162 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE votre adresse au Peuple français s’explique assez cathégoriquement à ce sujet; il est teins, dis-je, que l’honnête homme respire, et trouve un encouragement à servir son pays, quand surtout il n’est mû que par l’amour seul de le servir. Il est tems que les fonctions publiques ne soient remplies que par des hommes purs, et dont la conduite régulière datera d’assez loin pour équivaloir à un cautionnement. Il est tems que la Convention soit aussi respectée qu’elle est respectable, et qu’elle regarde comme tenant à la coalition de l’étranger ceux qui cesseraient d’être subordonnés aux lois qu’elle rend, qui les exécuteraient d’une manière abusive, et qui tenteraient de rivaliser d’autorité avec elle. Le seul mot d’ordre de la section de Bonne-Nouvelle dans toutes les circonstances possibles sera la Convention, toute la Convention, rien que la Convention, et elle peut compter sur nos bras comme sur nos coeurs. Vive la République. Suivent sept signatures. De vifs applaudissements ont interrompu la lecture de cette adresse; elle sera insérée au bulletin (32). Réponse du Président (33) : L’empressement de toutes les sections de Paris, à s’élancer au devant des vérités éternelles que la Convention nationale vient de proclamer, annonce que le zèle des habitans de cette grande cité, pour le maintien de l’ordre et l’observation des lois, ne s’est point affoibb. Ne vous écartez jamais des principes dont vous venez de nous offrir l’expression ; comptez sur l’attention de la Convention nationale à maintenir dans toute leur pureté ceux qu’elle professe, et qui sont les vôtres. Elle distinguera toujours l’erreur du crime, et elle n’attribuera jamais à aucune réunion des expressions hasardées qui auroient pu échapper à des hommes insensés ou coupables, dont l’opinion pubbque fera toujours raison. La Convention nationale vous admet à sa séance. - On applaudit. L’Assemblée ordonne l’insertion en entier au bulletin de l’adresse de la section de Bonne-Nouvelle, et de la réponse du président. b [La section des Piques en masse à la barre de la Convention nationale, le 24 vendémiaire an III] (34) (32) Moniteur, XXII, 248. Mention dans Ann. Patr. , n° 653 ; Ann. R.F., n° 24; C. Eg., n° 787; J. Fr., n° 750; J. Mont., n° 4; M.U., XLIV, 380. (33) Bull., 24 vend.; Débats, n" 753, 363. (34) C 322, pl. 1354, p. 14. Bull., 24 vend. ; Débats, n° 754, 369-370; Ann. Patr., n“ 653; Ann. R.F., n° 24; C. Eg., n' 787; F. de la Républ., n 25; Gazette Fr., n" 1018; J. Fr., n° 750; J. Mont., n° 4; J. Perlet, n” 752 ; J. Univ., n° 1785; Mess. Soir, n” 788; M.U., XLIV, 380. Législateurs, Vous avés parlé... Le peuple a senti... La section des Piques vient au milieu de vous jurer que vos sentimens sont les siens. Votre adresse aux français est un appel à la raison et à la vertu ; le peuple y a retrouvé ses principes, ses mandataires et son propre ouvrage. Non le peuple n’a d’autre centre commun que le respect et l’amour des lois, que la Convention nationale. Non Législateurs, aucune voix téméraire n’étouffera la vôtre, aucune caste intermédiaire n’interviendra entre vous et le peuple. Le droit de s’éclairer et d’avertir sera maintenu et sacré mais la souveraineté du peuple, mais la représentation qu’il s’est choisi ne seront méconnus, ny usurpés par aucun attentat. Oui, vous prendrés contre les intrigans, contre ceux qui peuvent encore regretter la royauté l’attitude la plus imposante; mais la suspicion ne sera point une source de calamités; mais comme vous l’avés dit ailleurs, il ne sera plus suspect, celui-là qui peut être utile. Que comme vous le dites tous les actes du gouvernement portent le caractère d’une justice impassible, immuable. Oui nous fuirons ces extrêmes, ces patriotes exclusifs, enrichis par la révolution. Oui nous serons inexorables pour l’immoralité, oui, nous la repousserons comme un élément dangereux, incompatible avec une République. Oui nous formerons nos enfans aux moeurs, aux vertus domestiques qui forment le citoyen. Oui nous estimerons, nous rechercherons ces hommes laborieux et modestes, ces êtres bons et purs qui fuient les places, et qui pratiquent sans ostentation les vertus républicaines. Mais Législateurs, ce n’est pas seulement le langage de votre adresse qui plaît aux âmes sensibles. Votre décret en faveur des gens de lettres va féconder les sources du génie; le littérateur, le sage qui du fond de sa chaumière embrasse l’univers dans ses pensées philosophiques sera donc honoré dans sa douce retraite ; le vrai talent ne sera donc plus abandonné à lui-même; il ne sera plus à la merci des caprices, il ne sera donc plus errant ni comprimé dans les cachots, il aura pour azile la liberté française, la magnanimité d’un grand peuple ami des arts, comme des vertus. L’abrutissement, ce fatal soutient, ce vil instrument de la tirannie, n’aura que l’horreur qu’il inspire et l’odieux vandalisme, proscrit du sol français, ira loin de nos bords traîner sa honte, ses victimes et son désespoir. Un autre décret non moins salutaire, non moins attendu de votre justice, est celui qui frappe le banqueroutier frauduleux; d’un mot vous avés épuré les emplois publics, d’un mot vous avés élevé une barrière entre l’honnête homme et le fripon. Qu’il est consolant d’être pur, quand les vertus sont séparées du crime! Législateurs, la section des Piques, qui méprise les dominateurs comme elle chérit le patriote brûlant et moral, qui