundi, mais l’Assemblée persiste dans son ajournement à demain. M. le Président annonce, en conséquence, que cette affaire, ainsi que la suite de la discussion du rapport du comité des finances sur la contribution patriotique, formeront l’ordre du jour de demain; que celui de ce soir sera l’affaire de Vernon, celle de Marseille, et la suite des articles sur la réformation de la jurisprudence criminelle. Après quoi, il lève la séance en invitant l’Assemblée à se rendre dans ses bureaux pour y procéder à l’élection d’un nouveau président et de trois secrétaires. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. PRÉTEAÜ, ANCIEN PRÉSIDENT. Séance du samedi 27 mars 1790, au soir (1). M. Fréteau, ancien président, ouvre la séance à six heures du soir. M. Gossid, l’un de MM. les secrétaires, fait lecture des adresses suivantes ; (1) (Jette séance est incomplète au Moniteur, Adresses des nouvelles municipalités de la communauté de Grateloup en Agenois, de Bois-Bernard, d’flonnecourt, de Ganchin-Legal et de Brebière en Artois, de Bissey-la-Pierre, de Vaux enBugey, d'Acheville, d’Apremont, de Saint-Jent, d’Avrilly, de Rouvroy, de Gournèse en Languedoc, de Nailloux, de Saint-Simon en Angoumois, de Brantôme, de Rie, de JuzigDac et de la Barrère près de Condom, des villes de Sainte-Marie, d’Hon-lleur, d’Aubagne et de Bailleul en Flandres. De la communauté de Marigny-le-Ghâtel; elle porte plainte contre l’administrateur de son hôpital, qui refuse de rendre compte. Des communautés de Bourg-Campagne, deDrin-cham, Saint-Pierre-Broug, Loobergue, Bronlterque et Chapellebroug en Flandre maritime; elles supplient l’Assemblée d’ordonner à l’ancienne municipalité de la ville de Bourbourg, qui les régissait, de procéder à la liquidation de son compte. De la communauté de Spevret en Poitou; elle accuse la commission intermédiaire de Poitiers d’avoir augmenté la capitation des habitants, de sa propre autorité, De la ville de Beaumont-le-Roger en Normandie ; elle consulte l’Assemblée sur une difficulté relative à la démission d’un de ses officiers. De la communauté de Parnans en Dauphiné ; elle demande un tribunal de district pour la ville de Romans. De la ville d’Audierne en Bretagne; elle demande que le monastère des capucins qu’elle renferme soit érigé en collège ou école de marine. De la ville de Pont-l’Abbé enSaintonge; elle demande des armes pour la plus grande partie de sa garde nationale. Adresse des officiers de la châtellenie royale de la ville de Felletin ; ils prêtent entre les mains de l’Assemblée le serment civique, et demandent que cette ville soit le siège d’un tribunal de district. Adresse des religieux de l’abbaye de Longeville dans la Lorraine allemande, qui, pénétrés de la plus vive reconnaissance pour le bienfait signalé que l’Assemblée vient de leur accorder en les rendant à la société, la prient d’agréer leurs sincères remerciements et l’hommage de leur profond respect pour ses sages décrets. Ils prêtent, entre les mains de l’Assemblée, le serment civique, comme le premier acte de la liberté qu’ils vont employer à l’utilité et à l’avantage de la patrie. Adresse des non-catholiques Français, domiciliés à Lyon, par laquelle ils expriment avec énergie les sentiments d’admiration, de reconnaissance et de dévouement dont ils sont pénétrés pour l’Assemblée nationale. Adresse de la ville de Buis, chef-lieu du district des Baronies en Dauphiné, département de la Drôme, dont le corps municipal, assemblé pour lire le discours du roi, adressé à cette ville par son député, a prêté le serment civique, et a reçu, avec la plus grande solennité, celui de la garde nationale. Cette ville ajoute au don patriotique, par elle précédemment fait, du produit de la contribution des ci-devant privilégiés, sa portion lui revenant sur le capital de 25,000 livres constitué au profit des communautés des Baronies, au profit des Etats de Bretagne. Déclarations delà commune d’Ossun enBigorre, laquelle offre à la nation une lampe d’argent, valant 708 livres, et la somme de 350 livres formant le quart du revenu de sa fabrique; et, pour éterniser le souvenir de la journée du 4 février, elle a délibéré de renouveler chaque année, à la