[Convention nationale.] AUCHIVES PARLEMENTAIRES, j fnîvembreîTO 405 IV. ADRESSES DU DISTRICT ET DE LA SOCIÉTÉ RÉPU¬ BLICAINE DE CASTEU ALOUX, DÉPARTEMENT DE LOT-ET-GARONNE (1). Suit un extrait de ces adresses d'après le Bul¬ letin de la Convention (2) : Le district de Casteljaloux, département de Lot-et-Garonne, ainsi que les autorités consti¬ tuées, prient la Convention de rester à son poste tant que dureront les dangers de la patrie. Ces mêmes autorités constituées font également la demande d’un grenier d’abondance dans chaque district. La Société républicaine du même endroit prie également la Convention de rester à son poste, surtout dans un temps, dit-elle, où elle a besoin de toute son énergie pour sauver la patrie et écraser les traîtres. ANNEXE &T° 1 A LA SÉANCE DE LA CONVENTION NATIONALE DU 15 BRUMAIRE AN II. (MARDI 5 NOVEMBRE 1793). Rapport (3) par Jean-Bon-Saint-André, sur LES MOUVEMENTS QUI ONT EU LIEU SUR L’ES-cadre de la République, commandée par le vice-amiral Morard de Galles, et sur SA RENTRÉE A BREST, FAIT AUX REPRÉSEN¬ TANTS DU PEUPLE AUPRÈS DE L’ARMÉE NA¬ VALE. (Imprimé par ordre de la Convention. ) Au moment où le port et l’escadre de Toulon venaient d’être livrés aux Anglais, des mouve¬ ments dangereux se sont fait ressentir à bord de la flotte de l’ Océan, commandée par le vice-amiral Morard de Galles. Chargés par la Con¬ vention nationale de remonter à la source de ces mouvements, et d’y apporter remède, vous devez à la confiance dont elle vous a honorés, vous devez surtout aux marins qu’on a voulu égarer, de mettre au grand jour les trames qui ont été ourdies contre le bien public, de faire connaître les mesures que vous avez prises pour déjouer les complots des méchants, et de com¬ pléter ces mesures par celles qui vous restent encore à prendre pour sauver la marine de la République. Avant la prise de Toulon, la France était la puissance maritime la plus redoutable de l’Eu¬ rope. 18 vaisseaux de la première force, armés sur la Méditerranée, 12 en radoub ou en cons-(1) Les adresses du district et de la Société répu¬ blicaine de Casteljaloux ne sont pas mentionnées au procès-verbal de la séance du 15 brumaire; .mais on en trouve des extraits dans le compte rendu de cette séance publié par le Bulletin. (2) Supplément au Bulletin de la Convention natio¬ nale du 5e jour de la 2e décade du 2e mois de l’an 11 (mardi 5 novembre 1793). (o) Voy. ci-dessus, même séance, p. 369, la lettre de Jean-Bon-Saint-André annonçant l’envoi de ce rapport. (4) Bibliothèque nationale : 102 pages in-8° Le12, n° 39. Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection Portiez (de l'Oise ), t. 10, n° 5. traction, un grand nombre de frégates pou¬ vaient disputer avec avantage l’empire de cette mer aux Anglais et aux Espagnols réunis. Sur l’Océan, la plus belle flotte de l’univers, com¬ posée de 22 vaisseaux de ligne, des ressources immenses dans les ports de Brest, de Rochefort et de Lorient, étaient l’objet de la terreur et de la jalousie des Anglais, l’effroi des aristo¬ crates et des fédéralistes du dedans. Il fallait détruire, à tout prix, anéantir, livrer à nos plus cruels ennemis ce boulevard de notre sûreté; favoriser les communications avec les rebelles de la Vendée; doubler leurs moyens; fournir aux partisans de Roland et de Brissot l’occa¬ sion et le prétexte de se réunir aux fanatiques révoltés, et de travailler de concert avec eux pour le renversement de la République. Toulon avait été vendu; mais l’activité et le courage de Carteaux avaient conservé Marseille à la France, et il n’était resté aux marchands contre-révolutionnaires de cette ville que la honte et l’opprobre d’avoir tenté infructueusement d’é¬ changer la liberté du peuple pour de l’or. Les départements du Midi, indignés d’avoir été trompés, s’empressaient d’abjurer leur erreur; tous couraient en armes vers Toulon; les hau¬ teurs qui environnent cette ville étaient saisies, et l’ennemi ne pouvait faire un pas pour péné¬ trer dans l’intérieur du territoire de la liberté. Les projets de Pitt et de ses complices étaient déconcertés, si la marine de l’Océan conservait sa supériorité. Il n’était pas facile de corrompre les braves républicains qui composaient les équi¬ pages de la flotte du Ponent. On mit en œuvre tous les moyens de les tromper. Les principaux agents de ces trames perfides paraissaient être ces mêmes députés qui, chassés trop tard du sein de la Convention, avaient porté dans les départements la rage dont ils étaient dévorés contre la République, et le désir de tout bou¬ leverser pour se venger de ces fiers républicains qui avaient eu le courage de les démasquer. Quelques-uns d’entre eux appartenaient aux départements formés de la division de la ci-devant Bretagne. Leur correspondance menson¬ gère et calomnieuse avait dès longtemps pré¬ paré les esprits à seconder leurs vues criminelles. Kervélégan, Blad et Gomaire avaient alarmé le Finistère sur le sort de la Convention; ils écri¬ vaient qu’ils n’étaient pas libres, qu’ils délibé¬ raient sous la hache des assassins; ils ajoutaient que quand leurs lettres parviendraient, peut-être n’existeraient -ils plus. C’est ainsi que Gen-sonnô s’énonçait dans les lettres qu’il écrivait à Bordeaux. Le ton et l’expression des conspi¬ rateurs étaient les mêmes partout. Les villes principales avaient recueilli avec avidité le poison distribué par ses corrupteurs. Rennes, Lorient, Vannes, Saint-Malo, Nantes e; Quimper s’étalent fôdéralisés. Les bons patrio¬ tes, les uns trompés, les autres persécutés, ne pouvaient plus faire entendre leurs voix. La contre-révolution était faite sur terre. Que man¬ quait-il si l’on parvenait à la faire sur mer? Brest était surtout l’objet de la convoitise des chefs de la faction; ils avaient fait des ten¬ tatives inutiles pour être reçus à Saint-Malo. Leurs propositions avaient été rejetées avec hor¬ reur. Sûrs de Marseille et de Toulon, comptant sur le succès des menées de leurs complices à Bordeaux, ils aspiraient à s’emparer encore du premier port de la République. Comment la ville de Brest avait-elle pu oublier son antique gloire? L’un des plus fermes appuis de la Révolution en [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [�novembre 406 1789, elle avait contribué puissamment, en 1792, à la chute du trône; elle avait demandé avec énergie la mort du tyran, et l’établisse¬ ment de la République. Brest était la ville des hommes libres; et le retour des anciens privi¬ lèges, sous quelque forme, sous quelque cou¬ leur qu’ils se présentassent, devait révolter sa fierté, et indigner son patriotisme. Il n’est pour¬ tant que trop vrai que Brest a donné dans l’éga¬ rement. Une force départementale est partie de ses murs pour aller protéger les députés fugitifs, retirés dans le Calvados; et vous avez la preuve écrite de la main d’un de ces traîtres, qu’ils tra¬ vaillaient à mettre cette ville en insurrection, et qu’ils espéraient d’y trouver un asile contre la vengeance nationale. Ce n’était cependant pas le crime du peuple, toujours bon, toujours juste, qui veut la paix et le bonheur, et qui ne peut trouver l’une et l’autre que dans le main¬ tien de l’ordre public. Mais à Brest, comme ail¬ leurs, il existait des hommes pour qui la Ré¬ volution était un objet de spéculation bien plus que de patriotisme, et qui n’avaient consenti à adopter les principes de la liberté que sous la condition tacite que ce serait à leur profit, et qu’ils prendraient la place des privilégiés