n’idolâtre pas plus les hommes, qu’elle n’épouse les partis, qui n’est SÉANCE DU 24 VENDÉMIAIRE AN III (15 OCTOBRE 1794) - N° 18 163 agitée que par la passion du bien, et dont les procès-verbaux constatent sa justice et sa haine pour les persécutions, vous dira pourtant qu’elle a contracté une habitude insuportable à beaucoup d’oreilles, c’est de parler contre l’aristocratie, contre les agitateurs, contre les alarmistes. Oui, législateurs, ces insectes voraces et perfides sont encore effrontés et veulent insulter aux sacrifices, à l’énergie, de ceux qui ont constamment soutenu la cause de la liberté. Mais que peut un vain frelonnement à côtés des principes étemels qui nous unissent, qui nous resserent avec les représentans du peuple, qui amalgament nos coeurs avec la patrie ! En pardonnant à l’erreur, vous frapperés les restes impurs des factions liberticides qui ont désolé la République, qui ont voulu obscurcir la justice des français des rayons vivifiants que vous vouliez répandre. Point de grâce à l’instrument vénal qui étouffe le cri de la conscience et de l’innocent, qui foule aux pieds la dignité de l’homme pour se vendre aux partis. Que les complices du triumvirat disparaissent. Mais que le père de famille trahi, injustement immolé aux vengeances particulières, voye se détendre les verrous de sa prison. Qu’il soit rendu aux consolations, au partage de nos succès. Union, concorde au milieu de vous, Législateurs, donnés l’exemple à vos commettants. Que les querelles particulières s’éteignent, que le flambeau de l’amitié, comme celui de la sagesse vous éclaire toujours. Mais un mouvement spontané frappe ici nos âmes ; chaque jour voit éclore une victoire mémorable remportée par nos républicains. Les despotes et leurs esclaves reculent saisis d’effroi à l’approche de nos frères, de nos enfans, et nous sommes les admirateurs muets de leurs triomphes et la distance ingrate qui nous sépare d’eux, comprime l’ivresse de notre reconnaissance, nous ne pouvons voler dans le transport de l’admiration et de l’allégresse offrir des palmes à l’héroïsme, eh bien législateurs, soyés souvent nos organes auprès de nos armées victorieuses, faites leur parvenir les cris touchants et sublimes de la sensibilité, de l’attendrissement, de la gratitude républicaine. Répétés leur, représentans, que nous chérissons, que nous partageons les lauriers qu’ils cueillent, que nous sommes jaloux de la gloire dont ils se couvrent, que nos bras leur prépare des embrassemens, comme les annales du monde proclament leur courage et la honte des tirans, que vainqueurs au dehors comme la Convention sera respectée au dedans, bientôt la terre de la liberté, purgée des brigands et des traîtres, sera le théâtre des vertus, l’azile du bonheur, de l’innocence, de la vérité, d’une paix glorieuse et durable. Moussard, président. Réponse du Président (35) : Les vrais amis du peuple savent que la voix de la vérité ne se fait jamais entendre en vain (35) Bull., 24 vend.; Débats, n" 754, 370. devant lui. Forte de cette opinion, la Convention nationale vient de proclamer les vérités fondamentales de l’ordre social. Elle a entendu avec satisfaction l’expression de vos sentimens ; elle aime à penser que, toujours gravés dans le coeur des habitans de la section des Piques, ils y seront inaltérables. La Convention nationale vous admet à sa séance. c [Les membres du tribunal du deuxième arrondissement de Paris à la Convention nationale ] (36) La voix des pères de la Patrie s’est faitte entendre, et le tribunal du deuxième arrondissement s’est empressé de venir se réunir autour d’eux. Ici est le point de réunion de tous les bons français, ici s’est faitte la journée du 9 thermidor; ici le monstre affreux de la tiran-nie doit rendre les derniers soupirs; qu’ils ne se flattent pas ces hommes altérés du sang de leurs frères, de nous ramener sous le joug honteux, dont nous venons d’être délivré, par votre courage ; le peuple et ses magistrats ont en horreur toute espèce de tirannie. Les français ne sont pas nés pour être esclaves, ce n’est pas pour ramper sous une verge de fer dirigée par quelques individus qu’ils ont fait la révolution; s’ils ont détruit, et chassé, tous les apôtres de la superstition, ce n’étoit pas pour voir changer leurs superbes palais en vastes prisons, oû toutes les familles dévoient être ensevelies. Enfin ils n’ont point rendu à la justice ses balances, pour quelle puisse frapper indistinctement, sans formes et sans motifs, toutes les classes de la société. Aujourd’huy un nouvel ordre s’établit malgré les efforts des intrigants, la liberté a repris son empire, c’est la justice, la sagesse, la raison, trop longtems insultés qui vont la diriger. Magistrats du Peuple, nous sentons mieux que personne que sans la justice les hommes ne peuvent être libres. Nous nous empressons donc, et comme magistrats, et comme citoyens, de renouveller ici le serment de ne suivre que les loix, de n’écouter de conseils, et de ne suivre de direction que de la Convention nationale seule, à qui le Peuple a confié le droit de sauver la Patrie. Vive la Convention nationale. Perdry, président. Le tribunal après avoir entendu la lecture de l’adresse de la Convention nationale au Peuple français ainsi que le discours cy-dessus que le président étoit chargé de rédiger, arrête que ledit discours sera transcrit sur les registres du tribunal et lu à la Convention na-(36) C 321, pl. 1347, p. 9. Bull., 26 vend.