[Assemblée nationale.] ; RCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 septembre 1791.] 65g L’ordre du jour est un rapport des comités des domaines, de marine, des finances , d'aliénation et d'agriculture sur le complément de l'organisation de l'administration forestière ( nombre , répartition et traitement des agents de l'administration forestière ) . M. Pîson du Galand, rapporteur. Messieurs, vos 5 comités viennent vous présenter le complément de leur travail sur l’organisation de l’administration forestière. Vous avez fixé vous-mêmes à 5 commissaires le nombre des membres de la conservation générale, et vos comités désirent ardemment qu’ils puissent répondre à l’étendue de leurs fonctions. Us vous proposent de porter à 35 le nombre des conservateurs. Ils se sont arrêtés à ce nombre, après un examen attentif des localités ; ils ont adopté pour principe de ne former une conservation particulière d’un seul département, que lorsque la quantité de bois qu’il renfermait était si considérable qu’un préposé supérieur ne pourrait pas en surveiller davantage. Tels départements même sont si boisés, que le conservateur pourra difficilement y faire toutes les opérations de récolement. G’est pourquoi nous avons proposé, et vous avez adopté, de décréter que les conservateurs feraient eux-mêmes les récolements, autant qu'ils le pourraient; ce qui donnera à la conservation générale la latitude nécessaire pour les autoriser à se faire suppléer dans ces opérations, lorsqu’ils ne pourront pas les faire eux-mêmes en totalité. Nous avons cru que cet expédient était préférable à celui d’établir plus d’un conservateur dans le même département. D’un autre côté, nous avons pris pour règle de ne pas rassembler plus de 4 départements dans une seule et même conservation, parce que, au-delà de ce nombre, les distances deviennent si grandes, qu’elles occuperaient peut-être plus de temps en transport d’un lieu dans un autre, qu’en travail effectif ; et dans le fait, il se trouve que cette réunion de 4 départements renferme toujours assez de bois pour suffire à l’activité d’un conservateur. Nous vous proposons de portera 303 le nombre des inspecteurs, et voici quelle a été la base de cette fixation : Nous avons cru que là où les bois étaient en masse, ou fort rapprochés les uns des autres, lors, par exemple, que l’étendue d’une conservation était bornée à un seul département, un inspecteur pouvait être chargé de 20,000 arpents ; il nous a paru, dans les détails, qu’un inspecteur pouvait visiter de 1,500 à 2,000 arpents par jour, ce qui l’occuperait environ 15 jours pour sa visite de chaque mois. 20,000 arpents de bois, aménagé à 25 ans, donnent une coupe annuelle de 800 arpents, dont le balivage et martelage, à raison de 30 arpents par jour, exige un travail d’un mois, qui est doublé par la nécessité où sont les inspecteurs de se réunir pour cette opération. L’opération du récolement exige en général la moitié moins de temps: en observant surtout que la durée de ce travail pour les inspecteurs sera diminuée en proportion de ce que les conservateurs pourront plus exactement y vaquer eux-mêmes. Ainsi, 2 à 3 trois mois d’opérations, et environ 15 jours de visite chaque mois, nous ont paru la mesure habituelle du travail d’un inspecteur, indépendamment de ses écritures, des visites extraordinaires qu’il peut avoir à faire, des assistances auxquelles il peut être assujetti et des commissions particulières dont il peut être chargé. Voilà, Messieurs, ce qui nous a servi de base pour fixer le nombre des inspecteurs dans les conservations formées d’un seul département. À mesure qu’une conservation étend ses limites, les bois y sont en plus petites masses et à des distances respectives plus considérables. Il ne faut plus alors se borner à mesurer la durée dès occupations d’un inspecteur par le seul travail dont il est chargé, mais il faut faire entrer en considération le temps nécessaire pour qu’il se transporte d’un lieu dans un autre. D’après cela, nous avons pensé que, lorsqu’une conservation était forméede 2 départements, chaque inspecteur ne devait plus être chargé que de 16,000 arpents; que cette quantité devait être réduite à 12,000 dans les conservations formées de 3 départements, et à 9,000 dans celles formées de 4 départements. Les bois des communautés d’habitants, et les autres bois soumis à l’administration