qu’ils haïssaient, non par un sentiment de jus¬ tice et d’humanité, mais par un sentiment d’amour-propre et d’orgueil. Ces hommes étaient les guides en quelque sorte de l’opinion. Mem¬ bres et orateurs de la Société populaire, ils se servirent de leur influence pour accréditer le système dangereux des ennemis du peuple. Ils conduisirent par degrés ce peuple à conspirer contre lui-même. Ils firent plus, ils se déclarè¬ rent ouvertement les soutiens et les protecteurs des députés proscrits; et quand il leut fut dé¬ montré qu’il y avait du danger pour eux de se montrer à découvert, ils n’en persistèrent pas moins dans leurs projets. Ils y mirent seulement plus de mystère; ils favorisèrent l’évasion des factieux, leur fournirent une barque pour les transporter dans la rivière de Bordeaux, les ac¬ compagnèrent de nuit jusqu’au lieu de rem¬ barquement, et mirent à enfreindre les lois toute cette application de leur esprit dont ils faisaient usage à la tribune pour répéter sans cesse qu’il fallait les défendre contre les pré¬ tendus désorganisateurs qui n’en voulaient pas. Les autorités constituées de Brest, le district, la municipalité, les tribunaux, ou préparèrent le piège, ou y donnèrent tête baissée. Or, quelle ne devait pas être sur la flotte l’influence de l’erreur, volontaire ou non, des autorités consti¬ tuées? Les fédéralistes donnaient la main à l’aristo¬ cratie, et la même remarque qui a été faite par rapport 4 la flotte de Toulon, s’applique à celle de l’Océan. Le choix des officiers, en supposant qu’il ait été fait avec réflexion, ne peut être attribué qu’à la plus perfide malveillance. Des ci-devant nobles; des officiers de l’ancien corps de la marine, qui s’intitulaient avec un faste servile du nom de marine royale, jusqu’à des hommes soupçonnés d’émigration ou de com¬ plicité avec les rebelles de la Vendée, avaient obtenu l’honorable emploi de conduire au com¬ bat des républicains. Revêtu de leur ancien uni¬ forme, ou alliant avec le nouveau les boutons et les distinctions de l’ancien, on les voyait sur leurs bords braver ouvertement l’autorité na¬ tionale, enfreindre la loi, quand ils réclamaient, au nom de cette même loi, l’obéissance passive de la part des équipages. Insouciants et inactifs, j ils faisaient le mal qu’ils n’empêchaient pas, et se mettaient peu en peine de gagner la confiance par cette conduite ferme et courageuse qui main¬ tient la discipline par la vertu et le patriotisme des chefs. On doit ajouter à cela, que de grandes fautes ont été commises de la part du gouvernement. La station de Quiberon, assignée à la flotte, était mauvaise sous tous les rapports. Mauvaise politiquement ; la côte adjacente, peuplée de fa¬ natiques, où l’on avait souffert qu’on recrutât, pour ainsi dire, publiquement pour la Vendée, où les assignats étaient sans valeur, où la mon¬ naie métallique, au coin de la République, avait même une valeur très inférieure à celle qui por¬ tait l’effigie de l’ancien tyran, où le matelot exposé chaque jour à des séductions, ne se pro¬ curait que difficilement les objets nécessaires à. ses besoins, présentait mille dangers : mauvaise militairement ; car outre l’inconvénient de laisser dans l’oisiveté d’un mouillage se consumer et s’éteindre l’ardeur des défenseurs de la patrie, qui, dans une croisière active, auraient pu por¬ ter les coups les plus funestes au commerce de l’ennemi, il était possible que la flotte, attaquée par les Anglais, fût réduite à la nécessité de s’em¬ bosser et de se brûler, pour ne pas tomber entre leurs mains, et que la marine française fût dé¬ truite en un jour : mauvaise enfin sous le rap¬ port de la discipline, puisque des hommes uti¬ lement occupés de leurs devoirs, ne songent qu’à devenir meilleurs chaque jour, tandis que l’oi¬ siveté mine sourdement toutes les vertus, et conduit à l’erreur ou à l’égarement les âmes même les plus fortes. D’après divers rapports, il paraît qu’il avait été fait aux matelots sur la côte de Quiberon, des propositions qui ne tendaient à rien moins qu’à la perte de la flotte. On leur avait offert de l’or, s’ils voulaient couper les câbles des vais¬ seaux; on avait promis qu’ils ne manqueraient de rien, s’ils voulaient être parjures à leurs ser¬ ments. Qui est-ce qui faisait ces offres? des femmes. Mais par qui étaient-elles suggérées? Pourquoi la communication avec la terre, quoi¬ qu’elle ait été défendue, n’a-t-elle jamais été sérieusement interrompue? Pourquoi les chefs n’ont-ils pas tenu sévèrement la main à ce que leurs ordres à cet égard fussent exécutés ? N’exi¬ geons pas des hommes l’impossible. Si les ma¬ rins ont pu s’écarter un instant de leur devoir, qui s’en étonnera en voyant les séductions de tout genre dont ils étaient environnés? Il est bien plus étonnant que leur conduite ait tou¬ jours été patriotique, et que leur égarement même soit parti d’un principe pur d’attachement à la République. C’est ce que les faits prouve¬ ront. Tout avait été tranquille sur la flotte jusqu’au 6 août; aucun événement remarquable n’en a,vait altéré le bon ordre; et si quelques fautes de discipline avaient été commises, elles étaient légères. Mais, dans la nuit de ce jour, un grand délit fut commis à bord du vaisseau le Nor-thumberland, commandé par le citoyen Thomas. Des mains égarées sans doute par des contre-révolutionnaires, furent portées sur une pro¬ priété nationale; toutes les rides des haubans de misaine, une grande partie des rides des ga-Ihaùbans du petit mât de hune, les garants de caliorne de bas de misaine, les drisses du petit hunier, un galhauban du petit perroquet à b⬠bord, les haubans debout dehors, les écoutes du grand foc, la drisse du perroquet de fougue | Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. g « 40? et un des bâtards de racage, furent coupés en plusieurs endroits. Le dégât était grand, ü pou¬ vait compromettre, sinon le salut du vaisseau, au moins le bien du service. Si la flotte, mouil¬ lée alors à Belle-Isle, eût dû appareiller, le Nor-ihumberland n’aurait pas pu suivre l’armée. Il était impossible qu’un seul homme se fût rendu coupable d’un pareil crime. Le capitaine et les officiers en conviennent dans le procès-verbal dressé et souscrit par eux. Cependant ils ne fu¬ rent avertis du désordre que le 7 au matin. Ils firent des perquisitions pour en découvrir les auteurs; leurs soins paraissent avoir été cons¬ tamment infructueux. Les coupables apparte¬ naient-ils à l’équipage, ou lui étaient -ils étran¬ gers? Cette dernière hypothèse serait la plus vraisemblable, si, comme on nous l’a assuré, il y avait alors à bord du vaisseaü un grand nom¬ bre de personnes étrangères. Mais alors on se demanderait comment une pareille communica¬ tion était-elle permise ou tolérée? Le jour même, et dans ces parages, la flotte ne devait commu¬ niquer avec la terre qu’avec précaution; mais la nuit, toute permission devait être refusée; et si la communication avait lieu sans leur aveu, pouvait-elle leur être inconnue sans une extrême négligence de leur part? Un matelot fut soup¬ çonné, le jury le condamna à quatre jours de prison, pour des propos inciviques. La flotte continuait à partager ses mouve¬ ments, entre les mouillages de Belle-Isle et de Quiberon. L’objet de cette disposition était de prévenir ou d’empêcher une descente dans les départements insurgés. Mais la flotte à l’ancre ne fermait pas le passage de Noirmoutier; mais les relations des rebelles, la jonction des émi¬ grés s’opéraient principalement