109 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 janvier 179 l.J M. Dauchy. Messieurs, vous avez décrété les six premiers articles du décret sur le timbre, qui vous a été présenté par le comité d’imposition. Les mesures proposées par le septième paraissent au premier coup d’œil d’une fiscalité révoltante. Nous ne pouvons le dissimuler à l’Assemblée ; ce D’a été qu’à regret que nous nous sommes déterminés à vous faire cette proposition, qui nous répugnait d’abord. Cependant, j’observe à l’Assemblée que, dès le moment qu’il y a un impôt sur le papier, si l’on ne mettait dès bornes au désir de se soustraire à l’impôt, il arriverait deux inconvénients: le premier, l’impôt produirait infiniment moins ; c’est une des grandes considérations qui nous ont déterminés, obligés que nous étions de remplacer cet impôt, à chercher les moyens de pouvoir en éloigner de plus mauvais encore. Nous avons dû cherchera le rendre productif; mais il existe encore une considération puissante : c’est que, dès le moment où le papier sera payé beaucoup plus cher que sa valeur intrinsèque, les personnes qui en feront usage serreront tellement les lignes et l’écriture, que véritablement elle deviendra illisible. Par l’article 7, nous vous proposons de fixer le nombre des lignes et des syllabes par ligne que contiendront les expéditions. Un membre : Je demande la question préalable sur cet article: les procureurs et les notaires sont assez habiles à faire des grosses, sans les y autoriser expressément. M. Dufraisse-Duchey. Ces petites vexations, dont on a trouvé l’exemple dans les arrêts du conseil, ont couvert le conseil de ridicule. M. Gaultier delSiauzat appuie la question préalable. M. Rœderer, rapporteur. Messieurs, la faveur que l’Assemblée accorde à certains impôts la conduit nécessairement à une rigueur aussi grande pour d’autres impôts. Il ne faut pas croire du reste que le comité assujettisse toutes les sortes d’actes soumis au timbre à renfermer un nombre déterminé de lignes et de syllabes ; nous ne proposons cette mesure que pour les expéditions, c'est-à-dire pour les actes qui sortent en copie, soit des mains des greftiers, soit des mains des notaires. Ainsi, Messieurs, il faut d’abord écarter toute idée de gêne et de vexation pour le corps des citoyens. Eu second lieu, nous avons voulu empêcher, par une loi, les clercs de notaires, de procureurs et de greftiers, de faire ce qu’on appelait de la grosse, c’est-à-dire de mettre un seul mot avec neaucoup de contours dans une ligne. Enfin je vous prie d’observer qu'ici nous faisons gagner environ 1,500,000 livres au Trésor public ; c’est ce point-la qui doit vous occuper et l’on ne peut pas faire une loi de l’impôt sans prendre l’esprit de l’impôt. Tous vos autres comités, Messieurs, ont une tâche bien facile ; ils n’ont, pour ainsi dire, qu’à s’élancer du despotisme vers la liberté. Pour nous, nous avons toujours été obligés démarcher sur les limites de la liberté, en courant le risque de transfiner quelquefois. Ici nous ne proposons rien qui ne soit un adoucissement à l’ancien usage ; les expéditions se faisaient autrefois sur des parchemins très chers ; nous améliorons le sort des citoyens, en proposant de substituer des propositions sur papier blanc lau parchemin qui coûiait cinq fois plus. Mais voulant cependant retirer le même produit, nous étendons l’impôt à toutes les expéditions, au lieu que, dans l’ancien régime, l’usage du parchemin n’était forcé que pour les premières expéditions, les expéditions exécutoires. M. Moreau. Le moyen d’exécution sera plus dispendieux que le bénéfice que l’on espère de cette correction, puisque l’on sera obligé d’employer dans chaque greffe un commis qui sera chargé de compter le nombre des lignes et des pages. M. de Delley. L’article présente plusieurs inconvénients ; cependant l’Assemblée est forcée de l’accepter ou d’augmenter le droit du timbre. M. Lanjuinais. Les véritables inconvénients de l’article sont que, par les articles 11 et 12, on vous propose