forestière, sont pareillement entrés dans les éléments de fixation ; mais au lieu de 20,000 arpents de bois nationaux, à quoi nous avons hypothétiquement fixé le maximum d’un inspection, nous avons porté cette quantité à 50,000 arpents pour les bois de communauté, parce que ces bois n’exigent que deux visites chaque année au lieu d'une chaque mois, parce qu’un seul préposé y fait les opérations de balivage, de récolement, et que ces bois étant moins chargés de futaie sur taillis, les opérations y sont plus rapides. Nous avons graduellement diminué cette quantité à 40,000, à 30,000, ou à 22,500 arpents, à mesure que l’étendue des conservations augmentait les distances respectives. G’est ainsi que nous sommes parvenus au nombre de 303 inspecteurs que nous vous proposons d’établir, en admettant pour cela que le tableau de la quantité de bois dans chaque département, que nous vous avons présenté, n’est pas éloigné de l’exactitude. Nous sommes loin de penser que la base pro-poriionnelle qui nous a guidés soit parfaitement juste. Elle ne le serait, même en simple théorie, qu’autant que chaque conservation formée d’un ou plusieurs départements aurait renfermé la même quantité de bois, et que l’une n’eût différé de l’autre que par l’étendue ou les distances relatives; or, c’est ce qui n’existe pas ; mais nous n’avons pas trouvé d’autre moyen de nous soustraire à un arbitraire absolu pour la formation actuelle, qui ne pouvait plus être retardée ; et, en laissant à la conservation générale le soin de fixer elle-même l’arrondissement particulier de chaque inspection d’après un examen spécial des localités, nous espérons ne nous être pas écartés du but. D’ailleurs, vous avez autorisé la conservation générale à nommer des suppléants, pour remplir au besoin les fonctions des inspecteurs ; nous vous proposerons de décréter une somme de 50,000 livres pour fournir un traitement passager à ces suppléants, lorsqu’il sera nécessaire de les employer. En attendant que des connaissances parfaitement exactes sur les forêts, et qu’un système régulier d’aménagement et d’administration aient mis en état de fixer définitivement le nombre des préposés nécessaires à la conservation générale, elle aura ainsi un moyen de faire subvenir au service dans les lieux et dans les cas où elle n’aurait pas un nombre suffisant de préposés titulaires. 656 [Assemblée nationale. [ ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 septembre 1791.] Nous ne vous proposons pas de fixer dès à présent le nombre et bien moins la répartition des gardes : l’exactitude de cette opération tient à une connaissance encore plus particulière des localités, que la conservation elle-même n’acquerra complètement que par le moyen de ses préposés sur les lieux. Nous avons donc pensé qu’il était plussagede maintenir, quant à présent, les gardes qui se trouvent en exercice et de lui laisser le soin de proposer ensuite elle-même au Corps législatif ce que son expérience lui fera jug�r de plus convenable. Vous avez décrété que les conservateurs feraient leur résidence dans les chefs-lieux de département qui seraient indiqués par la loi; et le motif qui vous a déterminés a été puisé dans la plus grande facilité qu’un chef-lieu de département offre à la correspondance d’un conservateur, ce qui forme la partie essentielle de ses fonctions. Partout où une conservation est formée de plusieurs départements, nous avons choisi le chef-lieu le plus central ; à défaut de centralité marquée, nous avons choisi le chef-lieu du département où il y avait le plus de bois. Il a été proposé quelques exceptions à cette règle, que nous vous laissons le soin d’apprécier, si elles sont mises sous vos yeux. Quanta la dépense, nous avons cherché à concilier ce qu’exigeait l’économie avec le genre et l’activité au service. Nous’proposons d’accorder 12,000 livres de traitement aux commissaires de la conservation générale, outre leurs frais de voyage à raison de 24 livres par jour, lorsqu’ils seront en tournée. Il ne faut pas perdre de vue que ces administrateurs, obligés de résider à Paris, sont chargés d’une grande responsabilité; qu’à l’avenir ces places formeront la retraite des conservateurs, et qu’elles doivent par conséquent leur présenter, tout à la fois, une récompense et un dédommagement suffisant pour transporter leur résidence dans une grande ville. Nous vous