par Saint-Mar¬ tin. Des vaisseaux prétendus neutres ou améri¬ cains, sous prétexte de prendre des chargements de sel, vomissaient sur la côte voisine de Luçon les contre-révolutionnaires qui renforçaient l’ar¬ mée des fanatiques, et leur amenaient des mu¬ nitions de tout genre. Quelques bâtiments légers, stationnés dans ces parages, et des visites rigou¬ reusement exactes eussent suffi pour remédier au mal, et l’escadre entière, à la voile, eût ob¬ servé les mouvements de l’ennemi, et aurait été à même de manœuvrer, pour se porter partout où il aurait voulu tenter une descente en masse, si toutefois il l’eût entreprise. L’expérience nous a prouvé que ce n’était pas son dessein, et nos forces navales ont demeuré dans l’inaction, sans nuire aux débarquements particuliers et succes¬ sifs qui ont alimenté la Vendée. Il faut le dire : les équipages avaient peu da confiance en leurs chefs, et les officiers en avaient peu les uns à l’égard des autres. Les officiers de l’ancienne marine ne cachaient pas si bien leur morgue, qu’ils ne la laissassent éclater de temps en temps. Les officiers de la marine du commerce en étaient irrités. Deux partis étaient très prononcés dans les états-majors de l’esca¬ dre, ils n’attendaient qu’une occasion pour écla¬ ter. Et combien n’eût-il pas été malheureux que cette occasion eût été précisément celle d’un combat, où des passions particulières eussent pa¬ ralysé une partie de nos forces, et livré l’autre au feu de l’ennemi? Il y avait d’ailleurs dans le nombre des officiers, des intrigants avides de places et d’avancements, et plus d’une cabale sourde existait dans l’armée, ourdie par des hommes qui se disaient républicains; comme si des républicains pouvaient voir autre chose que l’amour de la patrie et l’honneur de la servir, dans le poste qu’elle leur a assigné; comme si tout avancement n’était pas avilissant, quand, au lieu d’être le fruit du mérite et des belles actions, il était dû à la bassesse de l’intrigue, N’en doutons pas, c’est au ferment de toutes ces causes qu’il faut attribuer la défection des équipages et la demande tumultueuse de leur rentrée à Brest. Les marins s’insurgeaient, et ils n’étaient que les instruments des amours-pro¬ pres particuliers qui agissaient sur eux à leur. insu. Le comité de Salut public avait été averti qu’un convoi hollandais, composé de plus de 100 voiles, devait faire route, à une époque fixe, pour les ports d’Espagne et de Portugal. Le ministre de la marine fut chargé de prendre les mesures né¬ cessaires pour' intercepter le convoi. Celui-ci donna ordre de détacher de l’escadre 5 vaisseaux, pour se porter à la hauteur par laquelle le con¬ voi devait passer. Un pareil ordre était de na¬ ture à demeurer secret; il fut bientôt éventé, Le général est convenu qu’il avait cru devoir en donner connaissance aux capitaines employés dans la division qu’il se proposait de détacher, Mais l’ordre d’établir leur croisière dans le pa¬ rage désigné pouvait suffire, et des instructions cachetées auraient appris en temps et lieu con¬ venables aux vaisseaux quelle était leur desti¬ nation. Cette division de la flotte accrut les mé¬ fiances qui existaient déjà. En même temps, on apprit la nouvelle désas¬ treuse de l’infâme trahison de Toulon. Il n’y eut qu’un cri parmi tous les marins contre les lâches qui avaient consenti à devenir esclaves des An¬ glais, et à les rendre maîtres d’une propriété nationale aussi précieuse. Les craintes s’accru¬ rent, la méfiance fut à son comble. Tout porte à croire qu’elle fut alimentée par la malveillance, et qu’on abusa du civisme des équipages, pour les porter à demander leur rentrée à Brest, Ce qui ne laisse presque aucun doute à cet égard, c’est que des rapports faits à l’escadre avaient annoncé qu’une flotte de 44 vaisseaux de ligne avait été aperçue dans la Manche, fai¬ sant voile vers le golfe. On ne douta point que l’escadre russe ne se fût réunie à l’escadre an¬ glaise. On ne vit de salut pour les vaisseaux de la République, que dans la précaution de s’embosser. Cette manœuvre ne fut point or¬ donnée, mais il circula parmi les équipages qu’elle allait l’être. Ce bruit fut répandu au moment où le général recevait un nouvel ordre de la part du ministre, approuvé par le comité de Salut public, d’aller à la rencontre du con¬ voi, et d’y marcher avec toute l’armée. L’ordre était inexécutable. Plusieurs vaisseaux man¬ quaient d’eau et de provisions, ou n’en avaient que pour peu de jours. Les difficultés se mul¬ tipliaient, l’aristocratie était aux aguets pour en profiter, et elle n’en manquait pas l’oc¬ casion. Un système de diffamation existait contre les officiers patriotes, et même contre les contre-amiraux. Produit par des causes et des motifs différents, il avait pour objeu, d’une part, de livrer la flotte à l’aristocratie, de l’autre, de sup¬ planter quelques officiers généraux et de s’em¬ parer de leurs places. Ces calomnies étaient ré¬ pandues avec une telle impudeur, que dans la nuit du 14 septembre, plusieurs canots parcou¬ rant la rade, semaient à bord des vaisseaux que le contre-amiral Landais avait fait fusiller, sans aucune formalité, quelques hommes de son équi¬ page, pour avoir voulu rentrer à Brest. 408 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Novembre om” Un fait qui mérite d’être particulièrement remarqué, c’est que les vaisseaux qui, les der¬ niers, avaient rejoint l’escadre, et notamment la Côte-d’Or, que ces vaisseaux, approvisionnés depuis peu, et qui pouvaient tenir la mer long¬ temps, ont été ceux qui ont allumé le feu de l’insurrection. Ces vaisseaux venaient de Brest : apportaient -ils l’esprit sectionnaire de cette ville ? Ce qui porte à le présumer, ce sont les deux faits suivants, l’un attesté par le contre-amiral Landais, l’autre constaté par un grand nombre de journaux qui ont passé sous nos yeux. Le premier porte que lorsque les équipages, dans un conseil tenu à bord de l’amiral, eurent arrêté d’envoyer deux députés, l’un auprès de la Con¬ vention, et l’autre auprès des représentants du peuple, il fut convenu que celui-ci irait d’abord à Lorient, et subséquemment à Brest si les re¬ présentants ne se trouvaient pas dans la pre¬ mière de ces villes. Le contre-amiral Lelarge proposa alors que dans la supposition même où le député trouverait à Lorient les représentants du peuple, il fût tenu d’aller jusqu’à Brest pour apporter aux familles des nouvelles des citoyens embarqués sur l’escadre. La proposition fut adoptée. La flotte avait nécessairement des cor¬ respondances journalières avec Brest. Où était donc la nécessité de l’envoi d’un courrier extraor¬ dinaire? Quel était le contenu des dépêches par¬ ticulières dont il était chargé? Les familles de Brest ne pouvaient pas être inquiètes sur le sort de leurs parents; et s’il était si important de les rassurer, pourquoi les citoyens qui appar¬ tenaient à d’autres villes n’ auraient -ils pas al¬ légué la même raison pour jouir de la même fa¬ veur? Le second fait ne présente pas de conjectures moins pressantes. L’insurrection avait déjà éclaté à bord de l’escadre, lorsqu’un caporal du détachement embarqué sur la Côte-d’Or, com¬ mandé par le capitaine Gohier, présente une adresse tendant à accélérer la rentrée à Brest. L’idée de cette adresse avait été suggérée par la lettre d’une femme de Brest, qui annonçait que les autorités constituées de ce port, et les chefs qui commandaient l’escadre étaient des¬ titués et mandés à la barre de la Convention