de déclarer nuis les actes qui ne contiendront pas le nombre de lignes et de syllabes déterminé par l’article 7 et que tout officier qui aura commis une contravention quelconque à votre loi, payera 300 livres pour la première fois et 1,000 livres pour la seconde. Pourquoi ces sommes énormes ? Pour avoir mis une syllabe de trop, je ne dis pas daüs une page, mais dans la totalité de l’ouvrage. Voilà, Messieurs, où est l’extrême danger. Mais ce n’est pas tout encore, c’est que le plus grand problème en grammaire et en jurisprudence fiscale est de savoir ce que c’est qu’une syllabe. La diphtongue ne contientqu’unesyllabe, suivant plusieurs grammairiens, elle en contient deux, suivant d’autres. Voyez, Messieurs, où vous mène une loi semblable; voyez à quels inconvénients elle livre tous les malheureux agents d’écritures publiques. Il n’est pas possible de laisser passer l’article tel qu’il vous est proposé. S’il est conservé, il est nécessaire de mettre mots au lieu de syllabes, et de supprimer les articles 11 et 12, en trouvant un autre moyen de coercition; car celui-là serait intolérable ; il renverserait la fortune des individus; 300 livres ou 1,000 livres pour une syllabe 1 M. Rœderer, rapporteur. On dit que la peine est excessive, qu’elle fait encourir la nullité des actes. Messieurs, elle ne fait encourir, aux termes de l’article 8, que la nullité de l’expédition qui aura été faite en contravention ; on la recommencera et on en sera pour les frais d’un autre papier. Voilà tout ce qui résulte de l’article. M. Martineau. J’insiste pour que, dans les lignes, on ne compte pas les mots, mais les syllabes. Fixer le nombre des mots, c’est ne rien fixer, puisqu’il y a tel mot qui a plus d’étendue que plusieurs autres ensemble; mais la syllabe a une mesure à peu près invariable pour tout autre que pour les poètes, et c’est�la syllabe qu’il faut prendre pour échelle. M. Féraud. Si vous voulez augmenter l’impôt, rien n’est si aisé, en augmentant le papier d’un quart, d’un tiers ; mais n’augmentez pas nos entraves, conservez notre liberté. M. I&œderer, rapporteur. II n’y a qu’à rayer le mot syllabes ; rien n’est si aisé que de s’assujettir au nombre de lignes. lieu dans celte séance a été totalement omise au Moniteur. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 janvier 1791.J | [O (Assemblée nationale.] Plusieurs membres insistent pour que la question préalable soit adoptée sur l’article. M. Gaultïer-Biauzat. Je demande la division. (L’Assemblée, consultée, adopte la première partie de l’article portant le nombre de ligues ; elle décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la deuxième partie qui a rapport aux syllabes.) M. Boutteville-Dumetz. Je propose une addition, non pas seulement comme fiscale, mais comme utile; c’est de ne pas permettre les abréviations, parce que souvent d’un siècle à l’autre, on ne les entend plus. M. Tuaut de La Bouvcrie. Gela est très vrai; les modes d’abréviations ont changé de siècle en siècle. M. Moreau demande la question préalable sur cet amendement. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il y a lieu à délibérer et adopte l’amendement de M. Boutteville-Dumetz.) L’article 7 est, en conséquence, décrété comme suit : Art. 7. « Les papiers employés à des expéditions ne pourront contenir , compensation faite d'une feuille à l’autre : « Par page de petit papier, plus de 20 lignes. « Par page de papier moyen, plus de 27 lignes. « Par page de grand papier, plus de 30 lignes. « Les expéditions seront écrites sans abréviations. » M. Rœderer, rapporteur , donne lecture de l’article 8. M. Gaultier-Biauzat. Je demande l’ajournement de la dernière disposition qui porte que les actes écrits en contraventions aux dispositions précédentes donneront lieu aux mêmes peines et n’auront pas plus d’effet que s’ils étaient écrits sur papier non timbré. M. Rœderer, rapporteur. Nous consentons à la suppression de ce paragraphe. L’article 8 est décrété, en conséquence, dans ces termes : Art. 8. « Le