proposons de fixer le traitement des conservateurs de 4 à 6,000 livres et celui des inspecteurs de 2 à 3,000 livres ; il suffit d’observer que le service de ces préposés les oblige indispensablement à l’entretien d’un cheval. II résultera de là une dépense totale de 1,042,500 livres, compris les 50,000 livres que nous vous proposons d’affecter au traitement des suppléants, en cas de nécessité; et indépendamment de quelques frais de bureau et de ceux de tournée des commissaires. Il faudra ajouter à cette somme le traitement des gardes dont nous supposons que le nombre pourra être porté à environ 3,000, à raison de 1,000 arpents de bois pour l’étendue moyenne de chaque garde. On peut ainsi se faire une idée de la dépense. Nous pensons qu’elle n’excédera pas en totalité les 2 sols pour livres du produit actuel, que nous apprécions de 15 à 20 millions. Car, dans un avenir très prochain, cette proportion doit extrêmement diminuer. La nation possède plus de 3 millions d’arpents de bois, qui, aménagés à 30 ans, donnent une coupe annuelle de 100,000 arpents : en n’évaluant qu’à 300 livres le produit moyen de chaque arpent, il en résultera un produit total de 30 millions de livres sans que cette augmentation en entraîne aucune dans la dépense; on peut ainsi prévoir avec certitude que l’administration forestière sera proportionnellement la moins dispendieuse de toutes les régies. On peut prévoir encore que sa dépense réelle est susceptible de diminution, si on se résout à borner efficacement les forêts par de larges fossés d’enceinte, qui écartent les bestiaux et les délinquants ; si l’on adopte la méthode de séparer l’adjudication du taillis de celle de la futaie, ce qui facilite et accélère les opérations de balivage, et améliore en même temps le choix des réserves, etc. Le seul rétablissement de l’ordre, en rendant les délits plus rares, amènera naturellement une diminution dans les frais de conservation. Ces considérations sommaires suffisent pour rappeler à l’Assemblée toute l’importance de la propriété nationale des forêts, et combien le système de les aliéner, si pernicieux en lui-même par la ruine prochaine de toutes les futaies, serait encore mal entendu en économie. Voici les articles que nous vous proposons : « Art. 1er. Les commissaires de la conservation seront au nombre de 5. « Àri. 2. Les conservateurs seront au nombre de 35, et les inspecteurs au nombre de 303, savoir (1) : « 1° Dans les départements de la Somme, du Pas-de-Calais et du Nord : 1 conservateur résidant à Arras, et 12 inspecteurs. « 2° Dans les départements de l’Aisne et de l’Oise : l conservateur résidant à Laon, et 15 ins-pecieurs. « 3° Dans les départements des Ardennes et de la Marne : 1 conservateur à Châlons, et 11 inspecteurs. « 4° Dans le département de la Meuse : 1 conservateur à Bar-le-Duc, et 6 inspecteurs. « 5° Dans le département de la Moselle : 1 conservateur à Metz, et 10 inspecteurs. « 6° Dans le département de la Meurthe : 1 conservateur à Nancy, et 9 inspecteurs. « 7° Dans le département des Vosges : 1 conservateur à Epinal, et 8 inspecteurs. « 8° Dans les départements du Haut et Bas-Rhin : 1 conservateur à Strasbourg, et 9 inspecteurs. « 9° Dans le département de la Haute-Saône : 1 conservateur, et 7 inspecteurs. « 10° Dans le département du Doubs : 1 conservateur à Besançon, et 9 inspecteurs. « 11° Dans le département du Jura : 1 conservateur à Lons-le-Saunier, et 5 inspecteurs. « 12° Dans le département de la Côte-d’Or : 1 conservateur à Dijon, et 5 inspecteurs. « 13° Dans les départements de la Haute-Marne et de l’Aube : 1 conservateur à Chaumont, et 9 inspecteurs. « 14° Dans le département de l’Yonne : 1 conservateur à Auxerre, et 8 inspecteurs. « 15° Dans les départements de Seine-et-Marne, de Paris et de Seine-et-Oise : 1 conservateur à Paris, et 9 inspecteurs. « 16° Dans les départements de l’Eure et de la Seine-Inférieure : 1 conservateur à Rouen, et 9 inspecteurs. « 17° Dans les départements du Calvados, de la Manche et de l’Orne : 1 conservateur à Caen, et 15 inspecteurs. « 18° Dans les départements d’Ille-et-Vilaine, des Côtes-du-Nord, du Finistère et du Morbihan : 1 conservateur à Rennes, et 6 inspecteurs. (1) Quelques membres du comité des domaines ont proposé les changements suivants dans la résidence des conservateurs, savoir : d’Arras à Saint-Omer, de Laon à Soissons, et de Châlons à Reims.