nationale. On ne douta plus qu’une trahison infâme ne fût prête à éclore, quand on crut que la Con¬ vention avait des soupçons sur le civisme des administrateurs et des généraux. Cependant, à cette époque, la seule administration du dépar¬ tement du Finistère avait été frappée d’un dé¬ cret d’accusation. Les commandants de l’ar¬ mée navale n’avaient pas même été dénoncés. Mais la lettre qui contenait ces prétendues nou¬ velles, n’était -elle pas un appel indirect et très insidieux, fait par les fédéralistes de Brest aux marins de la République de venir à leur secours? Qu’on se rappelle que les députés proscrits avaient porté leurs regards liberticides sur Brest ; qu’ils avaient des intelligences dans la ville, et cette probabilité se changera en certitude. Ker-vélégan écrivait du 16 août : « Nous avons quelque espérance que Brest va se mettre en pleine insurrection. Nous n’en pouvons être bien instruits que demain à huit heures du matin. Vous saurez positivement et à temps la vérité, ce qui est très important : car si l’insurrection éclate franchement, il serait plus simple de sc réfugier dans les murs de Brest, que de passer la mer. » Une autre lettre écrite de Bordeaux par un député, mais dont on n’a pu saisir que la copie, disait : « Lyon et Marseille vont bien. Marseille qui d’abord avait lâchement fui, a pris sa revanche, et frotté d’importance Carteaux. Si nos amis étaient venus ici, peut-être eût-il été possible de renouer tout. On vous désire beau¬ coup ; hâtez-vous donc : vous trouverez toujours ici sûreté et même protection. » Quoi qu’il en soit, le vaisseau la Côte-d’Or fut celui d’où partirent les premières étincelles qui allumèrent la révolte, et ce vaisseau n’était réuni à l’escadre que depuis peu de jours. L’état-major et une partie de l’équipage paraissent avoir été composés de manière à produire sûre¬ ment l’explosion qu’on désirait. Le capitaine Duplessis-Grenedan n’avait pu obtenir du con¬ seil général de sa commune de certificat de ci¬ visme. Il en produisait un, mais ce certificat fut dénoncé faux au ministre de la marine qui en donna avis à Brest. Le cachet de sa municipa¬ lité avait été enlevé par les rebelles, le 15 mars, et le 20 du même mois, il avouait lui-même qu’il avait été forcé de les suivre. Aussi était -il soup¬ çonné d’avoir porté les armes pour eux, en qua¬ lité de commandant en second, ayant pour chef un ci-devant chevalier de Sy, lieutenant de vais¬ seau, provenant du Dugay-Trouin. Tel est l’homme à qui l’on avait confié la conduite du plus beau vaisseau de l’univers. Son lieutenant Guignace, l’enseigne Varoc, le sous-chef d’ad¬ ministration de Verneuil, n’étaient pas dans de meilleurs sentiments. Quelques marins de l’équi¬ page, les uns moteurs d’insurrection, les autres insubordonnés, provenaient du vaisseau la Bre¬ tagne, et avaient subi le jugement d’un jury et avaient été condamnés à la prison, pour cause de mouvements séditieux à bord de ce dernier bâtiment. Presque tous ces hommes étaient de Dieppe, et connus par leur fanatisme. Us di¬ saient fréquemment à leurs camarades qu’ils se¬ raient damnés, s’ils se battaient contre les prê¬ tres. Sur ce même vaisseau était un homme doué d’une âme ardente, d’un caractère impétueux et fortement prononcé. Cet homme était Beaus-sard, caporal surnuméraire da premier régiment d’infanterie de la marine. Né à Lille, le 13 jan¬ vier 1762, il avait été employé dès le commen¬ cement de la Révolution dans les bureaux de la municipalité, et il était nanti d’un certificat honorable, signé du maire et du greffier, portant qu’il avait toujours mérité la. confiance et l’es¬ time de la municipalité, tant par ses mœurs que par son civisme, dont il n’avait cessé de donner des preuves. Il avait été adjudant de la garde nationale de Lille, et ses chefs attes¬ taient qu’il avait fait le service depuis l’époque de la prise d’armes en 1789, avec la plus grande exactitude, et qu’il avait donné des preuves du plus pur patriotisme. Il avait resté à Lille pen¬ dant le bombardement de cette place, et il rap¬ portait une attestation qu’il s’y était conduit avec bravoure et distinction, portant partout les secours où le besoin l’appelait pour sauver de l’incendie ses concitoyens, ce qui lui avait mérité leur estime. Il avait prêté le serment ci¬ vique, dont il produisait l’acte, et il était muni de son passeport. Dans la relation écrite et si¬ gnée de sa main, il accuse le lieutenant du vais¬ seau et le commis aux revues d’avoir témoigné une joie indécente à l’ouïe de la nouvelle de la trahison de Toulon, tandis que l’équipage en était consterné et pénétré d’indignation. Il ne dissimule pas qu’il a désiré fortement que la flotte rentrât à Brest. Mais il donne pour mo- [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. | m" 409 tif, la crainte qu’on avait sur le sort du port et de l’escadre, fondée sur ce que les chefs ne méritaient pas leur confiance, les principaux étant de cette caste qui avait, par des atroces perfidies, exposé la patrie aux plus imminents dangers. Tout porte à croire que Beaussard était un patriote énergique, mais il était trompé. L’acharnement même qu’on a mis à déposer contre lui justifie sinon sa conduite, au moins son civisme. C’est ce même lieutenant, c’est ce même commis d’administration qu’il taxe d’a¬ ristocratie, qui l’inculpent le plus fortement dans des pièces écrites et soigneusement rédigées. Des officiers patriotes auraient facilement ra¬ mené cet homme à la raison et aux principes. On l’aigrit, ainsi que l’équipage, en changeant le nom du vaisseau, et lui donnant celui de la Ferme , sur lequel le traître Behague exerce dans les îles du Vent, son aristocratique piraterie. Dès lors ils se crurent déshonorés, et n’en insistèrent que plus fortement pour rentrer à Brest. La fermentation était telle que le contre-amiral Landais et le capitaine Duplessis - Gr enedan, étant à bord du général, l’équipage voulait partir sans attendre ses chefs; mais Beaussard s’y op¬ posa, et rappela sur ce point ses camarades aux �principes de la discipline. Beaussard a-t-il été un agent des contre-révoluüonnaires, ou seu¬ lement un patriote alarmé sur le sort de son pays, et qui, plus éclairé que ses compagnons d’armes, les a portés, par l’ascendant de ses lumières, à adopter et à soutenir son opinion? Cette dernière supposition paraît la plus vrai¬ semblable : cependant sa conduite est répréhen¬ sible, car il s’est érigé en orateur, il a provoqué la délibération de la force armée et la déso¬ béissance aux chefs. Mais qu’on se demande jus¬ qu’à quel point devait être affecté un ami de la patrie, quand le vaisseau sur lequel il était embarqué, avait pour commandant et pour offi¬ ciers des hommes qu’il avait vus sourire froide¬ ment à la trahison de Toulon? Les huniers furent hissés à bord de plusieurs vaisseaux, en signe du départ. Cette manœuvre ne pouvait être faite que par l’ordre du général, et il n’en avait point donné. Le général se con¬ duisit avec sagesse dans cette occasion. Il se porta successivement à bord des vaisseaux insurgés, les exhorta à amener les huniers, et l’obtint de la part de quelques-uns. Mais le général pro¬ voqua lui-même une assemblée délibérante, com¬ posée d’officiers, de matelots, de soldats de cha¬ que vaisseau, pour statuer sur le parti qu’il y avait à prendre dans la circonstance. La force armée ne peut pas délibérer, c’est une vérité fon¬ damentale, un principe essentiel, sans l’obser¬ vation duquel il n’y a plus