papier ou parchemin timbré, qui aura été employé pour minute ou expédition, ne pourra plus servir, même quand ces minutes ou expéditions n’auraient été que commencées. « L’empreinte du timbre ne pourra être couverte d’écriture ni altérée. « U ne pourra être fait ni expédié deux actes à la suite l’un de l’autre sur la même feuille, nonobstant tout usage ou règlement contraire, à l’exception des actes de ratilication de ceux passés en l’absence des parties, des quittances de prix de vente et droits casuels, des quittances de directions de collèges de créanciers, des quittances de remboursement de contrats de constitution ou obligation, des inventaires, procès-verbaux et autres actes qui ne peuvent être consommés dans un seul jour et dans la même vacation. « Les huissiers ne pourront mettre deux significations ou exploits d’assignation et autres actes sur une même feuille de papier timbré ; cependant ils pourront donner des copies de pièces en tête de leurs exploits, et écrire, sur les expéditions des sentences ou jugements, l’original de leur exploit de signification. » Les articles 9 et 10 sont ensuite adoptés comme suit : Art. 9. « Les expéditions des actes civils et judiciaires qui seront délivrées, à compter' du 1er avril prochain, dans les lieux où la formule n’était pas établie, ne pourront être faites que sur papier timbré. Art. 10. « Les personnes, corps ou communautés dont les registres sont assujettis au timbre par le présent décret, seront tenues, dans les trois mois qui suivront sa publication, de faire timbrer à l’extraordinaire, ou marquer d’un visa , toutes les feuilles qui, à l’époque de cette publication, n’auront pas servi. Sont exceptés de cette disposition les registres de naissances, morts et mariages de la présente année. » M. Boederer, rapporteur. Je demande à faire quelques observations sur l’article 11 . Nous avons lait dans ie rapport notre profession de foi sur les nullités. Non seulement nous ne croyons pas pouvoir en proposer à l’Assemblée nationale, pour des lois purement liscales, mais nous avons déclaré même que nous ne pensions pas qu’il fût dans sa puissance de prononcer des nullités pour des contraventions à ces lois. Notre principe sur ce point a élé que des nullités de ce genre ne dégagaient point la conscience des honnêtes gens ; que la loi était nulle à leur égard, tandis que les malhonnêtes gens se prévalaient de ces nullités pour voler effrontément à la face de la loi même. Ils étaient dans cette position que, forcés de reconnaître le titre qu’on avait contre eux et par conséquent leur dette, ils disaient : je ne la payerai pas, et la loi m’y autorise ; ce qui est dire positivement : je vous vole et la loi m’y autorise. C’est d’après ces principes que nous nous sommes bien gardés, Messieurs, de vous proposer rien qui touchât à la nullité. Nous avons en cela purgé notre loi de tout ce que la loi sur le timbre, proposée aux notables en 1787, présentait de monstrueux et de révoltant. Mais des expéditions ne sont pas dans le même cas que des actes ; on peut prononcer la nullité de l’expédition sans prononcer la nullité de l’acte. Il résulte de la nullité de l’expédition ce seul inconvénient que l’expédition est déchirée et n’existe plus et qu’il faut prendre la peine d’en recommencer une autre. Voilà le véritable sens de la partie de notre article qui concerne les expéditions, seul objet à quoi nous avons cru devoir nous permettre de vous proposer d’étendre la nullité. M. littîijulnals. On ne peut qu’applaudir aux vues très sages, très politiques et morales que vient de présenter M. le rapporteur; mais puisque telle est son intention, je demande que la loi soit clairement exprimée ou plutôt corrigée en cette partie. Car, on ne saurait se le dissimuler, si 1 expédition en vertu de laquelle une saisie se fait est déclarée nulle, il s’ensuit que la saisie faite en vertu de l’expédition est également nulle, à moins que la loi ne le dise. Il faudrait mettre simplement que les expéditions, dans le cas dont