ARCHIVES PARLEMENTAIRES [18 septembre 1790.] 48 [Assemblée nationale.] tor. Ce même procès-verbal vous fera connaître, Monsieur, les événements qui ont déterminé l’Assemblée générale de Saint-Domingue à se rendre dans le sein de l’Assemblée nationale, et la nécessité où j’ai été de céder au désir qu’elle avait de passer sur le vaisseau, pour se soustraire aux prescriptions et éviter l’éffusiondu sang qui était prêt à couler, M. de Peynier ayant envoyé deux armées pour la dissoudre par la force. «Cent citoyens de Saint-Domingue ont donc passé sur le vaisseau , où je n’ai pu leur donner les aisances auxquelles ils sont accoutumés, tant par la nécessité locale qu’il y avait à se les procurer, que par le peu de temps qui s’est écoulé entre le décret et l’embarquement. « J’ai été bien secondé par MM. Eyrat et Ergot, sous-lieutenants de vaisseau, qui, avec M. de Tressemane, élève de la seconde classe, formaient tout mon état-major. « J’ai tiré parti de la capacité du maître d’équipage et du maître pilote, à qui j’ai confié un quart, qu’ils ont commandé avec intelligence ; je dois également des éloges à la subordination de l’équipage. « Je vous rendrai compte, Monsieur, que j’ai rencontré dans les débarquements de Saint-Domingue, un convoi de trente-cinq voiles, commandé par un vaisseau de cinquante qui les escorte, faisant roule pour l’Europe. « Je suis avec respect, etc. « Signé : Baron de Santo-Domingo. >» Il est aussi fait lecture d’une lettre du sieur d’Augy, se disant président de l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, écrite à bord du vaisseau le Léopard le 12 de ce mois, par laquelle il prie M. le Président de remettre lui-même au roi l’adresse contenue dans le paquet. Il joint à sa lettre différents procès-verbaux destinés à être mis sous les yeux de l’Assemblée nationale. Après la lecture de ces différentes dépêches, l’Assemblée ordonne le renvoi de celles qui concernent la colonie de Saint-Domingue au comité colonial. Elle ordonne également le renvoi au comité de marine, de la lettre du ministre, et de la copie de celle de M. de Santo-Domingo. Quant aux paquets insérés dans la lettre du sieur d’Augy, il est ordonné que M. le Président les renverra à M. le garde des sceaux pour les remettre à leur adresse. M. de Montcalm. Il y a trois questions dans les pièces qui viennent d’être lues. La plus urgente est celle qui concerne le vaisseau La Ferme. Je propose qu’il soit enjoint à la municipalité de Brest de la laisser partir. M. d’Fstourmel. Gela ne suffit pas et je demande que la municipalité soit mandée à la barre. M. de Foucault. Il est temps de mettre un frein à l’aristocratie des municipalités. J’appuie la motion qui vient d’être faite de mander à la barre la municipalité de Brest pour s’être opposée aux ordres du roi. M. Démeunier. Yoici le projet de décret que je vous propose : « L’Assemblée nationale, délibérant sur la lettre adressée par le ministre de la marine de la part du roi, en date du 17 de ce mois ; «Considérant qu’aucune municipalité ou corps administratif ne peut, sous aucun prétexte, arrêter ni suspendre le départ d’aucun bâtiment de guerre, ordonné par Sa Majesté, « Décrète que le roi sera prié de faire parvenir incessamment le présent décret dans tous les ports, et de donner ses ordres en conséquence. » (Ce projet de décret est adopté.) M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur le mode de liquidation de la dette publique. M. de Talleyrand, évêque d'Autun (1). Messieurs, il s’agit, non pas seulementdedisposerd’une propriété nationale et d’en recueillir le prix ; mais de décréter une opération qui tient essentiellement à l’économie politique, à la restauration des finances et au rétablissement du crédit. Cette opération est de la plus grande importance. Il faut tout dire avant le décret de l’Assemblée ; et le décret rendu, qu’elle qu’ait été l’opinion particulière, il faut tout faire pour assurer le succès de l’opération que vous aurez déterminée. L’intérêt que je prends à cette question est extrême ; il s’y mêle même quelque chose de personnel : car je serais inconsolable si, de la rigueur de nos décrets sur le clergé, il ne résultait pas le salut de la chose publique. Il est nécessaire de retirer les domaines nationaux de l’administration commune: il est important de les vendre le plus cher et le plus promptement possible ; il faut en employer le prix à la diminution de la dette. Tout cela est reconnu et en partie décrété. J’ai proposé, pour créer une nouvelle classe d’acquéreurs en présence de cette nouvelle quantité de biens à vendre, d’admettre directement à l’acquisition les créanciers de l’Etut eux-mêmes. Cette opinion, longtemps combattue, a maintenant peu de contradicteurs. On diffère encore sur les moyens d'exécution ; celui que j’ai indiqué est de donner aux titres des créanciers de l’Etat une valeur monétaire, seulement vis-à-vis de la caisse de l’extraordinaire, pour payement des domaines nationaux. Celui qu’ou y oppose est de convertir ces titres en un papier qui est une valeur monétaire générale et forcé pour tous les objets, en assignats. Je vais me conformer à l’ordre du jour, et traiter la question d’une émission de deux milliards d’assignats sans intérêts, et d’une circulation forcée. L’opération étant générale et touchant à tous les intérêts de la société, je ne la considérerai que dans son ensemble, et je ne m’arrêterai point aux dangers des contrefaçons, à ceux des petits billets et à tous les autres inconvénients de détails sur lesquels on a suffisamment averti votre prudence. Enfin, ne perdant jamais de vue la majesté de l’Assemblée nationale et le bien public qui doit être uniquement l’objet de nos discours, j’écarterai d'une discussion où il ne s’agit que d’éclairer la raison, toutes ces armes empoisonnées, étrangères à nos débats, et dont on s’est pourtant servi trop souvent et avec trop d’avantage. Et, par exemple, avec quel art n’a-t-on pas cherché à intéresser la morale et la pureté de (1) Nous reproduisons le discours de M. de Talleyrand d’après l’impression ordonnée par l’Assemblce nationale et annexée au procès-vernal. Cette version diffère légèrement de celle du Moniteur.