de liberté. Si le gou¬ vernement cesse de diriger un moment l’action de la force physique, ou si celle-ci ne lui est pas constamment subordonnée, le despotisme le plus effrayant, le despotisme militaire s’éta¬ blit avec toutes ses horreurs. Le gouvernement avait tracé à l’amiral la conduite qu’il devait tenir; il avait reçu les ordres, il devait, il pouvait les exécuter. Plusieurs vaisseaux étaient demeu¬ rés fidèles à leur devoir. Dans le nombre même de ceux qui demandaient de rentrer à Brest, il en était peu qui l’exigeassent comme une me¬ sure impérieuse et nécessaire; en émettant leur vœu, ils promettaient d’obéir; les plus entêtés auraient suivi l’exemple de la majorité, si la fermeté alliée à la condescendance, eût su ma¬ nier les esprits. Le général eut de la condescen¬ dance, mais non de la fermeté. Il montra de la faiblesse, et le conseil proposé par lui s’as¬ sembla sur son bord. Après une discussion longue, dans laquelle on remarqua que quelques officiers, et notamment le lieutenant Dubourg, cherchaient à influencer les opinions, on arrêta d’envoyer deux députés, l’un auprès de la Convention, l’autre auprès des représentants du peuple, pour leur exprimer la nécessité où était l’escadre de rentrer à Brest, avec promesse néanmoins d’attendre le retour des députés, et de se conformer aux ordres dont ils seraient porteurs. Les députés nommés furent, pour la Convention, Antoine-Hyppolite Ver-neuil, soldat du 1er régiment de marine, en gar¬ nison sur le Juste ; et pour les représentants du peuple, Conor, timonnier sur la Côte-d’Or. Il ne nous est parvenu sur le compte du dernier au¬ cuns renseignements ni pour ni contre lui : mais Verneuil passait pour avoir été ci-devant capi¬ taine de cavalerie. Pour connaîre la valeur de ce bruit, et bien apprécier tous les faits, vous avez demandé à Verneuil de vous remettre les pièces légales qui constatent sa naissance, son état ou sa profession jusqu’au moment où il a été en¬ gagé dans l’infanterie de la marine, et son cer¬ tificat de civisme. Verneuil n’a pu vous exhiber aucune de ces pièces. Il y a suppléé par une déclaration écrite et signée de lui, de laquelle il résulte qu’il est né à Paris, faubourg Saint-G-ermain, paroisse Saint-Sulpice; qu’il a resté longtemps dans l’étude delà correspondance de la ferme générale, d’où il était passé au service de Hollande, et avait servi, en qualité d’écrivain de l’état-major, dans un régiment prêté par la France aux Hollandais, duquel il était déser¬ teur. Cette déclaration devra être vérifiée. Telle qu’elle est, elle n’est pas propre à inspirer une grande confiance en l’individu ; aussi avez-vous sagement arrêté qu’il serait mis en état de dé¬ tention. Les députés de l’escadre partirent pour se rendre à leur destination respective. Les repré¬ sentants du peuple, alarmés du péril dont elle était menacée, jugèrent nécessaire que l’un d’eux partît pour se rendre sur-le-champ à Quiberon. Le citoyen Tréhouart fut chargé de cette mis¬ sion. La fermentation, bien loin de se calmer après le départ des députés, ne fit que s’ac¬ croître. Les habitants de la côte, gangrenés d’aristocratie, de fanatisme ou de fédéralisme, avaient dit hautement que si l’ennemi attaquait nos vaisseaux, ils se déclareraient contre eux en faveur de l’ennemi. Malgré la promesse for¬ melle d’attendre le retour d�s députés, on exigea le départ de la flotte. Elle appareilla; le repré¬ sentant Tréhouart la trouva sous voile lorsqu’il arriva sur la frégate la Nymphe. Il requit le général de la conduire dans la rade de B elle-Ile. Le signal fut donné en conséquence, et l’es¬ cadre, après avoir manœuvré pour atteindre ce mouillage, y jeta l’ancre le lendemain 21 sep¬ tembre. Le représentant du peuple fit assembler sur-le-champ, à bord de l’amiral, un conseil com¬ posé des généraux et des capitaines de l’armée. Il les interrogea l’un après l’autre sur l’état de leur vaisseau, et sur le degré d’utilité qu’on pou¬ vait s’en promettre pour prendre la croisière désignée par le comité de Salut public, et ordon¬ née par le ministre. Un petit nombre répondit de la bonne volonté et de la docilité de leurs équipages; d’autres déclarèrent qu’ils man¬ quaient d’eau et de provisions; d’autres enfin se plaignirent de l’insurrection qui régnait à 410 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j lü brumaire an U leurs bords : tous conclurent, quand les ques¬ tions furent généralisées, qu’il était absolument nécessaire, pour le salut de la flotte, de la rame¬ ner promptement à Brest. L’arrivée du représentant avait produit une sensation heureuse parmi les équipages; mais bientôt les mouvements d’agitation et d’inquié¬ tude se manifestèrent de nouveau avec plus de force. Beaussard, dans sa déclaration, attribue cette inquiétude à l’espèce de mystère qu’on fit aux équipages des paroles et des sentiments du représentant du peuple. Les demandes de rentrer à Brest devinrent plus vives et plus tumultueuses que jamais. Le citoyen Tréhouart vit qu’il n’y avait plus moyen de reculer cette mesure, la seule qui restait pour sauver la flotte ; et d’après le vœu émis unanimement par les généraux et capitaines, il requit le vice-amiral de faire route pour ce port. Le eontre-amiral Landais avance, dans son mémoire, qu’il y avait des communications fré¬ quentes et secrètes entre l’état-major de la Côte-d'Or et celui du Terrible. Il dit même qu’il existait des signaux inconnus, qui se faisaient à l’insu du général, et qui sans doute avaient leur objet dans l’intention de ceux par qui et pour qui ils étaient faits. Je copie mot à mot les expressions du général Landais. « J’ai vu, dit-il, une partie des signaux que l’on a marqués dans le registre, qui ont été faits à bord du comman¬ dant, auquel nous n’avons pu rien comprendre; ce qui m’a fait penser qu’il y avait des signaux particuliers entre quelqu'un du bord du com¬ mandant, et d'autres à bord des autres vais¬ seaux. Ceci est relevé du registre des signaux faits à bord du commandant... Le 22 sep¬ tembre, à 6 heures du matin, deux flammes rouges au grand mât... Le 23, à 9 heures et demie, mât, une flamme rouge... Le 25, à 9 heures, pavillon damier, sans avoir vu aucuns bâtiments de l’armée faire des signaux... Le 27, à 3 heures et demie, pavillon œil de perdrix seul... Idem, pavillon yack au mât de mi¬ saine... Idem, pavillon bleu au mât de misaine. (Ce pavillon n’est pas dans la série)... Le 28, à 8 heures et demie, flamme rouge. » Le général Landais ajoute cette réflexion, qui est frappante : « J’observerai, dit-il, que si à bord du commandant on voulait empêcher que les trois colonnes se formassent telles qu’elles doivent être, il serait facile de le faire, et il n’y aurait que la colonne du commandant qui pourrait immédiatement le suivre, et ceux qui pourraient être avertis par des signaux parti¬ culiers, ce qui est facile à démontrer. » Or, de là, quels inconvénients ne pourraient pas s’en¬ suivre? Dans un jour d’action, quelques vais¬ seaux manquant de se réunir, seraient livrés à l’ennemi, et l’on perdrait à la fois et les forces de la République, et de braves gens qu’on aurait acquis par une perfidie la droit d’accuser d’insu¬ bordination ou de lâcheté. La flotte mouilla à Brest le 29 septembre. Les représentants Bréard et Tréhouart prirent les mesures que leur paraissait exiger le salut public ; ils mirent en arrestation plusieurs individus dé¬ signés par les divers procès-verbaux et journaux tenus à bord des vaisseaux. Prieur de la Marne et Jean-Bon-Saint-André, envoyés par la Con¬ vention nationale pour seconder le zèle de leurs collègues, Se sont portés dans la rade : ils ont visité successivement tous les vaisseaux, et ils ont eu la satisfaction de trouver dans la masse .générale des citoyens qui composent les équi¬ pages, de bons et braves républicains, pleins d’ardeur pour la défense de la patrie et la gloire du pavillon. Ils ont reçu l’expression de leurs sentiments, et le témoignage du regret dont ils étaient pénétrés d’avoir, par erreur, manqué une occasion importante de frapper les ennemis de la République. Tous ont demandé à grands cris qu’on leur ouvrît la carrière de l’honneur, et ils ont juré d’exterminer ces vils Anglais qui, sans s’embarrasser du choix des moyens, achètent au poids de l’or des traîtres, au Heu de combattre des hommes courageux et fidèles. Tels sont les faits ; il faut en déduire les résul¬ tats qu’ils présentent naturellement. Résultats généraux. Une vérité qui a dû frapper tous les esprits dans ce rapport, c’est que l’amalgame des ci-devant nobles, des officiers de l’ancienne marine avec les citoyens qui, de la marine du commerce, ont passé au service de la République, nuit essentiellement au bien de la chose publique. L’antique rivalité n’est pas détruite, elle existe encore dans toute sa force. D’un côté, l’orgueil de l’amour-propre et des distinctions; de l’autre, l’orgueil plus légitime de l’égalité, qui s’indigne qu’on veuille encore établir ou conserver une ligne de démarcation entre des citoyens tous égaux en droits, produit de grands maux, et en présage de plus grands encore, si on ne coupe le mal jusques dans sa racine. L’inimitié, quoi¬ que sourde, quoique extérieurement contenue par la loi, est au point que l’on vous annonce que plusieurs capitaines et officiers préfèrent d’aban¬ donner la mer, et d’aller sur les frontières com¬ battre à côté de leurs frères sans-culottes, plutôt que de voir les forces navales livrées à des hommes qu’ils regardent comme des traîtres. Ces marins expriment en ce point l’opinion géné¬ rale de la France entière, qui, lassée des com¬ plots éternels d’une caste qui n’a pas voulu s’honorer par la liberté, la condamne irrévoca¬ blement à la nullité politique sous tous les rap¬ ports. La première mesure à prendre doit donc être l’épurement de la marine, et la destitution pleine, complète, absolue, de tous les ci-devant nobles qui servent sur l’escadre, pour être rem¬ placés par des officiers qui joignent à la bra¬ voure et à la capacité l’amour de la patrie et celui de l’égalité. Une seconde vérité qui résulte des faits énon¬ cés, c’est qu’outre les ci-devant nobles, il existe dans la marine des intrigants qui font de l’hon¬ neur de porter les armes pour la liberté un objet de basse cupidité, ou de vanité puérile. Jaloux de leurs camarades, ils n’aspirent qu’à les de¬ vancer, et tous les moyens leur sont également bons, pourvu qu’ils augmentent en grade. De là les calomnies réciproques, les haines person¬ nelles, les divisions toujours dangereuses, mais qui le sont davantage à la mer, où les succès ne s’obtiennent que par un ensemble de mouve¬ ments, fruit de la confiance et de l’estime mu¬ tuelles. Ce sentiment est aussi une aristocratie, et la plus dangereuse de toutes. Il faut enfin élever les hommes au niveau de leurs devoirs; il faut qu’un grand exemple leur apprenne que la morale publique n’est pas une chimère. La base de tout avancement dans les États fibres, c’est le mérite et la vertu; il n’y en a point, il ne peut y en avoir d’autre : or, celui qui est jaloux du mérite d’autrui n’en a pas lui-même : [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. J �vembre rm 411 'celui qui emploie, pour obtenir des places, des moyens obliques ou immoraux, ne compte pas assez sur ses talents et sur ses vertus, ou il prouve qu’il n’en a point suffisamment pour lui faire un titre à la justice nationale. Que chacun, ferme à son poste, en remplisse exactement les fonctions ; qu’il se fasse remarquer par ses actions et sa bonne conduite, et que tous renon¬ cent enfin au commérage avilissant de l’ancien régime, où des agents corrupteurs et corrompus, des femmes perdues, faisaient des capitaines, des chefs d’escadre et des amiraux. Ce ferment de discorde et de honte doit être encore détruit, et vous devez, sans pitié, couper cette dernière racine des abus. Résultats 'particuliers. 1° Les généraux. Le vice-amiral Morard de Galles a contre lui sa naissance et la méfiance de l’armée. Ses jour¬ naux, sa correspondance particulière, toutes les pièces qui ont été mises sous nos yeux, ne con¬ tiennent rien qui puisse le faire soupçonner de trahison; mais il est faible et irrésolu. On sup¬ pose que son capitaine de pavillon, Bonnefous, exerce sur son esprit un empire absolu, et cet empire peut être dangereux:. Il a d’ailleurs à se reprocher d’avoir manqué de discrétion et de prudence, en communiquant ou faisant pres¬ sentir les ordres qu’il avait reçus du ministre pour intercepter le convoi ; d’avoir ouvert l’avis d’un conseil tenu par toute l’escadre sur la dis¬ position des forces navales sous son commande¬ ment, tandis qu’il n’ignorait pas que la force armée est essentiellement obéissante, et qu’elle ne doit se mouvoir que d’après l’ordre du gou¬ vernement, qui, placé au centre de tous les rap¬ ports politiques, est seul à même de juger de ce qui convient à l’intérêt national. On l’accuse encore d’une prédilection très marquée pour les officiers issus de l’ancien grand corps, accompa¬ gnée d’un fond de mépris et de dureté pour les autres. Or, la République réprouve ces distinc¬ tions, et un général ne doit désormais voir dans son armée que des frères d’armes que la loi lui a subordonnés dans l’ordre du service, mais à l’égard desquels il doit se montrer impassible, comme la loi même. Enfin, dans la supposition que les faits énoncés par le contre-amiral Lan¬ dais relativement aux signaux, et attestés par la signature de cet officier, soient vrais, quoi¬ qu’ils n’aient pas été faits par ses ordres, il n’est pas moins répréhensible de ne les avoir pas connus, et surtout d’avoir imprudemment donné sa confiance à des hommes qui en abu¬ saient. D’après ces considérations, le vice-amiral Morard de Galles doit être destitué et envoyé auprès du comité de Salut public pour y rendre compte de sa conduite. Le contre-amiral Lelarge n’est point d’origine ci-devant noble, mais il a servi dans l’ancienne marine; son civisme a été longtemps regardé comme douteux, et l’on a vu que dans rassem¬ blée où il fut nommé des députés pour porter à la Convention et aux représentants le vœu des équipages pour faire rentrer l’escadre à Brest, il fit la proposition insidieuse que le député Conor fût tenu de se rendre dans cette ville, lors même qu’il aurait trouvé les représentants du peuple à Lorient. Cette proposition n’annonce point un homme sûr, et que l’on puisse employer avec confiance dans la circonstance présente. L’on doit en dire autant du contre-amiral Kerguelen,* il est noble, de l’ancienne marine, ambitieux, imbu des préjugés incompatibles avec les principes de la République, et par ces motifs peu propre à la servir. Le contre-amiral Landais est patriote; ami sincère de la liberté, il veut le bien; mais son âge, et la trempe particulière de son caractère ne lui fournissent pas les moyens de l’opérer, dans le poste auquel, après les réformes qu’on vient d’indiquer, il aurait droit de prétendre. On ne saurait sans imprudence confier le/ com¬ mandement en chef de nos forces navales à un homme dont la tête est déjà affaiblie, qui croit que tous les actes d’incivisme sont autant de conjurations particulières , dirigées personnelle¬ ment contre lui, comme le prouve le mémoire qu’il nous a remis. D’ailleurs, il faut le dire, défiant et soupçonneux à l’excès, il n’a pas su se concilier l’attachement même des officiers dont le patriotisme est le plus éprouvé, ni celui des équipages. Il offre sa démission; l’intérêt national exige qu’elle soit acceptée, en rendant hommage à la pureté de ses sentiments. 2° Vaisseaux. Le Terrible. On a vu que les officiers de ce vaisseau étaient suspectés d’avoir des signaux particuliers, pour communiquer avec leurs amis, à l’insu des officiers patriotes, et même dû gé¬ néral. Les soupçons tombent particulièrement sur Bonnefous, capitaine de pavillon du général, et Augier, major de l’armée. Ce fait mérite d’être approfondi, et ces deux officiers doivent être mis provisoirement en état d’arrestation. La Côte-d'Or. Le capitaine Duplessis-Grene-dan a été mis eû état d’arrestation; mais il importe qu’il soit promptement jugé, et l’on doit se hâter de le traduire au tribunal révolu¬ tionnaire. Il faut que la nation intimide, par sa sévérité, quiconque oserait servir sur les vais¬ seaux de la nation, après avoir porté les armes contre elle. Guignace, lieutenant, et le commis aux vivres, Verneuil, doivent être mis en arres¬ tation. Vilson, administrateur de la marine, pro¬ tecteur de Verneuil, et qui a fait embarquer sur la Côte-d'Or les matelots provenant de la Bre¬ tagne; Vilson, quoiqu’il ne serve pas sur les vaisseaux, trouve ici naturellement sa place : on doit purger les bureaux de cet homme, connu par son aristocratie. Beaussard, à qui l’on n’a à reprocher que les élans d’un patriotisme mal dirigé, Beaussard, coupable par sa conduite, mais non par ses prin¬ cipes, a suffisamment expié sa faute par une dé¬ tention de plusieurs semaines. Il n’en est pas de même des matelots et canonniers provenant de la Bretagne. Leur fana¬ tisme dangereux est attesté par plusieurs per¬ sonnes du vaisseau. On les a vus souvent à genoux sur leurs pièces, gémissant, disaient-ils, sur notre impiété et la perte de la religion. Ils croient gagner le ciel par la révolte. Ils sont suspects, et la justice exige qu’ils soient traités comme tels. Ils doivent donc être débarqués et mis en réclusion jusqu’à la paix. Le Tourville. Trois officiers ont été mis en état d’arrestation : Lebourg, qui, dans le conseil tenu à bord de l'Amiral, excitait les mouvements, et voulait influencer les opinions; Enouf, lieute¬ nant, qui, outre les reproches qu’on peut lui faire relativement à l'insurrection de la flotte, est accusé par la voix publique d’avoir contri- 412 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 43 brumaire an 11 1 1 15 novembre 1 <93 bué à la mort du brave Duval, l’un des orne¬ ments de la marine de la République, et Leduc, enseigne de vaisseau. C’est au tribunal révolu¬ tionnaire à juger ces trois hommes, ils doivent lui être renvoyés. Le Superbe. Bois-Sauveur, capitaine, qu’un seul fait fera suffisamment connaître. Il a eu l’impudeur de donner un bal à Quiberon, le lendemain du jour où l’on apprit dans cette rade la lâche trahison qui avait mis Toulon entre les mains des Anglais. Un vrai républicain émit des pertes de sa patrie ; et quand il vient les connaître, son sang bouillonne, sa colère s’enflamme, il court aux armes, et il demande à la venger. Jamais destitution ne fut plus juste que celle d’un officier qui a donné une preuve si authentique de son incivisme. Le Northumberland. Un grand délit a été commis à bord de ce vaisseau; le chef en est responsable à la nation, qui, en le lui confiant, lui a imposé le devoir de veiller avec soin à sa conservation. D’ailleurs, le capitaine Thomas, à travers son langage patriotique, n 'annonce pas une sincérité telle que la veulent des républicains. L’équipage du vaisseau qu’il commande a hissé les huniers, à l’exemple des autres. Thomas seul a prétendu justifier cette manœuvre, en disant que l’équipage n’était pas en insurrection, mais en révolution; misérable distinction qui ne si¬ gnifie rien par elle-même, si ce n’est que celui qui l’allègue n’a pas la franchise qu’on est en droit d’attendre d’un homme libre. Thomas doit être destitué ; et il l’aurait été, ou même quelque chose de plus, sous l’ancien régime, pour le fait qui a eu lieu à son bord. La Bretagne. Laricherie, capitaine, soupçonné d’avoir émigré, doit être mis en état d’arresta¬ tion, et retenu jusqu’à ce qu’on ait approfondi la vérité de ce fait, pour être puni conformément à la loi, s’il est constaté. Mais puisque le soupçon plane sur sa tête, et que sa qualité de ci-devant noble sert à l’accréditer, il doit être détenu comme suspect. Le Jean-Bart. Kœtnampren, capitaine de ce vaisseau, vous est dénoncé comme un contre-révolutionnaire hypocrite, jouant le patrio¬ tisme et voulant étouffer la liberté. Il est accusé d’avoir favorise le relâchement de la discipline, d’avoir négligé l'exercice du canon, d’avoir dé¬ clamé contre la Convention nationale de la manière la plus indécente, d’avoir insulté les couleurs nationales; d’avoir fait débarquer son argenterie, sa bibliothèque, une partie de son linge et de ses effets, au moment où il était pro¬ bable que la flotte pourrait trouver l’occasion de se mesurer avec l’ennemi; d’avoir manifesté la haine de la Révo' ution et le regret de l’ancien régime; d’avoir trahi la confiance du ministre en ne lui désignant pas, comme il en était chargé, les officiers patriotes susceptibles d’avancement, et cela en haine de leur patriotisme. Le tribunal révolutionnaire doit faire justice d’un homme aussi profondément incivique. S’il est d’autres réformes à faire, ce n’est pas ici le lieu d’en parler, puisque n’ayant pas de rapports avec ce qui s’est passé sur l’escadre, ou ces rapports étant inconnus, elles doivent être déterminées par des considérations purement politiques, que dicte en ce moment le salut de la patrie. N’opposons à nos ennemis que des hommes sérieusement disposés à les combattre, et que dans la lutte de la liberté contre les rois qui veulent l’opprimer, ceux-là ne soient point employés, qui désirent des rois, mais ceux-là seulement qui les haïssent, et qui ont juré de les exterminer. Plusieurs canonniers, matelots et soldats ont été mis aussi en état d’arrestation. Cette sévé¬ rité était juste, elle était nécessaire; car il faut que la discipline règne, et elle a été méconnue; et l’obéissance des subordonnés envers leurs chefs, qui n’est que l’obéissance à la nation elle-même qui les a nommés, a été foulée aux pieds. Mais il sera nécessaire de distinguer avec soin ce qui appartient à l’exagération des craintes produites par le patriotisme, de ce qui pour¬ rait être, de la part de quelques individus, une révolte volontaire et préméditée. Ce principe est consacré par nos lois, et jamais l’application n’en dut être faite avec autant de soin et de dis¬ cernement. La loi est la même pour tous. Amiral, officiers, matelots, tous sont les enfants et les serviteurs de la commune patrie, chacun dans le grade qu’elle lui a assigné. S’il est parmi les matelots des contre-révolutionnaires qui aient agi en haine de la République, ils doivent être traités comme tels. Mais gardons-nous de croire que tous ceux qui ont été arrêtés, et même le plus grand nombre, soient dans ce cas. Le ma¬ telot fait partie du peuple, il veut la liberté et l’égalité. Il peut être facilement trompé; car l’instruction de cette classe a été jusqu’à pré¬ sent excessivement négligée. De là la facilité de les exciter au murmure. Le matelot est exigeant en proportion de ce qu’il connaît moins la juste mesure de ses droits et l’ étendue dè ses devoirs. La chaleur dans la demande de rentrer à Brest n’est pas une preuve suffisante d’intention contre-révolutionnaire; car, en supposant la réalité du patriotisme, celui qui en a eu davan¬ tage, a dû mettre aussi plus de vivacité dans l’expression de ses craintes, et du désir d’en voir disparaître la cause. Un jugement porté par des hommes sages et fermes éclaircira tous les doutes et rendra à chacun la justice qu’il mérite. Mais quelle sera la forme de ce jugement? Celle du jury maritime ne paraît pas applicable à la circonstance : car, si dans les vaisseaux où l’insurrection a éclaté, dans ceux surtout où elle a été la plus forte, tous n’y ont pas parti¬ cipé, il serait au moins bien difficile de détermi¬ ner avec précision les individus qui ont eu le courage de résister au torrent de la contagion; le juré aurait donc à prononcer sur un défit qu’il aurait commis lui-même, et l’on sent combien cette circonstance devrait naturellement influer sur son opinion. Il faut ici une forme particu¬ lière, et peut-être est-ce à la Convention natio¬ nale à la prescrire. La mesure doit être prompte ; car ceux qui n’ont mérité que des peines correc¬ tionnelles, ne doivent pas languir dans les liens d’une longue détention; et l’humanité veut, à l’égard des coupables eux-mêmes, qu’on ne pro¬ longe point les angoisses de leur sort. En mitigeant ainsi la sévérité par la clémence, d’après l’exacte proportion dictée par la justice, vous devez travailler à l’affermissement de la discipline, et prévenir par tous les moyens que des scènes aussi déplorables et aussi funestes ne se reproduisent. Dites aux marins qu’appelés à l’honneur de défendre la patrie au poste le plus périlleux, ils doivent s’enorgueillir de leur mis¬ sion et en assurer le succès; que ce succès dé¬ pend de la subordination et du zèle; que con¬ duits désormais par des chefs que le soupçon ne peut atteindre, ils doivent marcher sans crainte de trahison. Parlez-leur des récompenses [Convention nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « brumaire an u -413 L 5 novembre 1793 nationales, de ces récompenses vraiment hono¬ rables, qui les appellent à tous les emplois suc¬ cessivement, suivant le mérite et la capacité de Chacun. Dites-leur que du côté même des dédommagements pécuniaires, la Convention nationale a tout fait pour eux, et qu’ils peuvent, quand ils le voudront, former avec leur courage un patrimoine à leurs enfants. Mais dites-leur aussi que les lâches, les murmurateurs et les traîtres n’ont à attendre que le mépris et l’in¬ famie, qu’une punition certaine sera appliquée à chaque délit; et par cette double considéra¬ tion renforcée de tout ce que l’amour de la patrie a de plus touchant, formez parmi eux cet esprit public qui, dans nos bataillons et dans nos armées, a produit des prodiges de valeur, et a corrigé plus d’une fois les erreurs et les perfidies des généraux. Que manque-t-il à nos marins? Ils ont le courage, l’audace, la patience qu’on ne trouve chez aucune nation maritime de l’Eu¬ rope, et que le gouvernement anglais leur envie. Qu’ils y joignent cette docilité raisonnable et réfléchie qui convient à des hommes libres, ils saront invincibles. 1er jour du 2e mois de l’an II de la Répu¬ blique, une et indivisible. Les représentants du peuple près les ports de Brest et de Lorient, après avoir entendu le rap¬ port qui leur a été fait par Jean-Bon-Saint-André, l’un d’eux, arrêtent : Art. 1er, « Le vice-amiral Morard de G-alles, comman¬ dant la flotte de la République, mouillée dans la rade de Brest, est destitué du commande¬ ment : il lui est enjoint de se rendre, sans délai, auprès du comité de Salut public de la Conven¬ tion nationale, et du conseil exécutif provisoire, pour y rendre compte de sa conduite. Art. 2. « Les contre-amiraux Lelarge et Kerguelen sont destitués de leur emploi : il leur est enjoint de quitter la flotte et la ville de Brest sous vingt - quatre heures, de se retirer à vingt lieues des côtes et des frontières, et de se présenter à la municipalité du heu qu’ils choisiront pour leur domicile, à l’effet d’y être en surveillance, con¬ formément à la loi. Art. 3. « Les capitaines Bois-Sauveur, du Superbe, et Thomas, du Northumberland, Guignace, lieute¬ nant, et Vilson, employé dans les bureaux de la marine, sont pareillement destitués, et ils se conformeront en tout point aux dispositions énoncées dans l’article précédent. Art. 4. « Duplessis-Grenedan, capitaine de la Côte-d’Or; Verneuil, commis aux revues, sur le même vaisseau; et Kcetnampren, capitaine du Jean-Bart, Lebourg et Enouf, lieutenants du Tour-vûle, et Leduc, enseigne du même vaisseau, se¬ ront saisis et traduits au tribunal révolution¬ naire à Paris. « Bonnefous, capitaine du Terrible, et Augier, major de l’armée, seront mis provisoirement en état d’arrestation. Art. 6. Laricherie, capitaine de la Bretagne, soup¬ çonné d’émigration, sera mis en état d’arresta¬ tion, et détenu comme suspect, jusqu’à ce qu’il ait fait preuve de sa résidence non interrompue en France. Art. 7. « Beaussard, caporal de marine, à bord de la Côte-d'Or, sera mis en liberté; il lui est enjoint de se conduire à l’avenir avec plus de prudence et de circonspection. Art. 8. « Les matelots et canonniers embarqués à bord de la Côte-d’Or, provenant du vaisseau la Bretagne, qui avaient été condamnés à être dé¬ tenus par un jury, à raison des mouvements séditieux qu’ils avaient excités sur ce vaisseau, et qui, sur la Côte-d’Or, ont tenu des propos inciviques, dictés par le fanatisme, et tendant à altérer l’énergie des républicains, seront débar¬ qués et mis en réclusion jusqu’à la paix, comme suspects, conformément à la loi. Art. 9. « A l’égard des matelots, canonniers et soldats mis en arrestation par les représentants du peuple, à la rentrée de la flotte, vu l’impossibi¬ lité d’appliquer à leur égard la forme ordinaire du jury maritime, la Convention nationale sera priée de déterminer, aussi promptement qu’il sera possible, le mode d’organisation d’une Com¬ mission ou tribunal chargé de les juger promp¬ tement, et de distinguer avec soin ce qui appartient à l’erreur du patriotisme, de ce qui doit être attribué à une intention contre-révo¬ lutionnaire. Art. 10. « La démission offerte par le contre-amiral Landais est acceptée : mais les représentants du peuple se font un devoir de rendre justice à son patriotisme, et à la pureté de ses senti¬ ments, qu’ils ont trouvés en tout conformes aux principes de la liberté. Art. 11. « Le capitaine Villaret est nommé provisoi¬ rement contre-amiral des armées navales de la République. Il prendra, en cette qualité, le com¬ mandement provisoire de la flotte mouillée ac¬ tuellement dans la rade de Brest ; il arborera son pavillon sur le vaisseau la Côte-d’Or, lequel por¬ tera désormais le nom de la Montagne. Art. 12. « Il sera incessamment pourvu au remplace-■ ment des officiers arrêtés et destitués, et à l’épu¬ rement complet de la marine de la République; en sorte que la gloire des armes françaises sur mer ne soit confiée qu’à des hommes qui, for¬ tement prononcés pour la liberté et l’égalité, aient à cœur de les faire triompher.